C’est le neuvième album de Da Capo « Songs from the shade ». Pourquoi ce titre et quelle était l’idée de base ?
Quand j’ai commencé à faire le texte du premier morceau « Ring the bells », j’ai eu l’idée de trouver une thématique pour relier les chansons. Cela s’est révélé assez payant. D’où l’idée du concept album : comme il y avait cette unité entre les morceaux, il fallait que je traite de la même histoire.
L’histoire, c’est un roi un peu… sombre ?
Oui, c’est un roi fou enfermé dans son donjon et qui se rappelle le meurtre de ses parents, la guerre, la perte de l’être aimé, c’est un peu sanglant mais c’est aussi une réflexion sur la folie. Par exemple « Skeletons », le titre 7 de l’album, raconte un cauchemar. A l’arrivée, c’est un disque plutôt sombre et mélancolique.
Ce n’était pas une volonté de ta part de faire un concept album ?
Non. Normalement, je galère pas mal pour écrire les textes mais comme j’ai trouvé une idée directrice, cela m’a aidé. C’est même la première fois que les paroles me viennent aussi facilement.
Est-ce que tu en avais comme références des concepts albums des années 70 ?
Forcément un peu : j’aime la musique de ces années-là. Dans le rock c’est une des périodes que j’écoute le plus. S’il me fallait choisir un modèle ce serait « Rock Bottom » de Robert Wyatt, qui est un concept album sans le côté lourdingue de certains groupes de l’époque qui ont beaucoup vieilli. C’est une musique inclassable influencée autant par la pop que par le free jazz. J’ai aussi pensé à « L’Imprudence » d’Alain Bashung. C’est un album avec une grande unité d’atmosphères.
Robert Wyatt est très présent et aussi les Zombies mais il y a aussi beaucoup de David Bowie.
Oui, je suis assez d’accord. J’ai été influencé par Bowie. On pourrait aussi parler de Nick Cave. Maintenant je pense que Da Capo a une identité forte et qu’il est toujours réducteur de tout ramener à quelques influences !
Ce disque, et le groupe, sont portés par ta voix qui arrive à monter très haut.
Tu rappelles des chanteurs de la première partie des années 70, mais ce n’est pas du progressif !
Il y a des choses que j’ai aimé dans le progressif, pas tout, mais quelques trucs. Par exemple, j’étais très fan de Peter Hammill, le leader de Van Der Graaf Generator. Il a été ma première grosse influence à 18 ans dans le registre de la voix.
Tu es pianiste. On sent que c’est l’instrument de trame du disque et que tu es un mélodiste. La mélodie c’est la base pour toi ?
Oui, oui… Pour moi, Da Capo, c’est de la pop lyrique. J’écoute beaucoup de musique classique et j’aime me réclamer de la période romantique avec ses excès en tous genres. Mais j’assume tout ça sans problème !
L’ordre des morceaux est assez original : le premier morceau est assez tendu alors que dès le deuxième morceau tu vas vers la pop avec le piano et sur le cinquième morceau de l’album tu réalises un grand morceau de pop « I need you ». C’est de la vraie pop, on est proche des Zombies !
Tu as raison c’est le morceau le plus pop de l’album. Mais si tu prends l’album dans sa continuité, la légèreté n’est pas le sentiment dominant !
Sur « I need you » tu as fait de la pop, de la vraie, je persiste !
(Rires) Peut-être. C’est vrai que les chroniques parues dans la presse n’évoquent pratiquement pas cette chanson ! Pourtant, je l’aime beaucoup !
Mais c’est ça qui est intéressant chez toi : un côté pop et un côté plus sombre avec des morceaux plus … lyriques, notamment à cause de ta voix.
Oui, oui… ça caractérise assez bien ma musique.
Tu as une voix très haute perchée…
Comme j’ai une voix aiguë, ça se remarque et d’ailleurs, c’est principalement ce qui partage chez Da Capo. Mais ça ne me dérange pas. Au moins, j’ai une voix comme on dit reconnaissable entre mille.
Il y a deux morceaux instrumentaux assez courts « Intermezzo » 1 et 2. On a l’impression que tu voulais que l’auditeur se repose ?
Ce n’est pas faux mais c’était plutôt dans le but de construire un univers musical homogène. Ce n’est pas la première fois que j’intègre des instrumentaux dans les disques de Da Capo. Je le fais assez souvent. D’ailleurs, je crois que c’est l’album de Da Capo qui a la plus grande unité. Celui où j’ai réussi à canaliser ma gourmandise musicale…
Tu finis l’album avec « You cry » qui finit comme une ballade hypnotique. C’est un morceau qui s’écoute jusqu’à la fin
Effectivement, le final instrumental est important !
Tu l’as fait où et avec qui ce disque ?
Comme d’habitude à la maison avec mes deux comparses habituels : Cédric Sabatier à la guitare et Sylvain Hanon au saxophone. Ils sont là depuis cinq albums. Là, interviennent également Doctor M à la basse et Pat Hilly à la batterie.
Tu vas tourner avec eux ?
En formule complète, c’est très compliqué de tourner car notre musique n’est pas facile à vendre en live ! On joue beaucoup en formule à deux ou à trois. L’automne dernier, j’ai beaucoup joué avec Cédric en duo avec des boucles rythmiques. D’après les réactions, ça fonctionne plutôt bien. On a aussi joué un peu à trois avec le sax qui joue aussi des claviers. Donc je préfère que l’on joue en formation réduite mais plus souvent…
Tu fais des basses au clavier ?
