C’est au début du mois de décembre que j’ai pu discuter avec Eric Sourice de Lane, du disque et de sa vision de la musique. Pour en savoir plus, c’est juste en dessous !
Comment Lane est née ?
Je ne suis pas le mieux placé pour répondre parce que je n’étais pas dans le groupe au tout début ! C’est née de l’envie de Pierre-Yves, mon frère, et des frères Belin qui jouaient dans Daria de commencer à jouer ensemble. Pierre Yves a emmené son fils Félix dans l’aventure. Ils ont essayé de chanter mais c’était compliqué pour eux. Camille Belin qui était chanteur dans Daria ne voulait pas chanter parce qu’il était batteur dans ce projet. Ils ont cherché et un jour ils m’ont appelé. Ce n’était pas facile parce que moi je suis dans la Nièvre à Corbigny et eux à Angers. On a réussi quand même. Je suis venu à Angers et en plus il y a des moyens modernes maintenant. Ils m’ont envoyé des morceaux où je cherchais des voix dessus. Je composais des morceaux et puis voilà… Ce n’était pas un problème que j’habite loin du groupe !
Tu n’avais pas peur de la comparaison avec les Thugs ?
Absolument pas ! Cela ne m’a jamais traversé l’esprit. Je ne me suis jamais posé la question. On avait déjà fait un projet avec mon frère, Jive Puzzle, après les Thugs qui était un peu électro. C’était basé sur des choses que j’avais composées à l’ordinateur chez moi, donc loin de ce que faisait le groupe. Je n’ai pas l’habitude d’avoir peur mais plutôt de foncer quand ça me branche et là ça me branchait vraiment. Il y a toujours des gens qui pourraient comparer mais là il n’y avait que deux membres des Thugs !
Dont le chanteur !
Dont le chanteur (rires), après c’est vrai que du fait qu’on était deux anciens Thugs dedans, des gens sont allés écouter tout de suite. C’était intéressant parce que cela a amené un focus sur nous. En plus il y avait les frangins Belin qui jouaient dans Daria. Tout ça a été plus facile au début pour la bio et les journalistes. On avait un background important. La voix, c’est important dans un groupe : il y a la voix et la musique. Même si j’étais devant, je n’étais pas le leader ! Musicalement parlant avec Lane, on était dans la lignée des Thugs avec les guitares, le côté mélodique, l’énergie… mais c’était quand même différent musicalement ! On voit bien la différence entre les deux groupes mais il y avait des choses qui étaient reliées.
Quelles étaient vos influences ?
C’est un mélange de deux ou trois générations : on a beaucoup de disques en commun. Les frères Belin étaient des fans des Thugs et Félix a été bercé dedans. Il y a toutes les influences du Punk Rock 77, la scène française des années 80 et 90, le Hard Core mélodique… On a fait le groupe sans se poser de questions : on aimait Daria et eux aimaient les Thugs. La formation avec trois guitares amenait quelque chose. Les influences, on les oublie un peu quand on forme un groupe. On ne cherche pas forcément à ressembler à certains. Parfois, on peut se dire « ça ressemble à tel groupe » mais comme on crée, cela peut ressembler à tel ou tel groupe mais quand on joue les morceaux pleins de fois, on se les approprie et je suis toujours étonné quand on me dit « ça me fait penser à tel groupe ». Tout part d’un riff de guitare et on construit autour. C’est un peu comme une recette de cuisine : on mélange des ingrédients avec un bon dosage.
Lane, c’est trois albums et un nouveau qui est sorti après la séparation mais aussi beaucoup de concerts !
On a pas mal joué ! Je n’ai pas compté mais on en a fait pas mal oui !
Ça t’a fait bizarre de remonter sur une scène après toutes ces années ?
Oui et non, avec Jive Puzzle on avait un peu joué et puis il y a eu les 8 dates avec les Thugs en 2008. Là c’était presque 10 ans plus tard. Ca ne s’oublie pas ! A part Félix qui découvrait la scène, les quatre autres avaient pas mal joué, on avait nos habitudes… On sait comment on veut jouer, comment on veut que ça sonne, on a les règles de gens qui ont beaucoup joué. Comme on jouait avec des gens nouveaux, on était tous un peu maniaques, très méticuleux, surtout les frères Belin. On a été très pro dès le départ. On y est allé avec une certaine sécurité même si c’étaient de nouveaux morceaux. Bon, en fait j’ai toujours eu un peu peur avant de monter sur scène, j’ai eu souvent le trac.
Vos premiers disques et le dernier sont sortis chez Nineteen Something, le label dont tu es un animateur.
