Comment la musique a commencé chez toi ?
Simplement parce que je rêvais la nuit de faire du piano ! J’ai demandé à mes parents. J’ai commencé comme ça, le piano et le solfège. J’avais sept ans. C’était pas facile mais je me suis accroché. Vers 12,13 ans, j’ai tout arrêté et je suis devenu un Geek. J’ai ensuite refais des rêves où je jouais de la guitare et j’ai donc joué de la guitare vers 17 ans. J’ai aussi repris le piano.
C’est quoi tes premiers chocs musicaux ?
C’est la musique de mon père et de mon frère. Chez mon père c’était beaucoup de jazz et de BO comme celle de « Furyo » par Sakamoto ou celle de « Bagdad Café » et mon frère écoutait Michael Jackson ou Eurythmics... Ce sont des musiques qui étaient très mélodiques et ça m’a beaucoup marqué.
Tu étais à Brest, tu n’as pas été marqué par Miossec ?
J’étais au lycée quand il est arrivé. J’aimais beaucoup mais j’étais plus sensible à l’écriture de Dominique A. Globalement ce qui m’a marqué à Brest c’est l’ambiance grise et le béton, le côté « Dark » de la ville... Je suis parti ensuite à Vannes et Rennes pour mes études et là j’ai beaucoup écouté de New Wave.
C’est quoi ton premier groupe ?
Go Go Charlton, un groupe que j’ai fondé à Rennes quand j’ai rencontré Olivier, l’autre songwriter du groupe suite à une annonce qu’il avait posé à Rennes Music, le disquaire. Il cherchait un musicien avec des références assez pointues comme les Go Betweens ou Belle and Sebastian. On a commencé à faire des maquettes sur mon 4 pistes à Rennes. Il est parti pour ses études à Paris, mon grand frère aussi et comme je ne me sentais pas bien à Rennes, je suis aussi parti à Paris.
Go Go Charlon était très marqué par la scène de Manchester ?
Oui il y avait un côté très indé avec des références à « Madchester » mais aussi New Order ou Teenage Fan Club. On était à fond dedans. Ça nous fédérait : Nicolas et Christophe, le bassiste et le batteur, amenaient leurs arrangements. On était juste une bande de potes passionnés de musique. On a un peu joué en province et un peu à l’étranger. Ça a été assez vite pour nous : on a rencontré pas mal de gens, grâce à ça on a fait une musique de pub qui nous a permis de trouver un éditeur et de sortir un album.
C’est l’époque où tu as commencé à t’intéresser au studio ?
Un morceau que j’avais écrit avait été pris pour une pub. Je pouvais gagner de l’argent avec de la musique ! J’ai donc arrêté mes boulots alimentaires et je me suis concentré sur la musique. Pour l’album de Go Go Charlon, on devait faire des pré-prod. Je m’en suis beaucoup occupé et l’ingénieur du son les avait trouvés très bien. Ensuite j’ai appris avec des tutos You tube et je n’ai jamais arrêté le studio.
A partir de là on te voit sur beaucoup de projets mais on va surtout te connaître pour ton travail avec Vox Low.
Eh oui, ils sont venus me chercher par des amis en commun. Ils cherchaient quelqu’un qui était à la fois guitariste, qui jouait des claviers et qui connaissait le studio. A l’époque j’avais monté un projet en solo « My Broken Frame » avec des guitares et des claviers, tout chanté en anglais. Ils ne savaient pas s’ils voulaient faire du live et je les ai aidés. On a tourné pendant 6 ans ensemble et je les ai quittés il y a un an et demi pour me consacrer à mon disque.
Tu as travaillé avec pleins de labels comme Pan European ?
Oui, j’ai travaillé avec Lisa Li Lund qui avait sorti un album chez Versatile à l’époque. J’ai été son clavier, guitariste de scène et quand elle a fait son album chez Pan European, elle a absolument voulu que je réalise.
Tu es aussi compositeur pour le théâtre ?
Oui, depuis 2011 et c’est une activité qui a pris beaucoup de place : je fais autant de musique pour le théâtre que pour des groupes.
