Olivier Popincourt : « We were bound to meet », le nouvel album de l’esthète de la pop

vendredi 23 juin 2023, par Franco Onweb

Olivier Popincourt est un habitué de ce site, on suit depuis plusieurs années, et toujours avec le même plaisir, les aventures de cet esthète et aventurier de la pop ! Ce sera donc le 15 septembre prochain que sortira le troisième album de ce musicien impeccable : « We were bound to meet », un disque plein de mélodies, de chansons où la pop rencontre le jazz. Soyons clair, on parle ici de talent et d’élégance, deux mots qui pourraient totalement définir la musique d’Olivier Popincourt.

Pour soutenir et préparer la sortie de ce nouvel opus, Olivier propos en ce moment un crowfunding, auquel je ne ne saurais trop vous inciter à participer.

Pour en savoir plus, et en avant première, j’ai posé des questions à cet éternel amoureux de la pop d’ici !

Ton précédent album, "A deep sense of happiness" était sorti en 2020. Que s’est-il passé depuis ?

D’abord il y a eu la période Covid. J’ai fait une version de « Shipbuilding » d’Elvis Costello et Robert Wyatta avec la chanteuse de Jazz Susanne Shields pour une compilation Anglaise et une version de « Rain » des Beatles avec mon copain Davis Chazam, dans le cadre d’un évènement organisé par « Life Is a Minestrone ».

Puis il y a l’écriture de ce nouvel album, sans aucune pression, tout naturellement… J’ai retrouvé de vieilles maquettes et réutilisé des ébauches. J’ai pensé à une production plus aérée en mettant en avant la basse et la batterie et ai voulu davantage impliquer les musiciens du groupe, dont Guillaume Glain, batteur qui collabore aussi avec mon ami Olivier Rocabois. J’ai aussi joué quasiment l’intégralité des instruments dont la basse – instrument que j’adore mais que j’avais confié à des pros précédemment : Ken Stringfellow et Fred Jimenez. C’est une première pour un de mes albums.

Crédit : Gérald Chabaud

Pourquoi mettre en avant la basse et la batterie ?

Je voulais une production à l’anglaise avec une rythmique bien présente, même pour les ballades et que les autres instruments soient plus en retrait. Cela dit, on reste dans le même univers que mes précédents disques.

Tu as appelé ton album « We were bound to meet » : pourquoi ce titre ?

C’est une expression qui veut dire « on était fait pour se rencontrer », confiée par un ami musicien. Jolie phrase qui peut se décliner pour tout type d’histoires d’amour, d’amitié ou de projets. J’ai réalisé que cette phrase collait à la mélodie du refrain de la chanson qui donne le titre à l’album. Cela pourrait être considéré également comme un appel, une rencontre vers le public.

C’est un album dans lequel tu alternes rock et ballade. Tu ouvres le disque par un morceau plutôt rock et ensuite il y a une ballade. C’était une volonté de ta part d’alterner les deux ?

Les morceaux viennent naturellement et ensuite je les assemble de manière assez naturelle. L’ordre des titres est très proche de celui utilisé lors des sessions d’enregistrement. J’ai fait attention à la dimension vinyle également : que chaque face commence avec un morceau dynamique et se termine par une ballade.

Il y a ce morceau « Little Rainfall intense sunshine », un morceau qui fait penser à des comédies musicales des années 50 à Hollywood. C’était une volonté de ta part ?

Ah ce n’était pas l’objectif en tout cas. Les arpèges et l’atmosphère étaient tels que ce morceau devait avoir une orchestration sobre, je veux dire sans rythmique. Ensuite les cordes se sont imposées naturellement, à l’instar de certains titres de Nick Drake ou Colin Blunstone. J’aime beaucoup le pont, avec cette ligne musicale proche du jazz, qui rompt avec la ritournelle des arpèges utilisée dans les couples. J’adore les arrangements de cordes de Sébastien Souchois sur ce titre.

Justement ce disque est très mélodique, très composé et il y a des cordes. La mélodie est très importante chez toi ?

