Olivier Rocabois : “The Pleasure is Goldmine” ou le plaisir de la musique

mercredi 6 juillet 2022, par Franco Onweb

C’est devenu une sorte de tradition, un rendez-vous annuel. Dès que les beaux jours arrivent, j’interviewe Olivier Rocabois. Il y deux raisons à ça. La première est simple : c’est la période où, le plus souvent, il donne de ses nouvelles avec la sortie d’un nouveau disque. La deuxième raison est que l’été ou le printemps sont des saisons pour la musique d’Olivier. Depuis nos premières rencontres avec son groupe ALL IF, j’ai toujours suivi sa carrière avec attention, tant le monsieur est pétri de talent et que sa musique est d’une beauté incroyable.

La raison de notre discussion c’était la sortie d’un nouveau maxi cinq titres « The Pleasure is gold mine ». Un disque splendide, où tout son talent explose encore. Depuis la sortie de son premier album solo, il y a un an, Olivier a changé de statut, il est reconnu par certains médias comme étant un des meilleurs orfèvres de la pop d’ici. Ce nouveau disque est juste la continuité de son talent. Je vais probablement me répéter mais foncez écouter ce disque incroyable. Allez découvrir Olivier Rocabois, votre vie n’en sera que plus belle et par les temps qui courent une telle musique fait du bien…

Il y a un an, tu sortais enfin ton premier album solo : quelles ont été les retombées ?

Il y a eu beaucoup de choses et de très bons retours, notamment dans la presse et les radios avec des médias nationaux : France Inter, Arte, Le Monde …. Inespéré ! C’était une grande première pour moi. Ça fait très plaisir après deux décennies dans l’underground passées à jouer essentiellement dans des caves humides et des cafés. J’ai adoré ça mais tu veux élargir le spectre à un moment. Tu te sens un peu plus légitime, moins imposteur !

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Tu as un nouveau statut ?

Peut-être, j’entends des choses vraiment agréables mais comme j’ai un ego un peu à vif, c’est compliqué car je n’ai confiance en moi que quelques minutes par jour. Comme je travaille beaucoup, je me dis que ce n’est pas immérité. Je navigue entre l’humilité et l’immodestie (rires). J’essaye de trouver un point d’équilibre. Je suis, comme tous les artistes, un peu funambule. Ce succès d’estime me rassure : avant je n’intéressais pas grand’ monde mais mon cercle de fans s’élargit peu à peu. J’identifie des typologies, c’est drôle. Sans faire des diagrammes, je dresse un tableau mental et c’est réjouissant car les profils sont assez variés. Je sais aussi qu’il suffit d’un faux-pas ou pire, d’un disque raté, et je retourne fissa aux oubliettes voire dans le donjon de la disgrâce.

Tu as surtout tourné en duo et en solo.

Trouver des dates en groupe est compliqué. C’est une économie très fragile, comme tu le sais. On va quand même jouer en groupe dans un festival en juillet en Normandie. J’aimerais vraiment trouver un tourneur pour pouvoir jouer plus souvent et en régions. Pour l’instant j’ai pris quelques contacts, on va voir ce que cela va donner. Le self-booking est une activité chronophage qui consiste à dire « aimez-moi » avec tout ce que ça implique de vain et ridicule

Tu sors un nouveau cinq titres, dont un remix d’un titre du premier album. Tu écris beaucoup : c’est pour ça que tu sors un nouveau maxi ?

Oui, j’ai beaucoup de morceaux et je veux enregistrer les nouvelles compositions en date. Je veux bâtir une œuvre ! Pour l’EP, tout a été écrit entre novembre 2021 et février 2022. Tout ne se vaut pas dans l’écriture (rires) mais j’avais un besoin physique de sortir ce disque. Si c’est un EP, c’est parce que je n’avais ni le temps, ni les moyens (pharaoniques !) de ressortir un album parce que là c’est un autre chantier. Cela me permettait de donner des nouvelles discographiques et me prouver que je pouvais enregistrer des morceaux tout neufs qui tiennent la route. C’est un prélude au nouvel album qui sera pour 2023 et pour lequel je souhaiterais lancer une collecte de précommandes à l’automne. J’aimerais bien que ce soit un peu moins la débrouille et pouvoir confier certaines tâches à des gens compétents. Je suis crevé à force de tout faire moi-même, sauf la presse pour laquelle Nicolas Favier de La Centrifugeuse réalise un boulot extraordinaire … Dans le dernier morceau « I Would Have Loved To Love You », je dis que mon système nerveux est en train de se désagréger. J’ai bientôt 48 ans et n’ai jamais été aussi heureux dans ma vie personnelle et familiale mais le revers de la médaille c’est qu’il va falloir que je délègue un peu pour garder le cap. Je fais ce que je veux mais je me prends la réalité en pleine gueule. Il faut des airbags, vite ! Sinon, c’est l’infarctus assuré dans le prochain semestre. Remarque, ça boosterait peut-être les ventes de disques (rires).

