Vous avez sorti votre dernier disque en 2022, que s’est-il passé depuis ?
Oui c’était un maxi cinq titres. On a défendu cet EP sur la route. On sortait du Covid et on avait à cœur de jouer. Notre batteur de l’époque est parti pour de nouvelles aventures quelques temps après l’enregistrement. On a recontacté un batteur, Vince, qui avait auditionné pour nous il y a une quinzaine d’années. A l’époque il n’était pas resté avec nous car il était dans un groupe qui tournait beaucoup et son emploi du temps n’était pas compatible avec notre calendrier. C’est un super mec mais surtout un immense batteur qui nous a propulsé encore plus loin.
Vous êtes ensemble depuis les années 90. Ce n’est pas compliqué de rentrer dans un groupe où les musiciens se connaissent parfaitement depuis longtemps ?
Il faudrait lui poser la question mais Vince est quelqu’un qui a pas mal roulé sa bosse. Il a mis du temps à émettre ses choix malgré le fait de lui avoir dit très tôt qu’il faisait partie intégrante du groupe. Ce qui a vraiment été le déclencheur, c’est d’avoir écrit et enregistré le nouvel album avec nous. A son arrivée, il défendait des morceaux écrits par d’autres alors que là, ce sont des morceaux auxquels il a participé.
Vous avez beaucoup joué en trois ans ?
On a pas mal joué. On a dû faire 80 concerts. On est allé en Norvège plusieurs fois ; c’est notre deuxième terre d’accueil avec la Belgique et la Hollande. On a développé un réseau là-bas et ça se passe plutôt bien. On a fait de belles dates avec de beaux festivals. On est aussi allé en Roumanie, en Suisse, au Portugal ainsi qu’en Belgique et en Hollande bien sûr !
Vous avez joué à Paris ?
On n’a pas joué à Paris depuis notre soirée pour les 20 ans du groupe : c’était le concert à la Boule Noire. Cela ne s’est pas encore refait, principalement pour des raisons économiques, de temps et d’énergie. Mais il faut qu’on le refasse !
Vous sortez un nouvel album « Pinball Boomers », un titre qui vous va très bien. Vous l’avez fait où et avec qui ?
On l’a enregistré avec un producteur Gallois, Nick Brine ; un type avec un énorme CV. Il a commencé à l’âge de 15 ans comme assistant au Rockfield Studio. Il a assisté à pleins de sessions. Il s’est retrouvé à faire, notamment, les premiers enregistrements d’Oasis et des Stones Roses, pour ne citer qu’eux.
Vous avez enregistré à la Boite à Meuh, qui est votre deuxième maison, mais aussi en Espagne.
Oui, parce que Nick est installé en Espagne. C’est la première fois que l’on a pris du temps pour faire les voix. D’habitude, on faisait toujours ça un peu… rapidement ! Là, on a pris du temps dans un studio Espagnol : Orbita Sonora.
Vous avez masterisé au Rockfield Studio ?
Malheureusement, on n’était pas présents ! C’est Nick qui a voulu aller là-bas !
C’est votre neuvième album, est-ce que pour le dixième vous allez vous produire vous-même ?
Non, ce serait trop compliqué. On sait enregistrer mais pas produire. Faire sonner un album, c’est vraiment autre chose. Il y a des choix artistiques à faire pour la production et nous, on ne sait pas les faire. Enregistrer des morceaux et faire un bon mix avec de bonnes idées de production, ce sont 2 boulots bien différents.
Vous composez toujours la musique et votre parolier habituel, Laurent Bourdier, a fait les textes. Tu n’as toujours pas envie d’écrire les textes ?
Les textes viennent souvent de mes idées : un refrain, une thématique…. Mais pour écrire des textes qui tiennent la route, il faut être bilingue et je ne le suis pas. Laurent, lui, l’est ! Et je me sens à l’aise avec le costard qu’il me taille à chaque fois.
Les textes sont de plus en plus engagés. Pas dans la politique mais dans le sociétal !
Tu as parfaitement résumé ! On ne fait pas de politique au sens premier du terme mais quand je vois ce qui se passe, on peut être inquiet de ce que cela va donner pour nos enfants et nos petits-enfants. On ne sera pas là pour voir la fin mais c’est inquiétant. Un morceau comme « Better Life », je l’introduis toujours en disant qu’il faudrait déjà que l’on soit plus « friendly » avec notre environnement proche. Ça commence déjà par ça, au quotidien, juste autour de nous, en faisant preuve de plus de bienveillance envers nos voisins …
« Better Life » est justement du pur Shaggy dogs mais vous l’avez mis à la fin !
