L’Homme Bleu de retour avec « Dark Matter » avec un disque indispensable

jeudi 12 juin 2025, par Franco Onweb

Et voici, enfin, le retour de l’Homme Bleu ! Deux ans après un premier album fascinant, Nazim Mokhnachi revient avec « Dark Matter », un disque splendide rempli de chansons et de mélodies épatantes. La première surprise de cet opus est venue des textes, tous en anglais, mais aussi, et surtout, d’une ouverture musicale puisque l’Homme Bleu a décidé de quitter les rivages anglais pour nous emmener vers des sons et des ambiances plus américaines. Un disque donc impeccable qui me fait écrire encore une fois que cet homme est grand !

« Dark matter » pourrait être le disque que Nazim a toujours voulu enregistrer depuis ses débuts avec les « Blue Valentines », son premier groupe qui est encore dans les mémoires. Comme une, bonne, nouvelle n’arrive jamais seule, il faut noter sur le disque la présence de Tom Verlaine, l’ex-leader de Television, qui a offert à Nazim ses derniers enregistrements.

Bref, foncez sur ce « Dark Matter » qui fera date et qui me permettra de passer un bon été. Vous voulez en savoir plus, cela se passe juste en dessous !

Il y a deux ans tu sortais un premier album sous le nom de l’Homme Bleu « le bal des Crocodiles », que s’est-il passé ensuite ?

On a joué l’album sur scène. Il a eu de bonnes chroniques, des passages radios, pas assez à mon goût mais c’est compliqué quand tu es un artiste indépendant. C’est devenu un monde anarchique, compliqué… Je me suis vite remis à la composition et cela a donné ce nouvel album en anglais.

L’Homme Bleu
Crédit : Franck Loriou

Pourquoi passer de textes en français à l’anglais ?

J’ai écrit mes premières chansons en anglais quand j’étais adolescent. J’ai grandi dans un milieu bilingue par la culture que j’ai épousée. J’ai fait des études d’anglais. J’ai souvent été là-bas. J’ai toujours « baigné » dans cet univers par mon travail mais aussi parce que j’adore cette langue. J’aime la musique, le cinéma, la littérature ou la poésie anglaise… Comme je suis dans un monde bilingue, j’avais des chansons en anglais et donc j’avais envie de revenir à mes premières amours.

Est-ce que le fait de passer de l’anglais au français, n’était pas une forme de pudeur, de te cacher… ?

(Silence) Un peu aussi… C’est une langue qui peut dire beaucoup de choses quand tu vis dans un pays francophone. Tu as peut-être touché dans le mille (sourire). C’est aussi un moyen d’être compris que par des gens qui comprennent cette langue, et encore… Il y a beaucoup de finesse dans les textes qui peuvent avoir plusieurs sens.

Ton frère s’occupe du label « Teenage Kicks Production » qui sort tes disques, ton autre frère sort aussi des albums sur ce label sous le nom de Slim Jim Green. Il vient d’où cet amour de la musique ?

C’est assez inexplicable cet amour de la musique anglo-saxonne ! Je pense que ça vient de mon grand frère Karim. A Laval dans les années 80, il n’y avait pas grand-chose à faire à part du foot. J’ai pratiqué le foot, jusqu’à je vois une guitare, ce qui m’a paru beaucoup plus excitant. Je pense que pour nous, la musique et l’anglais, étaient une échappatoire, une porte de sortie… On pouvait sortir de notre labyrinthe… (Rires) Oui, c’est l’histoire de notre famille. On est tombé dedans tout petit comme Obélix et on sera toujours des amoureux du rock et de la musique.

On peut imaginer un morceau avec Slim Jim ?

Carrément, il a aussi enregistré ses morceaux en grande partie chez moi, dans mon studio.

Tu sors « Dark Matter », un disque incroyable. Première constations, c’est un disque mélodique mais contrairement au premier album, les claviers, dont le piano, ont pris un peu le pas sur la guitare, ton instrument fétiche.

Oui, c’est un disque très arrangé parce que j’avais envie qui sonne comme ça et comme j’avais beaucoup de choses à dire, je voulais qu’il soit « riche ».

Pourtant j’avais gardé l’image d’un guitariste et là tu as beaucoup de claviers sans qu’ils soient envahissants.

Il y a quand même pas mal de guitare sur les titres mais c’est peut-être moins présent. J’ai aussi beaucoup plus composé au piano. Il y a une richesse des claviers sur le disque, avec, par exemple, des synthés analogiques qui sont assez puissants. En fait, j’ai essayé des choses et j’ai réussi à donner une unité au disque avec ces mélanges.

