Massilia’s Burning, la compilation miracle de Marseille

mardi 11 février 2025, par Franco Onweb

Depuis quelques années, on le sait, une scène musicale incroyable est apparue à Marseille. Bénéficiant d’un réseau de salles, de plusieurs labels et surtout d’un public fidèle et attentif, la ville est devenue une des grandes places du rock d’ici. En 2001, les activistes de Lollipop, un des labels marseillais des plus actifs, avaient sorti une première compilation « Massilia is Burning » qui présentait quelques groupes marseillais. Devant l’ampleur de cette nouvelle scène, Lollipop a décidé, en partenariat avec Fracas Records et la salle l’Intermédiaire, de proposer une nouvelle compilation « Massilia’s Burning » avec des groupes de cette nouvelle scène.

J’ai contacté Stéphane Signoret, l’un des acteurs du label Lollipop mais aussi à la tête de l’excellent groupe « Pleasures », pour qu’il me raconte cette compilation mais aussi pour essayer de comprendre le secret de Marseille.

Comment est né le label Lollipop ?

La première sortie du label en 1995 était une auto-prod déguisé de notre premier groupe Bleifrei. Nous avions porté ce projet en mode Do It Yoursel du début à la fin mais pensions qu’inventer un faux label ferait plus sérieux. On a fait pas mal d’erreurs sur ce disque (rires), ce qui nous permis de ne pas les reproduire. Le combo a splitté quelques semaines après. Et plutôt que rebrancher la guitare dans un nouveau groupe, j’ai préféré lancer réellement le label.

Collectif Massilia’s Burning
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C’est aussi le nom de ton magasin de disques ?

Oui, c’est devenu un magasin de disques / Café Culturel ouvert en 2006 avec Paul Milhaud, qui tenait le magasin de disques Sonic Machine à Paris et qui est aussi musicien (Holy Curse, Irritones, KRO, No Jazz Quartet…).

Le label est né avant le magasin ?

Tout à fait ! Pour en revenir au label, j’ai tout de suite embrayé avec les Busmen, un groupe de Limoges que j’avais adoré et découvert sur un CD Sampler “ D’abus Dangereux ”. Je les ai contactés et on a fait un split single avec un groupe finlandais Greenhouse AC, puis deux albums plus tard. Tout de suite après, le label a sorti une compilation “ Wild News From The World ” avec 24 groupes internationaux, dont 21 titres inédits. A l’époque il n’y avait pas d’internet, on contactait les groupes par courrier. J’ai reçu toutes les DAT dans ma boîte aux lettres (rires). Ce fut long et laborieux mais elle a réussi à sortir !

Tu as continué en sortant des groupes locaux, des groupes de Marseille ?

Parmi les sorties Lollipop, il y a un tiers de groupes locaux, un tiers de groupes nationaux et un tiers de groupes internationaux.

Tes sorties, même si le terme est un peu facile, ce sont des groupes de rock ?

Oui, c’est ça… à peu près ! Disons qu’on sort du pop/ rock. La première période du label était plus axé Garage Rock Pop Punk. Depuis 2015, le style a suivi mes goûts musicaux personnels et a évolué vers une Pop Rock au sens large.

Vous aviez fait une première compilation en juin 2001 qui s’appelait “ Massilia is Burning ”.

Oui, c’était un 45T avec six groupes, trois groupes par face.

Il y avait notamment les “ Cowboys From Outspace ” !

Un immense groupe qui existe toujours et qui va sortir un nouvel album prochainement !

Marseille est aujourd’hui la ville où cela se passe : pleins de groupes, pleins de salles. Pourquoi est-ce que l’on parle aujourd’hui de cette scène très riche et pourquoi on n’a jamais vraiment vu qu’il y a toujours eu une vraie scène rock à Marseille ?

Comme tu l’as dit, il y a toujours eu une scène rock à Marseille, avec notamment des gens comme Wild Child ou Cops and Robbers… Je ne peux témoigner que de mon expérience de musiciens, label ou organisateurs de concerts. Quand on a commencé notre premier groupe, tout le monde localement et nationalement avait décrété que “ le rock n’intéresse personne à Marseille. Ici, C’est le rap, le reggae ou le ragga… ” A l’époque la salle “ la Machine à coudre ” a ouvert la première ses portes aux groupes de rock et est devenu “ notre CBGB local ”. Au début des années 2000 il y a eu une première effervescence avec Gasolheads, Electrolux, Neurotic Swingers, Hatepinks, Lo ou les Cowboys From Outspace… Il y a donc toujours eu des groupes rock mais dans les médias nationaux, l’immense majorité des articles sur les disques marseillais commençaient par “ à Marseille, il n’y a pas que le rap, le pastis, la pétanque ou l’OM, il y a aussi du rock… ”. Au début, c’était amusant mais quand tu vois que cela dure encore aujourd’hui, tu ne sais plus comment changer les mentalités et les idées reçues. Ces dernières années, on avait l’impression qu’il y avait plus de groupes avec un très bon niveau. La grande différence de la nouvelle génération avec l’ancienne est que nous, on était vraiment dans le DIY : on montait des groupes en sachant à peine jouer et on se lançait sur scène en voyant ce que cela donnait. La nouvelle génération est plus “ professionnelle ”. Ils arrivent donc avec un bon niveau technique très tôt. Il y a aussi beaucoup de salles comme “ l’Intermédiaire ”, “ le Molotov ”, “ la Salle Gueule ”, "le LAM" … Ces lieux permettent aux groupes de jouer souvent, de s’améliorer rapidement et de créer une scène. Il y a une réelle effervescence actuellement ! Cela se ressent avec cette compilation qui est une co-production entre Fracas Records, la salle l’Intermédiaire et Lollipop. On a tous eu la même idée au même moment, c’est un signe. On a senti qu’il fallait que l’on archive cette scène et ce moment. On s’est réuni pour cette compilation.