Oui, c’était logique de faire les premières sorties sur le label.
On a l’impression que c’était un vrai groupe de plaisir de jouer de la musique ensemble ?
Oui, évidemment, il y a un côté humain hyper important. Je ne pourrais pas jouer avec des gens que je n’aime pas. Je joue toujours avec des gens avec qui je rigole bien et avec qui je m’entend…et on a bien rigolé (rires). Dans tous les groupes avec qui j’ai joué, j’ai toujours dit « on joue notre vie ». Que ce soit sur scène ou sur les albums, on y mettait un maximum de nous, de ce qu’on pouvait ressentir, de ce qu’on a envie de communiquer, de prendre du plaisir mais le faire le plus sérieusement possible… sans se prendre trop la tête. C’est pour ça qu’avec les Thugs, beaucoup pensaient qu’on ne rigolait pas parce qu’on réfléchissait beaucoup à ce qu’on faisait et qu’on était très sérieux. On rigolait beaucoup mais on essayait de faire les choses sérieusement.
Vous avez un clip, où vous êtes sur un terrain de football qui vous résume assez bien : une bande de copains qui s’amusent mais en faisant les choses sérieusement.
Tout à fait, c’est un morceau sur le foot, on y joue et on suit un peu. Les paroles parlent du foot que nous on aime : celui qui réunit tout le monde, les vieux , les jeunes, les filles, les garçons… C’est l’envie de garder une convivialité et de plaisir.
Vous avez joué à l’étranger ?
On a juste fait la Belgique avec Lane. On aurait pu, peut-être, aller ailleurs mais c’était compliqué. On n’avait pas de distribution.
Vous allez, comme tout le monde bloqué par le Covid, et en 2021, à la surprise générale vous annoncez votre séparation !
Pourquoi cette séparation ? Peut-être que le Covid a joué mais ce n’est pas la raison première. On n’a pas voulu jouer devant des gens masqués ou assis à des tables. Ça a duré un an, comme tout le monde. On a beaucoup créé pendant ce temps-là. Il y a eu 50 morceaux qui sont apparus à cette période. Est-ce que ça a joué ? Je ne sais pas. On a recommencé les concerts, les répétitions et les enregistrements pour un album juste après. Je pense plutôt qu’on était arrivé à la fin d’une histoire tous ensemble. Quand chacun n’est plus motivé et n’y trouve plus son compte, il faut mieux arrêter ! Peut-être que inconsciemment le Covid a joué un rôle mais encore une fois mais ce n’est pas la raison principale de la séparation !
Pendant le Covid, vous avez fait un super concert filmé à l’université d’Angers.
Oui, on était tous masqué entre les prises, c’était en décembre 2020.
Deux ans après la séparation, vous sortez un nouvel album « where things were ». C’est une manière de donner aux fans des morceaux que vous aviez enregistrés ?
C’est un album posthume puisqu’il sort après l’arrêt du groupe ! Le nom de l’album veut bien dire tout ça : « où en étaient les choses ». On avait fait des pré productions très bonnes dans le local de répétition enregistrées par Camille, dans les mêmes conditions que le premier album. Avec les moyens modernes on peut enregistrer dans de très bonnes conditions sans aller en studio. On devait aller en studio trois ou quatre mois après. On a décidé d’arrêter, un peu subitement, mais on avait ces enregistrements que l’on trouvait super et on trouvait ça dommage de ne pas les sortir. On s’est posé la question si c’était sortable et on a décidé que oui : le son était bon et les morceaux sonnaient bien. Avec les Thugs on avait fait, parfois, des pré productions qui étaient meilleures que le studio, avec une énergie plus spontanée sans se prendre la tête. Le studio a un côté stressant avec le temps limité en essayant de ne pas se planter. Là on gardait de la fraîcheur avec un côté brut qui est parfois meilleur.
Vous avez donc décidé de sortir les morceaux ?
Oui, même si un ou deux n’étaient pas persuadés que c’était une bonne idée. Ils préféraient les mettre en streaming sur le net en disant que ce n’était pas un vrai album, pas enregistré en studio.
Il sonne comme un album !
J’en suis persuadé. Il ne sonne pas comme des démos sur un deux pistes. C’est un vrai disque ! Ce sont des morceaux qui, pour certains, tournaient depuis longtemps. Il y a deux morceaux qui n’ont pas de chants parce que les paroles n’étaient pas prêtes. On a réfléchi un moment avant de faire ça parce que la séparation n’était pas loin et que c’est toujours un peu compliqué les séparations.
Vous n’êtes pas fâchés ?
