Some Produkt, une association rock, se raconte !

jeudi 6 novembre 2025, par Franco Onweb

Dans les années 90, la France comptait énormément d’associations dans tout le pays. Elles permettaient à une scène locale de se développer et à un public de voir des groupes qu’ils n’auraient pas pu voir sans ces associations et ses bénévoles. Pourtant cette belle vitalité du rock d’ici s’est peu à peu effondrée. L’association Some Produkt de Périgueux est une des dernières associations créées dans les années 90 qui est toujours en activité.

40 ans d’existence, plus de 1500 concerts et des actions menées dans la ville de Périgueux témoignent de l’incroyable vitalité de Some Produkt, qui résume à elle seule, l’histoire des associations du rock d’ici !

Marc Roumagne, l’un des responsables, m’a raconté l’histoire de cette association, de ses enjeux culturels au niveau local, pourquoi ce tissu associatif a disparu et comment ils ont réussi à tenir depuis quarante ans. L’association m’a aussi ouvert ses archives pour illustrer cette interview. Un immense merci à eux !

Bienvenue dans un monde où le bénévolat avec son « huile de coude » et des passionnés permettent à ce que la musique soit devenue un passage obligé à Périgueux !

Peux-tu te présenter et présenter l’association ?

Je suis Marc Roumagne et l’association c’est Some Produkt. Une association de Périgueux qui fête ses quarante ans cette année. Elle a été créée, comme beaucoup en France, à l’initiative de jeunes lycéens. J’y suis arrivé en 1989 parce que j’avais un stage à faire. J’allais régulièrement voir des concerts organisés par Some Produkt, notamment les Thompson Rollets que j’aimais beaucoup. Je suis allé frapper à la porte du 89 rue Parmentier où habité Jean Jean qui est toujours dans l’asso et qui est le seul toujours actif à l’avoir connu au début.

Manu Pastel (Pretty Boys et SCUBA Drivers), Kinou Christine Didier-Vera et Marc Roumagne au stand sandwich et buvette au Festival des Rivières à Niversac. En Août 1993.
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C’étaient des musiciens pour la plupart ces lycéens ?

Oui, mais ils n’avaient pas de scène pour se produire. En 1985 on était loin des SMAC et des aides du ministère de la Culture. On a été un peu aidé, à l’époque, par des gens de jeunesse et sport, qui malheureusement n’existe plus, au niveau local. Rapidement on nous a fait comprendre que nous étions des animateurs dans la ville et que le meilleur moyen pour avoir de l’aide était de monter une association. Après on a développé d’autres choses.

Pourquoi ce nom « Some Produkt » ?

C’est le nom d’un disque des Sex Pistols mais je crois que l’idée de base qu’avait trouvé les fondateurs, c’est la production…

Comment fonctionne votre association, sachant que vous êtes parmi les derniers en France à faire plein de choses ?

C’est vrai que nous sommes de moins en moins nombreux, ce qui est regrettable ! On fait une association pour défendre et écouter la musique que l’on aime. On écoute tous la même musique dans l’association. Si on veut que les groupes que l’on aime viennent à Périgueux, autant organiser nous-mêmes.
L’ancien directeur du Sans Réserve, la SMAC de Périgueux, avait un mantra auquel il ne dérogeait pas, la programmation hors co-production ne devait pas se substituer à celle des assos mais plutôt combler les esthétiques qui n’étaient pas couvertes par ces dernières. J’espère que ça va continuer avec la nouvelle direction. C’est peut-être pour cela que les assos ont mieux résisté que dans d’autres villes moyennes !

Samiam et Ultraman Illustration : El Rotringuo Affiche 39,5-60 imprimée Archive : Ptit Paumé
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A Périgueux, au début du mandat électoral municipal actuel, les élus ont beaucoup parlé des droits culturels énoncés par la déclaration de Fribourg qui date de 1993 et qui visent à faire reconnaître le droit de chaque personne à participer à la vie culturelle, de vivre et d’exprimer sa culture et ses références. Et quel est le meilleur moyen de garantir le droit d’accéder et de participer à la vie culturelle sinon de faire partie d’une association plutôt que de s’en remettre à des institutions qui vont choisir à notre place de ce qui est bon pour nous. La meilleure garantie de voir sur scène les groupes qu’on a envie de défendre c’est de les faire nous-même. On refuse toute ingérence dans nos choix culturels et la vie culturelle à laquelle on souhaite participer.

