Sébastien Monod nous raconte nos vies en quarante chansons d’Etienne Daho

jeudi 20 novembre 2025, par Franco Onweb

C’est un voyage passionnant dans lequel nous emmène Sébastien Monod avec son nouveau livre « Une vie en chansons » consacré à Etienne Daho. Dire que Sébastien est un grand admirateur du chanteur rennais serait un pléonasme puisqu’il lui a déjà consacré deux ouvrages qui essayaient de percer le mystère Daho. Avec ce nouveau texte, il a analysé 40 titres, de cet immense artiste, en replaçant chaque chanson dans son contexte de l’époque de sa création mais aussi les différentes péripéties qui ont suivi pour chacun de ces morceaux : remix, reprises…

Le projet était plus que ambitieux et Sébastien a su relever le défi avec une minutie dans ses recherches mais aussi par un style d’écriture qui fait de cet ouvrage presque, un roman. A travers ces titres, c’est la bande son de nos vies que raconte ce livre puisque pour beaucoup d’entre nous Daho nous accompagne depuis plus de quarante ans.

Quand j’ai appris que le livre sortait, j’ai contacté Sébastien Monod pour avoir des précisions sur un livre qui vous permettra de vous replonger dans des souvenirs et surtout de (re)découvrir le talent de ce merveilleux chanteur qu’est Etienne Daho.

C’est ton troisième livre sur Étienne Daho, pourquoi ?

C’est une question que l’on me pose souvent, et à raison. Le deuxième livre était dans la continuité du premier, « Dahovision(s) ». Étienne Daho venait de sortir « Tirer la nuit sur les étoiles », et dans les clips et les singles parus, je trouvais qu’il y avait pas mal de choses à raconter. J’ai décidé d’auto-publier ce livre pour que cela aille vite et surtout avoir toute latitude concernant l’objet. Je tenais à ce format carré rappelant le vinyle, je ne suis pas sûr qu’un éditeur l’aurait fait ainsi. Cet ouvrage publié, je pensais avoir vraiment fait le tour du sujet. Et puis, Hugo Publishing m’a contacté en février 2024 pour me proposer d’écrire ce livre, « Daho, une vie en chansons ». C’est le nom de la collection. Plusieurs ont déjà été publiés sur l’œuvre de Jacques Dutronc, Vanessa Paradis, Jean-Jacques Goldman ou Alain Souchon.

Sébastien Monod
Crédit : Franck Laguilliez

Tu as hésité ?

Pas longtemps, ça me faisait plaisir d’aborder l’œuvre d’Étienne non plus par le biais de ses références artistiques, mais par ses chansons en expliquant comment elles sont nées, dans quel contexte personnel, social et culturel, comment elles ont été reçues par les médias et le public, en ajoutant des anecdotes. C’est une approche très différente. J’ai encore découvert des choses sur Étienne et sur sa musique. Je ne regrette absolument pas cette aventure !

Le titre, c’est « Une vie en chansons », mais n’est-ce pas aussi ta vie, parce que ta vie a été marquée par Étienne Daho. Tu racontes au début du livre que tes parents te faisaient écouter Etienne Daho dans la voiture qui vous emmenait en vacances.

Il y avait une compilation de titres sortis en 1984-85, et parmi eux « Week-end à Rome ». Mais j’ai découvert que les souvenirs ne sont pas figés et se reconstruisent régulièrement. C’était peut-être « Tombé pour la France ». Mes parents avaient un combi Volkswagen, c’était fun d’avoir cette BO sur la route. Ado, j’écoutais vraiment tout et n’importe quoi. À la fin de l’adolescence, mes goûts se sont affirmés. Il y a eu l’album « Pour nos vies martiennes » avec « Bleu comme toi », « Des heures hindoues »… Des chansons incroyables qui m’ont transporté. Et ensuite « Paris Ailleurs » qui a été un gros coup de cœur, le début de mon intérêt et de mon admiration pour son travail.