Ce n’est pas une intention de ma part, cela vient naturellement quand je compose. Je ne me force pas, les mélodies viennent après avoir trouvé un enchainement d’accords particulier. Et tout vient de mes influences, qui me nourrissent, avec ce que j’aime : mélodie et énergie, quel que soit le style de musique.

Je pensais que tu allais dans une direction musicale plus jazz, plus Soul… Et là on se retrouve dans une pop à la Zombie.

Il y a de ça mais si tu écoutes le morceau « The road to recovery », chanté par Susanne Shield, tu as tous les archétypes de la Soul : accords 7è majeur, flûte, Wurlitzer… mais sa voix particulière amène aussi le morceau ailleurs. Également le titre « We were bound to meet » a je pense un esprit très « Philly Soul » avec ces violons et ces chœurs, très influencés par Harold Melvin and the Blue Notes.

Tu es plus dans le jazz ?

J’en écoute beaucoup oui et je pratique un peu la guitare Jazz. Et effectivement, ma musique peut être définie comme étant de la (power) pop contenant des accords de Jazz. Rien de neuf : beaucoup l’ont fait dans les 60s et le font encore. Enfin tout cela vient de mes influences adolescentes : The Style Council notamment ou Aztec Camera.

Et surtout pour la première fois tu as quelques mots chantés en français !

J’adorais chanter davantage en Français mais tout ce que j’écoute est en Anglais, ou en Portugais, étant fan de Bossa Nova. Je n’ai donc pas le réflexe d’écrire en français…. Même si j’ai essayé dans le passé… Sur ce morceau, « My secret place », cela s’y prêtait bien et c’est la traduction approximative d’un couplet préalablement chanté en Anglais.

C’est un album en Anglais : est-ce parce que tu as le complexe de la grande chanson française avec tous ces textes littéraires ?

Oui, en partie… J’écoute très peu de chanson Française, qui est rarement pop d’un point de vue rythmique, si on pense à Trenet ou Ferré…. Une autre tendance est au « spoken words » avec Gainsbourg ou Murat, c’est souvent très littéraire et je n’ai ni la voix pour cela ni la culture littéraire… Bien sûr il y a des exceptions : certains titres de Polnareff, Ronnie Bird… et mes amis de French Boutik !

Il y a ce très beau « love on the barricade »,

Oui merci, avec des paroles composées par Gabriela Giacoman (Chanteuse de French Boutik, justement), inspirée d’une anecdote réelle : quand autour d’un bon repas, avec un bon verre, on s’engueule sur des sujets polémiques comme la guerre et que l’on est là, bien au chaud, sans risques… J’ai adoré faire ce duo avec Gabriela !

Et là encore il y a un message à l’ile d’Yeu, « Song for Yeu », où tu dis ton amour pour cette île

Oui je suis originaire de là-bas et je m’y sens toujours bien…J’aimais beaucoup la mélodie et les accords et au lieu de penser à une relation amoureuse envers une personne, j’ai évoqué la relation à un endroit, celui-là, toujours si difficile à quitter… J’y ai tant de souvenirs…

Tu aurais pu mettre des cuivres sur cet album, pourquoi il n’y en a pas ?

Par économie de moyens et pour garder ce son épuré. Je n’avais pas envie de faire un pastiche Soul avec trop d’artifices.

Toutes les chansons sont très épurées, par la production !

Oui, merci, j’avais cette envie, cette vision et cela a été possible grâce au talent et à la patience d’Olivier Bostvironnois, qui a fait les prises de son batterie, cordes et voix et mixé l’album. Un vrai musicien et un excellent pianiste ! Ravi de l’avoir à mes côtés pour les concerts, avec Guillaume Glain (batterie) et François Enert (basse).

Il y a qui sur le disque ?

C’est globalement la même équipe que l’ancien disque à l’exception de la section rythmique : Guillaume Glain à la batterie donc et moi-même à la basse et j’ai adoré faire ça ! Il y a également la garde rapprochée : Gabriela Giacoman, Susanne Shields et Olivier Rocabois pour les chœurs et mon vieil ami Sébastien Souchois (qui a son propre projet – Bastien Devilles) pour les arrangements des cordes.