Il y a aussi les mélodies qui sont ultra-présentes : tu es fasciné par elles ?

Absolument, depuis que je suis petit j’adore ça. Une chanson sans mélodies ne m’intéresse pas. J’ai toujours essayé de mettre ça en avant. Je développe des mélodies dans ma tête et ensuite j’essaye de les reproduire avec mes instruments. Je travaille comme ça. Ça part toujours d’une ligne de voix. Je ne gratouille pas ma guitare pendant des heures.

Crédit : Franck Loriou

Tu pars de la ligne de voix, pas de la mélodie ?

De la mélodie de la voix et des accords que j’entends derrière. Ça part du chant. Les accords partent ensuite de la ligne mélodique.

Pourquoi ce nom « Dark Matter » ?

C’est un titre qui me plaisait bien. Ça vient de deux choses. « Dark Matter », c’est la partie sombre de l’univers dont on ne sait pas d’où elle vient et ça veut aussi dire problème ou questions. C’est une façon d’expliquer une période un peu compliquée, un peu sombre…

C’est un album un peu « sombre » !

Ça fait partie de la vie ! J’aime parler des sujets un peu légers mais aussi des sujets graves. J’aime parler de tout et comme la dominante de cet album ce sont les sujets graves, je trouvais que « Dark Matter » collait super bien. Il y a aussi un peu distance et un peu d’énergie dans ce disque mais aussi de l’humour.

Tu l’as fait où et avec qui ?

Je l’ai fait dans mon studio. C’est un album très solitaire avec beaucoup d’introspection. Je me suis amusé à jouer d’un peu tous les instruments. J’ai aussi fait appel à Gabriel Delmas, un super batteur de Toulouse. Il y a des parties de cordes, du violon et des chœurs, des voix féminines et bien sûr, j’ai eu le plaisir d’avoir Tom Verlaine qui joue sur deux morceaux. C’est un peu « la cerise sur le gâteau ». On l’a fait mixer par Alex Conroy, qui travaille dans un studio à New York et qui a fait du super boulot de mix. Il a mixé 11 morceaux. Il y a juste « I ride » une chanson du disque qui a été mixé par Steve Lyon, un anglais, qui a travaillé avec des groupes comme Cure ou Dépêche Mode. On voulait que l’album sonne très bien, donc on s’est donné beaucoup de peines, comme un artisan. On voulait que ce soit le plus beau possible. On a testé des gens et ça a marché ! J’en suis très fier ! C’est superbe !

Sur ce disque, on y voit plusieurs influences. La première c’est Radiohead avec « Muder in Slow Motion » qui est largement inspirée de leurs travails.

Ça, je ne peux pas le cacher. C’est un groupe que j’adore….

Pour moi il y a du Ry Cooder avec les guitares et des ambiances sur certains morceaux, Nick Cave sur certains titres et David Bowie sur « The Knife Within », qui m’a fait penser à sa période berlinoise.

Merci beaucoup, je suis un fan absolu de Bowie et j’adore aussi les deux autres.

Les deux premiers morceaux de l’album ont un côté très années 80 avec ces synthés analogiques et plus on avance dans l’album, plus cela évolue, il devient de plus en plus « dépouillé ».

C’est vrai mais c’est voulu. Il y a eu dans ma tête un retour à ce que j’ai connu et aux sons qui ont accompagné ma jeunesse. Après il y a des choses plus modernes et tout ça se mélange dans une espèce de « magma » (rires).

Crédit : Franck Loriou

Et puis il y a des chœurs féminins ! C’est nouveau pour toi ?

J’adore ça ! Je ne me suis pas posé la question du style. J’essaye des choses et après je vois. Ces chœurs étaient très beaux mais je les ai triturés et ensuite cela donne des sons un peu… bizarres ! Je me suis vraiment beaucoup amusé à faire ces morceaux. Même si j’ai expérimenté des choses, cela reste de la pop et dans les arrangements, j’ai essayé de ne pas me mettre de limites.

Les « Blue Valentines » et beaucoup de choses que tu as fait après, avaient une ambiance très anglaise, alors que là tu as un son, globalement, américain comme « I Ride ». Une ambiance New Yorkaise mais aussi parfois tu es sur le terrain plus « Grand Ouest », d’où l’influence de Ry Cooder !

