Pouvez-vous présenter le groupe ?
Henri : Je suis Henri, le chanteur des Batmen. Je suis originaire de Marseille où je chante dans des groupes depuis les années soixante. J’ai vu Gene Vincent en 1963 au « Gymnase » à Marseille et à la suite de ça j’ai commencé à collectionner les disques. J’étais encore au lycée et puis ça a été mon premier groupe « Eddy Morgan et les Spectres ». En 1966 j’ai fait la première partie des Rolling Stones à la salle Vallier. C’est le concert mythique où Mick Jagger a reçu un barreau de chaise dans l’œil… Il y avait aussi les Problèmes qui ont fait un super concert !
Tu étais avec quel groupe ?
H : Les Why Not ! A la suite de ça on a joué dans toute la région. Ça marchait très bien ! On a gagné le tremplin du Golf Drouot, j’ai même le diplôme ! J’ai fréquenté le Rock’n’ Roll Circus (célèbre club parisien, NDLR) où j’ai croisé Michel Polnareff. J’avais un nouveau groupe qui s’appelait « Expression » à cette époque. On avait eu un article dans Rock’n’ Folk.
Tu as fait combien de groupes ?
H : Pas mal mais à chaque fois c’était un noyau autour de André Thus aux claviers et moi au chant. Les musiciens tournaient autour de nous. A cette époque-là il y avait beaucoup de musiciens excellents à la Seyne sur Mer. Après j’ai fait « Aquarius ». On a fait un 45t qui s’est bien vendu et qui a été produit par Franck Fernandel, le fils de l’acteur. Il y a un clip sur internet avec le titre « Magic Castle ». Après j’ai joué avec les Bootleggers.
Daniel Sani : C’est un groupe très important pour Marseille, c’est comme ça que j’ai rencontré Henri en 1982.
H : On a fait la première partie de Bo Diddley au Flipper, une super salle de Marseille.
Marseille a longtemps eu une réputation de ne pas avoir du rock, juste du Rap, Reggae ou du Ragga. Pourtant à t’écouter, il y a toujours eu du rock à Marseille ?
H : Oui, il y a même des livres qui ont été écrits dessus.
Comment se fondent les Batmen ?
H : J’ai ensuite fait « les Spyders From Marseille » et un jour, à Lollipop, j’ai participé à un Tribute au Velvet, enregistré par Daniel pour un live sorti chez les Disques Tchoc. Ensuite, on a participé à une autre complilation de chansons pour Noël, toujours concue par Daniel.
D : On se connaissait avant mais là c’était vraiment la première fois que l’on enregistrait et jouait ensemble. Sur les deux titres des "Spyders" de la compil Noël, j’ai fait la basse. Ensuite pour la compilation Tchoc suivante ayant pour thème l’été, on a fait un truc tous les deux, une version de « Sealed with the kiss ». Il a fallu un nom et on a choisi ce nom : Batmen !
Pourquoi ce nom ? En plus il y avait déjà un groupe qui s’appelait Batmen !
H : Je ne le savais pas. J’aimais bien ce nom, je trouvais ça chouette avec la série des années soixante.
D : Ce qui est drôle c’est que Roberto, le chanteur des Batmen, a participé à une de nos compilations sur le cinéma il y a un an, avec son groupe « Petit Soleil ». Ensuite ils sont venus à Marseille faire un show case. On a sympathisé et j’ai même participé à quelques concerts de « Petit Soleil » comme bassiste, puisqu’il leur en manquait un !
Pouvez-vous nous présenter les deux autres membres du groupe ?
D : Il y a Fred Vaillant, le bassiste, que je connais depuis longtemps : on jouait ensemble dans les Mockers dans les années 90. Jean Michel Gambino à la batterie, je le connais depuis moins longtemps. C’est un musicien qui avait fabriqué un studio d’enregistrement dans un garage à Marseille, et finalement c’est devenu le studio des Disques Tchoc, où on enregistre et on répète.
Pourquoi que des reprises ?
H : Ça m’a toujours plu de faire des reprises ! Je n’ai pas vraiment la fibre pour composer et écrire des paroles. J’ai essayé mais ce n’était pas concluant.
Pourtant Daniel est assez prolixe…
D (rires) : Il n’a pas confiance : il pense que je fais de la merde (rires). Il n’a jamais osé me le dire ….
Vous n’avez pas peur de vous faire traiter de « groupe de Baloche » ?
H : Non, non… On a un répertoire plutôt pointu et je ne connais pas de groupes de baloche qui reprennent les Yardbirds !
D : Ce n’est pas bien de se moquer de nous (rires).
