Quand on s’était parlé en 2021, tu faisais quelques concerts avec Gamine. Que s’est il passé pour que tu sortes un premier disque solo maintenant ?
Depuis que j’ai recommencé à faire de la musique depuis 10 ans, je fais des trucs tout seul dans mon coin. J’avais l’idée de sortir quelque chose dans le but de remonter sur scène pour jouer les anciens morceaux que j’ai toujours plaisir à jouer. C’est vrai qu’avec le groupe (Gamine NDLR) on a du mal à se comprendre et on est vite retombé dans les mêmes problèmes. Tout le monde a sa responsabilité et cela n’a pas pu donner quelque chose d’intéressant.
Depuis 2021 tu as pas mal joué.
Depuis 2021 je joue assez régulièrement. J’ai travaillé pas mal avec Benoît Roumaillac qui a fait les arrangements claviers sur « se pourrait-il ? ». On a ensuite été en studio à Mérignac avec Stéphane Tennier, qui est l’ingénieur du son de Yann Tiersen mais je n’étais pas très content du résultat et autour de moi c’était pareil. J’ai contacté une copine de l’époque du Real Atletico, Laure, pour faire une photo pour la pochette de « se pourrait-il ? ». Je lui ai envoyé une démo du morceau. Elle l’a fait écouter à son « chéri » Fabien Cahen, qui m’a aussitôt dit « viens je t’enregistre ».
Ton premier album solo était assez attendu : ça fait trente ans que tu n’as pas sorti un disque et le public de Gamine l’attendait et était impatient de te retrouver.
(Rires) Oui, je suis surpris par cet accueil. A l’époque, j’étais dans de gros problèmes personnels et je ne me rendais pas compte que ce que nous faisions pouvait être important pour des gens. Je regrette de ne pas l’avoir su à l’époque mais bon, on est comme on est et franchement si j’ai fait ça c’est parce que j’étais comme ça. Je suis content de revenir et que cela ait autant d’importance pour moi que pour les gens que je rencontre. C’est super de retrouver le public, 30 ans après l’album du Real Atlético.
D’ailleurs tu as repris un morceau du Real Atlético sur l’album ?
Absolument, j’ai changé le texte et un peu la mélodie et c’est devenu « Porte à porte ». Je me suis auto-repris (rires) et je vais continuer à le faire.
Tu as aussi repris « Voilà les Anges » en version acoustique, pourquoi ?
Parce que j’aime ce morceau et le public aussi.
Tu n’as pas voulu le reprendre en version électrique ?
Je pense que l’on fera une version électrique à un moment donné.
On a l’impression qu’avec ces deux reprises, tu « clôtures » ton passé.
Il y a de ça, je les revisite un peu mais surtout ce sont deux morceaux dont on peut faire plein de versions différentes.
C’est un album qui mélange très bien la pop et la chanson : c’est de la chanson-pop ?
(Rires) Il y a de ça ! Je me suis laissé aller à mon naturel. Ce n’est pas préprogrammé en tout cas. On a travaillé chaque morceau différemment. Il y a un accouchement un peu long sur « se pourrait-il ? ». Il y a pleins de versions différentes qui existent. Il y a aussi « Une avalanche » qui n’a pas été facile à faire et puis après plein de morceaux sont venus facilement. Les deux morceaux en anglais c’est une idée de Fabien qui m’a dit « tu faisais ça du temps de Gamine alors pourquoi pas ? ». J’étais d’accord avec lui donc j’ai fait ces deux morceaux. Je parle souvent anglais donc c’était assez naturel. Le reste de l’album est en français parce que je suis plus à l’aise avec la langue.
C’est un album très composé, notamment à la guitare, tu es toujours un super mélodiste.
La mélodie est ultra présente et c’est délibéré mais il y a des morceaux qui ont été composés avec d’autres instruments comme « Hello, hello » qui a été composé au Ukulélé, qui n’est pas loin de la guitare, « Ta Tendresse » a été composée au piano… Le reste a été composé à la guitare !
Les textes sont assez personnels ?
