Kino Frontera, « Twice Upon the Time », l’album intemporel d’un musicien élégant

mardi 30 septembre 2025, par Franco Onweb

Figure centrale de la scène marseillaise, Kino Frontera sort un nouvel album, « Twice Upon the Time », sur le label Closer. On pourrait penser que l’essentiel est dit avec cette phrase d’introduction mais ce serait bien peu pour présenter un des artistes les plus enthousiasmants de la scène marseillaise.

Son nouvel album est une pure merveille, naviguant dans un univers plus proche de Marc Bolan ou de David Bowie, période Glam Rock, « Twice Upon the Time », est aussi un hommage à la scène marseillaise puisqu’un grand nombre de ses « acteurs » ont participé à ce disque d’une rare élégance. Amoureux des riffs, merveilleux mélodiste, Kino Frontera sort un album intemporel qui va permettre de tenir cet hiver.

On s’est longuement parlé, en visio, avec Kino à la fin de l’été pour en savoir sur cet artiste majestueux et ce disque épatant. La suite est juste en dessous.

Peux-tu te présenter ?

Je suis quelqu’un qui fait de la musique depuis longtemps. Je suis passé par beaucoup d’instruments : guitare, basse, claviers… Je me considère plutôt comme un chanteur qui s’accompagne et qui compose des chansons. Je pense être resté fidèle à mon idée du rock et de la musique. Par exemple, je n’ai jamais fait de bals ou de trucs comme ça… La musique est trop importante pour moi pour en faire un truc alimentaire.

La musique est quelque chose de familial : ta mère était prof de piano et ton frère est musicien aussi.

Ma mère était effectivement prof de piano et mon frère a joué avec moi dans pas mal de groupes jusqu’à la fin des années 90. Puis il a joué pendant 10 ans dans Lady Godiva, qui est devenu les Belphegorz.

Kino Frontera
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Tu as joué avec beaucoup de groupes ?

Oui, mon premier vrai groupe s’appelait Sérail et j’avais fait avec eux la première partie de Starshooter à l’époque. Ça a duré un an ou deux et dans ce groupe il y avait deux futurs membres d’un groupe marseillais qui a beaucoup tourné : les Bootleggers ! Après ils ont fait un groupe de « Pub Rock » (Les Torpedoes) et moi, j’ai rejoint Party d’Athenes, un groupe de New Wave où j’étais à la basse fretless.

Ce sont quoi tes influences de base ?

Le Glam Rock, je suis né en 1958 et en 1972 j’avais 14 ans quand j’ai vu arriver T Rex, Bowie, Roxy Music…

T Rex est encore une énorme influence pour toi ?

Oh oui, je le pense… J’adore Bolan et Mick Ronson. J’ai aussi beaucoup écouté les Who et Led Zeppelin aussi. Je pense que je suis beaucoup moins Beatles et Stones que la plupart des autres musiciens de ma génération. J’avais 19 ans quand le punk est arrivé et j’ai adoré les Clash, les Sex Pistols ou les Damned !

Tu n’es pas très pub rock ?

J’aime bien aller voir des potes qui en font mais pour moi ça manque de mélodies et donc ce n’est pas vraiment mon truc.

Tu es marseillais et on vient de découvrir qu’il n’y a pas que du rap !

Il y a une énorme scène rock ici depuis très longtemps avec beaucoup de salles et de petites structures. Ce qui manque ce sont des structures un peu plus importantes et des salles un peu plus grosses. Il y a bien Lollipop (en tant que label) mais il est moins actif qu’avant et est dans un créneau plutôt punk-rock.

Pourquoi Marseille explose en ce moment ?

Marseille n’a jamais su se vendre ! Il y a plein de petits théâtres et de petites compagnies par exemple et bien peu de gens savent que ça existe. Même à Marseille les gens ne savent pas que cela existe, mis à part les gens qui y vont.

Mais il y a un public ?