Oui, avec le piano on arrive à remplacer la basse sur certains morceaux.
Tu pourrais presque faire des concerts en acoustique : voix et piano !
On a quand même une musique très orchestrée avec des cordes et des samples. Même si c’est possible, je crois que si j’étais seul, je m’ennuierais. Je ne me vois pas faire des concerts solos et le fait d’être avec Cédric qui met des ambiances incroyables à la guitare un peu à la manière de Jonny Greenwood de Radiohead, donne plus d’intérêt à notre musique.
Tu viens de citer un groupe dont je n’osais pas te parler : Radiohead ! Tu dois les avoir beaucoup écoutés ?
Pas tant que ça, je ne suis pas si fan ! Il y a des morceaux que j’adore, notamment sur « Ok Computer » mais il y a un côté électro répétitif qui me fatigue un peu. J’ai un peu un rapport amour- haine avec ce groupe. En revanche, j’aimerais les voir sur scène. Ils m’ont l’air d’y être très bons !
Est-ce que ce ne serait pas un groupe avec qui tu aurais les mêmes influences ?
Peut-être, c’est possible. Jonny Greenwood a fait des BO de films vraiment intéressantes, en s’inspirant de musique classique ou contemporaine. Que l’on aime tous les deux la musique qui sort du rock comme le classique ou le jazz, je suis d’accord.
Quel est ton rapport au jazz ?
J’ai un rapport ambigu au jazz ! J’en ai fait. Je joue toujours du jazz Manouche avec mon frère et j’en ai beaucoup écouté avec mon beau-père quand j’avais 18 ans. Je suis devenu dingue de certains trucs. Pour moi Coltrane, surtout les disques du début des années 60 avec son quartet, et Thelonious Monk pour son génie de composition, sont extrêmement importants. Je les réécoute régulièrement, mais sinon je n’écoute plus beaucoup de jazz. La forme est malheureusement souvent la même.
Tu ne penses pas que dans ta musique, il y a une volonté ou une pensée de jazz ?
Peut-être Mais on improvise assez peu. Je préfère la musique écrite. Je suis plus influencé par la musique classique du 20éme comme Mahler ou Ravel que par le jazz. Cependant, j’aime laisser parfois des espaces d’improvisation notamment dans certaines fins de morceaux.
Le piano est la ligne de base du groupe maintenant ?
Plus qu’avant, c’est vrai mais le piano est central depuis un long moment. Dès notre deuxième album en 2001, j’étais déjà fasciné par le piano. Sur cet album, j’avais aussi la volonté de mettre moins de guitares électriques et d’apporter la violence par d’autres moyens (synthés ou samples).
Tu pourrais monter ce projet, de ton nouveau disque, globalement sur scène ?
J’aimerais mais on n’aura jamais les moyens ! Pour la scène, on n’a même pas les moyens de s’offrir un éclairagiste. J’aurais plein d’idées théâtrales : j’ai grandi dedans. J’adorerais créer des ambiances théâtrales avec des lumières mais c’est trop compliqué financièrement et c’est rageant. Alors de là à monter un spectacle global ou alors avec un partenariat.
Tu en attends quoi de ce disque ?
Je n’en attendais pas grand-chose : j’étais un peu circonspect par rapport à l’aspect peu commercial de ce disque. Mais on a un bon dossier de presse avec pas mal d’articles et j’ai été invité sur France Inter. Pourtant il n’y a pas de single, sauf « I need you », que tu es le seul à avoir remarqué !
C’est moi qui me suis occupé de la promo sans aucun moyen. J’ai tout fait sur ce disque : la promo, la pochette, la réalisation… Je suis un peu « l’homme à tout faire » et j’avoue que c’est un peu fatiguant. Je suis assez content que ça se termine là. Je vais pouvoir me plonger dans le prochain album qui va
prendre le contre-pied de celui-là : les meilleurs singles de Da Capo rassemblés dans une sorte de best-of (avec des inédits)
Tu vas réinterpréter les titres ?
Il y en a trois ou quatre que je vais laisser comme ils sont. Il y aura trois titres d’un album de 2014 qui n’a jamais été distribué. Je vais refaire notamment certaines parties vocales.
Tu as des concerts en prévision ?
A l’automne parce que je viens juste de me faire opérer de la main et je ne peux pas jouer de la guitare en ce moment. On prépare l’automne avec quelques dates vers Dijon et Nice. On ne sait pas encore la taille de cette tournée et on est d’ailleurs toujours à la recherche d’un tourneur !
C’est quoi ton rapport au rock maintenant ?
(Silence) C’est une bonne question (rires). En fait je n’aime pas les clichés du rock, le rythme binaire basique …. J’aime la violence du rock façon Nick Cave ou Radiohead, la violence un peu intello quoi ! Mais le côté perfecto et tatouage, ça n’a jamais été mon truc.
Le mot de la fin !
J’ai toujours l’ambition du truc qui cartonne. J’aimerais que dans le futur on ait un morceau qui passe vraiment en radio, un tube quoi ! Dans le prochain album, il y aura matière….
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