Je me suis éloigné de l’ambiance Pop Rock Britannique c’est vrai. Il y a un truc plus grand, plus vaste. Je suis fasciné, un peu comme tout le monde…
Oui, il y a cette ambiance New Yorkaise mais aussi le bayou ! Je suis allé voir Kevin Morby en concert et j’écoute ses albums régulièrement. Il a ce côté bayou et je suis fasciné par ce type et sa musique. Il doit donc me rester des influences. Je suis un peu une éponge : quand j’écoute quelque chose pendant quelques semaines et dont je suis fan, ça peut ressortir dans mes chansons.

Plus on avance dans l’album c’est dépouillé et « Roots ». Encore une fois, c’est ton grand jeu de placer des morceaux là où ne s’y attend pas.

On a beaucoup travaillé l’ordre des morceaux.

Est-ce que ce n’est pas le disque de quelqu’un qui a écouté 40 ans de musique ?

Je pense que oui. Ce n’est pas un disque que j’aurais fait à 20 ans. Je n’avais pas l’expérience pour ça et j’en suis très fier.

C’est aussi le disque de quelqu’un qui n’est pas sectaire et qui se moque des chapelles : tu mets des synthés analogiques, tu fais des balades au piano…

J’aime tout et surtout j’écoute tout ce que je peux.

Sur ton morceau « Eagle Eyes » tu ouvres l’album sur d’autres horizons, notamment vers le folk ou le bayou américain.

C’est un peu comme un voyage ce disque, avec quelques allers retours avec des rythmiques un peu électro.

En concert
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Tu joues aussi un peu avec l’électro ?

Oui, c’est un peu comme un instrument maintenant. Tu peux en rajouter un peu partout avec de petites touches…. Tu peux en placer sans pour autant tomber dans l’électronique pure et dure.

Il y a beaucoup de batteries électroniques ?

Oui, je joue avec.

Tout ça pour dire que tu es un musicien en liberté ?

J’espère, ça me plait que l’on ne puisse pas cataloguer les choses sur ce disque. J’ai envie que l’on sache que c’est quelque chose de personnel.

On va parler de tes textes. La première chose est que tu es très à l’aise avec l’anglais, contrairement à certains, et ce n’est pas une posture !

Je suis très exigeant avec l’anglais. Je travaille beaucoup mon phrasé, ma prononciation, les syllabes… Il faut que ce soit nickel et qu’un anglophone se sente à l’aise.

On a l’impression que le thème de l’abandon et de l’amour trahi est ultra présent.

Oui, les histoires d’amour, les débuts, les fins… les histoires de la vie !

Il y a une chanson très personnelle « i will forget you » et comme sur ton premier album, tu l’as cachée, avec d’autres chansons personnelles au milieu de ton disque.

(Rires) C’est possible. Il y a peut-être de la pudeur mais c’est aussi de vouloir récompenser les gens qui vont jusque-là dans l’album. Je viens d’une génération où on écoutait des albums. Je suis un peu allergique au zapping où on écoute que trois secondes d’une chanson… Un morceau ça s’écoute du début à la fin et un album c’est pareil. Je voulais que l’on construise cet album avec un début, un milieu et une fin.

Même sur tes morceaux, les fins ont des surprises : tu peux changer carrément l’ambiance.

Je suis content que tu le remarques. C’est important de ne pas bâcler une chanson. Il faut que la fin soit aussi bonne que le début.

Il y a une autre chanson très personnelle : « We’ve come a long way ».

Oui, j’aime beaucoup le texte de cette chanson parce qu’il peut être adapté à des choses plus vastes.

Il y a ce besoin de mettre du piano sur des balades comme Bowie !

J’aime Bowie surtout parce qu’il faisait ce qu’il voulait. J’essaye avec la guitare et le piano.

Ce n’est pas un disque où on peut géographiquement située une personne ?

C’est marrant, on me le dit souvent ça (rires). On a du mal à dire à l’écoute d’où cela vient et franchement ça me plait beaucoup !

Ça va se passer comment sur scène ?

On va jouer un bassiste, des séquences et des choristes. Dans un deuxième temps il y aura une formation avec batterie, basse et guitare mais toujours avec des séquences. Sur la tournée du premier album, c’était rock avec guitare, basse et batterie. Là j’ai envie que le public entende les chansons comme sur le disque. Il y a aura plus d’arrangements.

C’est quoi tes dates ?

On a joué le 5 juin à Montpellier et on cherche des dates pour la rentrée prochaine.

Tu pourrais faire des concerts en acoustique ? Tous tes morceaux tiennent seuls à la guitare et au piano !