C’est un travail très différent ?
Oui, bien sûr, mais les deux se nourrissent. Tout ce que je fais avec des groupes électro intéresse les metteurs en scène de théâtre. Souvent on me demande des musiques précises. Tout le côté « homme-orchestre » je l’ai surtout construit avec le théâtre. C’est ça qui est intéressant. Le théâtre a aussi réveillé mon amour pour la littérature : j’ai fait des études de lettres. C’est un aspect de ma vie que j’adore et qui est très créatif. Ça me permet de rencontrer plein de gens.
Tu fais aussi de la musique pour la danse contemporaine ?
C’est encore différent mais très intéressant. J’ai pu le faire grâce à des gens que j’ai rencontrés sur les plateaux de théâtre.
Tu trouves un lien entre toutes ces activités ?
Au début quand on m’a proposé de le faire, c’était comme un défi pour moi. Après ça a été la curiosité et l’envie de m’associer avec des gens pour raconter une histoire. Le théâtre est une aventure collective : être sur scène avec des acteurs, c’est du bonheur. C’est quelque chose de particulier à faire dans une vie.
Tu as fait de la musique de film ?
J’ai fait un peu de musique pour du documentaire mais jamais de fictions. C’est assez paradoxal puisque j’adore ça et quand je regarde un film seul, j’adore improviser à la guitare ou au piano. Le métier de musicien tient vraiment aux rencontres : les rencontres avec Go Go Charlton, Lisa et Vox Low ont fait, en partie, ma carrière musicale. Pareil pour le théâtre où j’ai rencontré des metteurs en scène. Pour le cinéma, je n’ai pas encore rencontré de réalisateur ou de réalisatrice avec qui commencer une collaboration. J’adorerais !
Tu as commencé ta carrière solo par un EP , comment il est né ?
A l’époque quand je faisais de la scène c’était en anglais mais pour le théâtre c’était écrit en français par les metteurs en scène. On me disait souvent que je chantais bien en français. Par un ami, Alexandro Costa, on m’a proposé d’écrire des chansons en français. Je venais de faire mon premier album solo sous le nom de « My Broken Frame » qui était sorti une semaine après le Bataclan, ce qui n’était pas la meilleure période. Je voulais passer à autre chose.
Et donc ?
Je me suis à réécouter des gens que j’adore comme Jean Louis Murat ou Arnaud Fleurent Didier. J’avais un nouveau studio à l’époque dans le 9éme, je me suis dit « allez go ». J’ai pu faire des maquettes et enchaîner les morceaux. C’était en 2017 et je voulais clipper mes chansons parce que je savais que c’était un média important et nécessaire. Pour écrire en français il me fallait me mettre dans des personnages, un peu comme au théâtre.
Tu fais des pop songs. N’était-ce pas compliqué pour toi qui travaille pour des projets « classiques » où la langue joue un grand rôle ?
La pop music et les pop songs comme on l’envisage en Angleterre, n’existe pas en France ! La première fois que je suis allé à Londres, j’ai été surpris de voir que des groupes comme Belle and Sebastian étaient écoutés par tout le monde alors qu’en France c’était quand même bien minoritaire. La pop à la française intéresse peu de gens en France. Mon plaisir en tant que songwriter et producteur c’était d’écrire la pop song ultime. Je peux être obsédé par une chanson et l’écouter 2000 fois. Il y a l’importance de la mélodie. La structure et l’efficacité d’une chanson me passionnent. J’ai adoré lire des biographies de Phil Spector et d’autres pour ces raisons-là. Ces gens ont fait la richesse de la pop song.
Ton disque ce sont vraiment des pop songs, ne penses-tu pas que c’est un genre, un peu, décrié en France ?
Je pense qu’il n’y a pas de prétention dans la pop, ce ne sont pas des chansons d’auteurs ! On assume un côté direct et premier degré. La langue française ne sonne pas comme la langue anglaise et tu ne peux pas la faire sonner pareil, c’est une réalité ! Par contre on peut essayer d’influencer la chanson française par ce qui se fait à l’étranger, notamment en Angleterre. C’est ça que j’ai essayé de faire. Dans les années 90, j’ai beaucoup aimé écouter PJ Harvey, Cat Power ou autre plutôt que des choses françaises comme le reggae français ou le rock festif. Mes influences étaient outre-manche.