Le bénévolat c’est l’assurance de notre indépendance mais cette indépendance on l’a payé chère ! Je n’ai jamais vu un salarié d’une SMAC passer la torche à trois heures du matin, préparer des repas ou coller une affiche… Plus tu es petit et plus tu es obligé de redoubler d’efforts sur les démarches administratives. Et même si ce n’est pas notre cas certaines assos doivent payer des loyers là où les institutions culturelles (SMAC, Scènes Nationales, Pôles Nationaux, Scènes Conventionnées…) on des lieux mis à disposition et ne paye pas les fluides. On veut que des groupes qui sont rarement programmés dans les petites villes de provinces jouent chez nous. Les filles et les gars de l’asso vivent tous et travaillent tous à Périgueux et dans ses environs. Les bénévoles de l’asso c’est également une bande de potes. En d’autres termes, en quelque sorte, ce que fait Some Produkt c’est de la diversité et de la décentralisation culturel.

Pourquoi monter une association ?

Monter une association c’est ce qu’il y avait de mieux : on est au centre du réacteur ! On a travaillé pendant très longtemps avec le « Sans Réserve » la SMAC de Périgueux qui nous refusait 8 fois sur 10 nos propositions. On ne comprenait pas.

Concert des Hard-ons à la salle du Rio à Périgueux le mardi 24 septembre 1991. Orga Some Produkt
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Vous ne seriez pas des amateurs, au sens noble du terme de celui qui aime. Vous aimez les groupes que vous programmez, contrairement aux SMACS qui eux ont des salariés ?

C’est notre moteur ! Ce qui nous anime c’est la passion ! On se bat pour faire jouer les groupes que l’on aime. La meilleure garantie de voir ces groupes c’est vraiment d’organiser nous-mêmes les concerts.

C’est l’esprit punk ; le DIY, Do It Yourself ?

Oui, mais on a quand même un peu de subventions mais on refuse totalement une ingérence dans ce que nous faisons. On est donc à mi-chemin du Do It Yourself. On est réellement DIY si on ne bénéficie pas d’aide publique mais pourrait-on faire tout ce qu’on fait si nous n’avions pas quelques subsides ? Je suis très mesuré par rapport à ces questions-là même si j’ai un profond respect pour les assos totalement DIY. C’est un sujet que j’ai déjà abordé plusieurs fois notamment avec notre disquaire, Bernard de la « Démothèque ». Lui refuse quelque aide que ce soit !

Est-ce qu’il y a eu un bon retour du public ?

Ça fait tellement longtemps que nous organisons des concerts que nous avons trouvé notre public. On fait beaucoup de concerts, entre 30 et 40 par an et on a notre public. Globalement les saisons sont équilibrées !

Programme des 20 ans de Some Produkt. Dessin Jerome Wargnier
Crédit : Dessin Jerome Wargnier, mise en page Virginie Labrousse-Roumagne

Avez-vous votre propre salle ?

On a décidé de ne plus travailler avec le « Sans Réserve » depuis 4 ou 5 ans. On s’est battu avec la Mairie pour obtenir un lieu que nous avons trouvé. C’est le « Moulin du Rousseau ». Ça appartient à la municipalité mais on y est chez nous ! C’est sur la commune de Périgueux, pas loin du centre-ville et on est équipé en sono, light, on a fait la déco… On se sent vraiment chez nous. On peut remercier l’actuelle Mairie d’avoir été à l’écoute.

C’est une salle qui fonctionne que les soirs de concerts ?

Oui, c’est ouvert que les soirs de concerts !

Vous ne faites pas que des concerts : vous organisez des actions dans les quartiers de médiation culturelle. Vous avez une activité culturelle « globale » sur la ville de Périgueux.

Tout à fait, il y a quelque chose qui me tient à cœur : le bénévolat ne concerne, dans Some Produkt, que ses membres mais à côté de ça c’est une association qui fait les choses de manières professionnelles. Les techniciens qui sont sur nos concerts sont intermittents et payés. Les groupes sont payés. A côté on a une activité sur les quartiers avec une mission de médiation mais également vers les établissements scolaires, notamment les CFA. On intervient sur les quartiers Politique de la Ville de Périgueux depuis 2014 et Bergerac depuis 2024. On propose aux gosses qui n’ont pas les moyens de partir en vacances de s’initier à la boxe anglaise sur de la musique. L’action s’appelle « Beat Boxe » et est portée en partenariat avec l’Ecole de Boxe de Périgueux et l’Equipe de Prévention « Le Chemin » qui est rattaché à l’Aide Sociale à l’Enfance du Département. Le principe est simple, proposer des animations de plein air avec initiation à la boxe anglaise pour petit-e-s et grand-e-s, sous les conseils et la surveillance d’un animateur du Boxing Club de Périgueux, le tout sur fond de musiques « Noires » sélectionnées et diffusées par des DJ’s de some produkt. Ça va du Rhythm and Blues et la Soul au Early Hip-Hop.

