Les Avions, la saga d’un groupe qui se reforme pour un concert le 22 Mars.

lundi 11 mars 2024, par Franco Onweb

C’était l’année 1985, une chouette chanson passait à la radio « Nuit Sauvage », par les Avions. Pour les connaisseurs, le groupe n’était pas inconnu. Depuis 1982 ils occupaient les différentes scènes parisiennes où ils avaient joué avec les groupes de cette période comme les Rita Mitsouko ou Orchestre Rouge. C’était le new wave parisienne et elle avait fière allure cette scène mais les Avions allaient être parmi les rares à connaître le succès. Le groupe allait sortir plusieurs albums impeccables avec des titres marquants avant de se mettre en retrait et de ne se retrouver pour des concerts de manière épisodique.

Le 22 Mars prochain, les Avions seront sur scène au Petit Bain pour un concert exceptionnel autour du quatuor fondateur, Jean Pierre Morgand, Patrice Brochery, Jérôme Lambert et Jean Nakache.

Patrice Brochery et Jean Nakache ont accepté, pour préparer le concert, de revenir sur l’histoire d’un groupe qui a marqué la musique d’ici.

Quand et comment s’est formé le groupe ?

Le groupe s’est formé au début des années 80, en pleine effervescence de la « New-wave », aux côtés des Stinky Toys, Artefact, Taxi Girl, Rita Mitsouko, Modern Guy, Orchestre Rouge, Ici Paris, Extraballe, Electric Callas, Suicide Roméo, etc. Nous nous souvenons d’un concert mémorable, nous étions tous encore de célèbres inconnus, dans un cinéma du 15e à Paris, avec les Rita Mitsouko, Orchestre Rouge, et Les Avions. Ce concert s’est terminé avec l’intervention de la police, des skinheads avaient débarqués, il y avait eu des dégradations, l’ambiance tranchait méchamment avec l’image que nous avions de jeunes gens modernes « Frenchy but chic ».

Les Avions première période, de gauche à droite Jérôme Lambert, Jean-Pierre Morgand, Jean Nakache et Patrice Brochery
Crédit : Gilles Cappè

Qui était dans la groupe au début ?

Jean Pierre MORGAND, chanteur-guitariste et ma pomme Jean NAKACHE guitariste-claviers, nous nous sommes rencontrés en classe de 6e au Lycée Buffon à Paris, nous sommes des amis d’enfance. Nous avions créé notre tout 1er groupe « Brain trust » avec Pierre Sonigo qui jouait avec nous des synthétiseurs, pris par ces études de biologie, il a dû arrêter. En 1980 nous avions rencontré Jérôme LAMBERT le batteur, en faisant de la musique dans l’appartement voisin de celui où il habitait, et Patrice BROCHERY à la basse, nous avait été présenté par un ami Corse, Patrice arrivait de l’ile de beauté, il nous avait rejoint après que son groupe « Exit » ait « splitté ». Jean-Pierre et Jérôme étudiaient l’histoire de l’art et l’histoire, je faisais des études d’ingénieur, Patrice était le seul à s’investir entièrement dans la musique.

Quelles étaient les influences du groupe à la base ?

Ce que nous avons écouté, vénéré, intégré, régurgité, tous les quatre, était la musique pop rock anglosaxonne des années 70 et 80, avec des groupes comme XTC, Talking Head, The Stranglers, U2, les « Crazy rhythms » des Feelies, mais aussi des précurseurs de l’électro européenne comme Krafwerk, et Can, et puis des artistes français comme Suicide Roméo et la scène rennaise et lyonnaise des années 80, Marquis de Sade, Daho, Marie & les garçons, Electric Callas.

Appartenez-vous à une scène ?

Oui à cette scène « New-wave » justement, parisienne et plus largement française, extraordinairement créative de ces années-là. Dès le début des années 80, nous avions joué plusieurs fois au Rose Bonbon et au Gibus. Nous y avions croisé pratiquement tous ces groupes. Et puis nous auto-produisions des concerts, au théâtre du Ranelagh, dans un cinéma du 15e, au Colony’s rue Saint-Anne à Paris Nous avions aussi donné un concert en plein air à Ajaccio, au cœur de « la ville impériale », place du Diamant.