Tu as fait de la scène après le 1er EP ?
Oui, je voulais qu’on soit deux, j’ai donc pris Clémence à la basse qui jouait dans Moodoïd. En plus c’était bien d’avoir une fille sur scène. Elle avait joué sur l’album de Lisa et c’était naturel de travailler ensemble. J’ai eu aussi l’aide du 104 à Paris qui m’a permis d’avoir trois résidences pour roder le live.
Tu as fait beaucoup de concerts avant cet album ?
On en a fait pas mal avant le Covid et moins après. J’ai aussi beaucoup de concerts avec « My Broken Frame » comme la première partie de Joseph Arthur à l’Alhambra où c’était plein, ou en première partie d’Anna Calvi à Strasboug.
Ton album s’appelle « Auto Fictions », pourquoi ce nom ?
Pendant le Covid, j’ai décidé de reprendre mon vrai nom : Guillaume Léglise. Mon nom avait circulé dans plein de choses comme le théâtre ou la production. Je me disais que c’était plus simple pour me retrouver et d’assumer mon statut d’artiste polymorphe. J’ai lu beaucoup de livres sur les autofictions et comme j’ai enfin écris mes paroles, et qu’il y a des choses de moi et des choses inventées, je voulais clamer qu’on est libre d’écrire ce qu’on veut dans nos chansons : des trucs intimes ou faux. J’aime ce mélange.
On peut te comparer à Alain Chamfort ou François de Roubaix ?
C’est marrant parce que je me suis mis à l’écouter quand on a commencé à me comparer à lui, pareil pour Alain Chamfort. C’est un hasard artistique ! J’ai écouté d’autres artistes et à l’arrivée on me compare à ceux-là c’est drôle, surtout que j’ai plein d’albums d’autres artistes que j’écoute que l’on ne me cite jamais (rires), comme Bob Dylan que je vénère.
On pourrait aussi penser à New Order ?
New Order j’ai beaucoup écouté, comme Joy Division. J’adore ! Ils ont un mélange incroyable. Un côté instantané et efficace mais avec beaucoup de sophistication. J’aime la musique comme ça. Il y a une sensation d’urgence avec une grande sensibilité et en même temps une vraie sophistication, quelque chose de pensée.
Il y a 10 titres sur l’album avec des collaborations Cléa Vincent ou Lisa Li Lund ?
Oui, j’ai voulu ouvrir parce que cela me permettait de me renouveler, en tant que musicien j’ai beaucoup eu de rencontres musicales. La musique est quelque chose qui se partage. Cléa était pianiste dans mon groupe « My Broken Frame » et le batteur c’était Kim. J’ai fait plein de concerts avec eux. Je savais qu’ils écrivaient des chansons ensemble et je leur ai proposé d’écrire une chanson à trois. On a fait un instrumental et ensuite ils ont écrit des paroles dessus. J’ai joué pratiquement de tous les instruments sur l’album mais j’ai eu quelques intervenants comme un trompettiste pour que le disque ne soit pas totalement auto centré.
Tu fais tout dans ton studio, tu joues de tous les instruments : tu n’as pas eu peur de ne jamais t’arrêter ?
Non, pas vraiment, je savais qu’il fallait que je ne mette pas trop de choses et à limiter mes idées. Je voulais garder le format chanson avec un couplet, un refrain... Je faisais écouter régulièrement à des personnes de confiance qui sont autour de moi. Cela m’a poussé à faire cet album qui me ressemble et ce n’était pas simple et à la fin les gens qui me connaissent me disent que cet album me ressemble : c’est un très beau compliment parce que c’est ce que je voulais. Je voulais que ma démarche soit la plus sincère possible.
Tu fais de vrais de pop songs assez efficaces !
C’est vrai mais je ne m’interdis pas de faire d’autres formats : folks ou Americana. Il faut que je me sente libre. Dans ce disque il y a un peu tout ce que j’aime.
