(Philippe Pascal sur scène à la Liberté à Rennes le 16 septembre 2017 - Crédit photo Francis Gothsener)
On a du mal à mettre un mot sur ce à quoi nous avons assisté. Concert grandiose, concert unique, selon une ouverture à l’identique, lyrique, le tout porté et expurgé par un ensemble de montage vidéo concocté par Vitrine sur Cour. Ce qui constitue en soi la grande nouveauté. Donne sens aux mots et à l’attitude de Marquis de Sade. Loin d’être un détail, ces projections confortent la démarche artistique de Philippe Pascal vis-à-vis de ces mouvements artistiques de l’entre-deux guerre. Marquis de Sade : un entre-deux ? Une déflagration. Il convient de ne pas parler de reformation. À l’heure où le rock a perdu son sens, sa véritable essence, où les deux Marquis ne jouent pas à un jeu échaudé où se bousculent les clichés, Philippe Pascal en profite donc pour remettre les pendules à l’heure. Inciser dans ce que fut sa propre vision de Marquis de Sade. Et Franck Darcel de reconnaître qu’ils n’ont jamais été un groupe de potes. Ces deux-là ne se sont d’ailleurs quasi pas parlés, tout juste croisés durant ces trente-six années qui nous sépare du dernier concert émaillé par le groupe. Point de retrouvailles à l’horizon. La raison d’être de ce concert événement tient dans le fait que nous fêtons les quarante ans de la formation. Et que ce 16 septembre 2017, au Liberté, évidemment à Rennes sera bel et bien une date à marquer au fer rouge. D’emblée, il convient de saluer haut et fort et le travail de Patrice Poch dont l’ouvrage retraçant la carrière de Marquis de Sade ainsi que le travail de l’exposition présentée aux Ateliers du Vent , un texte/un graphiste, feront tout aussi date et désormais référence en la matière.
(Philippe Pascal et Frank Darcel sur scène à la Liberté à Rennes le 16 septembre 2017 - Crédit photo Francis Gothsener)
16 septembre, donc. Sur scène Philippe Pascal au chant (la voix intacte), Franck Darcel à la guitare (sublime en son jeu), Éric Monière à la batterie, Thierry Alexandre à la basse pour ce qui est de la formation originale. Et Philippe Pascal d’offrir un jeu saccadé, tranché dans le vif, toujours porté par une gestuelle qu’il reconnaît n’avoir jamais travaillé. Ça se joue à l’instinct et à l’instant présent dans ce corps. Egon Schiele des temps modernes. À la différence près que Philippe sourit d’un bout à l’autre du concert. Une couche de froideur en moins porté par deux petits moments de grâce, de trois fois rien mais ne nous trompons pas, car ces deux petits moments constituent en soi l’essence même de la raison d’être de ce concert. D’abord ce petit pas de deux en direction du public, en avant-scène. Et Philippe d’applaudir le public, de rendre ainsi en l’espace de quelques secondes tout ce que celui-ci leur a donné. Le second moment, exutoire, des plus intimes, sera celui où, à genoux au pied de son micro, les bras portés vers le ciel, il dédiera ce concert à deux êtres qui lui ont été chers. L’événement prend alors tout son sens. Le murmure que Philippe, lors des répétitions, lors de la remise à feu de la machine, est passé par d’extrêmes moments de doute. Mais comme le susurre Daho au sortir du concert, le passé est bien mort, seul le futur compte. À croire que cet instant présent n’est pas, ou si peu, seulement pour nous porter. Philippe fera monter sur scène trois figures marquantes de Marquis de Sade lors de la reprise du « White Light White Heat » du Velvet : Christian Dargelos, Pierre Thomas et Sergei Papail (personnage à l’influence décisive dans l’existence de Marquis de Sade, dixit Philippe Pascal dans une interview accordée à la revue Best, en 1987, quant aux choix de ses influences). Une autre reprise de circonstance émaillera le concert, le Hero de Neu !, préfigurateur de celui de Bowie. Et Philippe d’arborer un sourire qui ne le quittera pas durant tout le concert. Ce à quoi il n’avait pas habitué son public, sur scène. En conclusion un seul mot : ce fut un moment magistral d’un bout à l’autre. Et fort de constater que les Marquis ont évité les retrouvailles – ce qui fut évoqué quelques années en arrière –, mais simplement marqué l’instant présent tel qu’il doit l’être : marque intense. Marque éminemment Incandescente. Et Philippe Pascal en guise de conclusion ironique de nous redonner rendez-vous dans quarante ans.
- Exposition Marquis de Sade 1977-2017. Du samedi 16 septembre au dimanche 8 octobre 2017 (ouverture du mercredi au samedi de 14h à 18h30 et le dimanche de 14h à 18h). Les Ateliers du Vent, 59 rue Alexandre Duval, 35000 Rennes.
- Marquis de Sade sera en dédicace chez le disquaire It’s Only (3, rue Jean Jaurès, Rennes) le vendredi 22 septembre, à partir de 18h.
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(Marquis de Sade morceau final à la Liberté le 16 septembre 2017 de gauche à droite Xavier Géromini, Christian Dargelos, Philippe Pascal, Sergeï Papail, Pierre Thomas et Frank Darcel - Credit Photo Francis Gothsener)
https://www.youtube.com/watch?v=xv0kZX-mklo