Filip Chretien : « Entre nous et la lumière », un album entre l’ombre et la lumière

mardi 30 novembre 2021, par Franco Onweb

Début novembre, Filip Chretien, le chanteur rennais sortait son nouvel album « Entre nous et la lumière ». Un disque splendide où l’ombre de son ami, le poète et chanteur Jean-Louis Bergère disparu en avril dernier, est omniprésente. Ce n’est pas un album de plus dans la discographie de Filip, c’est un disque « charnière » où il se met à nus comme jamais, un moment où la douleur se mêle à l’espoir. Un disque lumineux qui en ces temps, bien moroses, redonne de la puissance à la musique d’ici.

Un vendredi après-midi, par un temps bien maussade, j’ai discuté Filip pour en savoir plus. On a parlé de Jean-Louis Bergère, des différents titres de l’album et de « Lust4Live », les agitateurs rennais qui l’ont aidé à sortir ce disque, qui est une des grandes réussites de 2021.

Pourquoi avoir appelé ce nouvel album « Entre nous et la lumière » ?

Parce que c’est une phrase qui est dans le texte que j’ai choisi pour l’introduction du disque et ce sont les mots de Jean Louis Bergère, mon regretté ami, qui nous a quittés en avril 2021. J’ai trouvé que ces mots reflétaient bien le reste de l’album.

Filip Chretien
Crédit : Christophe David

Tu l’as fait où ?

Chez moi, comme d’habitude, en grande partie.

Y compris les basses et les batteries ?

Oui, en fait ce ne sont pas de vraies batteries. On a juste fait un titre en studio, « avant de quitter la terre », au studio du Faune.

Il y a qui sur le disque ?

Principalement Olivier Loas, puisque on a pratiquement tout fait à deux. En additionnel il y a Pierre Corneau à la basse, Gilles Morillon à la batterie, Olivier Gastel aux percussions et Niko Boyer à la guitare.

C’est un disque assez mélancolique ?

Comme la plupart des disques… Ceux qui me connaissent trouvent que c’est un disque mélancolique et ceux qui ne me connaissent pas trouve qu’il est plutôt lumineux.

C’est aussi un disque nocturne, il a besoin de la nuit pour prendre sa dimension.

Oui, c’est un disque intime je crois.

On va parler de chaque morceau. Le premier c’est « Jardin suspendu ».

C’est un texte de Jean-Louis Bergère et j’y ai fait chanter mon fils Samy (en Anglais), La musique est d’Olivier Loas. J’ai juste posé les mots de Jean-Louis dessus.

Tu as perdu un très grand ami, Jean Louis Bergère, à qui l’album est dédié…

Oui, ça a été ma façon de lui rendre hommage de terminer cet album que j’avais un peu mis en suspens.

Pourquoi as-tu choisi ce texte ?

En « fouillant » dans les textes inédits de Jean-Louis, celui-là m’a vraiment plu. Tout de suite je me suis senti à l’aise avec. Ce texte, à la base, n’était pas du tout conçu pour ça. Jean Louis avait participé à un projet d’écriture pour un livre de photographies. Ce texte peut parler à n’importe qui je crois, c’est un texte très universel à mon sens.

Jean-Louis Bergére et Filip Chretien sur scène
Droits réservés

Deuxième morceau, « Reste », une chanson avec beaucoup de claviers. C’est une histoire d’amour ?

C’est un des derniers morceaux que j’ai écrit avec Olivier (Loas, ndlr). Il me manquait quatre morceaux pour finir le disque. A la fin de l’été, je me suis dit qu’il fallait que je le finisse. J’ai fait venir Olivier à la maison, je lui ai proposé qu’il me joue des thèmes au piano et moi j’improvisais sur mes textes. C’est plus une chanson sur l’adolescence et l’été qui se termine.

On parle d’Olivier Loas ?

On se connait depuis 25 ou 30 ans. Il faisait partie d’un groupe Rennais, les Tzars du Veda, je crois. On s’est retrouvé en 2004 sur le parking d’un studio d’enregistrement. Je lui ai fait écouter des chansons et depuis on ne s’est plus quittés. Il est très fort en arrangement, notamment pour les cordes. Cet album, on l’a produit vraiment à deux.

Morceau suivant : « Avant que la nuit tombe ». Pour moi c’est une chanson de marin amoureux !

Cette chanson a une histoire. On me l’a commandée pour un artiste, qui ne l’a pas été retenue. Je l’ai retrouvé dans un carnet au début du confinement. C’est une chanson sur les relations dans un couple et le temps qui passe.

« Les courants d’airs », une chanson d’amour.

C’est une chanson sur les hommes un peu … volage ! C’est très imagé, je ne me rappelle plus trop ce que j’ai voulu dire dans ce morceau (rires).

« Combien de promesses », un morceau où il y a du parler/chanter, une technique que tu vas souvent faire.