Cet EP, c’est la même équipe que sur l’album ?

Ce sont les mêmes musiciens ! La seule différence est que sur l’album, tout avait été enregistré à l’Entresol Sound Studio et les claviers au Studio de Meudon. Là j’ai fait les maquettes chez moi et elles ont été intégrées à l’EP alors que sur l’album, elles avaient juste servi de bases de travail. On a vraiment bossé en partant de ces maquettes. Ce fut un travail ludique et gratifiant de faire coexister des ébauches écrites sur mon fidèle piano droit, des trucs hyper bruts/bricolés sur des synthés MIDI et de belles prises de studio (basse-batterie-gtr elec-voix) et de voir que la mayonnaise prenait. Cet EP, c’est vraiment la pop idéale telle que je l’imagine : un mélange de studio et de boulot à la maison. C’est le mariage de mon home studio et d’un travail avec Olivier Bostvironnois (son réalisateur, NdlR) qui est un super musicien avec lequel je fais de grosses journées de dix heures. On y va à fond. On a pu travailler très vite car on se comprend à demi-mot et on est endurants.

C’est quoi ton timing ?

Les dernières démos ont été bouclées début février (New Year’s Crazy Egos, Brain Cells), on a commencé à enregistrer le 18 février et on a masterisé le 1er avril. En cinq ou six semaines, c’était réglé. Les pianos joués par Jan chez mon ami Raphaël Eligoulachvili, les grattes acoustiques chez le compañero Popincourt et tout le reste à l’Entresol. J’avais les chansons, j’ai trouvé le budget in extremis (mécénat + un énième prêt bancaire) et voilà c’était parti. On a réussi à tout faire hyper vite. On n’a pas maturé les morceaux très longtemps.

Quand on écoute ton EP, on sent une grosse influence David Bowie à la manière de chanter et la production. On dirait un mélange de Bowie et des Zombies.

Call me David Zombie ! Merci, ce sont de très grosses influences pour moi. Dans le communiqué de presse anglais, je dis que c’est Bowie qui se serait perdu dans l’océan des Beach Boys et qui aurait été recueilli par des Beatles barbus dans une grotte (rires). Le Bowie qui m’a marqué le plus est celui des premiers albums, singulièrement la période 71-73, de « Hunky Dory » à « Aladdin Sane ». C’est un immense vocaliste, tout le monde le sait ! Je chante souvent ses chansons, et celles de McCartney, pour me chauffer la voix. Harry Nilsson ou Suede aussi pour le warm up vocal. Ce n’est pas nouveau cette influence de Bowie chez moi et j’adore aussi les Zombies. J’ai croisé Colin Blunstone, leur chanteur. Il y a chez lui une douceur, une tendresse que j’adore. « Odessey and Oracle » et « One Year » sont des musts pour nous, l’Internationale des Esthètes à la Voix Haut Perchée.

Crédit : Julien Duclos

Ce qui est incroyable, c’est que tu es plus proche du « glam rock » que de la pop souvent !

Je suis d’accord et c’était déjà présent dans l’album "Absolute Poetry" d’ ALL IF grâce à la guitare de Valentin Pippo Miller. J’ai toujours aimé ça. Dès mon premier groupe, il y avait ça. Les guitares électriques incisives, des paroles criées, des spasmes. Je ne renie pas non plus que j’adore la pop canal historique, notamment Divine Comedy ou les Beach Boys, que l’on me cite souvent. Mais c’est souvent embarrassant d’être réduit à ses influences, il faut bien se raccrocher à quelque chose ou quelqu’un, même si je ne me vois pas comme un copiste. J’essaye de rendre mon travail plus personnel au fil des disques. Qui veut être unidimensionnel ?

Pourquoi as-tu as fait un remix par Christophe Vaillant ?