Crédit : Gérald Chabaud

Généralement quand on fait des disques, le premier on met tout, le deuxième est la continuité du premier et on repart à zéro avec le troisième. Toi, tu es resté sur la continuité des deux autres : c’est du Popincourt !

Oui, oui… Je pense juste que le son de la production est plus aéré mais sinon ça reste dans la lignée de ce que j’ai fait. Pour faire quelque chose de différent, il me faudrait un producteur ! Avis aux intéressés !

Mais tu n’en as pas besoin ?

J’adorais avoir quelqu’un qui me donne la direction à prendre, son avis, des choix artistiques... Tous les disques qui m’ont marqué avaient un producteur qui a conduit le projet, et a amené le groupe plus loin ou dans d’autres directions.

Cet album sort chez Milano Record. C’est la deuxième fois que tu travailles avec eux ?

Oui, Grégoire (Garrigues NDLR), le patron du label, est un musicien, un passionné et un vrai gentleman. Milano a les moyens d’un label indépendant mais ils sont très investis et travaille dorénavant avec un distributeur.

Ta pochette est splendide !

Merci ! C’est une photo de Gérald Chabaud et un graphisme de Serge Hoffman. Je voulais faire une pochette orange avec un design inspiré par les productions « Blue Note ». J’ai fait la séance avec Gérald et ensuite, j’ai donné quelques photos à Serge avec quelques indications et voilà le résultat. Je suis hyper content du rendu, cohérent avec le projet et la musique.

Tu résumerais ta musique à de la pop ?

Ça dépend de ce que l’on entend par là. Pour les Anglais la pop, c’est Kylie Minogue, pour les Français de ma génération c’est The Simths… chacun a sa définition…Si on entend par pop quelque chose de frais, de positif et de mélodique alors oui, je fais de la pop.

Ce qui est intéressant avec toi c’est ta culture. Souvent le dimanche tu fais paraître sur les réseaux sociaux tes lectures et tes écoutes du jour. Est-ce que tout ceci ne mettrait pas en avant toute ta culture pop qui est sur ce disque ?

Rien n’est calculé : il n’y a pas de plan marketing. Ce sont les influences que j’ai engrangées et j’aime partager mes coups de coeur, étant un gros fan de musique. Si j’ai pu faire découvrir certains artistes avec ces post, j’en suis ravi !

De musique ? Je dirais plutôt de pop culture !

Oui, comme Paul Weller je pense que la pop ce n’est pas que de la musique. Mes trois héros, si ce terme est convenable, sont Paul Weller, Elvis Costello et Joe Jackson. Ce sont non seulement des artistes, des créateurs mais également des fans de musique : j’ai fait ma culture musicale grâce à eux, leurs reprises, leurs collaborations, les influences revendiquées. J’ai complètement absorbé tout cela !

Il n’y a pas de reprises et d’une manière générale tu en fais peu ?

Pas dans les albums mais davantage en concert où nous avons repris notamment récemment Costello, The Jam, Colin Blunstone, The Action, Pretty Things…

Tu pourrais faire un album de reprises ?

Non, je ne pense pas. Si je dois en faire, ce sera de manière parcellaire. J’ai repris les Small Faces, Costello et The Jam mais sur des supports différents.

Crédit : Gérald Chabaud

Tu fais un crowfunding en ce moment ?

Oui, j’y vois trois intérêts : de la visibilité au projet, assurer des ventes et financer la suite. C’est assez pénible à faire mais franchement c’est utile pour la notoriété.

On gagne quoi ?

Des albums, mon back catalogue… mais également possibilité de concerts solo, en appartement… tu peux choisir !

Tu pourrais faire un disque analogique ?