Avez-vous beaucoup joué à l’époque ?

Après avoir trouvé notre public en jouant souvent à Paris, nous avions tourné dans l’hexagone, à la sortie de notre 1er album éponyme … Nous composions beaucoup à l’époque, avec l’idée d’enregistrer un 2e album, ce qui était chronophage, nous n’avions fait qu’une trentaine de concerts en deux ans.

Comment va se faire le premier disque ?

Carole Lambillon et Pierre Paul Giacomaggi nous manageaient, ils nous ont fait rencontrer le patron du label UNDERDOG, Dominique Lamblin. Dominique est venu nous écouter en concert au Gibus et il a flashé sur l’originalité du groupe et sur nos compositions, dont les textes étaient influencés par la science-fiction, une forme d’écriture cinématographique, matinée d’une étrange poésie abstraite. Nous avions aussi un son très clair. Dominique Lamblin nous a « signé ». Ensuite tout est allé très vite, l’album « Les Avions » est sortie en 1982…

Quelle va être l’évolution du groupe ensuite ?

Au début, nous composions une musique assez épurée jouant sur un entrelac de la voix, des 3 guitares incluant un jeu de basse/batterie plutôt original, des chansons conciliants une énergie tendue, des mélodies sophistiquées et des synthétiseurs minimalistes.
Au fur et à mesure de nos rencontres avec des musiciens de studio nous avons évolué vers une plus grande diversité instrumentale (des cuivres, de l’orgue Hammond, des cordes, etc..).
Partant d’une musique influencé par le rock urbain (The Feelies et XTC), nous avions intégré une certaine pulsion rythmique provenant de la musique noire, dans sa tendance fusion pop et funk, à la mode de Sly & the family Stone.

En 1985 vous allez faire un tube avec « Nuit sauvage » qui est devenu un « classique » des années 80, comment le vivez-vous ?

L’histoire de Nuit Sauvage est un excellent exemple de l’importance de l’imprévu dans la musique. A son écriture, ce qui allait devenir Nuit Sauvage était une chanson assez mélancolique sur les années 30. Lors de l’enregistrement, et dans la déjante la plus totale, un des musiciens avec qui nous jouions a proposé une ligne de basse au synthétiseur, beaucoup plus syncopée, extraordinairement dansante. Nous l’avions tout de suite trouvé géniale et avions décidé de revoir la chanson sur la base de cette pulsion. Nous avions alors réécrit la chanson, les paroles avaient complètement changé, elles évoquaient un séjour délirant que nous avions fait à Lisbonne en 1985. Nous parlions de boite de nuit, de rencontres imprévues. Un hymne à la nuit, sauvage parce la nuit est aussi cet espace de liberté et de « folie ». C’est devenu un hit, nous avons été très heureux de cette « divine » surprise. Mais cela nous a rapidement catalogué dans le silo de groupe à succès des années 80, éclipsant au passage une partie de notre palette musicale …

Comment avez-vous géré le succès ?

C’était génial d’entendre notre titre joué quasiment tous les jours à la radio, d’avoir accès à tous les médias, le premier album était passé sur de nombreuses radios libres fm, mais pas sur les grandes ondes, et puis de pouvoir vivre de notre musique, de faire des gigs en France et en Europe, d’être au cœur et moteur de cet élan créatif. Nous avions continué à suivre notre inspiration, et pas forcément dans le sens de ce que notre maison de disques et notre plus large public attendaient.

Le son du groupe a beaucoup évolué depuis vos débuts ?

A l’ADN fondamental de Voix / guitares / basse / batterie, nous avions ajouté beaucoup d’autres éléments instrumentaux. Je crois que l’épisode le plus ouvert durant notre trajectoire musicale par rapport à cette formule de base a été l’album Fanfare, sorti en 1987 après le succès de Nuit Sauvage. Nous sommes tombés dans « la marmite » des arrangements pop flamboyants, cuivres, cordes percussions et synthétiseurs. Cela reflétait nos goûts et nos envies du moment. Avec le succès, nous avions beaucoup voyagé, fait beaucoup de promos, c’était devenu compliqué de trouver du temps, pour nous recentrer sur la musique. Il semble que ce soit un grand classique de ce que vivent des artistes qui ont du succès, nous avions « une fanfare qui jouait dans nos têtes ». Puis, il y a eu l’album LOIN, sorti en 1989, dans lequel nous sommes revenu à une formule plus rock, des guitares acides saturées, de l’orgue B4 Hammond avec un mix « à l’américaine ». Le quatrième album 4, était une synthèse de tout ce que nous avions fait avant, mais en revenant à plus d’équilibre entre les guitares et les autres instruments. Avec le recul, nous aimons bien ré écouter l’ensemble, chaque période ayant une ambiance particulière. Et pour le concert du vendredi 22 mars 2024 au Petit Bain à Paris, nous avons choisi les chansons que nous préférions dans les 4 albums.