Oui, mais c’est un public pour les petites salles, donc il n’est pas très important. On a eu un public quand on était jeunes dans les années soixante-dix. Après il y a eu un gros creux ; mais pas au niveau des musiciens parce qu’il y a toujours eu des gens qui ont joué du rock. Mais pendant 10 ou 15 ans il n’y avait pas de renouvellement du public. Depuis quelques années il est revenu. Avant je connaissais la majorité du public quand j’allais à un concert, mais dernièrement je me suis retrouvé dans un concert où je ne connaissais qu’une dizaine de personnes. Et c’est une bonne chose.

Est-ce qu’il n’a pas manqué un groupe « moteur » à Marseille ?

Probablement. Le seul groupe connu c’était Quartier Nord et ce n’est pas l’image « rock » que j’aurais eu envie de voir, le côté un peu rigolo avec ce gros accent. Ce sont de très bons musiciens mais pas vraiment ce que j’aurais souhaité comme locomotive. Il y a eu aussi Martin Dupont où les Cowboys from Outerspace, chacun dans leur style, qui étaient et sont de bons groupes mais qui n’ont pas vraiment connu un succès suffisant pour créer une vague…

Tu continues à jouer dans des groupes ou tu es uniquement dans une carrière solo ?

Jusqu’il y a peu je continuais. Mon dernier groupe, ce sont les Lemon Cars avec Michel des Cowboys. Mais ce n’était sans doute pas le bon groupe au bon moment, ça s’est éteint doucement et j’ai décidé de refaire un truc tout seul.

En concert
Crédit : Philippe Miquelle

Tu as sorti un EP et un album avec les Disques Tchoc et tu es sur pas mal de compilations du label. Ce besoin de faire des disques en solo, c’est parce que tu voulais vraiment faire ton truc à toi sans avoir à discuter avec d’autres musiciens ?

Ce n’est pas complètement ça, mais si tu regardes les deux précédents groupes dans lesquels j’ai joué, Jim Younger’s Spirit et Doc Vinegar, au départ, j’en ai fait partie parce que je chantais, je jouais de la guitare et pas mal d’autres trucs. Mais dans ces groupes, avec le temps, je trouvais que ma place se réduisait et je ne m’y retrouvais plus complètement.

Tu fais partie de ces musiciens qui se sont beaucoup mis au service des autres et qui à la fin n’y trouvaient plus leur compte ?

Il y a peut-être un peu de ça. Quand j’ai commencé à jouer avec ces groupes, je pensais pouvoir y faire ce que je faisais habituellement : jouer, chanter, composer. Mais c’était de moins en moins le cas. J’avais besoin de faire autre chose, notamment de jouer les morceaux que je composais.

C’est ton troisième album ?

Oui, mais le premier vraiment sérieux ! Le premier c’était un EP et le deuxième c’était un double mais qui était principalement composé de démos. Celui-là, c’est vraiment le premier album sérieux.

Tu as beaucoup de monde sur ton disque ?

Oui, parce qu’il y a beaucoup de gens que j’aime bien à Marseille et que chacun d’entre eux apporte son truc.

Tu l’as fait où ?

Dans un studio à Marseille : le Local 54 Studio. Il s‘appelle comme ça parce qu’il se trouve au 54 d’une rue et c’est Jearc, le boss du lieu, qui l’a réalisé.

Tu es un peu une figure centrale de la scène marseillaise et on a l’impression que si tous ces musiciens sont là c’est pour rendre un hommage à cette scène ?

J’aime assez l’idée qu’il y a une vraie scène à Marseille avec des vraies gens qui se parlent et font des choses ensemble. Pour ma part je suis très proche des gens de la scène qui sont de la même génération que moi, mais je suis aussi bien pote avec des musiciens plus jeunes, qui ont la trentaine, comme Jules de Parade, David de Flathead ou Shep des Lodi Gunz que j’aiment beaucoup. C’est important pour moi.

C’est donc un hommage à la scène marseillaise actuelle ?

