Ingo Grünewald, ou la fascination à l’oeuvre du temps

lundi 9 mai 2016, par Jean-François Jacq

Dans son second roman, Telles seront les demeures , publié en juin 2015 aux éditions Fasciné – et qui fait suite à Montsouris , paru en 2013 – Ingo Grünewald, professeur de mathématiques de son état, résidant à Narbonne et dont la langue d’origine est l’allemand, décortique, tel un paléontologue, ces personnages de la vie courante, des êtres bien vivants avant même de devenir ceux d’un quelconque roman. 

Une démarche singulière, selon une précision incitant à ne pas en dévoiler plus, à leur sujet.

S’en tenir ainsi à cet édifice où le temps et les lieux se jouent de nous, ou bien alors passer fissa son chemin car au bout du compte, il se passe finalement très peu de choses dans l’écriture d’Ingo, sinon d’interroger avec le plus grand soin les courbes du passé selon une mécanique, une minutie dont le cœur qui palpite en serait une cartographie détaillant avec forces précisions les dédales de certains quartiers – Porte d’Orléans, ou encore le 13ème arrondissement – de notre capitale.

Une telle introduction en la matière pourrait bien vous passer l’envie de tenter de le lire. A tort, tant l’intéressé procède à une véritable alchimie dont seul le pouvoir des mots a le secret.

Il y a un avant et il y a un après. Sans intérêt pour Ingo se concentrant, comme il le fait dire dans la bouche de l’un de ses personnages, sur ce moment où, tel un café torréfié en un temps hier, avant d’être passé au filtre de l’instant présent, et d‘où émane une odeur et saveur qu’Ingo, à partir du moment où l’on remue de façon circulaire la cuillère dûment plongée au fond de la tasse, situe quelque part hors du temps.

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(Ingo Grünewald, droit réservé) 

Son écriture, si tant est que l’on puisse la décortiquer, prendrait alors ses marques aux détours et dans la tourmente de ces ronds, tel un temps en suspens, tel un temps qui s’arrête afin de rendre compte, au final, non pas d’un quelconque futur, mais de cet instant prodigieux où, à la seconde même où la boisson chaude a été ingurgité, une légère fumée s’échappe encore.

Une chose est sûre. Telles seront les demeures se révèle être une œuvre littéraire des plus fragiles. C’est aussi là l’un de ses principaux attraits. Dépasser l’entendement. S’il peut manquer parfois de consistance – mais n’est-ce pas là tout l’apprentissage auquel doit se plier un auteur ? –, on en ressort éminemment troublé d’avoir été jusqu’au bout.

Troublé et finalement conquis ; littérairement rassasié. 

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(4 éme de couverture de « Telles seront les demeures » d’ Ingo Grünewa ld)