Daniel Sani Chante Jean-William Thoury

vendredi 9 février 2024, par Franco Onweb

D’abord il y a Daniel Sani, musicien marseillais amoureux des sixties et du groupe Bijou. Il y a ensuite Jean William Thoury, auteur, journaliste, écrivain mais surtout manager et quatrième membre du groupe Bijou qui a offert quelques-uns des plus beaux disques du rock d’ici. Quand le premier a proposé une collaboration au deuxième, cela a donné un disque épatant, pleins de chansons qui rappellent les meilleures heures de Ronnie Bird ou autre disque des sixties.
Depuis que je l’ai reçu, ce disque n’a pas quitté ma platine et les concerts que Daniel Sani a donnés dernièrement ont enthousiasmé le public. J’ai voulu en savoir plus et c’est pour cela que j’ai décroché mon téléphone pour discuter avec Daniel Sani !

Peux-tu présenter ?

Je suis musicien, chanteur, compositeur et parfois parolier mais ce n’est pas ce que je fais de mieux. Je fais de la musique depuis très longtemps, parce que j’ai un grand âge (rires). J’ai toujours été très influencé par la musique des années soixante. Mon premier choc musical a été les Beatles dans les années 70, ensuite ça a été les Who. Au même moment j’ai commencé à écouter ce qui se passait en France et ailleurs. J’ai été tout de suite très impressionné par Bijou, qui était ce qui se faisait de mieux. Je n’ai pas connu la sortie des deux premiers albums mais j’ai acheté « Pas dormir » à sa sortie.

Daniel Sani
Crédit : Gérald Chabaud

Tu les as vu sur scène ?

Je n’ai pas eu cette chance : j’étais trop jeune. J’ai rapidement monté un groupe de musique et au début des années 80. On s’appelait « les Papillons Noirs ». C’était une référence évidente à Serge Gainsbourg et à Bijou. On se réclamait des groupes Mods. On disait que l’on avait comme influence les Who, Bijou pour la France et les Jam pour le rock anglais. On était un trio. On est monté à Paris où on s’est fait quelques contacts comme Marie Alcaraz qui venait de quitter Ici Paris. Elle nous a présenté à Jacques Wolfsohn, le DA qui a signé Dutronc, Hardy mais surtout Johnny Hallyday. Ca ne l’a pas fait, mais c’était un peu de notre faute… Je me suis retiré du projet ! Les autres ont continué, dont un est devenu l’un des nouveaux propriétaires du Château d’Hérouville.

Il y avait beaucoup de rock à Marseille ?

Il y a du rock à Marseille depuis les années 60, même si la ville a une image Hip-Hop. Il y a eu Rocky Volcano au début des années soixante. Il y a eu aussi les 5 Gentlemen qui était un groupe exceptionnel. Dans les années 70 il y a eu une vague Punk avec Quartier Nord qui était dans la rébellion, Wild Child… Après il y a eu une scène qui se réclamait des sixties avec les Bootleggers et nous les Papillons Noirs, entre autres… La grande différence avec les groupes de Rap, c’est que personne, à part les 5 Gentlemen, n’est vraiment sorti de la ville, peut-être juste Wild Child … En tout cas, il y eu une scène rock à Marseille. Il y a eu une exposition passionnante l’année dernière qui montrait le rock à Marseille.

Les Papillons Noirs
Droits réservés

Qu’est-ce que tu as fait après les Papillons Noirs ?

J’ai été dans un groupe, les Imposteurs. On ne faisait que des reprises des sixties entre 1965 et 1966.

Justement, pourquoi cette passion pour les sixties ?