Un groupe hyper soudé est nécessaire pour cela. Il faudrait donc du temps pour répéter, faire une résidence, tourner pour peaufiner les morceaux et des moyens pour rémunérer convenablement les musiciens. Je n’ai ni le temps ni le budget pour cela dans un environnement musical où il n’y a plus d’argent…L’album a été réalisé sur plus d’une année, au fil de l’eau, en enregistrant chaque instrument, les uns après les autres. La technologie le permet et je ne vois pas d’autres solutions à ce stade.

Mais ton projet avance bien : tu as de plus en plus de fans. Tu te crées une carrière ?

Il y a de plus en plus de gens qui me suivent et qui comprennent le projet, mais cela reste confiné au sein d’un milieu assez confidentiel. L’enjeu est donc de continuer à creuser son sillon, à se faire connaître dans la durée.

Peut-être mais il y a une attente !

Ce qui est positif, c’est que mon audience ne réside pas qu’en France. En Angleterre, des gens me suivent, surtout dans le milieu Mod, même si je ne me considère pas comme tel, mais il y a des gens qui connaissent cet univers qui apprécient. L’objectif est de pousser les frontières ! C’est pour cela que je communique en Anglais au sein de mon site, des réseaux sociaux…

Mais tu ne penses pas que ce public est un peu trop dans « l’entre-soi » ?

J’essaie de casser les silos ou les chapelles, de créer des rencontres et cela se passe généralement bien. Je pense notamment aux concerts faits récemment avec Lighthouse de Rennes ou Dalton !

Ton objectif est quand même de développer ton public ?

Mon objectif est tout d’abord de faire de la bonne musique, de jouer dans de bonnes conditions et d’arriver à créer au moins, un morceau qui reste, un standard, voilà mon ambition !

Tu as envie d’avoir un nouveau public ?

Bien sûr mais pour ça il faudrait que je tourne, qu’il y ait un véritable intérêt. L’économie de la musique étant ce qu’elle est, ça me parait difficile. Je ne vois que deux solutions possibles : continuer à sortir des disques et collaborer avec d’autres groupes, d’autres musiciens.

C’est quoi tes projets après la sortie ?

Un concert le 15 septembre à la Dame de Canton en groupe avec des invités et il y aura en première partie un super musicien – Robert Rotifer - qui joue notamment avec John Howard, Louis Philippe ou récemment la nouvelle mouture du groupe Mod Anglais Making Time.

On peut espérer un 45t Olivier Rocabois et Olivier Popincourt ensemble ?

Ce serait possible, il faut juste que l’on s’y mette (sourire). On se connait très bien et on est très proche humainement. Nous avons un peu la même histoire, deux provinciaux qui montent à Paris. Nous avons beaucoup d’influences communes, l’amour des accords 7è majeurs, de la mélodie et des chœurs mais nos musiques sont différentes néanmoins : je pense être plus « power pop » et lui davantage « baroque », avec des morceaux plus longs et plus arrangés. Il a écrit deux superbes textes pour ce nouveau disque et j’ai joué de la guitare sur le sien. On a juste des emplois du temps très chargés pour s’y mettre vraiment, mais l’occasion se présentera bien un jour…

Crédit : Gérald Chabaud

Mais il y a une vraie scène pop qui émerge en France avec le Superhomard, Fugu, Lighthouse, Perio, vous deux…

Je pense oui qu’il y a une certaine scène de quadras / quinquas qui perpétuent une musique qui n’intéressent plus trop les Anglais, alors qu’ils l’ont inventée. Et j’y ajouterai French Boutik, Double Françoise, Boris Maurussane… Il faut se serrer les coudes, créer un « posse » comme savent le faire les rappeurs ! Nous devrions faire plus de choses ensemble, créer des événements en ne considérant pas que des musiciens mais aussi des photographes (je pense à Anne Marzelière ou Gérald Chabaud), des créateurs (l’excellente Véronique Fournier)… je sens un frémissement et suis positif !

Le mot de la fin ?

We were bound to meet !

Un grand merci à Gerald Chabaud pour les photos

https://www.ulule.com/popincourt-we-were-bound-to-meet-new-album-2023/