Pleasures : « Shake That Tree », la rencontre avec le groupe pop rock & roll de Marseille

mardi 5 mars 2024, par Franco Onweb

Originaire de Marseille, le quatuor Franco – britannique Pleasures est une petite merveille. Comme la plupart des groupes, Pleasures se base sur le duo chanteur et guitariste. Le Chanteur c’est Patrick Atkinson, un anglais exilé sur la Canebière et le guitariste c’est Stéphane Signoret, un ancien des Neurotic Swingers et l’un des grands animateur du rock à Marseille avec son magasin de disque et le label qui en est issu : Lollipop ! Ajoutez à ça une section rythmique qui assure parfaitement et vous obtenez un groupe aux influences pop et post-punk, bien loin des clichés que Marseille véhicule.

Le groupe vient de sortir un deuxième album « Shake That Tree » épatant qui regroupe des morceaux que l’on imaginerait sortir d’Angleterre des années 80. Ce n’est pas pour rien que sur ce disque le groupe a repris Adrian Borland, le leader de The Sound.

J’ai téléphoné à Stéphane pour avoir des précisions sur un groupe que vous allez adorer.

Peux-tu nous présenter le groupe ?

En 2017 j’avais vu dans un festival Patrick Atkinson qui chantait avec un groupe. Je l’avais trouvé intéressant parce qu’il pouvait aller autant dans le côté crooner à la Nick Cave que dans le côté Rock à la Jon Spencer. On a donc monté un nouveau groupe. On s’est appelé les Pleasures et depuis on a eu pas mal de changement de personnel, pour en arriver à la formation actuelle.

Pleasures
Crédit : Antichambre

Tu es un fan du Punk 77, alors que la musique de Pleasures est plus Post Punk. Ce n’est pas trop compliqué pour toi ?

J’aime toujours autant les Clash, les Heartbreakers ou les Boys mais mes influences sont plus larges. Le fait d’avoir un magasin de disques (Lollipop à Marseille NDLR), a fait aussi beaucoup évoluer mes goûts. C’est justement vers ça que nous voulions tendre : on aime autant le rock énergique que la pop délicate, autant Stiff Richards que Divine Comedy, autant Jon Spencer que Nick Cave, autant Viagra Boys que le dernier Ralfe Band. On a voulu mettre tous ces éléments (énergie, mélodie, riff guitare, arpèges etc…) dans l’album, voire même parfois dans un même titre.

Quand on parle de vous, on cite souvent The Sound, le groupe d’Adrian Borland.

C’est normal : on a repris « I can’t escape myself » de ce groupe sur notre dernier album. On aime beaucoup ce groupe, surtout leur premier album qui est un chef-d’œuvre dans une ambiance post punk pop. Maintenant nous avons tous nos influences dans le groupe, moi c’est le punk seventies, les Dogs, les Barracudas ou encore les Jam. Le point commun de ces groupes, c’est qu’ils jouent tous avec une Rickenbacker, c’est pour ça que j’en ai une depuis le début (rires). J’aime ce son, très clair.

On peut essayer d’y voir le Jazz Butcher ?

Ah oui ? Ce n’est pas une influence pour nous mais on peut y voir des similitudes en effet.

On a l’impression que vous êtes un mélange de plein de choses ?

C’est un beau compliment ! On essaye de faire des passerelles. Avant, avec les Neurotic Swingers on pouvait facilement nous mettre dans une case : on avait le look, les badges et la musique. Aujourd’hui avec Pleasures, c’est un peu plus compliqué. On peut être parfois rock, pop, psyché, garage… On navigue dans ces eaux-là et on est très content de naviguer entre ces ambiances. Maintenant on ne fera pas n’importe quoi. On ne sortira pas à la suite un morceau Reggae et un morceau jazz ! On reste quand même dans des univers similaires et on tente de garder une certaine cohérence.

Vous venez de Marseille qui n’a pas trop l’image d’une ville rock !