Je n’en sais rien (rires) ! C’est une question qui est simple et compliquée à la fois. Simple, parce que c’est la musique que j’adore ! Ca appelle à la musique que tu découvres adolescents et qui te procure de vraies émotions. On a tous connu : la découverte de musique à 16 ans et tu sais que tu ne retrouveras pas ce même sentiment adulte. Je suis collectionneur de vinyles et c’est souvent compliqué pour la collection. Tu découvres des trucs à chaque fois : des groupes inconnus géniaux et d’autres moins biens. Si tu prends un groupe comme les Remains, ça n’a pas marché à l’époque et aujourd’hui ils sont reconnus !

Aujourd’hui la scène sixties, qui est très talentueuse et élégante, ne rencontre pas beaucoup de reconnaissance auprès du grand public. Sais-tu pourquoi ?

Je n’en sais rien, il y a des groupes incroyables comme le Chiffre Organi-Zation. Il suffit de voir les Playboys sur scène pour passer un très bon moment. Tu en sors toujours avec la banane. Les gens s’habillent pour aller aux concerts, c’est esthétique, la musique est chouette, c’est rigolo, il y a que du bon… Je ne sais toujours pas pourquoi ça ne fonctionne pas mieux !

On reprend sur ta carrière ?

J’ai fait les Imposteurs avec qui on s’est bien amusé ! Ensuite j’ai fait les Mockers, avec qui on a fait un 45t et des titres sur les compilations « Ave The Sound ». Ca a duré jusqu’à 2010. Moi, je voulais monter mon propre Home Studio et comme je suis un peu une feignasse ça a pris du temps (rires). Quand enfin je l’ai monté, ça a été une avalanche créative et j’ai enregistré pleins de morceaux : des reprises, des originaux… J’ai essayé de démarcher des labels, assez mollement il faut le dire (rires). Comme je ne trouvais rien, j’ai monté mon label : les Disques Tchoc !

Et là tu as fondé les Batmen ?

C’est un des groupes du label. Comme j’avais pleins de morceaux, deux mois après avoir créé le label j’ai sorti des disques sous mon nom d’artiste : Dan Imposter et ensuite j’ai sorti un disque avec des musiciens sous le nom de Batmen !

Pourquoi ce nom Dan Imposter ?

C’est d’abord une référence à mon ancien groupe les Imposteurs. Je pense que je fais une imposture dans le sens où je pique des choses à pleins de monde. Je sais que tout le monde l’a fait. C’est normal de piquer des choses qui existent pour en faire sa propre version comme les Beatles l’ont fait ! Je joue avec ça. C’est surtout pour rendre les choses pas très sérieuses et j’adore ça !

Et ensuite ?

J’ai sorti deux ou trois disques sous ce nom et ensuite des gens sont venus me voir pour sortir leurs disques. J’étais d’accord : je pouvais aider pour la fabrication, donner une référence et aider administrativement ! Ça a commencé à fonctionner comme ça et puis j’ai eu l’idée de faire des compilations à thème.

Explique !

La première compilation a été faite avec le disquaire Lollipop. J’avais rencontré un musicien qui voulait faire un concert tribute du Velvet Underground. Je lui ai proposé de l’enregistrer. Là-dessus des musiciens sont venus et on a enregistré tout ça ! Il y avait des groupes qui existaient déjà, d’autres non… C’était bordélique mais plutôt sympa. J’ai ensuite proposé à Lollipop de faire une soirée de noël et j’ai proposé à pleins de groupes de faire un morceau en rapport avec noël. Ça a plutôt bien marché et la soirée autour était chouette. On a commencé alors à faire des compilations à thème : on a fait les Kinks, l’été, sur les Ramones, sur les Mods et les rockeurs …

Ce n’étaient que des morceaux originaux ?

La contrainte était un enregistrement pour cette occasion avec des originaux ou une reprise. Des groupes se sont formés à cette occasion, notamment les Batmen !

Tu nous parles de ce groupe ?

C’est un groupe dont je fais partie et qui est emmené par une figure incontournable marseillaise qui est, , connue, entre autres, pour avoir fait la première partie des Stones en 1966 à Marseille. Henri est très impressionné par les fifties et sixties. On fait des covers de Rock de cette époque. Il y a quelques groupes dans lesquels je joue qui sont nés de ces compilations.