Pas du tout, c’est mon frère et mon neveu quand même (rires) et même avec ceux qui ne sont ni frères, ni neveux tout va bien (rires). On s’est dit « allez on le sort » et voilà !
Vous composiez tous ?
J’écrivais les textes et je trouvais les mélodies de voix. C’était toujours un travail avec Camille qui est prof d’anglais. J’écrivais les textes et lui les corrigeaient. La composition, c’était un peu tout le monde, à part Camille qui était centré sur la batterie. Chacun amenait des idées et au cours des répétitions il y avait un travail en commun.
Et c’est Camille Belin qui a produit ?
Il a mixé l’album ! On avait des mises à plat et il avait fait les prises de son. Il a mixé le tout et c’est un gros travail. Lui, est très méticuleux et le résultat est superbe !
Tu le considères comme un album dans la continuité de votre discographie ou c’est un album à part ?
Ce n’est pas un album à part, c’est le résultat de un ou deux ans de composition du groupe. Chaque album a sa vie, son histoire… Celui-là est vraiment un album du groupe !
Ils parlent de quoi tes textes ?
Ça parle de choses qui nous concernent, de choses que l’on a vues et de situation dans lesquelles on a été. Je peux parler de football parce qu’on aime bien ça. Tu prends l’album « Picture Of Century », j’étais parti d’images qui m’avaient marquées… Il y avait des films qui m’avaient marqués comme « le voleur de bicyclette » de Vittorio De Sica. J’ai l’image du père et du fils main dans la main à la fin du film. Il y avait l’image de Hal dans « 2001 l’odyssée de l’espace »… pleins d’images comme ça, d’événements politiques ou de guerres. Ces images peuvent raconter des choses… J’avais vraiment travaillé pour ça sur « Picture of century », en regardant ce qui c’était fait sur un siècle…les images de mon siècle ! C’est resté un peu ça pour tous les morceaux : une image ou un événement qui donne envie d’écrire !
Vous n’avez pas pensé à faire un dernier concert pour la sortie de cet album ?
Non, quand c’est fini, c’est fini (rires) !
Pour toi, c’est définitivement fini la scène avec une guitare ?
Ce ne serait pas impossible. Il faut juste voir quoi et comment ! Je le dis plus facilement qu’après les Thugs, j’avais encore des envies. J’ai fait Jive Puzzle mais après la dernière tournée des Thugs en 2008, pour moi c’était fini. Ça a duré 10 ans et je suis reparti alors là, je dis pourquoi pas ?
Un album solo ?
Surtout pas ! Je ne peux jouer qu’avec des gens. Le Punk rock ou le Hard Core ça se fait avec des gens, pas tout seul !
C’est bizarre tu parles de Hard Core ou de Punk Rock. Pour moi, tu as toujours fait du rock et seulement du rock !
Oui, oui… J’utilise ces termes parce qu’il y a une démarche. Le mouvement punk a été hyper important pour moi. Cette notion de monter sur scène avec des têtes d’étudiants. On a rien à dire mais on joue. C’est le côté DIY (Do It Yourself, NDLR), plus que le reste, qui est super important…
On ne peut pas réduire ta musique à du Hard Core !
Certainement, mais on a eu des morceaux qui allaient très vite et il y avait un côté DIY. En écoutant les Thugs et surtout Lane, on est loin du punk. C’est toujours difficile de parler d’un style musical pour un groupe sauf des groupes très précis comme le Dub ou le rock garage. Avec les Thugs, on jouait autant avec des Punks comme Parabellum que les Fixed Up du Havre. C’est difficile de classer ça !
Tu continues avec Nineteen Somethings, qu’est-ce que tu prépares comme sorties ?
Plein de choses, j’adore en parler parce que je pense que les groupes que l’on sort sont géniaux et que tout le monde devrait les aimer. Un groupe comme les Foggy Bottoms, je les trouve monstrueux musicalement et dans les textes ! Il y a l’album de Fragile qui est énorme, avec son côté noisy et inspiré, pour des gamins aussi jeune. Il y a aussi les Zero Games qui ont un album incroyable… D’autres choses arrivent comme la Faiblesse, un groupe de Paris et puis pleins de choses dans le catalogue que j’encourage vraiment à aller écouter ! Il y a les Soucoupes Violentes qui viennent d’enregistrer un album qui, pour moi, est supérieur à tout ce qu’ils ont fait… J’ai l’impression d’aimer que des trucs qui ne marchent pas !
Tu veux dire quoi pour la fin ?
Il faut aller écouter les groupes que j’ai cité ! Vous allez adorer !