WC3 ou A trois dans les WC, l’histoire d’un groupe à (re)découvrir !

jeudi 29 septembre 2022, par Franco Onweb

Septembre 1978, festival de Lesdins, un jeune groupe monte sur scène et joue un concert qui marque la presse et le public : A 3 dans les WC. Le lendemain, le journal Libération les définit comme faisant du Novö Rock et parle d’une révélation. Rapidement la rumeur enfle et le groupe se voit proposer un contrat chez CBS. Mais pour les jeunes rockeurs nordistes, la rencontre avec le show business se révéla plus douloureuse que prévue : ils durent changer de nom en WC3 ou renoncer à sortir certains de leurs titres.

Mais derrière ces anecdotes, qui en disent long sur l’époque, se trouvait un groupe fabuleux, avec un son futuriste proche des Stranglers ou de Devo. Il y eut deux albums et un maxi 6 titres, qui furent acclamés par la presse mais eurent du mal à trouver leur public. Devant le peu de succès et après avoir été écarté de chez CBS, le groupe s’embarqua pour une dernière tournée qui se termina tragiquement le premier soir après le suicide de Janine la claviériste.

Alors que le groupe, qui a été plusieurs fois réédité, continue encore aujourd’hui à être écouté, j’ai demandé à Eric Comont, le bassiste de WC3 d’ouvrir sa boîte à souvenirs !

Pourrais-tu te présenter ?

Je m’appelle Eric Comont, je suis né à la fin des années 50 à Saint Quentin, une ville de Picardie où je m’ennuyais beaucoup.

WC3 en 1981, de gauche à droite Janine, Gégéne, Eric et Reno
Crédit : Jean-Baptiste Mondino

Comment la musique est entrée dans ta vie ?

Par la radio.Dès le début des années 70 j’écoutais JB Hebey sur Europe 1, le Pop Club. Parfois j’arrivais à chopper Radio Caroline et des radios belges qui passaient des musiques bizarres. J’adorais Bowie, Iggy et Lou Reed et aussi Kraftwerk, Can, Neu ! J’ai commencé à faire des sons en bidouillant des bandes magnétiques, des vieux postes de radio, et puis un jour je me suis acheté une basse...

Comment se forme WC3 et en quelle année ?

A 3 dans les WC se forme début 1978 à St Quentin. On faisait des reprises dans la cave d’un pote et on en avait marre. Le punk déboulait et ça correspondait parfaitement à notre humeur de l’époque.

Qui étaient dans le groupe à la base ?

Au début, on étaient 5. Reno : chant, guitare, Janine : claviers, chant. Gégène : Batterie, Jeannot : guitare et moi : basse , chœurs.

Quelles étaient vos influences ?

Stranglers, Devo, XTC, Siouxsie, Bowie, Metal Urbain, Can, Neu ! Le Velvet...

Il va y avoir une campagne de promotion du groupe assez « particulière » pour lancer le groupe ?

On avait à peine 3 morceaux et on faisait un raffut d’enfer chez le batteur. Ludo, qui organisait un gros festival, passait par là. Il nous a entendu, ça lui a plu et il nous a proposé de jouer avant les « vedettes » : Bijou, Starshooter, Téléphone, Shakin’Street... Pour faire parler de nous avant le festival, on a bombé les murs de la ville avec des slogans du genre : A 3 dans les WC, scato punk, A 3 dans les waters vous dilate les sphincters, etc... Ça nous a posé quelques problèmes mais l’opération com a bien fonctionné. On a assuré un show bien punk et déglingué et on a plus parlé de nous que des groupes connus dans la presse après le festival.

En 1979 vous sortez un premier 45 tours autoproduit qui va vous ouvrir des portes : peux-tu nous en parler ?

Fin 1978, Ludo est devenu notre manager. Il nous a trouvé un local de répétition, fondé un label : Vinyle Humide et financé notre premier 45t : Contagion/ Chic-choc. Maneval l’a diffusé dans Pogo sur Europe1, JE Perrin en a parlé dans Rock &Folk. Lacoche dans Best. On l’a envoyé aux maisons de disques et un DA de chez CBS nous a appelé. C’était l’excellent Patrice Fabien, producteur d’Edith Nylon, Blessed Virgins et d’autres.

En 1981 vous signez chez CBS, mais votre son a évolué. Vous accentuez tout sur les claviers, pourquoi et comment ?

En 1979, on se sépare de notre guitariste Jeannot. Janine prend une plus grande place aux claviers et notre son devient plus original. En 1980, Fabien nous fait signer chez CBS et nous emmène enregistrer notre premier maxi 6 titres au Château d’Hérouville.

Vous allez connaître des différends avec la maison de disque qui vont déboucher sur un changement de nom et le retrait du titre Captain Valium. Comment avez-vous vécu tout ça ?

Le maxi était pressé et allait sortir mais CBS a fait écouter le titre phare : Captain Valium aux radios qui ont dit que le mot Valium ne passerait jamais en radio pour des tas de raisons (Valium est une marque protégée/ apologie de la drogue...) CBS a pris peur et ils ont pilonné les disques. Retour à la case départ et à St Quentin. Après un conseil de guerre dans notre fief, on a décidé de changer les paroles de Captain Valium qui est devenu Poupée Be Bop (plus subversif qu’il n’y paraît). Fabien l’a enregistré et fait écouter à CBS qui a accepté de sortir le maxi et le 45t en nous conseillant de « raccourcir » notre nom. On a proposé WC3. Le disque est sorti en 81 et a plutôt bien marché.