Un cliché du public pris sur le vif depuis le bord de scène lors de la soirée «  Coup de Rock 1989  » (certains se reconnaîtrons). Salle du Toulon à Périgueux. Orga : Some Produkt, Jeunesse et Sport, C.D.I.P.E.I.S. et Ville de Périgueux.
Crédit : Photo Kinou Christine Didier-Vera

Il n’y a pas de salariés dans l’association, vous êtes tous bénévoles !

Nos actions sont financées lorsque nous faisons une initiation boxe en musique et facturées lorsque nous faisons un DJ set dans un bar ou pour une autre asso avec des platines et une sono. L’action « Beat Boxe » est financées par les villes qui l’accueil, le Grand Périgueux et l’Etat mais ça rentre dans les comptes de l’association. Personne n’est payé sauf les techniciens que nous embauchons pour ces événements. Donc oui, pour la partie organisation nous sommes tous bénévoles !

Vous avez aussi une activité de labels indépendants. Vous sortez des disques ?

On l’a fait mais pour l’instant on est en « stand-by ». Sortir des disques aujourd’hui c’est un peu un suicide commercial. On a un disque qui va sortir mais on espace les sorties. On en fait moins. C’est notre cinquantième référence qui arrive avec la sortie du troisième album des Snake of June, un groupe de Bergerac qui est dans la lignée des Melvins, USA Nails ou Unsane… On est à cinq labels sur le coup. On a dit oui tout de suite mais on le fait de moins en moins.

Comment cela se passe : c’est vous qui trouvez les groupes ? Vous êtes en contact avec les tourneurs ?

Cela se fait de plusieurs manières : il y a les bookeurs avec qui on travaille. Ils nous connaissent et savent ce que nous voulons. Sois nous allons chercher nous-mêmes les groupes dont nous avons entendu parler quand on les apprécie ou quand on apprend qu’il y a une tournée qui arrive. Donc cela marche dans les deux sens : on est démarché ou on démarche.

Flyer A5 du concert de Died Pretty le jeudi 23 février 1989, salle Picquecailloux à Bergerac. Les SCUBA Drivers assuraient la première partie.
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Vous aimez le rock tout en anglais ?

Oui, on préfère, mais si tu prends les Doum Doum Lovers, qui sont membres de l’association, ils ont une partie de leur répertoire en français et ça fonctionne très bien. Il y a aussi Virago dans les années 90 qui avait un répertoire en français et c’était super. Il faut juste que ça nous plaise.

Mais pourquoi il n’y a plus d’associations comme vous en France qui jouent un rôle primordial ?

Il y a eu des associations qui ont amené à la création des SMAC et on connaît l’histoire : les associations qui étaient au départ à la création des SMAC ont été dépossédées de ces lieux et cela n’a pas favorisé le maintien des associations. On a de la chance à Périgueux parce que nous sommes soutenus par la mairie mais dans bon nombre d’endroits les collectivités n’ont pas soutenu les associations. C’est de plus en plus compliqué de faire partie d’une association. On parle de crise du bénévolat mais c’est juste moins de bénévoles et qui sont de plus en plus âgés.

Mais il y a eu un changement musical : les jeunes se sont mis à écouter du rap !

Même cela est discutable ! Oui, ils écoutent du rap et de l’électro, dans une moindre mesure, mais ce n’est pas pour autant qu’ils vont aller voir du spectacle vivant. Ils ne vont pas dans les concerts de rap ou d’électro. Ce dont on s’aperçoit dans tous les domaines, que ce soit la danse, la musique ou le théâtre, c’est que les jeunes ont de moins en moins le goût du spectacle vivant et c’est compliqué pour des gens comme nous. On réfléchit beaucoup à ça dans l’association. C’est presque une obsession. On a lancé les soirées « Teenage Day », dans lesquelles on fait des plateaux avec deux groupes de lycéens. On les rémunère parce que c’est important. On les encourage à se monter en asso pour avoir un support juridique pour être payé et on se rend compte que la salle est bien remplie par leurs pairs, dont beaucoup de mineurs. On se dit qu’il faut faire quelque chose, il y a de moins en moins d’associations, de moins en moins de jeunes mais aussi de moins en moins de public. Il faut réfléchir à la question, proposer des choses et arrêter de fonctionner en silos.