En partie, il n’y a pas tout le monde. Il y a la place pour faire un deuxième album avec d’autres personnes. En fait ça s’est fait assez facilement parce que à chaque fois que j’ai demandé, tout le monde m’a répondu oui tout de suite.

Ton album s’appelle « Twice Upon the Time », pourquoi ce titre ?

Parce que j’aime bien l’idée que les choses peuvent recommencer, qu’il y a une deuxième fois. C’est quelque chose qui peut aller dans la musique mais aussi dans beaucoup de choses de la vie comme l’amour ou les rapports entre les gens. Le jour où j’ai trouvé ce titre, c’était vraiment ça ! Par exemple le premier album c’étaient des démos et certaines chansons de ce nouvel album étaient déjà là. Je les ai repris comme pour leur donner une nouvelle chance.

Ce ne sont pas des morceaux récents ?

Non, les plus récents ont trois ans et les plus anciens six ans.

Sur ton disque, tu as mis une guitare en avant qui est très claire et surtout tu as beaucoup de riffs.

(Rires) La guitare c’est la mienne ! Bon c’est vrai je travaille les riffs en premier et les mélodies viennent après. C’est une technique un peu oubliée.

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Tu as aussi beaucoup de mélodies qui sont très bien servies par la production comme « Follow me homme » avec une mélodie qui arrive derrière. Ce sont vraiment des arrangements qui rappellent Marc Bolan !

Tant mieux si ça te fait penser à ce genre de musique (rires).

Avec ce style et la photo de la pochette, il se dégage du disque une grande élégance.

C’était un peu notre volonté avec Jearc. C’est du rock mais pas du Garage ou du Pub Rock.

Pourtant tu viens d’une scène où ce style est présent et tu sors ton disque chez Closer qui est aussi un label qui apprécie ces deux « genres ».

Je ne fais pas la même musique que les autres groupes du label, c’est moins « marqué » même si ça reste du rock !

Ils parlent de quoi tes textes ?

« At Last » parle de ce que l’on est prêt à faire pour ses enfants, de ce qu’ils représentent « J&L » qui est une balade qui parle de deux personnes, la fille avec qui je vivais et mon meilleur pote qui sont morts à deux mois d’intervalle à trente ans. Ce sont souvent des histoires d’amour désespérées et désespérantes.

Tu ne chantes pas en français ?

Je l’ai fait plus jeune, mais je pense que cela ne va pas à toutes les musiques. J’aime des textes en français comme, par exemple les textes de Jad Wio mais je ne pense pas que cela colle avec la musique que je fais.

Tu ne penses pas que l’on a du mal à faire bien sonner le rock français parce qu’on a cet héritage de la chanson française ?

Je pense qu’il y a des personnes qui y arrivent. Je considère que tu peux chanter en français quand tu ne fais pas la même musique que les Anglais. J’aime bien Nino Ferrer, Jad Wio et même Marquis de Sade, à un moment, mais je n’ai pas l’impression qu’ils font de la musique anglaise ou américaine. Ils ont emprunté des choses au rock. La langue française ne convient pas à la musique que j’ai envie d’entendre. Si tu prends mon deuxième album, celui avec les démos, j’ai un morceau en français parce que la musique s’y prêtait. J’ai essayé de le faire en anglais mais cela ne convenait pas, ça ne sortait pas. J’ai fini par faire un texte en français et là ça collait bien. Je n’ai pas de problème avec le français puisque j’écris aussi (modestement) des livres. La langue ne me rebute pas ! La musique que je ressens n’est juste pas en français.

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On peut dater ton disque avec la photo de la pochette, mais musicalement tu es un peu intemporel. Tu n’as pas essayé de faire à la manière de.

Je prends ça pour un compliment, je suis content si c’est ça !

Tu te promènes entre le rock et les ballades et parfois tu as même un côté Stooges.

Je suis très fan d’Iggy !

Tu ne serais pas fan des écrivains romantiques ?

Je suis un grand admirateur de Chateaubriand et j’ai beaucoup aimé la vague Néo-Romantique dans les années 80. J’ai apprécié des groupes comme Ultravox, la première période, ou Adam Ant dont je suis fan avec ses côtés Glam, punk et bien barré !