Daho, c’est qui pour toi : une « madeleine de Proust », un compagnon de route, une forme de modernité ? A la lecture de ton livre, on voit très bien comment ses titres continuent à vivre avec des remixes et des reprises. C’est quelqu’un qui n’est jamais dépassé et qui vit avec son temps.

Il a cette intelligence du cœur, une grande sensibilité, quelque chose que les fans partagent. Il va là où son cœur et ses émotions lui dictent d’aller. Il collabore avec des personnes qu’il aime, dont il aime le travail, des personnes qui ont une aura. Il ne fait jamais des choses à contre-cœur ou sur commande, et je trouve ça exemplaire ! D’autres artistes vont peut-être aller là où le vent les porte, parce que c’est dans l’air du temps. Daho a travaillé avec les tenants de la « French Touch » bien avant qu’ils soient connus. Il avait écouté le premier album de Daft Punk avant sa sortie. Il n’a pas travaillé avec eux, mais avec d’autres. S’il n’est pas démodé, c’est parce qu’il fait des choses qui sont en accord avec lui-même.

Son album « Pop Satori » est, par exemple, celui qui a posé la première pierre de la « French Touch ». Est-ce que le génie de Daho n’est pas de se servir extrêmement bien de sa culture et de sa curiosité ?

Si, bien sûr. « Dahovision(s) » mon premier livre, était justement centré sur son bagage culturel et montrait que sa grande curiosité était au service de sa création.

Tu montres bien ses différentes collaborations avec ses reprises et ses remix.

Ce qui m’étonnera toujours, c’est son spectre culturel et son background immense. Il m’a fait découvrir pleins de choses ! Ce qui est génial, c’est qu’il peut adorer, dans la musique, la peinture ou le cinéma, des œuvres populaires comme des œuvres méconnues ou marginales, dans le sens « à la marge ». Il a cette faculté-là, cette curiosité-là. Avec « Dahovision(s) », j’ai voulu mettre en exergue les interactions entre le monde extérieur et son travail : il a l’audace de revendiquer ses inspirations tout en en faisant quelque chose de très personnel. Son univers foisonnant s’enrichit encore au contact d’autres œuvres, d’autres artistes. « Les mélanges, ça nous rend encore plus forts », chante-t-il dans « Idéal ».

C’est justement ce que montre ton livre : il a sa base culturelle à lui et, au cours des 40 titres que tu décris, on voit qu’il va chercher des artistes actuels proches de sa culture, mais qui démarrent.

Ce n’est pas un opportuniste, ça c’est sûr !

Au contraire, on a l’impression qu’il fait régulièrement « la mise à jour » de sa culture !

Oui, c’est ça ! Il s’intéresse à tout et il poursuit dans la voie qui est la sienne, en s’adjoignant les services de personnes qu’il apprécie, et peu importe qu’elles soient connues ou non. Il creuse son sillon.

Tu as choisi les 40 titres ?

Oui, l’éditeur m’avait laissé le choix. Il fallait juste qu’il y ait ses grands succès, ce qui me paraissait normal : impossible de ne pas parler, dans un livre grand public, des tubes que tout le monde connaît. Cela n’aurait pas de sens.

Il y a des titres qui sont dans ce livre qui ne font pas partie des grands succès d’Etienne Daho. Je pense à « If » ou « L’Homme qui marche ».

Oui, certains ne sont même pas sortis en single.

Tu as mis dans ton livre « Sur mon cou », le single issu du poème de Jean Genet, qu’il a joué sur scène.

Oui, c’est le point de bascule de sa carrière : il y a un avant et après « Le Condamné à mort » qu’il a créé sur scène avec Jeanne Moreau. Il assume la crudité de ce texte, mais aussi sa beauté. Dans « Les Chansons de l’innocence retrouvée » qui est sorti après, il y a un côté beaucoup plus poétique qu’avant et davantage tourné vers l’Autre.

Tu montres que les chansons de Daho vivent bien longtemps après par des remixes ou des reprises, par des gens qui sont inconnus à l’époque, mais qui deviennent connus par la suite.