Oui, avec Gamine, je parlais beaucoup d’amour ou de relations, là on est plus dans la rupture (rires). Ce doit être l’âge (rires). « Se pourrait-il ? » ça parle d’une histoire d’amour raté. Je l’ai écrit en plein pendant les Gilets Jaunes. Je voulais parler du soleil qui soulève tout et puis j’ai voulu évoquer une révolution qui ne marche pas, une histoire d’amour qui ne marche pas… un idéal qui reste à l’état de fantasme parce que la réalité est dure mais, de mon point de vue, on peut s’autoriser à rêver à cet idéal. Ce n’est pas du tout politique ce que j’écris parce que je n’y crois pas, à la politique. On nous demande toujours d’être pour ou contre, surtout en ce moment. Il y a quelque chose de pas naturel là-dedans. Les gens veulent juste avoir une vie agréable et aspirer à la tranquillité. Le monde n’est pas comme ça : il y a toujours des gens qui viennent te faire chier ! Aujourd’hui cela prend des formes ultra-modernes avec internet. Tu peux tout faire avec Internet, je m’éclate à faire des démos tout seul sur mon Mac.
Mais c’est un peu… triste !
C’est le problème, ça t’isole ! C’est le contre-coup ! Les choses sont comme ça et on ne peut pas changer les choses. On doit vivre avec son temps avec le bien ou le mal.
Pourquoi tu as appelé l’album avec le titre de la chanson « Going To Limoges » ?
C’est vrai que c’est connoté ! On n’a pas vraiment envie d’aller à Limoges (rires). C’est une « private joke ». Dans le centre Bouddhiste où j’étais, il y avait un vieux moine tibétain qui était resté 40 ans en Dordogne et qui lorsqu’il voyait des gens qui partaient dans un système où ils s’arrêtaient de manger et de boire pour avoir une spiritualité, selon eux, plus forte et il leur disait : « manger c’est bon sinon Going to Limoges » (rires). Il y a eu des cas où il a fallu interner des gens. Ça vient de là. C’est une façon de dire que le monde devient fou !
Sur ton disque, tu as une équipe de musiciens vraiment incroyables : Fabien Cahen, Philippe Entressangle et le bassiste de Blankass, Alain Verderosa. Comment as-tu rencontré ces gens ?
C’est passé par le biais de Fabien qui les a invités dans son studio qui est un point de rencontre des musiciens. Il fait des soirées. Dans une il a fait écouter à Philippe « Se pourrait-il ? ». Il s’est mis à la batterie et voilà il a fait le morceau. On a fait onze sessions et à chaque fois Philippe et Alain sont venus. On a enregistré deux morceaux en Live « Dernier voyage » et « Porte à porte ».
Ce sont des morceaux que tu avais déjà joués sur scène, tu vas faire comment pour jouer ces titres ? Je suppose que les musiciens du disque ne seront pas présents avec toi.
Non, mais j’ai plusieurs potes batteurs avec qui j’ai joué qui sont disponibles. A Paris, par exemple, j’ai un pote américain, qui est batteur et qui a joué avec de grands noms, comme Sébastien Tellier. Je fais aussi des concerts juste avec un musicien aux claviers, ma guitare et mon ordinateur. C’est surtout un problème de budget…
Tu n’as pas essayé d’aller à Bordeaux en studio, d’appeler tous les vétérans de la scène bordelaise et de faire l’album comme ça ?
Je l’ai un peu fait mais c’est compliqué parce que je suis compliqué ! Ça n’a pas marché !
Tu pars en tournée ?
On va faire quelques dates tranquillement au fur et à mesure des propositions. J’ai des concerts l’été prochain. Je vais aller faire une date en Belgique.
Tu as l’image d’un artisan de la pop, un faiseur de pop songs.
J’aime cette idée, c’est ce qui me plait…. Je parlais l’autre jour avec une vieille amie qui me connaît depuis les débuts de Gamine. On parlait de pop et de l’art en général et je lui disais que je pensais que je faisais ce que je pouvais et que pour finir les choses, il fallait se faire, un peu, violence. Je vois pleins de groupes qui lorsqu’ils ont décidé de faire des choses très « idéales », ils se sont perdus. La musique, et la pop en particulier, c’est une discipline où tu dois rendre une copie pour satisfaire ton public. Dans les Beatles c’est Mc McCartney qui les poussaient à faire des albums. C’est un artisan qui les mettait au travail.