Parce que j’aime beaucoup son travail ! On a enregistré ensemble mais ça n’est pas encore sorti et on a une relation fructueuse. Nos albums sont sortis en même temps et on s’est aperçus que nos EPs allaient sortir encore en même temps (rires). Au cours de nos échanges, je lui ai demandé quel titre lui plaisait le plus et voilà. . Christophe a du panache et j’aime sa musique. Je voulais vraiment mettre en avant notre relation artistique. Quand j’ai reçu la version du morceau, j’ai été étonné. Je l’ai écouté plusieurs fois puis j’ai écrit à Christophe pour le féliciter. Il y a une vraie cohérence artistique et humaine avec ce remix, notamment avec le morceau "I Would Have Loved To Love You", qui est la suite naturelle d’ "I’d Like To Make My Exit With Panache". Je ne veux pas fermer la porte à d’autres styles : je me vis comme un corps spongieux, ouvert aux quatre vents, perméable aux influences. On peut être fan hardcore d’un groupe ou d’un genre sans être un ayatollah. En même temps, les gens qui écoutent "un peu de tout" sont toujours suspects !

Justement quand j’ai écouté le disque, j’ai trouvé qu’il y avait une sorte de jouissance ?

(Énorme rire) Ça me fait rire !

On a l’impression que par rapport au passé et à ALL IF, tu es beaucoup plus heureux : tu offres la musique à ton public !

Tu as tout compris ! C’est ma démarche ! Je vise cet état de jouissance, le but avoué est de se faire plaisir et de faire plaisir. "It’s a game of give and take" comme dans la chanson des Supremes. C’est du don d’orgasme, pur et simple ! Il y a une jubilation maintenant ! J’essaye de restituer dans ma musique une forme d’ivresse, de plaisir. Je suis comme un volcan et cela se traduit dans ma musique : je dois véhiculer cette énergie et transporter le public ! Ma musique, c’est de la lave en fusion.

Tu définirais comment ces quatre titres, notamment « I Would Have Loved To Love You » ?

C’est un peu personnel comme titre (rires). Dans mes paroles, j’essaye d’avoir plusieurs grilles de lecture avec un point de vue différent comme adulte et enfant. Je parle de douleurs intimes dans ce morceau. C’était la nécessité de marquer la fin d’un cycle. A la fin, je dis que je m’en vais pour aller vers une meilleure vie. Il y a des relations parfois un peu toxiques. Il faut scier la branche parfois. C’est le sens de ce titre, c’est un manifeste d’indépendance et d’autonomie.

Quand aura-t-il enfin un peu de folklore breton dans ta musique ?

(Rires) C’est la cinquième fois que tu me poses la question ! J’aimerais bien, c’est ma région, mon enfance, la Bretagne… Je voudrais bien trouver une résidence pour préparer le prochain LP, idéalement en Bretagne et là il se passerait quelque chose !

Mais la Bretagne est en toi ! Tu pourrais collaborer avec un bagad !

J’aimerais bien ! Ce serait une perspective excitante !

Ce disque annonce un album pour 2023. On retrouvera certains titres du maxi sur l’album ?

Dois-je te prendre au sérieux (rires) ? Bien sûr que non ! Ce seront essentiellement des nouveaux titres, certains ne sont même pas encore nés ! Dans mon cahier des charges, il y a toujours des titres écrits quelques semaines/jours avant l’enregistrement. J’espère tout mettre en marche fin 2022 pour une sortie en 2023. Attendez-vous à une dizaine de morceaux inédits et avec peut-être une poignée de titres plus anciens, plébiscités en concert mais jamais enregistrés à ce jour. Je veux faire plaisir aux gens qui me suivent depuis longtemps et à mon nouveau public. J’espère aussi développer des collaborations.

Crédit : Olivier Popincourt

Peut-on imaginer un super groupe avec Popincourt, Christophe Vaillant et toi ?

Ce serait bien ! On s’apprécie beaucoup et cela aurait de l’allure ! On a déjà bossé ensemble et je signe des deux mains / dès demain pour une collaboration tripartite. Un single par exemple : ce serait parfait !

allif.bandcamp.com/
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En tournée :

  • 08.07 : L’Avant-Scène - BORDEAUX (+ Donald Pierre) 09.07 : Total Heaven - BORDEAUX
  • 21.07 : Coef 121 Festival - VEULES LES ROSES
  • 05.08 : Le Café du Port - L’ABER WRAC’H
  • 07.08 : Le Chaland Qui Passe - BINIC
  • 09.08 : Le Barbe - PLOUHA
  • 11.08 : Bazoom BD-Musique - AURAY
  • 16.09 : Les Vinzelles - VOLVIC