Je craignais d’être un peu lourd en listant les reprises de ses morceaux. Je me suis autorisé à le faire en me disant que mon éditeur couperait sûrement ces parties. Mais il a tout gardé, il n’a rien supprimé ! Je vais certes dans le détail, mais avec l’objectif de montrer que Daho est une source d’inspiration à toutes les époques. C’est quelqu’un vers qui les artistes se tournent pour leurs propres créations. Plein de jeunes artistes, mais aussi des artistes avec une notoriété, tels Benjamin Biolay, Alex Beaupain ou Bertrand Belin, ont fait des covers de ses chansons. Cela va bien au-delà du simple hommage, c’est un exercice d’admiration sincère.

Ces disques sortent en deux temps : une première sortie et puis après, bien après, ces remix et ces reprises sous son égide. N‘est-ce pas là son talent : se servir de sa culture et de ses relations pour produire quelque chose d’original ?

Certainement. Il y a des affinités, des gens qu’il apprécie, des gens qui aiment sa musique et qui le sollicitent… C’est un cycle sans fin, un flux qui ne s’arrête jamais. Je suis surpris à chaque fois que je contacte, il est toujours très occupé alors qu’il n’est pas en tournée ou en train de préparer un disque. Mais il est sollicité pour une expo, un hommage, un disque… C’est aussi pour cela qu’il reste sur le devant de la scène. Son nom surgit régulièrement. Récemment, c’était pour l’album de Vanessa Paradis. Il projette des choses pour 2026, et toutes les choses que l’on ne sait pas encore. Il y a un bouillonnement perpétuel qui fait qu’il a toujours envie de faire des choses.

Il y a un mystère Daho : il n’est pas dans la presse people, il peut se promener tranquillement alors qu’il est une des plus grandes stars françaises. On ne sait pas grand-chose sur lui sauf sur son enfance. On peut penser que tu cherches à résoudre ce mystère ?

Peut-être. Comme pour toutes les choses que l’on aime, on veut en savoir plus. Je possède tous ses disques, mais je cherche aussi les disques auquel il a collaboré, parfois sous pseudo. Si je cherche ces disques-là, c’est parce que, comme d’habitude, il y a contribué à 200 %, et même si elle se veut discrète, on y retrouve sa patte. Je trouve cela captivant. Tous ses disques, ses participations et ses collaborations sont comme les différentes pièces d’une boule à facette, et les boules à facettes, ça brille ! Il dégage une lumière que je trouve fascinante.

On parle de ton style : c’est très agréable à lire. Tu as une écriture qui n’est pas journalistique, ni romancière, mais je dirais plutôt une écriture pop.

Oh, merci ! Je doute beaucoup de mon écriture. Les retours m’intéressent beaucoup, j’espère avoir trouvé le bon style pour raconter Étienne Daho. J’ai essayé d’écrire le roman de sa vie. Mon souhait est d’être un passeur, comme lui d’ailleurs, et franchement partager mes connaissances et offrir des informations inédites ou méconnues, c’est vraiment un grand kif pour moi !

Tu as écrit une biographie de Montgomery Clift. On a l’impression que tu partages les mêmes obsessions que Daho ?

J’ai fait des études de cinéma, et donc j’ai toujours eu une grande curiosité pour le cinéma. Ce sont deux livres importants pour moi. On parle de deux hommes qui ont une particularité : ils sont authentiques, tous les deux cherchent ou ont cherché à livrer le meilleur d’eux-mêmes. Tous deux avec une vraie vision de leur art.

Est-ce qu’il y a des titres de Daho, dans ce livre, que tu n’as pas pu mettre. Là, il y en a déjà 40 ?

Oui, mais uniquement quelques titres qui m’auraient fait plaisir, ce qui ne représente pas un grand intérêt. Il y a par exemple des chansons de « La notte, la notte ». Par exemple « Laisse tomber les jaloux » dont la musique est signée Franck Darcel, pour beaucoup anecdotique, moi je l’aime énormément, notamment pour son ambiance et la façon qu’il a de l’interpréter, tout en murmure, mi-crooner, mi-Chet Baker. Je pense d’ailleurs qu’à l’avenir, il va s’orienter vers ce style de chant.

