Quel est ton rapport à la littérature ? Tu as toujours lu ?
Je suis né dans une famille où l’on lisait beaucoup. Ce qui m’a amené très vite vers la littérature jeunesse de l’époque : la bibliothèque rose, puis la verte... Une étape importante certainement. Il y avait le « Club des cinq », une saga que j’ai dévorée entre 8 et 10 ans. Cela me plaisait parce que ce club-là, dans la version française, était basé dans le Finistère ; ils allaient au collège à Quimper... Je rêvais de les rencontrer sur les côtes bretonnes, même si je n’avais pas encore conscience que j’étais breton. En entrant en sixième et à l’internat, j’ai eu besoin de m’inventer de grands espaces et je les ai prolongés dans les livres de James Oliver Curwood, ces aventures dans le grand nord canadien, puis Jack London, même si certaines choses étaient un peu âpres pour un pré-adolescent, comme « Johnny grain d’orge » par exemple.
(Frank Darcel en 1961 sur la plage de Sables d’Or - Collection personnelle)
Tu fais partie d’une génération d’artistes qui ont aimé autant la musique, le cinéma que la littérature, d’ailleurs Marquis de Sade était un groupe assez littéraire, non ?
On lisait pas mal en tournée, c’est vrai, et on discutait entre nous de nos lectures. J’ai l’impression qu’on avait beaucoup plus de temps pour le faire. À l’époque : un livre, un film ou un disque avaient un espace de diffusion dédié, et une place définie dans le programme de la journée, alors qu’aujourd’hui il y a tant de sollicitations auditives ou visuelles qui nous arrivent par de multiples canaux et de manière simultanée. Avant, et je ne dis pas que c’était mieux, il y avait le temps pour la lecture, le temps pour le cinéma, dans une salle réservée à ce media, le temps pour répéter la musique. On avait un fonctionnement beaucoup moins dispersé... C’était peut-être plus facile de se structurer. Mais on doit admettre qu’on peut économiser du temps aujourd’hui, pour des actions qui autrefois étaient beaucoup plus compliquées et fastidieuses, rencontrer plus de monde... Chaque époque a ses avantages et inconvénients pour ce qui est des modes de communication. Cependant, il semblerait que plus vite on peut communiquer, moins on a de temps pour réfléchir à ce qu’on dit...
Tu as lu beaucoup de polars ?
J’ai commencé vers 15 ans par James Hadley Chase, qui était un des auteurs de roman noir favoris de mon père. J’avais un cousin, le trompettiste Éric Le Lann, qui aimait également cet univers, Paradise City et tous ces loosers, ces détectives à la ramasse. On s’échangeait donc les livres de Chase, en espérant un jour aller à Paradise City, une ville imaginaire... J’appréciais aussi Boileau-Narcejac, ou Patricia Highsmith.
À la lecture de ton livre, on retrouve beaucoup d’éléments « obligatoires » du roman noir français comme Manchette, Daeninckx ou Granger ?