Houlà, c’est une question qui mérite un large débat, même entre nous à Marseille c’est un débat (rires). J’ai un label depuis 1993 et depuis cette date quand j’envoie un disque à la presse, les chroniques commencent presque toujours par : « à Marseille il n’y a pas que le Rap, le Reggae ou la pétanque, il y a aussi du rock ! ». Pourtant on a de nombreuses salles de 100 ou 200 places et quand je cherche des dates en France, je réalise que nous sommes très bien lotis à ce niveau-là. On a une dizaine de salles pour jouer du rock. Ça a permis de créer une scène talentueuse de jeunes groupes de rock en ce moment. Il y a du rock, de la pop, du punk, de la folk et autres, ça bouillonne ! Avec le magasin on organise tous les vendredis des show-cases. On en est à 800 et même si certains groupes ont joué 2 ou 3 fois, on arrive à trouver de nouveaux bons groupes à chaque fois. Dans ce sens-là c’est une ville rock ! Mais il n’y a pas un énorme public malheureusement : on reste autour d’une affluence de 100 ou 200 personnes. Je vois bien que je vends moins de références rock que mes collègues du reste du pays.

Il y a eu du rock à Marseille ?

Il y a toujours eu du rock ! On a eu des creux à un moment. Quand j’ai commencé à jouer à 18 ans, on n’intéressait personne ! Heureusement « La Machine à Coudre » nous a ouvert ses portes et nous a beaucoup aidé : on a réussi à programmer un concert par mois là-bas. Peu à peu le public est venu. Si tu ne fais rien, il ne se passe rien !

Pleasures en concert Mars 2024
Crédit : Nicolas Bevernage - Oofzos Photos

Vous avez fait un premier album en 2018 avec pas mal de changements de personnel.

Oui, on vient même de changer de bassiste il y a quelques semaines (rires). A la base du groupe, avant le premier album, on avait essayé deux bassistes, deux batteurs… On avait trouvé notre formule mais le confinement a fait que Fred le bassiste et Miguel, le batteur, ont préféré quitter le groupe. Ça a été une vraie cassure. Pendant le confinement avec Patrick, on a fait des démos, travaillé les morceaux qui sont sur cet album. Quand on a enfin pu ressortir on a trouvé Simon notre actuel batteur et Jules qui jouait dans Parade. On a enregistré l’album tous les quatre et récemment Loïc (qui jouait dans Dissonant Nation) nous a rejoint à la basse.

Votre premier album a un son plus dur que celui-là ! Qu’est ce qui s’est passé ?

Le premier album devait être un EP de quatre morceaux. On est allé en studio, on a fait nos quatre morceaux et comme il nous restait du temps, on a continué. On en a fait 8 et voilà c’est devenu un album ! C’était très spontané avec un son brut parce qu’on n’est pas resté très longtemps en studio. Avec celui-là, on a voulu prendre plus de temps, élargir le spectre, faire des choses différentes tout en gardant le côté pop rock du groupe ! On a beaucoup travaillé : on a mis des guitares acoustiques, des chœurs, des percussions et même un violoncelle… On voulait élargir le champ d’écoute !

Entre les deux albums vous avez beaucoup joué ?

On a fait une quinzaine de dates. Pour celui-là, on a joué à Paris, à l’International en décembre, on a aussi été à Lyon et à Nîmes depuis la sortie de l’album en octobre. On repart à la fin du mois pour quelques villes comme Bourg en Bresse ou Saint Etienne.

Vous allez jouer à l’étranger ?

Pourquoi pas (rires) ? On a de beaux souvenirs de nos tournées à l’étranger avec nos groupes précédents. On aimerait bien aller au Canada par exemple en 2025.

Vous pourriez aller en Espagne ou en Italie ?

C’est vrai mais je n’y ai jamais vraiment joué. J’ai plus été en Allemagne et aux Pays-Bas qu’en Espagne ou en Italie, qui sont pourtant proches de Marseille. Il nous faut du temps pour trouver des dates et comme on est en mode DIY, c’est plus compliqué. On est en mode « do it yourself » mais pas « do it alone » : si on pouvait déléguer certaines activités à d’autres, ce serait bien
 !
Vous l’avez fait où et avec qui l’album ?

Le nouveau, comme le premier, on l’a fait avec Rudy Romeur. C’est quelqu’un que l’on connaît depuis très longtemps. Il est très talentueux. Il a été notre ingénieur du son sur pas mal de concerts. Il a joué dans de nombreux groupes. On avait entièrement confiance en lui : il a une grosse culture musicale. Il connaît autant la pop que le rock. Ça ne lui fait pas peur de mettre des guitares acoustiques ou des chœurs ! Vraiment on est ravi de son travail.