Je suis sur un projet en parallèle où je vais faire des concerts en acoustique. On risque de sortir un Ep avec ce « side project ». J’ai aussi envie de faire entendre mes chansons sur scène en électrique mais j’ai beaucoup de ballades qui peuvent avoir un traitement plus acoustique.

Crédit : Franck Loriou

Sur la photo de la pochette, on te voit en haut d’une falaise comme si tu allais te jeter dans le vide.

Se jeter à plusieurs sens : se jeter dans l’inconnu, partir dans de nouvelles aventures. J’aime aussi l’humour avec le dos de la pochette et de voir ce qui se passe. C’est le talent de Franck Loriou, le photographe qui a fait un super boulot.

Bon, on attaque le gros sujet de l’album : Tom Verlaine (ex-guitariste et chanteur du groupe Télévision, qui a influencé énormément de monde, NDLR) ! Beaucoup de gens vont aller écouter le disque parce qu’il est là !

C’est un concours de circonstance ! C’est difficile de parler de lui maintenant qu’il n’est plus là ! Je suis encore étonné qu’il ait accepté de jouer sur ces deux titres. Quand on jouera les morceaux sur scène, je mettrai ses guitares derrière avec mon ordinateur.

Tom Verlaine en studio pour l’Homme Bleu, collection personnelle Karim Mokhnachi
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C’était un rêve qu’il soit sur ton disque ?

Oui, même si je ne l’ai pas rencontré. On a communiqué par internet. Il m’avait juste dit qu’il avait un peu de mal sur un titre « End of summer ». Il y avait déjà des solos de guitare. A la fin il m’a dit qu’il était content de ce qu’il avait fait ! J’étais aux anges, tu imagines bien !

Tu ne crains pas que les gens aillent écouter ce disque juste pour Tom Verlaine ?

Non, même si j’aime beaucoup ces deux morceaux ! J’ai beaucoup travaillé et je ne suis pas sûr que ces titres soient les meilleurs !

C’est pour ça qu’ils sont à la fin ?

C’est surtout parce qu’ils sont plus anciens. C’est un bonus pour le disque. Ce sont deux titres qui étaient déjà sortis et c’est aussi un clin d’œil de remerciement.

Surtout que Tom Verlaine et cette scène de New York de la fin des années 70, c’est là d’où tu viens ?

C’est ma façon de leur rendre hommage à tous ces gens qui ont créé des chansons aussi magnifiques et que j’adore.

Mais tu masques ces titres ?

On a vraiment travaillé le Track listing. Ça m’amuse de faire des choses pas évidentes.

Il en penserait le gamin des Blue Valentine de ce disque ?

Je pense qu’il kifferait (rires). Je suis fier du disque et j’aime chanter ces chansons.

Comment ça va se passer pour la suite ?

Je vais voir, j’espère que le disque trouvera son public. Je suis content d’avoir fait ça. Maintenant j’ai plein d’autres morceaux.

Comment après un disque pareil et avec ta carrière, tu te sens en France ?

Je me sens un peu… isolé ! Il y a le contexte qui joue avec une ambiance bizarre. Je suis assez content de me dire que l’on ne peut pas trop me mettre dans une catégorie. J’aime beaucoup Bertrand Belin par exemple.

Oui, pour moi, tu es une sorte de baladin ou de troubadours, c’est unique en France

Cela me va bien, j’aime l’idée de me balader, de me promener dans la nature. Se balader dans la nature c’est mon activité préférée. … L’idée d’aller de villes en villes me plait. Je sais aussi m’arrêter.

Ce n’est pas compliqué pour toi à l’époque des plateformes, du streaming et du Protols d’arriver avec un album pareil ?

J’ai toujours eu l’impression d’être un Ovni, d’être décalé… Je fais avec… Je suis sûr que les gens écoutent encore et aiment la bonne musique. L’IA ne générera jamais de la bonne musique, j’en suis certain.

Tu pourrais écrire pour d’autres ?

J’adorais mais pour l’instant cela n’a rien donné… C’est comme la musique à l’image, j’en ai fait un peu et j’adore ça.

On a l’impression que tu ne veux pas être une rock star ?

Je suis très timide, par exemple j’ai un surnom « l’homme bleu » et donc je ne mets pas en avant mon vrai nom. J’ai envie de me cacher souvent, l’anonymat total m’irait bien.

Le mot de la fin !

Je suis hyper content de cet album et j’espère qu’il trouvera son public.

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