Vendredi 29 mai 1987 : concert des Shifters, Catholic Boys, SCUBA Drivers et Thompson Rollets au Club Mu de Périgueux. Orga Some Produkt (écrit avec un C à l’époque).
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Vous avez fait venir plus de 1600 artistes. Quels ont été les grands concerts de Some Produkt ?

Les New Christ, les australiens que l’on adore, un vrai groupe marquant… Les Bellrays que l’on a fait jouer deux fois. Unsane aussi deux fois dont un lundi soir avec plus de 120 entrées… Joe Lally, le bassiste de Fugazi qui a fait un superbe concert. Les Dirtbombs, Karma To Burn qui ne jouaient que dans des capitales européennes ou au minimum des métropoles régionales telles que Bordeaux, Lille, Lyon, etc. Ils avaient accepté de venir pour l’anniversaire de l’asso en 2005. Je garde également un très bon souvenir de Enablers mais également Acid Mothers Temple, Radio Birdman, The Volcanics, Hard Ons et Daddy Long Legs… J’ai adoré toutes les fois où on a fait James Leg !

Et chez les Français ?

Les Thugs bien sûr, les François Premier incroyable mais aussi les City Kids qui ont toujours fait de grands concerts à Périgueux. Chez nous on avait deux groupes dans les années 90 qui tournaient beaucoup : les Thompson Rollets et les Scubas Drivers qui avaient une influence australienne, qui ont marqué la scène locale. Je me rappelle aussi les deux fois où on a fait jouer The Ex. C’était vraiment grand ! Je tiens à préciser que deux fois ils ont été refusés par la SMAC locale.

Vous êtes combien de bénévoles ?

On est 25 ! Même si on parle de crise du bénévolat on s’en sort plutôt bien parce que tout le monde est assez actif suivant ses possibilités : l’administratif, préparer des repas, tenir le bar, les entrées, faire la promo, le ménage… La cadette de l’asso à 16 ans et c’est génial !

12 mai 1989 Les Seminoles, les Thugs, Cateran à Bergerac «  Salle Piquecailloux  ».
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Vous aidez les jeunes associations ?

On est toujours en recherche de groupes lycéens ou étudiants pour les encourager à se monter en associations. C’est plus simple pour les cachets. On a toujours voulu que notre lieu, « le Moulin du Rousseau » soit ouvert à d’autres associations. On met à disposition notre matériel, parce que nous avons équipé la salle mais on fait des co-productions, quand le genre musical s’y prête. Mais il y a des associations de Noise, de Métal et autres. Dès qu’on le peut on essaye de le faire en coproduction parce que c’est plus facile de monter un budget à deux. On est solidaire des autres.

Vous faites des opérations Beat Boxe, c’est quoi ?

Professionnellement je suis éducateur de rue et avec un de mes collègues qui est prof de boxe, on a mis au point ce projet. Il s’agit d’aller en bas des immeubles avec un ring de boxe gonflable que la mairie a financé. Fred, mon collègue, s’occupe de la boxe et moi avec la sono je mets du early Hip-Hop, du rythm’n blues ou de la Soul…

Vous avez donc une action aussi pédagogique ?

Tout à fait, c’est aller à la rencontre de jeunes qui sont livrés à eux-mêmes ou qui ne peuvent pas juste partir en vacances et à qui on ne propose pas grand-chose dans leurs quartiers. Nous, on leur propose quelque chose.

Concert des New Christs et Warlocks au Moulin du Rousseau le dimanche 24 août 2025
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Vous vous rendez-compte du plaisir que vous pouvez procurer à des jeunes qui vont découvrir tout ça et c’est un peu triste que ce soit vous, une association, et pas l’État ?

Pour faire ça on n’a pas d’aide de la DRAC mais une aide des collectivités et du ministère de la Ville et je préfère que ce soit une association comme nous que l’état.

Peut-on imaginer un festival Some Produkt ?

On l’a fait mais j’ai un peu abandonné cette idée parce qu’un festival c’est frustrant. Dès qu‘un festival devient important, il prend tout le temps. C’est chronophage ! On travaille toute une année pour deux jours de festival. On en sort éreinté et on doit aussitôt partir sur la prochaine édition. Nous, on veut proposer à notre public de la musique toute l’année.

Quel est le retour des médias locaux par rapport à vos actions ?