Sur le nouveau disque, vous êtes basés sur la mélodie et sur les guitares en les mettant en avant sans avoir un gros son mais en respectant les mélodies. Vous faites de la pop rock ?

On appelle ça entre nous : pop rock & roll ! On essaye de garder l’énergie du rock mais avec les formats de la pop : mélodies, couplets, refrains, en essayant de garder le côté « groovy » du roll. Sur ce disque il y a peu d’agressivité. On essaye de garder des thèmes avec des guitares qui se chevauchent sans être trop puissantes et présentes !

C’est un disque qui pourrait se rapprocher du rock anglais qu’américain ?

Je suis d’accord, il y a beaucoup plus une influence anglaise que sur le premier mais notre chanteur est londonien et ça aide !

Crédit : Antichambre

Comment se passe l’écriture ?

Sur « Shake that tree » Patrick et moi avons composé et on arrange tous ensemble en répétition. Pour les textes c’est Patrick ! Pour les prochains titres, on va essayer de composer tous les 4.

Vous ne chanterez jamais en français ?

Hier on a répété et pour la première fois on a envisagé d’écrire un morceau en français. On va voir si on est capable d’arriver à faire sonner un morceau en français aussi bien qu’en anglais ! On ne veut surtout pas se retrouver avec un titre qui sonne chanson française. On veut garder le côté pop rock ! On va donc prochainement essayer sur un morceau !

Ils parlent de quoi vos textes ?

Par exemple, « Revolution » parle de la domination dans le couple, « Live and Learn » des regrets que l’on peut avoir. Ça parle souvent de petites choses de la vie quotidienne qui peuvent parler à tout le monde.

Vous n’êtes pas un groupe revendicatif ?

Je ne crois pas qu’écrire un morceau changera la politique de mon pays. Nous n’avons pas cette prétention même si on aimerait beaucoup avoir cette faculté…

On parle Lollipop votre label que tu as fondé ?

J’ai commencé le label en 1993. Il y a eu une pause de 4 ou 5 ans vers 2010, je n’avais plus les fonds, ni la motivation mais depuis l’envie est revenue. Ça a commencé avec un de mes groupes de l’époque, une auto-prod déguisé, ensuite j’ai fait un split single et une compilation. Je n’avais aucun objectif particulier, juste sortir des disques et ça m’occupait pas mal. C’était compliqué au début : on devait fonctionner par courrier mais la compilation a eu une belle chronique dans Rocksound. J’ai été contacté par Tripsichord pour être distribué. Aujourd’hui, nous sommes distribués par L’Autre Distribution et j’en suis ravis. Cela a réellement lancé le label et j’ai continué jusqu’à ma 62e sortie aujourd’hui !

Quels sont vos projets ?

On a assimilé le nouveau bassiste. On a fait un premier concert il y a quelques semaines et c’était très bien. On part en tournée : Bourg-En-Bresse, Saint-Etienne, Toulouse, Périgueux etc… dont une date à Marseille avec les Howlin’ Jaws. On espère trouver d’autres concerts et si possible quelques festivals pour cet été.

Tu penses quoi du streaming ?

C’est compliqué : aujourd’hui certains organisateurs regardent le nombre de streams pour te programmer. Je suis harcelé par Spotify, qui veut nous mettre sur des playlists pour avoir plus de vues, moyennant finance bien sûr ! Tout ça, ce sont des bulles musicales « spéculatives ». Ce n’est pas représentatif de la musique ou de ton public. De plus, je suis attaché au format album. Je ne veux pas écouter que des compilations et des playlists. J’aime écouter un album entier, changer de face et faire un voyage d’une demie heure avec un groupe.

Vous préparez le troisième album ?

Oui, on commence à composer. Le répertoire actuel commence à dater et nous avons tous envie de jouer de nouveaux titres, c’est normal….

Le mot de la fin ?
Allons acheter des disques et aller aux concerts, je pense que le streaming disparaîtra et qu’il ne restera à la fin que nos livres, nos CD et nos vinyles.

Crédit : Nicolas Bevernage - Oofzos Photos

Quel disque tu donnerais à un enfant entre 6 et 14 ans pour l’emmener vers la musique ?

Pour ma fille, j’ai pris une compilation des Beatles !

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