Les Avions deuxième période de gauche à droite Jérôme Lambert, Jean Pierre Morgand et Jean Nakache
Droits réservés

Il y aura combien de disques avant la séparation en 1992 ?

En tout, nous avons sorti 4 albums, plus de 40 chansons. Tout ce que nous avons créé n’a pas été gravé. Il existe des inédits…

Vous êtes-vous réformés souvent ?

Sans vraiment reformer le groupe, nous nous sommes retrouvés régulièrement pour faire quelques concerts. C’est arrivé quelques fois en 2000, puis dans les années 2010 et maintenant, nous faisons la décennie 2020…

Pourquoi faire un concert le 22 mars ?

Pour le plaisir de nous revoir et jouer ensemble, et nous espérons pour celui du public qui sera au rendez-vous. Nous avons conçu ce concert en choisissant des titres des 4 albums les plus adaptés à la scène, et y avons invité d’autres musiciens pour rendre les différentes ambiances prévues. Cela ne sera pas un concert de plus des Avions, mais un voyage auquel nous souhaiterions convier aussi bien ceux qui nous connaissent pour Nuit Sauvage, Tous ces visages ou pour Tombe la neige, que ceux qui nous ont connus à nos débuts et d’autres qui à l’occasion découvriront la palette de notre répertoire. Nous jouerons aussi quelques chansons jamais jouées en concert et une ou 2 jamais enregistrées. Nous avions écrit « WARGAME » dans les années 80, les paroles évoquaient « la guerre froide », elles sont malheureusement d’une actualité brulante.
Il y aura aussi une séquence plus guinche autour de Nuit Sauvage, Fanfare, Be Pop, plus un bonus d’une ou 2 reprises, symboliquement importantes, pour nous et pour d’autres, de notre génération.

Qui sera sur scène ?

Les 4 membres fondateurs du groupe seront là, Jean Pierre Morgand, chanteur-guitariste, ma pomme Jean Nakache, guitariste-claviers, Jérôme Lambert, batteur percussionniste et Patrice Brochery, à la basse. Nous jouerons avec cette 1re formation des Avions la première partie du show, en référence au premier album. Puis Marc Upson, ancien bassiste de GPS, groupe signé à l’époque sur Underdog, et qui a multiplié les coopérations avec Jean Pierre Morgand depuis, nous rejoindra pour la deuxième partie du concert. Nous aurons également Manu Sauvage aux synthétiseurs, Hugo Dessauge à la batterie et aux percussions, et Yvon Guillard à la trompette…

Il y aura-t-il d’autres concerts du groupe ?

Ce n’est pas du tout exclu

Il y aura-t-il une suite discographique ?

L’envie nous taraude. Dans le processus créatif des Avions, nous aimons passer par une phase de confrontation, musicale, en nous balançant des tas d’idées. Vive l’imagination ! Les choses ont beaucoup changé en ce qui concerne la production et la diffusion de la musique. Paradoxalement cela parait tellement plus facile aujourd’hui et c‘est très compliqué, il y a pléthore de productions, il nous faudrait être sûr de l’originalité de nos créations, de leurs « pertinences ». Affaire à suivre…

Le mot de la fin

Est-ce un nouveau début ? Venez au concert pour nous le dire, nous vous donnons rendez-vous au Petit Bain le vendredi 22 mars 2024, nous ouvrirons les portes pour vous accueillir à 19h30, il y aura une première partie « VISION PANAME » à 19h45 et nous devrions débuter le set des AVIONS vers 20h30.

En concert le 22 Mars au Petit Bain
16 Port de la Gare - 75013 Paris

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