Ces auteurs, je les ai découverts beaucoup plus tard, après mes 30 ans. En fait, entre 17 et 30 ans, j’ai arrêté de lire des polars. Je ne sais pas pourquoi... Mon père, avec qui je parlais peu, laissait traîner des livres qui lui avaient plu, sans doute pour que je les lise… Il m’avait laissé en évidence le « Satori à Paris » de Jack Kerouac, cet ouvrage qui conte la recherche de ses racines bretonnes par l’auteur. Quand on vit à quelques kilomètres de Saint-Brieuc et qu’un écrivain américain, qui a l’air drôlement allumé, semble venir à votre rencontre, c’est une belle invitation à lire ce qu’il a écrit. J’ai lu à la suite une grande partie de la production de la Beat Generation , quand j’étais encore étudiant en médecine. C’est une période de ma vie où les livres et les films avaient pris beaucoup d’importance. J’étais en rupture dans ces études, j’étais en deuxième année sans savoir si j’allais continuer : le groupe commençait à prendre forme, on était fin 1977. J’avais décidé de vivre la nuit, sans aller toujours en club parce que je n’avais pas vraiment d’argent. Souvent, après un tour dans un bar, je commençais à lire à une heure du matin, jusqu’au lever du jour et ensuite je dormais. C’est comme ça que je me suis initié à la Beat Generation, ses récits exaltés et ses préceptes un peu baroques. Puis j’ai lu du Henry Miller entre autres, j’allais même faire des pèlerinages au Wepler quand je pouvais, car ma copine parisienne avait un appartement passage La Tuile à Paris, juste derrière l’établissement. Mais c’est surtout la découverte d’Hamsun qui m’a marqué plus tard. Mon père m’avait conseillé, de vive voix cette fois, de lire « Victoria », et j’avais emmené le livre en tournée avec Marquis de Sade. Je crois que je n’avais jamais rien lu d’aussi puissant auparavant, et j’ai enchaîné sur le reste de ses ouvrages ; « La faim » et « Mystères » m’ont vraiment marqué. J’aimais aussi Kafka, Céline, surtout « Nord » et les carnets de guerre romancés.
Il y avait encore Herman Hesse, « Le loup des steppes » bien sûr, et tout ce qu’il a écrit en lien avec l’Inde, tous ces livres qui ont été si importants pour la contre-culture du 20ème siècle d’une manière générale. Cette littérature mitteleuropa, avec également Robert Musil ou Thomas Mann, à cheval entre les 19ème et 20ème siècle, m’est toujours apparue fondamentale, et les thèmes évoqués intemporels. D’ailleurs, je viens de relire avec plaisir « Souvenirs d’un Européen » de Hesse ; ces nouvelles sont crépusculaires, et valent pour aujourd’hui comme pour l’entre-deux guerres. J’ai ensuite eu une période où j’ai lu des auteurs américains essentiellement, Faulkner et Fante en premier lieu. J’étais amusé de retrouver la référence à Hamsun dans « Ask the dust », d’autant qu’un de mes films préférés, « Dillinger est mort » de Ferreri, se termine lui comme « La faim ». En fait, dans cette période de la post adolescence, on se façonne une famille inspirante, un réseau imaginaire, autant en cinéma (Wenders, Antonioni, Bellochio, Rohmer), qu’en littérature ou en musique. Ah, j’oubliais, un autre livre m’a marqué fortement à cette période, c’est « La nausée » de Sartre.
Tu n’as pas cité Camus ?
On l’avait étudié au lycée, mais dans cette période post adolescente, je m’étais arrêté au « Mythe de Sisyphe » et à « L’homme révolté ». J’avais oublié quel romancier était Camus par ailleurs, et c’est quand j’ai suivi mes filles dans leurs études que j’ai redécouvert « L’étranger ». Quel livre exceptionnel !
Et le retour au polar ?
Passé trente ans, devenu plus producteur de disques que musicien ; j’ai commencé en parallèle à rester sur ma faim avec les livres que je lisais, ceux d’auteurs contemporains, que je ne finissais pas toujours... C’était comme si la littérature ne me touchait plus de la même manière, que je concédais être incapable d’être « bougé » par un livre autant que pendant la décennie précédente ; il y avait tant à découvrir pourtant ! Mais je changeais sans doute, devenais plus rigide peut-être, et je n’attendais plus la même chose de mes lectures. J’ai recommencé à lire des polars, un été, comme ça... J’ai démarré par le « Quatuor de Los Angeles » de James Ellroy, et ça m’a scotché. J’ai apprécié à nouveau le côté ludique qu’implique ce genre de littérature, quand on est invité à enquêter et à avoir son avis sur qui a fait le coup. Mais je me suis surtout rendu compte que, comme il y a rarement de roman noir sans meurtre, le fait de mettre en scène des personnages capables de tuer autorise à aller au fond de cette noirceur qui est en chacun d’entre nous, une zone que la littérature classique ne fait parfois qu’effleurer. Et surtout, avec Ellroy, la description de la société américaine est décapante, et fascinante à la fois. Le drame bourgeois aimable, la fable sociale, sont a contrario des lectures qui m’ont toujours profondément ennuyé...
