Desmond Myers : rencontre avec un chanteur de pop

mercredi 17 mars 2021, par Franco Onweb

Avez-vous remarqué comment le mot pop est employé un peu partout pour définir un peu tout et n’importe quoi ? Desmond Myers peut employer ce mot à juste titre. Après une enfance en Caroline du Nord, ce chanteur américain a déboulé en Europe, d’abord en Allemagne et ensuite à Paris où il a collaboré avec le groupe Her.

Il s’est lancé dans une carrière solo passionnante, où après la découverte de la scène parisienne, il a sorti quelques EP de musique que je qualifierai donc de « Pop ». Alors qu’il travaille sur un premier album très attendu, j’ai discuté cet automne en visio conférence depuis son studio à Atlanta. Voici le parcours d’un enfant de la pop pour qui la musique est sans frontière, ni barrière.

 

D’où viens-tu ?

De Caroline du Nord, une toute petite ville où j’ai grandi dans une ferme. La musique est venue dans ma vie grâce à mon père qui en mettait dès qu’il était sur son tracteur. C’était important pour lui d’en avoir toujours, notamment dans la maison. Ce n’était pas un musicien mais un vrai amateur de musique, notamment du blues.

Crédit : Katie Parker Rixon

Tu viens du sud des USA, c’est plutôt connu pour être la patrie du blues rock. On est très loin de ta musique. Comment as-tu découvert la pop ?

Voilà une bonne question (rires) ! C’est en arrivant à Paris que j’ai découvert ça. Tu as raison : le sud, c’est le pays de la guitare et moi-même je suis guitariste. Mon père aimait le blues rock et j’ai grandi avec ça mais au lycée j’écoutais aussi Kanye West. C’était une petite ville à côté où il y avait une population Afro Américaine importante. Là-bas j’ai découvert une autre musique : le Hip Hop.

Comment es-tu arrivé à Paris ?

Par l’avion (rires) ! J’ai commencé d’abord par jouer à Charlotte, la grande ville de Caroline du Nord. Je pouvais jouer tous les soirs. Comme ça j’ai rencontré plein de musiciens. C’est comme ça que j’ai rencontré un producteur allemand qui m’a proposé de le rejoindre dans son pays parce qu’il voulait créer un label. J’ai vécu quatre ans là-bas, de 2012 à 2016, c’était assez dur avec pleins de petits concerts.

Tu arrives à Paris en 2016 ?

Oui, j’ai d’abord rencontré Victor (Solf, ndlr) du groupe Her, qui m’a demandé de corriger ses textes. J’ai corrigé ses textes parce qu’il était à Paris. Jamais ceux de Simon, l’autre chanteur, parce que lui habitait à Rennes. J’ai aussi travaillé pour Super Java, Lou Marco

Quand on écoute ta musique on retrouve de l’électro, de la pop, du R&B mais globalement tu vas surtout vers la « Black Music », comment l’as-tu découvert ?

Mon père écoutait beaucoup de grands guitaristes de blues comme BB King ou Robert Johnson. Quand tu écoutes ça, tu es proche de Ray Charles, Sam Cooke ou Marvin Gaye... J’adore tout ça. Ça réunit un peu tout ce que j’aime. La Black Music c’est la musique que j’admire le plus au monde : c’est la musique du 20e siécle. 

Tu aimes la Tamla Motown ?

J’adore !

Mais ce n’est pas compliqué pour un blanc de chanter cette musique ?

C’est la question ! J’essaye de rester dans le respect de cette musique en restant fidèle à moi-même. Il y a eu des groupes dans les années 80 comme les Dobbie Brothers ou Hall and Oates qui ont essayé, comme moi, de respecter cet esprit.

A Paris ça s’est passé comment ?

J’ai beaucoup travaillé pour payer mon loyer : j’ai donné des cours de musique, j’ai chanté pour pleins de trucs et j’ai fini à chanter pour le Lido. Ça a été le meilleur plan que j’ai eu. Je ne travaillais que le soir et dans la journée je pouvais travailler ma musique. J’ai rencontré plein de musiciens, comme Her, avec qui j’ai collaboré. C’est pour ça je pense que ma musique est très marquée par Paris et la France.

Paris est une ville où il y a beaucoup de styles musicaux différents dont la World Music. Le côté cosmopolite de la ville ne t’a pas influencé ?