En écoutant votre disque on voit que le morceau le plus récent est Lou Reed avec « Waiting for my man » qu’il fait avec le Velvet en 1967. Vous ne reprenez pas un morceau des 70’s ?
H : La musique que j’aime s’arrête à la fin des années 60 ! Je suis aussi fan absolu de Bob Dylan dont on reprend 2 balades.
Il n’y a en plus, aucun morceau en Français ?
D : Personnellement, j’adore le répertoire des Batmen, mais à titre personnel je préfère chanter en Français. Je trouve que c’est un vrai défi et en plus j’ai un accent pourri en anglais. C’est une approche personnelle ! On en a déjà parlé avec Henri : il préfère chanter le rock en anglais ! Et il le fait bien !!!
H : Et je suis fan des groupes que l’on reprend.
Les titres que vous reprenez montrent vraiment que vous êtes un groupe de rock.
D : Moi je serais plutôt rythm’n blues que rock’n’roll, et surtout résolument 60’s
C’est vrai que sur le disque vous ne vous attaquez pas à des reprises un peu « obligatoires » comme les Beatles ou les Stones, des morceaux un peu plus « mainstream ». Vous ne faites que des morceaux pas évident…
H : On reprend les Stones indirectement avec « Little red roosters », "Not fade away", I’m a king bee", …
D : C’est la période des Stones que je préfère : les premiers albums.
H : Je suis un grand fan de Brian Jones ! Il était à fond dans les grands bluesmen que j’adore… et que nous reprenons.
D : Pour les Beatles, j’ai toujours de l’appréhension à les jouer. Pour moi c’est un peu le Graal et je n’ai peur de ne pas être à la hauteur.
Vous avez combien de morceaux que vous pouvez jouer ?
H : Une cinquantaine
Et vous en remettez régulièrement ?
D : Henri nous fait des propositions, on essaye et on en rajoute.
H : On vient de rajouter une balade de Hank Williams ! Je tiens à dire que j’adore les balades.
C’est votre premier disque ?
H : Non, le troisième. Le premier était un cinq titres et il avait eu une chronique dithyrambique dans Rock’n Folk. On l’avait fait tous les deux et je l’aime beaucoup.
D : On avait fait « Peggy Sue » et je l’avais fait tourner Beat, un peu comme si elle avait été enregistrée en 1965. J’avais vraiment essayé de la faire différente de l’original. Je ne vois pas l’intérêt de faire des reprises comme les originaux. On ne les fera jamais aussi bien. On a agi comme ça pour le premier. Pour le deuxième album on avait encore un peu cette approche du premier mais il y avait des morceaux que nous avons enregistrés avec Jean Michel et Fred, et qu’on avait l’habitude de jouer sur scène. Ceux là étaient plus proches des originaux. Et ensuite, quand nous avons fait ce live : c’était vraiment pour montrer ce que nous faisons sur scène. Le rendu est parfait !
Vous m’avez beaucoup fait penser à Doctor Feelgood et Eddie and the Hot Road, des groupes de pub rock !
D : Ce sont des groupes que j’adore ! On vient de jouer dans un pub et franchement, là, on s’éclate ! Pour moi les Batmen, c’est un groupe pour des mecs qui boivent de la bière dans un bar.
H : C’est ça !
Pourquoi faire un Live ?
D : C’est compliqué de faire un « Live », surtout techniquement ! Quand on a joué au LAM (Leda Atomica Musique), Jearc, qui est un mec super, nous a proposé d’enregistrer le concert en multipistes. On a trouvé la prise bien. Je l’ai mixé et voilà. C’est l’occasion qui s’est présentée et on l’a fait.
H : Un live en plus c’est stressant à enregistrer. Mais c’était un très bon concert.
Vous avez fait votre live au Leda Atomica Musique !
D : C’est l’ancien lieu de Leda Atomica, un groupe artistique historique marseillais, qui avait crée ce lieu. Le lieu a réouvert il y a quelques années, et c’est un peu la suite du groupe. A l’époque, cette salle leur permettait de faire plusieurs activités artistiques. C’est une super salle où tu peux enregistrer en live dans de supers conditions, grâce à Jearc
Vous avez fait combien de concerts ?
D : Une quinzaine depuis deux ans.
H : Pour jouer plus, il nous faudrait un tourneur. C’est compliqué de démarcher. C’est un boulot à plein temps.