Quelles incidences sur le groupe ?

Toutes ces péripéties nous ont plutôt servi. On avait de quoi raconter dans les interviews et on parlait de nous. Censure/ Pas censure. En fait, on s’en foutait. On se concentrait sur le prochain album.

En 1982 c’est « Moderne musique » votre premier album, vous l’avez enregistré où et avec qui ?

On l’a enregistré au studio Ferber à Paris en 1981 avec toujours Patrice Fabien aux manettes. Fabien avait des méthodes de prod très... originales. On s’est bien entendus pour délirer musicalement et beaucoup rire malgré l’ambiance plutôt sombre des morceaux.

Comment définirais-tu ce disque ?

C’est à mon avis l’album le plus « rock » et le plus « facile » à écouter de WC3. On était sous influence « London Calling » du Clash, Black & White des Stranglers...

Vous avez beaucoup tourné après ce disque ?

Pas assez, on a beaucoup joué à Lille et à Paris, quelques festivals en province et des concerts en Belgique.

Quels ont été les principaux concerts ?

Le Palace où on a tout cassé. Au Bataclan à la fête de Fréquence Gaie. Au Forum des Halles. En première partie des Lords Of The New Church à Lille...

Quelles ont été les retombées de l’album en termes de vente et de notoriété du groupe ?

Gros succès d’estime, comme on dit. Beaucoup d’articles, d’émissions de radio, un passage en live dans l’émission de TV l’Écho des Bananes mais peu de ventes. Pas assez commercial.

En 1984, c’est le deuxième album « La machine infernale », comment le groupe a-t-il évolué ?

Juste après la sortie de Moderne Musique en 1982, Gégène, notre batteur, nous a quittés. On a choisi de prendre une machine à sa place. Une Linn Drum. On prenait parfois un batteur pour les concerts mais ça n’a pas duré. On s’est retrouvés vraiment à 3 dans les WC et on s’est concentrés sur un projet de concept album : La Machine Infernale.

Peux-tu nous parler de ce disque : il a été fait où, avec qui et comment le son avait évolué ?

Avec la machine, notre son avait beaucoup changé. On inventait une espèce d’électro destroy qui ne ressemblait pas à grand-chose en France. Il nous fallait un producteur qui comprendrait et nous ferait un son d’enfer pour le disque. C’est alors qu’on a écouté Play Blessures de Bashung. C’était très proche du son et de l’ambiance qu’on cherchait. On a noté le nom du mec qui avait produit l’album sur la pochette : Mitch Olivier. On l’a appelé, il a dit ok. On a fait des maquettes. On s’est bien entendus dans tous les sens du terme. On a fait écouter à CBS qui étonnamment a dit ok. Et on a enregistré La Machine Infernale dans le même studio que Bashung, produit par Mitch Olivier au Château de Longueville en 1983. L’album est sorti début 1984.

WC3 en 1983, de gauche à droite Eric, Reno et Janine
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Le 19 avril 1984, à la première date de la tournée Janine se suicide : veux-tu nous en parler ?

L’ambiance n’était pas au beau fixe, CBS nous avait lâché et on tournait avec tellement peu de moyens qu’on avait appelé notre tournée « Le clodo tour ». Janine était de plus en plus instable et ce drame est arrivé. Le plus simple pour comprendre est de lire le roman : « Janine » de Olivier Hodasava paru en 2016. Et d’écouter le podcast « Janine » du même auteur sur France Culture (2021).

Le groupe s’arrête directement après, qu’as-tu fais après WC3 ?

Reno et moi, on n’avait plus le cœur de continuer WC3 sans Janine. On est partis chacun de notre côté. J’ai fondé Too Much ! fin 1984, un groupe électro-punk-glitter. Un album chez Contorsion Records en 1985. Ensuite j’ai bidouillé 2 albums electro sous le nom de RXC dans mon home studio, restés confidentiels. En 2006 j’ai fondé FuturS Ex avec Pat Kébra d’Oberkampf. Un album en 2007. Et enfin j’ai rejoint The Fab Mods depuis 2010. Trois albums au compteur.

Le groupe a réédité et il y a eu en compilation en 1989 : comment as-tu vécu ça ?

CBS a sorti une compile CD/LP/K7 en 89, ensuite long silence. Seventeen Records a sorti des inédits post CBS en 2006 : « A 3 dans les WC ,1978/1980 », Born Bad a mis « Contagion » sur sa compile Biiip , Soul Jazz records , en Angleterre, « Photo -couleur » sur leur compile « Punk 45 ». Caméléon Records a sorti le 45t pilonné « Captain Valium » 35 ans plus tard,Olivier Hodasava a écrit un roman sur Janine. « Contagion » est devenu un tube sur le net à cause/grâce au covid. Tous les albums sont sur les plateformes sur le net. On n’a jamais autant parlé des WC3.

Quelle est ton impression sur le groupe 38 ans après sa disparition ?

Étonné et fier qu’on parle encore de nous.

Le mot de la fin !

Il semble qu’il n’y ait pas de fin. Des jeunes groupes reprennent nos morceaux. La Contagion se répand...

http://a3dansleswc.com/
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https://wc3music.bandcamp.com/