Gamine avait un côté adolescent romantique et là c’est plus adulte, comme si c’était un bilan de vie !
En musique oui ! Je ne sais pas s’il y a tout. Je vais devoir en faire un autre mais j’ai réussi avec Fabien qui m’a donné des capacités de travailler et il m’a coaché pour chanter et les instruments.
Tu avais des envies en enregistrant ce disque : on a l’impression que ce sont les Byrds qui ont rencontré Léo Ferré ?
(Rires) C’est marrant parce que j’ai eu un rêve sur le poème « Green » de Ferré qui est sur mon album où Hendrix arrivait et se mettait à jouer avant de dériver « Along the watchtower », pourtant je ne fais pas du Hendrix sur le disque. Ensuite il y avait Ferré qui partait sur « Green ». C’est bizarre comme rêve mais c’était vraiment un moment suspendu, comme si on me disait que tout allait bien et qu’il ne fallait pas se prendre la tête. L’essentiel c’est la musique ! Mes parents avaient fait une croix sur leurs carrières musicales et moi j’essaye de reprendre le flambeau.
Ton disque sort sur Hot Puma, comment s’est faite la rencontre ?
Sergio, le grand maître du label, m’a contacté. Quand il était batteur avec son groupe, il avait fait notre première partie. Il m’a contacté en avril-mai pour me dire qu’il était super intéressé pour le distribuer. Je l’ai mis en contact avec Fabien, parce que à la base je suis sur son label « Musique de Chambre ». Ça s’est fait simplement ! Je ne connais pas encore les artistes du label mais je pense qu’on va se croiser sur différents plateaux et festivals. En tout cas, on sort le disque dans de supers conditions et je suis ultra content.
Quels sont tes projets ?
On va développer cet album. Je pense qu’on va enregistrer un Live de ce disque et ensuite j’ai plein de démos sur le feu mais pour l’instant c’est un feu doux (sourire).
Est-ce que sur ce Live, il y aura des morceaux que l’on connait… d’avant ?
Peut-être, je pense… J’aimerais bien re enregistrer des morceaux. Je suis un peu partagé parce que ce n’est pas comme si on allait durer. Je me moque de la postérité, je veux juste m’éclater maintenant et en tant que bouddhiste je crois plus dans les vies futures et on ne se rappellera pas qui nous étions avant.
Mais en vous séparant comme ça, vous avez permis que l’on se souvienne encore de vous ?
(Silence) Oui c’est vrai, c’était le moment de se séparer sinon on aurait fait autre chose qui n’aurait pas été aussi bien. J’ai fait autre chose de ma vie et je l’ai payé cher parce que ce n’est pas évident de faire autre chose quand tu as été une, petite, star. J’ai été roadie pour des groupes comme Genesis à Paris sur les gros concerts. J’ai été auxiliaire de vie et 16 ans dans un monastère bouddhiste. Je n’avais pas choisi. J’étais parti pour rester 15 jours pour faire de la médiation et je suis resté 16 ans avec trois fois trois ans de retraite. Je n’aurais jamais fait ça avec le groupe.
Est-ce le jeune homme énervé de Gamine est un adulte apaisé ?
(Rires) Il y a des restes de quelqu’un d’énervé. Mais on était tous énervés, surtout Paco (Rodriguez NDLR) et moi. Aujourd’hui je suis apaisé et c’est bien. Il faut se calmer, c’est l’avantage de vieillir. Avant les concerts, maintenant je me dis « fais de ton mieux et parle avec les gens sinon tu restes dans ton coin ». Il faut dépasser ses peurs et ses timidités avec les gens. Je n’ai plus rien à perdre à mon âge alors que lorsque j’étais complètement flippé avant les concerts.
Avec ce disque il n’y a plus d’urgence ?
(Silence) Non…. Enfin j’espère (rires).