Pourquoi ? Juste pour clôturer ! On attend tous une vie meilleure. Il faut que l’on agisse. C’est un beau mot de la fin. On s’est pris la tête pour l’ordre et on ne voulait pas commencer le disque avec du pur Shaggy Dogs.
Pourquoi vous l’avez appelé « Pinball Boomers » ?
C’est Toma (le bassiste, NDLR) qui a trouvé le titre. On est des « Boomers », surtout les autres (rires). Et « Pinball » parce que le flipper, c’est Rock’n Roll. Il y a un texte « Talk to Fast » qui dit que l’on vit sa vie comme une boule de flipper, un peu comme Corynne Charby (rires). C’est un hommage (rires). C’est un nom qui claque et qui a aussitôt inspiré notre graphiste.
Vous avez commencé avec un Tribute à Dr Feelgood et aujourd’hui, vous avez beaucoup évolué musicalement : vous n’êtes plus un groupe de Pub Rock, même si sur l’album il y a un hommage à Lee Brillaux (chanteur de Dr Feelgood NDLR).
Tu as raison : on n’est plus un groupe de Pub-Rock !
Votre bio dit que vous êtes proches du J Geils Band avec les cuivres mais moi, vous m’avez fait penser à Southside Johnny !
Je suis totalement d’accord ! On ne l’a pas mis dans la bio mais c’est évident qu’il est très présent dans cet album.
Ta voix qui est de plus en plus grave avec une autre ampleur. Parfois, tu as même un côté « Spanish Harlem » qui rappelle Mink de Ville.
Ça me va ! Mais oui, je le redis, on n’est plus un groupe de Pub Rock au sens originel, même si les fans de cette scène s’y retrouvent quand ils nous voient en live. Il faut bien comprendre que Dr Feelgood, ils ont tout écrit dans le style.
Justement vous n’avez pas voulu vous enfermer dans ce style.
Oui, c’est vrai mais on a la chance, ou la malchance selon certains, de ne pas vivre de notre musique et on a le choix de faire ce qu’on veut. Dans le groupe, on écoute beaucoup de choses diverses et variées. L’arrivée de Vince, le batteur, a également musclé notre son. Sur ce disque, il y a huit titres qui ont été joués en live avant de rentrer en studio. C’est une première pour nous. Avant, c’était un ou deux titres qui étaient joués en concert, pas plus ! Cela n’a pas la même maturité. Quand je réécoute parfois nos anciens titres, je remarque que nos morceaux ne sont plus joués de la même manière aujourd’hui sur scène. Ils ont mûri.
Quand j’écoute le disque, je trouve de la Soul, notamment avec ces cuivres.
Tout à fait ! Et ça ne me déplait pas du tout que tu me le dises, et à personne dans le groupe d’ailleurs !
Sur « We Could Have Been To China » avec cet orgue, on dirait presque les Animals !
Peut-être (rires) ? Même si ce n’est pas un groupe que l’on écoute beaucoup !
Vous m’avez fait penser à Paul Weller, qui a commencé avec les Jam avec des reprises de Dr Feelgood et qui a fait évoluer sa musique vers la Soul !
J’aime beaucoup le personnage. J’ai beaucoup écouté les Jam mais pour moi, Paul Weller est surtout un grand auteur qui a écrit des textes, notamment sociétaux, incroyables. J’adore aussi sa musique. Je dois préciser aussi que l’on vieillit et que jouer à 100 à l’heure comme Feelgood en 76 ou 77, ce n’est plus toujours simple (rires). Être toujours dans l’énergie, c’est compliqué, même si avant j’étais comme ça. Maintenant, nous sommes plus excités par cette pulsion Rythm’n’Soul.
Est-ce que vous allez aller vers cette dynamique Soul ou alors revenir à Feelgood ?
Moi, je n’ai pas envie de revenir en arrière. On va rester sur ce que l’on fait aujourd’hui et dérouler la pelote.
Ça se passe comment sur scène ?
On a des cuivres à présent ! Quand on a enregistré le disque avec les cuivres anglais, on s’est dit qu’il nous en faudrait sur scène. Sur les précédents albums, on avait enregistré avec un pianiste anglais car nous n’avions pas de pianiste dans le groupe. Un jour, on a fait rentrer Ben (pianiste du groupe, NDLR) qui est devenu le cinquième élément pour venir défendre en live l’album « Bababoomba ». J’ai voulu avoir des cuivres sur scène. On a essayé sur une paire de concerts et aussitôt, la magie a opéré. Mis à part des dates à l’étranger, où nous n’avons pas toujours le budget pour les faire venir, ils sont présents sur toutes les dates. On les appelle les « Horns Schuffle Demons ». On a un saxo et un trombone sur scène.