La plupart des musiciens de ces groupes sont très jeunes !

C’est sûr, Jules de Fracas Records n’était pas né quand la première compilation est sortie. C’est vraiment une nouvelle génération. Ça peut être vexant pour certains anciens (rires). Un des critères de sélection était d’opter pour des groupes récents et des jeunes musiciens, axer la compilation sur la “ nouvelle scène ”. On a un peu pratiqué une sorte d’âgisme : aucun musicien au-dessus de 35 ans ! (Rires)

Vous avez un vrai public et surtout un circuit de salles ?

Ce circuit des salles est assez récent et très important ! Quand on va jouer dans d’autres villes, on s’aperçoit qu’il y a ici beaucoup plus de “ petits ” clubs. C’est une chance et un atout d’avoir autant de salles. Pour qu’une scène se crée, il faut ce circuit. Tous les Week end, une dizaine de concerts se déroule à Marseille. Le public, souvent jeune, répond présent.

Pourquoi as-tu appelé la compilation “ Massilia is Burning ” ?

La première compilation en 2001 s’appelait ainsi en effet et était une référence au “ London’s burning ” de The Clash. On voulait alors implanter Marseille dans la géographie du rock (rires). Avec Jules de Fracas Records et Anaëlle de l’Intermédiaire, on a choisi 15 groupes et on pourrait faire un autre volume car une compilation n’est jamais exhaustive d’une part et de nombreux autres groupes se sont formés depuis d’autre part … ça foisonne de partout !

Cette compilation est-elle un manifeste ?

Oui, mais aussi un polaroïd ! Il se passe ça en ce moment et si on ne fait rien, on oublie ! On voulait photographier l’instant !

Quand on écoute la compilation, il y a du rock, de la pop, de la fusion et même, un peu de Ragga. C’est très riche !

Oui, ce ne sont pas des gens qui se copient ou qui copient le groupe ou le style du moment ! Chacun a sa personnalité ! L’idée était vraiment de montrer la scène dans son étendue avec une cohérence rock et pop. Il y a aussi des musiciens qui jouent dans deux ou trois groupes de la compilation.

Tu as des groupes comme Parade, Seven Levels, Avenoir ou encore Avee Mana sont superbes ! C’est une vraie scène qui est là !

Tout à fait, ce serait d’ailleurs sympa que des scènes Lives “ Massilia is Burning ” avec trois ou quatre groupes, se montent un peu partout. Mais attention, l’idée n’est pas de se la jouer le poing levé et se répandre sur le fait que l’on est les meilleurs mais juste montrer qu’à Marseille il y a une vraie scène.

Les compilations, comme la C86, c’étaient des groupes dans le même style mais qui ont fait école ensuite. Avec votre compilation les groupes pourront s’en réclamer mais pas dans le style !

C’est vrai, le point commun c’est la géographie et le fait de jouer au même moment.

La plupart des groupes n’ont pas vraiment de points communs artistiques. Est-ce que ce n’est pas le danger pour vous et que vous vendiez cette compilation qu’à Marseille ?

Oui, le piège serait de faire une compilation marseillaise pour les Marseillais. On voulait vraiment que cette scène puisse avoir un vrai écho nationalement ! Pour l’instant les médias sont réceptifs et c’est tant mieux ! Il y a eu des retours dans Mowno, Rock & Folk, Tusgi, Le Nouvel Obs ou même Quotidien. Et on bénéficie également du remarquable travail de notre distributeur L’Autre Distribution. Comme tu peux en douter, je suis bien sûr très attaché au circuit des magasins de disques. L’Autre Distribution permet de rendre cette compilation disponible dans les magasins de disques de toute la France.

Vous avez été aidé par la mairie de Marseille ?

Une demande de subvention aurait pu déboucher positivement, mais à titre personnel, ce n’est pas le genre de démarche qui m’intéresse ! Il y a beaucoup de gens qui savent faire ça. Je viens du DIY et remplir des dossiers et des fichiers Excel me gonfle. Dépendre des autres également.

Il va y avoir des Lives ?

Il y a eu deux superbes soirées live le 13 et le 14 décembre à l’Intermédiaire où la majorité des groupes de la compil’ s’est succédée sur scène.

Pourquoi Pleasures, ton groupe, n’est pas là ?

Parce qu’on est trop vieux : deux d’entre nous ont dépassé les 35 ans (rires) !

C’est quoi ton groupe préféré sur le disque ?

J’adore tous les morceaux ! Je ne pourrais pas en sortir un c’est sûr ! Je te laisse avec cette réponse “ langues de bois ”.

C’est pour quand le volume 3 ?

Profitons déjà de ce disque et de l’instant !

Le mot de la fin !

Massilia’s burning !

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