Jean William Thoury et Daniel Sani
Droits réservés

On a l’impression que tu « papillonnes » dans pas mal de groupes ?

Exactement, mais c’est devenu souvent des projets dont je m’occupe beaucoup. Je gère les enregistrements et les sorties par exemple. Mon grand projet vraiment personnel du moment, c’est l’album que je viens de faire avec Jean-William Thoury et le prochain disque que l’on doit faire ensemble. Mais je suis hyperactif et je dois faire des projets tout le temps : je fonctionne comme ça !

Justement, on va parler de ce disque, où pour la première fois tu as mis ton nom dessus « Daniel Sani chante Jean William Thoury », pourquoi ?

Parce que Jean William me l’a demandé (rires)…

Comment est né ce disque ?

A la base je suis fan de Jean William. J’adorais Bijou, je suivais ce qu’il faisait comme journaliste, notamment à Juke Box Magazine. J’avais envie de lui demander un texte mais je n’osais pas… Il m’avait chroniqué quelques disques. Je n’osais pas lui demander quelque chose. Il y a deux ans, je vais voir les Warmbabies de Nice. J’achète leur disque et je vois que Thoury a cosigné un morceau en anglais. Je lui ai envoyé un message sur Facebook en lui disant que je trouvais ça bizarre qu’il ait fait un texte en anglais, lui qui a toujours défendu la langue française ! Il a répondu qu’il faisait pour faire plaisir à son ami Bratch du groupe. Je lui ai proposé d’écrire un texte et de le mettre sur mon prochain album. Il m’a envoyé « Pas d’états d’âme » qui est sur le disque. J’ai composé un morceau à la Ronnie Bird et voilà !

Tu veux dire que tu as eu le texte avant de composer la musique ?

Oui, je fais souvent comme ça ! Suite à ça il m’a proposé de travailler sur un disque « Daniel Sani chante Jean-William Thoury ». J’étais aux anges ! Il m’a envoyé un deuxième texte. J’ai composé la musique et voilà on a fait le disque comme ça ! Rapidement il m’a demandé d’affiner, de préciser ou de changer des choses et on a fait 12 morceaux comme ça.

Tu as tout fait chez toi en jouant de tous les instruments ?

Oui, je joue de tous les instruments même si je ne suis pas le meilleur, loin de là (rires) mais je fais illusion.

Même la batterie ?

J’ai joué de la batterie dans différents groupes et j’adore ça, même si je ne suis vraiment pas le meilleur. Ce que je préfère ce sont les chœurs, les arrangements vocaux comme les Beatles (rires). On a fait l’album comme ça. J’ai essayé de trouver un label mais c’était compliqué et je ne suis pas le meilleur pour ça (rires). C’était plus simple de le sortir chez les disques Tchoc. Je ne voulais pas le sortir qu’en CD et donc on fait un Crowdfunding pour le sortir en vinyle.

La pochette est un hommage à « Léo Ferré chante Aragon » ?

Bien sûr, c’est une idée de Jean-William. Je voulais que l’on soit tous les deux sur la pochette et que les textes soient fournis avec le disque dans un livret. Il était d’accord. Il m’a envoyé la pochette et je l’ai envoyée au graphiste, Cyril de Woom Studio qui a suivi nos souhaits. Jean-William a souhaité aussi que je porte mon nom Daniel Sani et non Dan Imposter !

Les retours sur ce projet sont très positifs !

Tant mieux, les gens qui ont écouté m’ont tous dit que c’était super ! Même s’il faut être prudent avec les critiques, j’ai envie d’y croire. En plus, la manière dont on a présenté le disque sur scène a été aussi très bien accueillie : en trio avec un son plus brut. Une de mes références se sont les Who et ils étaient élaborés sur disque mais plus brut sur scène !