Je fréquentais une scène avec les gens de Her qui étaient influencés par Daft Punk ou Justice, toute cette scène de Bobos parisiens, qui font de l’électro avec des instruments. Avant d’arriver à Paris, je ne connaissais pas ou peu cette musique… Par exemple, c’est à Paris que j’ai découvert le synthétiseur « Juno 6 » parce que tous les groupes en avaient un. Je n’avais jamais touché un synthétiseur analogique de ma vie et cette découverte a bouleversé ma musique. J’ai compris que certains samples de Kayne West venait de ce synthé. C’est là ou Paris m’a influencé.

Tu as sorti un premier single en 2017 ?

Oui un Ep titres et deux autres ensuite. Je prépare mon premier album.

Tu qualifierais comment tes EP ?

De la pop, j’aime beaucoup ce mot. Il est très libre, ça ne se met pas un coin. C’est minimaliste et sans complexe. Il y a aussi du RnB et de la soul.

La pop est un rassemblement de plein de choses ?

Oui et comme j’ai envie de tout essayer quand j’ai un synthé. La pop c’est libre, tu vas ou tu veux et tu ne déçoit personne. 

Crédit : Katie Parker Rixon

Ton son d’ailleurs est très parisien mais aussi avec un côté crooner américain ?

Bien sûr, ça vient du Lido ! Avant, j’avais beaucoup joué, et chanté, dans des restaurants que ce soit en Allemagne ou à Paris. Je connais donc bien ce répertoire. Ce n’est pas voulu mais c’est en moi ce côté « crooner ». 

Tu as écrit un texte sur Belleville, « Chinatown », tu peux en parler ?

Ca parle de l’époque où on habitait là-bas avec ma femme. En fait quand tu habites une ville comme Paris, tu n’as jamais le temps de profiter de celle-ci parce que tu travailles tout le temps et tu es coincé dans un petit appartement. Il y a un moment, que ce soit au printemps ou à l’automne tu as un peu de temps pour te promener et là tu te dis que ce n’est pas la pire ville au monde alors que le reste du temps c’est galère : c’est cher, il ne fait pas toujours très beau…

Mais tu es un peu le cliché de l’américain qui arrive à Paris et qui finit par chanter au Lido ?

Oui, mais tout est arrivé par hasard ! S’ il fallait que je le refasse, je ne suis pas sûre que je le ferai …. J’ai eu beaucoup de chance !

Tes musiciens sont à Paris mais ton studio est à Atlanta : c’est un peu compliqué ?

J’ai fait un EP en 2019 ici mais les musiciens parisiens me manquaient. Mathieu Gramoli le batteur de Her m’a contacté pour me dire qu’il venait me voir à Atlanta. On a passé deux semaines ensemble à enregistrer et quand je suis revenu à Paris, Mathieu a choisi les musiciens : Louis à la guitare, qui a mixé et Pierre à la basse. En fait c’est plus facile de travailler avec des gens que tu connais.

Mais tu as été chanteur de Her ?

J’ai remplacé Simon quand il n’allait pas bien. En fait mon équipe ce sont les musiciens de Her .

Ça se passe comment pour travailler, notamment pour ton album ?

On est en train de le finir à distance. On a une blague entre nous : c’est le premier album qui est fait sur WhatsApp ! Je fais les voix chez moi et je les envoie. On a fait un premier concert début 2020 à Paris. Deux tournées, une aux USA et une autre en France, étaient programmées avec des séances de studio : tout est annulé ! Donc on bosse virtuellement !

Tu peux parler de cet album ?

Il y aura 10 titres originaux. On va d’abord sortir plusieurs singles. Il y aura cinq singles avec une croissance pour montrer la complexité de ma musique. On va travailler chaque titre.

Il sortira en physique ?

En vinyle et en numérique ! On a tous produit : j’ai fait des guitares et des voix. J’envoie tout à Paris et ensuite ils retravaillent. Je suis un chanteur solo mais j’ai besoin d’avoir des gens de talent avec moi.

Mais tu aurais pu travailler avec des américains ?

Bien sûr mais la nostalgie est très forte ! Paris m’a tellement influencé pour la musique. J’ai beaucoup joué à Atlanta mais je me sens plus proche des parisiens. Il y a une volonté des Français de travailler avec des Américains et vice versa. C’est compliqué avec ce qui se passe en ce moment.

Ça va se passer comment sur scène ?

On était quatre et je pense qu’ on repartira dans cette formule.

Tu veux revenir en France au printemps ?

Oui, pour la sortie de l’album

Le mot de la fin ?

Merci à ceux qui ont écouté et on espère surprendre tout le monde avec la suite !

Quel disque tu donnerais à un enfant pour la musique ?

Je suis prof de musique et je vois comment les enfants réagissent, donc je dirais « Revolver » des Beatles. C’est un groupe essentiel !