(James Elroy - Droit réservé)
Dans la foulée, je suis remonté vers les fondateurs du genre aux USA, Chandler et Hammett. J’avais déjà visité ce dernier après avoir vu le biopic de Wenders. J’ai vite compris que les quelques romans qu’ils avaient écrits relevaient de la grande classe, et puis c’était raccord avec des films américains que je revoyais alors avec plaisir, comme « La soif du mal », « La cinquième victime » ou « Johnny roi des gangsters » et d’autres du même acabit. Ensuite, j’ai commencé à lire les auteurs de polar français, qui avaient créé leur propre univers, comme les Scandinaves l’ont fait par la suite. Manchette bien sûr. Je pense que jusqu’à mes quarante ans, je n’ai pratiquement plus lu que des polars, et des livres ayant trait à l’histoire du Portugal ou de la Bretagne, et de la poésie... Je suis comme ça, je fonctionne par phases, et de manière un peu excessive, mais il est vrai que cela dépend un peu de la place que laisse la musique. Depuis une quinzaine d’années, c’est devenu plus équilibré, un peu de noire, un peu de blanche, dont des auteurs américains actuels, à la limite du gris… : Peter Dexter, Philip Meyer, Denis Lehanne, Tom Cooper. Et puis des essais politiques.
Il n’y a pas beaucoup d’écrivains Russes dans cette liste ?
J’avais lu « L’idiot » à 20 ans, et beaucoup aimé. J’avais aussi aimé le film tiré du livre avec Gérard Philippe. Étonnamment, je n’ai pas enchaîné sur d’autres livres de Dostoïevski. Probablement que l’image de la Russie à l’époque de la guerre froide ne m’a pas donné envie de m’imprégner plus avant de la fameuse âme russe ; il y a des blocages qui s’installent sans que l’on comprenne toujours pourquoi. J’ai, plus récemment, beaucoup aimé le « Limonov » d’Emmanuel Carrère, qui relate de manière exaltante, au travers de ce personnage incroyable, les soubresauts plutôt pathétiques qui ont traversé ce grand pays au cours du siècle dernier.
Je suis passé complétement à côté de la littérature sud-américaine. Pour les Japonais, j’ai lu un peu Mishima, toujours dans cette période de 20 à 30 ans, et plus récemment quelques livres de Murakami. J’ai des tas de lacunes évidemment, mais pas encore de regrets, et il n’y aucune obligation de moyens avec la lecture. Il faut juste garder intacte la notion de plaisir, et vivant le désir de tourner les pages. Pour certains livres qui m’ont marqué, j’ai d’ailleurs l’impression que ce sont ces ouvrages qui m’ont choisi, et non l’inverse.
Et les écrivains Bretons ?
Céline avait de lointaines origines bretonnes. Et il y a passé du temps, il a d’ailleurs été étudiant en médecine à Rennes. J’adore « Nord », cette façon qu’il a de décrire sa relation avec sa femme, c’est très touchant, au milieu de ce marasme vécu chez les Hohenzollern... et le personnage de Robert Le Vigand ! Et cette faculté de s’amuser du tragique qu’est devenue leur vie. Céline répétait qu’il rêvait d’être médecin à Saint-Malo et il était furieux que les alliés aient bombardé la ville. Totalement génial et tellement à côté de la plaque en même temps... Quant à ses pamphlets, je n’ai jamais eu la moindre envie de mettre le nez dedans. Pour ce qui est de Le Clézio, qui se réclame volontiers de la Bretagne également, même s’il n’y a pas vécu, j’ai lu quelques-uns de ses livres et j’ai bien aimé, « Onishta » entre autres. « Le Procès-Verbal », j’étais un peu passé à côté, mais je l’avais lu trop tôt peut-être.