Tu as tout composé mais tu as deux morceaux qui sont coécrits ?
Oui, le morceau avec Cléa et Kim et un morceau avec Lisa sur lequel elle chante et elle a coécrit les paroles et trouvé le placement et la mélodie de voix. Il y a aussi deux amies à moi, Aurélie et Agathe qui ont collaboré sur le titre A la lueur de l’eau.
Quelle est ton inspiration pour les paroles ?
Comme j’écoute que très peu de titres en français ce n’est pas simple ! Cela vient autant des livres que de mes disques. Le disque en français qui m’a le plus touchée, c’est « la mémoire neuve » de Dominique A. J’adore ce disque et ses paroles, il y aussi « Dolores » de Murat qui m’a touché. Ensuite ce que j’écris reste pop et ça part de la musique. J’aime beaucoup quand les paroles viennent vite et de manière spontanée.
Tu as un côté écriture à l’anglaise, dans le sens où la sonorité du mot a vraiment de l’importance ?
Peut-être, parce que souvent les mots me viennent en jouant de la musique. Mon titre « les mots » m’est venu exactement comme ça. En jouant les accords, j’ai trouvé le mot du refrain et j’ai juste eu à tirer les fils.
Tu as fait beaucoup de clips ?
J’aime bien, dès le début de mes chansons en français, j’ai eu envie de faire des clips et surtout de laisser carte blanche à des réalisateurs. Je voulais être juste disponible pour nourrir leur inspiration. J’ai trouvé des gens épatants. Grâce à Clémence j’ai rencontré Jérôme Walter Gueguen un super réalisateur belge qui vit à Madrid ! Il aime ce que je fais et il a apprécié le disque. On a discuté et on a parlé de faire plusieurs clips avec des boucles et des histoires qui s’enchaînent avec chaque clips. En tout il y en aura six dont le dernier sera une sorte de best of de tous avec moi dans les différentes situations des autres clips.
On a l’impression que tu as beaucoup « scénarisé » ta musique. C’est rare aujourd’hui où l’instantané est très présent.
C’est vrai. En plus dans mes concerts il y a des projections, souvent d’images de mes clips qui sont synchro avec mes chansons. Pour moi la musique amène une charge émotionnelle et j’aime que ça raconte une histoire. Mes influences sont autant des musiques que des films.
Tu crois que ta musique a besoin de tout ça ?
Elle n’en a pas besoin en soi mais c’est mon désir de faire ça, ça me permet de partager ma musique autrement et ça motive mon envie de continuer. Pour moi, ces clips c’est une aventure et j’aime ça. Ça me nourrit. Et se mettre en scène c’est fun !
Tu en attends quoi de ce disque ?
Difficile à dire. J’ai vraiment envie de le partager et que les gens l’écoutent. Maintenant qu’il est sorti, je prends tout ce qui arrive comme un plus : les concerts, la promo... Ce que je voulais à la base c’était de devenir musicien, donc je suis content que cet album nourrisse cette ambition et je suis content de savoir que je vais monter sur scène pour jouer mes chansons dans différents contextes. Je vais me laisser porter !
Tu vas tourner ?
Oui, on va jouer à Montreuil à la Marbrerie le 15 juin. On cherche des dates, un tourneur... Ce disque est plus le début de quelque chose qu’un aboutissement, je veux faire d’autres disques.
Quels sont tes projets ?
De faire la promotion du disque et de jouer. Je travaille sur le troisième album Order 89. Je participe à l’album de Lisa Li Lund à Bruxelles. J’ai aussi des projets de théâtre dont un spectacle de sept heures avec trois heures et demie de musique Live. C’est génial à faire même si c’est un projet fou. Je voudrais aussi faire encore des clips.
Le mot de la fin ?
J’aimerais qu’il y ait une politique plus favorable aux classes populaires !
Quel disque tu donnerais à un enfant pour l’emmener vers la musique ?
Ma fille de onze ans a aimé John Mayer, un guitariste chanteur américain, après je pense que c’est bien d’écouter assez jeune des artistes comme Prince ou le premier album Cyndi Lauper.
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