D : C’est une vraie organisation et ça, personne ne le fait pour nous. Nous bien sûr, on préfère jouer et chanter ! On a fait une super date à l’Alcazar dans le cadre d’une exposition. C’est la salle mythique de Marseille. C’était pour une exposition sur le rock à Marseille, organisée par le Robert Rossi, le chanteur de « Quartier Nord ». C’était payé par la Mairie et on a eu des conditions de concert, et de cachets optimaux. En même temps quand je vois les salles à Paris ou ailleurs, à Marseille on n’a pas à se plaindre.
Vous n’avez joué qu’à Marseille ?
H : Oui
Daniel, c’est ton combientième groupe ?
D : Je n’en ai pas beaucoup en ce moment, juste cinq en activité (rires).
Tu places où les Batmen dans ta hiérarchie de groupe ?
D : Je n’ai pas de hiérarchie. Quand j’ai programmé l’année au O’Malley (un pub à Marseille) j’avais mis tous mes groupes. Ce qu’il y a de bien, c’est que chaque groupe m’apporte quelque chose de différent. Pour moi les Batmen, c’est le groupe le plus Rock’n Roll dans lequel je joue. Ce n’est pas aussi personnel que le projet que j’ai avec Thoury où je suis plus créatif, mais j’adore ce qu’on fait avec Batmen
Mais n’est-ce pas un groupe de fans pour fans ?
H : Ça me va très bien !
D : Ce serait super si des gens se mettaient au Rock’n Roll après avoir écouté les Batmen. Bon, soyons réaliste ça n’arrivera pas (rires).
H : Moi, il y a un truc qui me fait plaisir, c’est quand on joue quelque part, qu’il y a un groupe de cinq ou six jeunes, de 18 ou 20 ans, et tu sens que cela les agrippe. Cela me remplit de joie…
D : C’est arrivé jeudi dernier : des gens qui ne connaissaient pas le répertoire et qui accrochent. Ce sont des morceaux évidents, pas forcément connus mais qui font plaisir à tout le monde… ou presque (rires) !
H : Ce sont des morceaux universels !
Mais c’est un presque un manuel pour découvrir le rock. Vous avez un côté pédagogique avec beaucoup de classe.
D : Tant mieux, j’adore jouer ces reprises.
H : C’est aussi un répertoire que j’adore !
Vous chanterez un jour en Français ?
H : Je pourrais faire un truc décalé. J’adore « La plus belle pour aller danser » de Sylvie Vartan. C’est presque une « madeleine de Proust » pour moi. Mais je ne suis pas forcément à l’aise avec le français et puis quand j’ai découvert la musique vers 11 ou 12 ans, j’ai toujours écouté le répertoire en anglais, que nous reprenons avec le groupe.
N’est-ce pas un peu triste que à vos âges vous soyez obligé de défendre cette culture et ce répertoire. Parce que le fondement de la culture moderne, il est là !
D : Oui, oui… Batmen jouent des covers de cette époque. Mais on a souvent joué devant des jeunes de 30 ans et ça s’est bien passé.
Mais il y a un manque de renouvellement ?
H : Peut-être, mais moi-même si ce que je préfère c’est le rock des sixties, je ne suis pas resté bloqué sur cette époque ! J’écoute beaucoup « d’Americana » par exemple !
C’est quoi vos projets ?
D : De continuer à jouer, de préparer un nouvel album… la routine quoi ! On va essayer de participer à une nouvelle compilation des disques Tchoc sur les séries télés.
H : On joue moins que certains mais on fait plus de disques (rires) !
Vous allez sortir de Marseille ?
H : J’aimerais bien !
D : On reste dans le circuit marseillais mais comme on n’a pas de tourneur c’est compliqué.
Vous pouvez aller jouer à Paris ?
H : Ça me plairait bien !
D : Jouer à Paris ce serait super mais les conditions financières seraient compliquées, comme à chaque fois….
Vous pourriez faire les soirées sixties ?
D : Je ne sais pas… On a les mêmes racines que les gens dans ces soirées mais on restera sur du Rock !
Henri, pourquoi tu ne reprends pas tes anciens groupes comme les Why Not ou Aquarius ?
H : Je n’y ai jamais pensé… En fait c’est un projet de passion !
Mais vous avez aussi un rôle de passeur ?
H : Ça me va bien !
D : Bien sûr, même si cela a un côté prétentieux.
H : Au dernier concert, une fille de 18 ans a pris la photo de la « set list » avec son portable. Cela m’a fait plaisir : elle va remonter la pelote et c’est un peu le but de ce groupe.
Henri, quel disque donnerais-tu à un enfant pour l’emmener vers la musique ?
H : C’est une bonne question ! Je penserais au premier album des Beatles ou le premier album de Bill Haley avec « Rock around the clock ». Il y a un côté entraînant … et fondateur !