Quand on vous voit sur scène, on se demande si vous ne pourriez pas intégrer un clavier ?

C’est bien à trois, c’est commode. Même si j’aimerais parfois être soutenu par un autre instrument mais c’est compliqué : il faut trouver le bon musicien et qu’il soit libre.

Ce projet, ce serait Nino Ferrer qui rencontre Ronnie Bird sur disque et à un côté sur scène Bijou, Jam… ?

C’est les retours que j’ai. On fait des reprises de Ronnie Bird et de Bijou. Je pense que Jean-William aimerait mieux un côté plus direct, que l’on ne soit pas un « Tribute Band » de Bijou.

Pourtant tu les fais bien ces reprises ?

Ça fait longtemps que je les fais, j’adore les jouer mais je pense que Jean-William voudrait que l’on oriente davantage le set en public sur les compositions et que l’on limite les reprises. On va en parler ensemble.

Crédit : Vincent Luer

Tu es à l’aise avec ses textes ? Il y a un texte hommage à Nino Ferrer par exemple.

Je n’ai rien modifié à ses textes. Quant au texte dédié à Nino Ferrer, c’est « 10h06 », un type qui est toujours en retard, ce qui n’a rien à voir avec lui mais Jean William a voulu qu’on le joue à La Nino Ferrer avec un Rythm’n Blues plutôt lourd. Il a été content du résultat, mais c’est plus un hommage dans la forme musicale et dans le genre humoristique des paroles, rien d’autre…

Ce disque est un peu un Ovni dans le paysage musical avec ce côté frais et sixties.

C’est le but de faire des morceaux comme ça. J’ai eu de bons retours mais je me méfie toujours. On a eu un peu de bonnes chroniques dans la presse mais pas beaucoup pour avoir une vraie visibilité médiatique.

Vous avez eu des radios ?

Je ne peux pas te dire. Je sais que à Marseille, il est passé mais alors pour le reste du pays, je ne peux pas te dire. C’est le problème de la distribution

Comment on fait pour avoir le disque ?

Il y a quelques disquaires qui l’ont, sinon tu vas sur la page Discogs du label. Je fais trop de choses pour appeler tous les disquaires. Je sais que c’est un problème (rires). On peut aussi le commander aux disques Tchoc !

Va-t-il y avoir une suite ?

Oui, il y en a déjà une ! Je viens de sortir une nouvelle compilation à thème sur le cinéma. J’ai proposé à Jean-William de participer et il m’a envoyé deux textes. Il y a quelque chose dont je suis très fier : j’ai réussi à faire chanter Jean-William sur une reprise de « Ne dis rien » tiré de la comédie musicale Anna de Gainsbourg. On s’est rencontré avec Jean William l’été dernier. Je lui ai proposé d’essayer. Au début il a refusé et puis finalement il a essayé et voilà ! On a commencé d’autres morceaux et il y aura un prochain disque j’espère.

Tu pourrais faire des soirées autour des disques Tchoc ?

C’est compliqué à organiser ! Je travaille avec des gens qui organisent ça et heureusement parce que moi je n’ai pas le temps.

Tu penses quoi de ton parcours ?

J’ai été fidèle à ce que je voulais à 15 ans. Je n’ai jamais trahi mes goûts. Je n’ai jamais fait de concessions… surtout qu’on ne l’a jamais demandé (rires) ! J’ai vraiment fait ce que j’adorais musicalement.

Tu as des regrets ?

Pas vraiment, je voulais dans les années 80 être connu et faire de grandes scènes, ça n’a pas marché et je ne me fais pas beaucoup d’illusions pour l’avenir (rires).

Que veux-tu dire pour la fin ?

Merci pour la discussion !

Quel disque tu donnerais à un enfant entre 6 et 14 ans pour l’emmener vers la musique ?

Je dirais « Tommy » des Who et un Beatles « Abbey Road ».

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