J’ai fait des émissions de radio Some Produkt pendant 22 ans sur Radio 103 qui était une radio Ferarock qui a disparu en 2012. Un an ou deux après, avec d’anciens salariés et bénévoles de cette radio, ils ont lancé « Radio Libre en Périgord ». On n’a pas d’émissions mais c’est une radio qui nous soutient avec des annonces et des passages réguliers. Encore une fois c’est un média indépendant associatif. Les autres radios comme France Bleue Périgord s’en foutent complètement. On n’est pas dans leur ligne éditoriale.

Barrence Whitfiel and The Savages et Gun Egg Fryer au Moulin du Rousseau le dimanche 14 mai 2023
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Et la presse régionale ?

Il y a la Dordogne Libre qui est plutôt à l’écoute de ce que nous faisons. Ils viennent parfois pour faire des comptes rendus de nos concerts. Il y a aussi Sud-Ouest mais c’est plus compliqué !

Même dans les pages locales ?

Ils oublient…. Même quand on écrit nous-mêmes les articles. Parce que pour qu’ils ne disent pas de bêtises, on écrit tout nous-mêmes et ils les oublient. On n’a pas un gros soutien de leur part en tout cas.

C’est assez paradoxal : vous êtes complètement en dessous des radars, vous faites pleins de choses et pourtant vous n’avez pas d’aide. Ce sont pourtant les associations, comme vous, qui font vivre la culture.

Je suis d’accord avec ça ! Quand un groupe commence à se développer on le retrouve dans une SMAC mais le boulot qui a été fait avant ce sont les associations qui l’ont fait. A une époque, on nous refusait des groupes dans les SMAC, on se débrouillait pour les faire quand même et après on les retrouvait dans le circuit des SMAC. Nous, les associations, on garantit la diversité. On permet à des petites villes de voir des groupes que leur public ne pourrait pas voir sans nous….

The Fleshtones - «  Soul Kitchen  » - Périgueux - Le moulin du Rousseau - 17 septembre 2025. Les cuisines du Moulin.
Crédit : Annie Bossut

Mais pourquoi les groupes ne viennent pas plus dans ces villes ? Est-ce parce qu’il y a moins d’associations ?

Ils restent des associations, certaines disparaissent et d’autres se créent…. Mais on est moins soutenu et donc il y a moins d’associations qu’avant. Il faut dire aussi qu’il y a moins de monde dans les concerts. Nous, on arrive à se maintenir avec une jauge intéressante qui nous permet de se maintenir. Le public a vieilli et moins de jeunes viennent aux concerts. Tu prends le cas d’une petite ville comme Fumel. Il y a eu des documentaires sur cette ville où il y avait plein de concerts et de groupes. C’était un peu le « maitre étalon » pour les associations. Il y avait 800 ou 1000 personnes à chaque concert… ça n’existe plus ! Tu prends le festival « Relâche » à Bordeaux, organisé par Francis Vidal. Ça se passe l’été, en plein air avec beaucoup de concerts gratuits et avec un gros public parce qu’on est à Bordeaux ! Le reste de l’année Francis organise des concerts dans son lieu « la Maison ». C’est plus petit que notre lieu et c’est compliqué !

Vous avez une politique de tarifs intéressante pour que tout le monde puisse aller à vos concerts ?

On tient à ça et ça aussi cela a été un cas de discorde avec le « Sans Réserve », la SMAC de chez nous. On tient à rester abordable au niveau de l’entrée et des consommations. Quand tu veux attirer des jeunes c’est normal. Les tarifs abordés sont une partie du problème. Le pessimisme ambiant en est un autre.

The Schizophonics, Périgueux, 2018. Concert aux Toqués
Crédit : Annie Bossut

Vous avez aussi une structure avec un camion par exemple pour aider les groupes.

Cela permet à des groupes Périgourdins de pouvoir tourner mais il a aussi servi à des compagnies de théâtres indépendantes qui partaient en résidence assez loin. L’idée c’est la solidarité pour permettre à des groupes de pouvoir aller jouer. En ce moment les Doum Doum Lovers l’utilisent beaucoup.

Vous avez un rôle de management ?

L’association non, moi oui avec deux groupes qui n’existent plus. Master Voice un duo qui a fait deux albums dans les années 2010 et aussi un groupe qui a beaucoup tourné : Andy’s Car Crash. Ils ont aussi fait deux albums dans les années 90. On avait une autre asso « Support » pour faire du booking. J’ai aussi fait partie d’un label un peu avant « Uncontrolled Records », on ne faisait que des 45t.