Il a toujours aimé ça !

Oui, mais il ne l’a pas encore beaucoup exploité. Sur « Surf », son album de reprises, il y a un côté country et jazzy. Sur « Paris Ailleurs », il y a des titres très soul, sur « Éden » ou « Tirer la nuit sur les étoiles », il y a de la bossa nova. Je ne suis pas devin, mais j’ai l’impression que l’on aura davantage ce genre d’ambiances dans les prochains albums…

Sebastien Monod
Crédit : Franck Laguilliez

Quels sont tes liens avec Étienne Daho ? Qu’a-t-il pensé du projet ?

Ce sont des liens de fidélité et de confiance. J’ai pu mesurer à quel point il me faisait confiance lors de nos différents échanges professionnels. J’entends bien la conserver. Mais mon approche étant basée sur le respect et la vérité, il n’y a par conséquent aucune raison que les choses changent !

Tu as un rapport de fan, mais un rapport intelligent : tu le respectes !

Bien sûr ! Par exemple, je lui ai proposé de lui envoyer le texte du livre avant sa parution. Il a refusé, comme il avait refusé pour « Dahovision(s) ». Il me fait confiance pour l’écrit. Il a juste voulu savoir quelle photo avait été choisie pour la couverture du livre, ce qui est normal.

Tu l’as interviewé pour ce livre ?

Oui, comme pour « Dahovision(s) ». En plein confinement, on avait discuté une heure au téléphone. Et il avait accepté de faire une séance photos à l’Hôtel La Louisiane à Paris pour la couverture. J’avais trouvé cela incroyable : qui accepterait de donner son image pour un livre sans avoir eu connaissance de son contenu ?

Parce que c’est un instinctif ?

Tout à fait ! Pour moi, c’était un honneur. Étienne m’a fait un cadeau formidable. Il avait lu mon livre sur Montgomery Clift, et il l’avait beaucoup aimé. Je pense qu’il apprécie mon souci d’exhaustivité et la minutie avec laquelle j’aborde un sujet. Il avait beaucoup aimé « Dahovision(s) ». Il avait dit que le livre lui faisait penser à une thèse !

Il y a ce morceau très touchant « Je n’écrirai plus si souvent » dédié à ses deux amis proches qui l’ont accompagné au début : Franck Darcel et Philippe Pascal. Ne penses-tu pas qu’il va s’orienter vers des choses plus sombres ?

Ce qui est bien avec Daho, c’est qu’il est imprévisible. Par exemple, jamais je n’aurais pensé qu’il allait sortir un album comme « Tirer la nuit sur les étoiles » avec des réminiscences d’anciens albums tels que « Corps et Armes » ou « Éden ». On vit une époque très dure. Il a perdu beaucoup de personnes proches. Mais, en parallèle, il reçoit l’amour et la ferveur de son public, ça le booste et le comble de joie. Et puis, il continue de faire de belles rencontres et met en place des projets passionnants.

Comme cet album avec Vanessa Paradis ?

Oui, un album conçu presque en famille, avec Jean-Louis Piérot. Un album qu’il a orienté vers la soul, ça fait partie de leur ADN à Vanessa et à lui.
Pourtant dans ton livre, il dit qu’il ne voulait pas faire du rock !
Oui, mais il vient de là ! S’il a bifurqué vers la pop, il revient de temps en temps au rock, par cycles. Daho ne fait jamais le même disque et navigue entre plusieurs courants, la pop et le rock bien sûr, mais aussi le disco, la soul et la bossa.

Le mot de la fin ?

J’espère que mon livre plaira aux fans. Les premiers retours sont très enthousiastes. J’espère aussi qu’il touchera le grand public. J’aimerais que celui-ci prenne la mesure de l’apport de Daho à la musique, et qu’il ne soit plus, pour une partie de la population, seulement le chanteur de « Week end à Rome ». Si grâce à mon livre, parmi les auditeurs ou spectateurs occasionnels, certains découvrent et flashent sur « Le Phare » ou « La Baie », je pourrais considérer ma « mission » réussie.

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