Je le faisais avant pas mal sur mes anciens disques. C’est une chanson d’amour, sur le départ… Quand je fais un texte, je ne sais jamais où je vais, à la fin je relie le tout et ça raconte parfois une histoire.

Mais tu écris très bien !

J’écris dans la spontanéité ! Si c’est compliqué j’arrête ! Pour écrire, je laisse défiler la musique et je chante ou je parle dessus. J’essaie de faire rentrer les mots dans la musique.

On te compare souvent à des chanteurs un peu « bobos », ça te dérange ?

Non ça ne me dérange pas …. En tout je ne suis pas un rocker c’est sûr !

« Quelque chose », qui est un morceau plus rock !

Effectivement, c’est un morceau qui correspond à la période du premier confinement qui commençait à m’énerver. J’étais un peu speed et en colère contre tout ça. Quelqu’un m’a dit que c’était du rock 2.0 (rires) !

Ensuite tu fais un morceau pop avec ce piano qui ouvre « Avant vient de quitter la terre » !

Oui, c’est un titre plus pop, un peu à l’anglaise . Je revendique parfois cette influence anglo-saxonne.

Mais plus on avance dans l’album, plus cela se durcit au niveau de la musique.

Oui, il y a une progression

« L’étoile endormie » une chanson qui parle du mois d’Avril. C’est pour Jean-Louis Bergère ?

Oui, je l’ai écrit le lendemain de sa disparition : j’en avais besoin. Je parle du sale mois d’avril et du mois de juin, où on était à Angers ensemble avec nos compagnes respectives. Nous nous promenions parfois bras dessus/ bras dessous.

Tu as commencé quand ce disque ?

En février 2020, le premier morceau que nous avons fait, c’est « Avant de quitter la terre » et après il y a eu le confinement.

Pourquoi finir par un instrumental ?

J’avais déjà fait ça sur « les Traces » (son précédent album, NdlR). Ça me permet de clôturer, un peu comme la conclusion d’un livre. En plus j’aimais beaucoup la voix de mon fils pour terminer (rires).

Quel a été le rôle de « Lust4live » dans ton disque ?

Je ne comptais pas sortir un disque à la fin de l’été. Au mois d’août, j’ai eu un contact avec mon distributeur Coop Breizh. Je leur ai demandé s’ils me distribueraient si je faisais un disque. Quand je leur ai demandé une date, ils m’ont proposé novembre. J’ai dit « banco ! ». Il me manquait quatre morceaux, j’ai appelé Olivier et on s’y est mis direct. On a tout fini en un mois. J’ai appelé Stéphane de Lust4Live pour savoir s’ils pouvaient m’aider à sortir mon disque, notamment au niveau de la fabrication et tout de suite il m’a dit : « pas de soucis, on va t’aider. » Ça c’est fait très vite et j’ai fait avec eux une coproduction.

La photo de la pochette est très belle.

Oui, c’est une photo de Marie Le Mauff qui a été prise à mon dernier concert en août 2020. J’ai tout de suite pensé que je ferai quelque chose avec cette photo.

Tes précédents disques ont eu beaucoup de retours médias : Télérama, les Inrocks…. Il se passe quoi sur ce disque ? Parce que tu fais partie des chanteurs qui ont réhabilité la langue française comme Bertrand Belin ou Bertrand Betsch.

J’attends les retours mais comme je fais tout, tout seul, ça prend du temps. Je n’ai pas d’attaché de presse par exemple.

Ce n’est pas trop compliqué ?

Je veux contrôler mon travail ! J’aime bien le côté artisanat local. Ça va doucement mais sûrement. Ça me fait un peu peur le côté trop « professionnel ». J’ai un autre job à côté et pour l’instant ça me va.

Crédit : Jerôme Sevrette

Tu pourrais déléguer des parties autres que la fabrication ?

(Silence) J’ai du mal à faire ça ! Je n’ai pas d’éditeur par exemple et ça ne me manque pas …

Tu as peur du succès ?

Oui ! Quand j’étais plus jeune et que je jouais dans des groupes, on rêvait de ça : être des rockstars ! Je suis bien dans mon monde. Je voudrais, bien sûr, vendre un peu plus de disques et faire plus de concerts mais pas trop non plus.

Tu as une sorte de simplicité artisanale : tu fais tes disques chez toi, dans ta pièce dédiée à la musique avec tes copains, tu organises toi-même tes concerts…. Tu ne penses pas que c’est parfois un peu compliqué pour les gens qui t’entourent.

Quand tu as une passion, j’imagine que c’est souvent compliqué pour les gens qui t’entourent.

Ça va se passer comment sur scène ?

Je cherche des concerts, il y a des choses qui se profilent peut être.

Tu veux dire quoi pour la fin ?

Merci François ! J’ai tout dit !

https://filipchretienmusic.bandcamp.com/album/entre-nous-et-la-lumi-re