C’est qui ces deux musiciens ?
Deux musiciens très performants mais qui n’ont pas vraiment sévi dans notre genre. Le saxo, Nico, a fait pas mal de groupes de funk auparavant. Le trombone, Freddy, a lui aussi fait beaucoup de choses différentes. Ce sont surtout deux types qui se connaissent très bien et qui sont rentrés très vite dans notre univers. En plus, ce sont des musiciens qui connaissent parfaitement le solfège. On a enfin de vrais musiciens dans les Shaggy Dogs (rires). Le saxo a carrément écrit les arrangements de 15 morceaux que l’on joue sur scène, issus de nos précédents albums. Tout le monde s’est pris une claque avec eux sur scène. Ça amène une vraie couleur.
La comparaison avec le J Geils Band et Southside Johnny va être encore plus importante ?
Je ne sais pas. C’est surtout le public et ceux qui vont nous écouter qui le diront. Ça ne nous appartient plus.
Est-ce que l’on entendra un jour les Shaggy Dogs en Français ?
(Rires) Tu n’es pas fatigué de cette question (rires) ? Pour être honnête, je n’en sais rien ; pour l’instant c’est non !
Vous ne vous sentez pas un peu « isolés » en France, surtout avec ces cuivres qui vous amènent vers ce son plus rythm’n soul ?
Non. Il y a d’autres groupes, par exemple les Supers Soul Brothers ou Freddy Miller. Il y a aussi Killdozers qui vient de se reformer. Nous, on a peut-être en plus, une diversité de couleurs dans le set. Je ne me sens pas seul, et les autres non plus je pense. Il y a d’autres groupes plus jeunes qui font cette musique-là. En tout cas, à chaque fois qu’on s’est retrouvé avec des jeunes, ça l’a fait : on ne laisse personne insensible et ça me fait plaisir.
On parle de ta voix : tu l’as beaucoup travaillée, notamment sur « My Baby Left Me In The Fog » ?
Nick m’a fait énormément travailler. Il n’a rien lâché. Les autres producteurs m’avaient aussi beaucoup fait travailler mais là, j’ai eu deux jours complets rien que pour moi. Cela ne m’était jamais arrivé. Avant, j’avais juste une journée. Il m’a beaucoup fait travailler sur le côté rythmique. Il m’a poussé. Avant, j’étais un peu « bourrin ». J’envoyais tout, tout de suite. Mais là, il a notamment fallu que je fasse plus attention à mon phrasé, ce genre de choses. Cela se ressent sur des morceaux comme « Wild Car » ou « My Baby Left Me ». C’est Nick qui m’a drivé et poussé quand il le fallait.
Tu voulais aller vers ce côté plus crooner ?
Oui, même si je n’ai pas la voix d’un crooner ! Je suis un fan de Bill Hurley (chanteur des Inmates, NDLR) qui est le crooner du Pub Rock.
Vous allez enfin sortir un live ?
On y pense de plus en plus. Avec les cuivres, ce serait incroyable. Peut-être l’année prochaine ?
Quels sont vos projets ?
Un nouveau clip et on va jouer au Danemark et en Croatie, deux pays où nous ne sommes jamais allés ! On va continuer à jouer partout où on peut. On jouait beaucoup sur la scène Blues et cet été, on va faire des festivals rock. On a vraiment envie d’aller dans cette direction.
Pourtant vous faites aussi des festivals de Blues ?
Oui, nous sommes la caution fiesta Blues’n’Roll des festivals de blues.
Qu’est-ce qui vous manque pour passer à un stade supérieur avec votre musique ?
Des rencontres et la possibilité d’avoir plus de temps pour gérer les choses. Aujourd’hui, c’est moi qui porte quasiment tout dans le groupe et je suis vraiment fatigué, avec mes autres activités quotidiennes… Ce n’est pas toujours simple mais j’aime avant tout faire de la musique avec mes potes !
Le mot de la fin !
Merci pour l’interview : toujours un vrai plaisir d’échanger avec quelqu’un qui prépare son sujet ! Ah et j’allais oublier : notre disque sortira aussi en vinyle Picture Disc.
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