Mais tu dois aimer les écrivains voyageurs bretons ?
Oui, surtout Victor Segalen, un des premiers sinologues ; il a eu une vie épique et une mort étrange, jeune, en forêt de Huelgoat. Il est également considéré comme le pionnier de la littérature anthropologique avec « Les immémoriaux », un ouvrage passionnant. Par ailleurs, « Le fils du ciel » est un des plus beaux livres que j’ai jamais lu.
(Victor Segalen - Droit réservé)
Elle est venue comment cette envie d’écrire ?
À l’âge de 13 ans j’ai écrit dans un petit cahier à spirales un mini roman qui racontait la fin du monde due à la pollution : une grande réunion était organisée à Londres pour essayer de sauver l’humanité, mais ça échouait. Et mon héros y était assassiné... J’étais vraiment écologiste avant l’heure, et très pessimiste (rires). Mais c’est à Lisbonne, vers 37 ans, moment où je m’installe dans la ville blanche en famille, que j’ai eu envie d’écrire un roman.
Ton premier roman « Le dériveur » est sorti en 2005 ?
Oui, mais j’avais donc commencé à écrire à Lisbonne en 1995 parce que la ville m’y invitait. Je remplissais des cahiers, et ce n’était parfois que des suites d’impressions. C’est une ville particulière, où il convient d’être à l’affut des signes, où les coïncidences sont souvent troublantes ; ce n’est pas pour rien la ville si chère à Fernando Pessoa. C’est d’ailleurs là que j’ai commencé à m’intéresser à la Société Théosophique. Par ailleurs, ma production musicale marchait bien au Portugal : je réalisais un ou deux disques par an et cela suffisait. C’était avant la crise du disque. J’avais donc du temps libre et j’ai commencé à écrire « L’ennemi de la chance », titre emprunté à Amalia Rodrigues, mais il n’aboutira que beaucoup plus tard, puisqu’il sera mon deuxième roman à paraître chez Flammarion, en 2007, après que je sois rentré en Bretagne en 2001. Avant « L’ennemi de la chance », Flammarion avait publié « Le dériveur » en 2005. Un road novel écrit en quatre mois qui se passait entre Lorient et Aurora, Nebraska. Je reste, bizarrement, assez attiré par les USA. C’est un drôle de pays, capable du meilleur comme du pire, mais les gens, même loin de New York, sont toujours extrêmement serviables et gentiment curieux de ce que vous faîtes. Mais peut-être suis-je toujours bien tombé... J’ai surtout eu un oncle d’Amérique, qui avait émigré de Bretagne vers New-York dans les années 1950. Sans lui, je n’aurais jamais découvert le punk-rock new-yorkais en live pendant l’été 1978... Et je serais sans doute médecin maintenant... (rires)
(Le Dériveur - Droit réservé)
C’est vrai que les Bretons, partout dans le monde, ont la nostalgie de leur région ?
Oui, on dirait. Et quand j’étais au Portugal, j’ai découvert des ponts entre la Bretagne et ce pays. Nous avons ici et là-bas ce côté à la fois paysan et dévoreur d’océan, pragmatique et mystique. Ils attendent d’ailleurs le retour de leur empereur disparu dans le Sahara, Dom Sebastião, comme les Bretons attendent le retour du roi Arthur... Par contre, ils ont beaucoup mieux résisté à leur encombrant voisin... (rires). C’est paradoxalement au Portugal que j’ai commencé à me sentir breton, parce que j’ai pris conscience de ce qui me manquait lors de ce charmant exil de quelques années, ce qui ne m’empêche pas de me sentir portugais également maintenant. Bref, je suis européen...
Tes livres ont bien marché ?