Concert de Paul Collins, Périgueux, Mai 2016 aux Toqués
Crédit : Annie Bossut

Quels sont vos projets ?

Continuer et asseoir notre programmation à Périgueux. Ça fait deux ans et demi qu’on a récupéré notre salle « Le Moulin du Rousseau » et on s’y sent bien. On a toujours cette fibre itinérante et donc on s’autorise à bouger avec des concerts dans les bars, parce que j’aime bien ça.

Vous faites combien de concerts par an ?

On est entre 30 et 40 concerts par an. Ça fait entre deux et cinq concerts par mois. C’est beaucoup de boulots mais on est 25. On est attaché à notre indépendance mais, encore une fois, on le paye cher. On fait des choses que jamais des employés de SMAC font : passer la serpillère, préparer les repas, faire la promo… Et encore, on s’en sort bien parce que certains ont un loyer à payer, ce qui n’est pas notre cas puisque nous sommes soutenus par la mairie. Les institutions culturelles ont des lieux à disposition sans rien payer.

James Leg aux Toqués à Périgueux le 24-07-2016, un dimanche en début de soirée, puissance et fougue
Crédit : Annie Bossut

Vous n’avez pas peur de devenir un enjeu politique au niveau local, que vous subissez des pressions des candidats pour la mairie ?

On s’est que cela existe (rires) et on ne nous obligera pas à faire des choses que nous ne voulons pas faire ! Mais je ne suis pas stupide, le soutien de la marie actuelle n’est pas totalement désintéressée… après ce n’est pas un problème. On demande aux politiques d’avoir des marqueurs de gauche. Pour moi la culture en est un ! On ne va pas reprocher à la mairie de Périgueux, qui est de gauche, de soutenir des associations. En contrepartie ils ne nous demandent rien et encore une fois, on ne supporte pas l’ingérence !

Quelle est l’importance de la famille Feydri dans Some Produkt ?

Je suis ravi que tu me poses cette question ! On s’inscrit dans une longue histoire : Alain (Feydri NDLR) a été musicien dans les années 70, déjà à cette époque il écrivait déjà dans des fanzines. Il a organisé des concerts au début des années 80 à Périgueux. Il avait fédéré des gens autour de lui dont nous sommes les héritiers. Nous sommes les enfants de ces gens. Quant à Didier et Philippe avec leurs groupes les Scuba Drivers et les Pretty Boys, ils nous ont montré comment faire les choses. Sans eux, cela se serait passé différemment.

Pourquoi est-ce qu’il s’est passé autant de choses dans le Sud-Ouest, dans les années 80 ou 90 ?

Je pense qu’il y a eu tous ces activistes qui ont joué un rôle et je ne vois pas vraiment une autre explication. Par exemple, le festival de Mont de Marsan en 1976 et 1977, il y a eu des gens d’associations sont venus prêter main forte. Bernard Delgoulet, notre disquaire, et son implication dans des groupes, des fanzines, des orgas et des lieux tel que La Caverne dans les années 70 ou Jean Jean à l’origine de Some Produkt et avec ses groupes (Thompson Rollets, Squawk It Up, Fluck, Red Eye Ball et Doum Doum Lovers) ont eu une influence indéniable. Des associations ont été partie prenantes. A Périgueux s’il n’y avait pas eux tous ces activistes et les Pretty Boys ou les Scuba Drivers, je ne sais pas si nous nous serions autant investis !

Concert The Saints & Red Eye Ball à Razac Sur L’Isle (Banlieue de Périgueux) pour les 30 ans Some Produkt
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Quels seraient les groupes que tu rêverais de faire venir ?

Il y en a tellement ! Dans mes dernières envies, enfin aujourd’hui, il y a Coffin, un groupe Australien que j’ai vu au festival Relâche. J’essaye de les accrocher en ce moment. Ditz, Brant Bjork et les Mystery Light aussi… On veut aller dans plein de styles.

Le mot de la fin !

Je ne sais pas trop !

Quel disque tu donnerais à un enfant pour l’emmener vers la musique ?

Houlà question difficile… Je ne suis pas sûr d’être bon conseil et comme j’ai l’âge que j’ai, je dirais les Stooges ou le MC5 mais je ne suis pas sûr qu’un enfant ou un adolescent ait envie d’écouter ça. Il y a des choses plus contemporaines que les adolescents aimeraient mais pour moi ces deux groupes sont au Panthéon.

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