C’était une volonté de ta part de mettre cette guitare en avant qui sonne semi -acoustique ?

Il y a pas mal d’acoustique dans le disque. Nous avons essayé de mettre en avant l’acoustique avec l’électrique.

Tu as cherché un son très clair et mélodique !

Je ne le cherchais pas, je pense qu’il était tout ce temps-là, dans mes influences, ce mélange de guitare claire et saturée.

Il y a aussi peu de claviers sur ton disque ?

Il y en a mais on aurait peut-être dû mixer le piano un peu plus fort. Sur le vinyle le piano ressort mieux que sur le CD.

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Tu composes à la guitare ?

Oui, donc le piano vient après.

Tu vas pouvoir le faire sur scène en acoustique si tu le désires ?

Je le pourrais mais dans l’idée j’ai monté un groupe pour le jouer.

Ton disque sort chez Closer, ça te fait quoi de sortir sur un label aussi mythique ?

En fait je ne pensais pas que ça intéresserait Closer. Mais comme je connais Philippe Débris depuis une dizaine d’années, j’ai d’abord voulu lui faire écouter pour qu’il me conseille dans la recherche d’un label. Je lui ai envoyé les morceaux et le lendemain il m’a rappelé pour me dire qu’il aimait beaucoup le disque et qu’il voulait le sortir. J’en suis plutôt fier !

Ça va se passer comment sur scène ?

J’ai la section rythmique de l’album qui sera avec moi sur scène, Jean Philippe Méresse à la batterie et Robert Lanfranca à la basse. Il y aura Paul du No Jazz Quartet à la guitare et Lolé, le clavier qui est sur le disque. Il y aura aussi Ivo qui joue avec Picnic Republic qui fera des claviers et des guitares. Pour l’instant, on est sur la « Release Party » le 2 octobre au Molotov à Marseille et on a une date à Rognac en février. On cherche des concerts en ce moment. On a aussi un showcase à Lollipop, le lendemain de la Release, où on va jouer différemment. Il y aura deux guitaristes et moi. Ce sera une version acoustique.

Tu vas faire des reprises sur scène ?

J’en ai fait des tonnes ! Je ne m’interdis pas d’en faire, dans un second temps, mais on va d’abord jouer l’album. Pour les reprises, j’ai encore un projet acoustique avec une chanteuse (Béa Paradis) où on reprend du Bowie (Acoustic Oddity).

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Tu es plus groupe anglais qu’américain ?

Il y a des Américains que j’adore comme Lou Reed, Iggy ou la scène New Yorkaise ; en revanche je n’aime pas vraiment l’Americana, le côté Springsteen ou le rock FM

Tu n’as pas le côté politique que d’autres ont ?

J’ai très souvent des positions politiques assez tranchées, mais ça va plutôt être dans des post Facebook ou d’autres écrits ; pas du tout dans ma musique, en tout cas, jamais au premier degré.

On peut s’attendre à un nouvel album assez vite ?

On a commencé à regarder ce que j’avais de côté, et si, avec celui-ci, tout se passe normalement, on va enchainer avec un deuxième.

Tu vas jouer un peu partout ?

On cherche des dates ailleurs qu’à Marseille, mais il faut trouver les salles et quelqu’un pour organiser. D’ailleurs s’il y a des programmateurs ou des tourneurs qui nous lisent… Ce n’est pas forcément ce que je fais le mieux. Mais l’envie est là et nous sommes dispos pour bouger.

Tu as des projets littéraires ?

J’ai des écrits en cours mais pour l’instant j’ai laissé ça un peu de côté.

Tu as eu de bons retours ?

Oui, on a quelques radios notamment dans la région. On vient de lancer la promo.

Le mot de la fin !

Achetez le disque et allez voir nos clips !

Quel disque tu donnerais à un enfant pour l’emmener vers la musique ?

Je lui donnerais « Hunky Dory » de David Bowie

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