Le premier, « Le dériveur », a été retiré, il a donc a rencontré un petit succès, et ces deux romans sortis chez Flammarion ont eu de bonnes critiques. Mais c’est bien « Vilaine Blessure » que je préfère... Et je ne dis pas ça parce que la promo démarre...
Et il y a eu ensuite « Rok » 1&2, deux livres collectifs sur l’histoire du rock en bretagne : tu as donc un côté romancier mais aussi un peu historien, même si, j’ajoute et je sais que tu y tiens, Rok était une aventure collective.
Oui, ce sont des livres éminemment collectifs. Cette aventure de l’ouvrage collectif a commencé pour moi par un autre « beau livre » qui s’appelait « 111 Bretons des temps modernes », que j’ai codirigé avec Yan Rivallain, un ami journaliste, aux éditions ArMen en 2010. On avait réalisé avant de faire ce livre que la Bretagne a été le berceau de nombreux pionniers dans différents domaines, qu’ils aient été bretons d’origine ou d’adoption, alors que la région continuait de jouir d’une image toujours relativement négative dans d’autres lieux, d’une appréciation teintée de condescendance. Ce qui n’a pas forcément changé en profondeur aujourd’hui...
(Couverture de 111 Bretons - Droit réservé)
On a travaillé à partir d’une importante documentation et d’une iconographie pointue, tout en associant écrivains, journalistes et universitaires pour la rédaction. Mais quel aéropage au final quand on peut aligner des personnages contemporains tels qu’Alain Robbe-Grillet, Jean-Edern Hallier, Jack Kerouac, Max Jacob, Georges Perros, Angela Duval, Jacques Vaché et Victor Segalen en littérature, parmi d’autres, ou Raymond Hains, Jacques Villeglé, Yves Tanguy, Geneviève Hasse et Tal Coat en peinture, ou encore René Vautier, Alain Resnais et Albert Dupontel en cinéma. Yann Tiersen, Alan Stivell ou Miossec en musique. Yves Coppens, Mona Ozouf ou Christian de Portzemparc par ailleurs. On se sent alors bien entourés. Il y avait des personnages moins célèbres, comme Jeanne Laurent, André Masson, Paol Keineg, Odette du Puigaudeau, Gwenaël Bolloré ou Armand Robin, mais qui ont aussi ouvert des portes dans leur domaine de prédilection, et eu des parcours très atypiques. Et même des cyclistes ; d’ailleurs dans ce rayon, nous sommes sur le 20ème siècle absolument imbattables (rires) ! Sans parler des marins taiseux ou caractériels, mais performants ! Au final, on s’est aperçus que la plupart de ces personnages n’en avaient fait qu’à leur tête, et avaient poursuivi leur passion, et leurs lubies parfois, jusqu’au bout, avec souvent une obsession de la perfection, et en trimballant pour certains un mal-être latent. Le Breton est extrême. Mais sympa. (rires)
Une fois le livre sorti, et prolongé ensuite par une exposition photographique, on a eu envie avec quelques auteurs de cette première aventure, dont Michel Troadec, journaliste à Ouest-France, Bernadette Bourvon, réalisatrice, et Alain Jégou, écrivain, de continuer, de relever un autre défi et de raconter l’histoire du rock en Bretagne... Laurent Charliot venait de résumer dans un livre l’histoire du rock à Nantes et Olivier Polard avait fait la même chose à Brest. Bref, on s’est réunis et on a développé ce projet, sur deux tomes (le 1 couvre les années 1960/1970 et 1980, et le 2 les années 1990/2000).
J’ai aimé à nouveau ce travail en équipe, avec une cinquantaine d’auteurs dont je coordonnais les apports : cela a été une expérience trépidante, et un beau succès au final. On a également invité à contribuer des auteurs qui n’étaient pas bretons ou ne vivaient pas en Bretagne, afin qu’il ne s’agisse pas d’une autocélébration : on a pu alors compter sur Christophe Conte, Jean-Éric Perrin, Christian Eudeline, Vincent Brunner ou encore Franck Vergeade entre autres. J’ai consacré cinq ans à ces deux tomes, tout en ayant heureusement un travail de fonctionnaire à côté, parce que cela ne m’a pas vraiment « nourri » d’un point de vue prosaïque... Sur le deuxième tome, je me suis occupé aussi de l’iconographie et je l’ai édité moi-même. Aucun regret, mais je laisse les rênes du tome 3 (les années 2010) à des gens qui auront le temps... Il se trouve que j’ai repris la guitare entre temps, donc je suis pris, j’ai répé... (rires)
(ROK, Vol 1 - Droit réservé)
Tu as sorti en 2011 un troisième roman ?
Oui, « Voici mon sang », qui devait sortir chez un éditeur parisien, mais il y a eu une embrouille pendant la phase des corrections. Une histoire d’argent et d’agent qui ne me concernait pas directement, mais on a soudain arrêté de me prendre au téléphone, et on n’a plus répondu à mes mails. La grande classe ! C’est finalement l’éditeur de ROK 1, les Éditions de Juillet, qui l’a sorti en catastrophe avec une diffusion très restreinte à l’époque. Le livre a eu quelques bonnes critiques, dont celle de Livres Hebdo . Mais ensuite, il n’était pas en magasin... Mon nouvel éditeur, Le Temps Editeur, a une très bonne distribution hexagonale ! Il est important de le préciser...
Mais tu arrives à écrire quand ? Tu es très occupé …
J’ai mis quatre ans à écrire « Vilaine Blessure », plus six mois encore pour de nouvelles vérifications effectuées par les professionnels qui m’ont accompagné au cours de ce projet : policiers, juge, médecins... Quatre ans pendant lesquels j’ai sorti deux albums de Republik, ai produit un album de Nolwenn Korbel et au bout desquels il y a eu la reformation de Marquis de Sade et l’album live du groupe, que j’ai produit également. Sans compter les différents concerts. Mais c’est à cause de cette activité musicale un rien stakhanoviste que le besoin d’écrire est devenu plus impérieux. À ces aventures fondamentalement collectives que sont les projets de groupes et d’enregistrements, j’avais besoin d’accoler un défi en solo. Là où, quand j’étais face à l’ordinateur, aucun autre musicien, ni ingénieur du son, ni producteur, ni distributeur, ne peut plus interférer. J’aspirais à cette tranquillité, quand je n’avais plus à tenir compte de l’avis et de l’humeur des autres. Ces deux ou trois matinées par semaine consacrées à « Vilaine Blessure » étaient devenues un espace de liberté et d’oxygénation, et tous ces personnages une deuxième famille. Pour assouvir en parallèle ces deux passions, il suffit simplement de dormir un peu moins, de travailler tous les jours, et de limiter les vacances à une dizaine de jours dans l’année. Et tout devient envisageable. Mais il est parfois arrivé que je ne puisse revenir au livre pendant deux ou trois semaines, période pendant laquelle je me contentais de visiter mes personnages avant de m’endormir.
Aujourd’hui tu es musicien- romancier ou romancier- musicien ?
Quand j’écris des textes de chansons ou que je compose, je ne me sens pas dans les mêmes dispositions que lorsque j’écris un roman. Ce sont deux univers séparés pour moi, et l’inspiration en musique me semble plus insaisissable, moins facile à canaliser. Il y a bien sûr une sève commune, mais je ne trouve pas intéressant de confondre les deux approches, en tous les cas consciemment. D’ailleurs, je fais en sorte que les personnages de ce roman aient des goûts musicaux différents de miens. Cela crée une distance supplémentaire, distance encore plus facile à maintenir puisque c’est la première fois que j’écris à la troisième personne. Ainsi, la lieutenante Laure Jouan aime bien Adèle par exemple. Et moi pas plus que ça... (rires)
La deuxième partie, la semaine prochaine