Filip Chrétien : Rencontre avec un chanteur Breton

lundi 5 octobre 2020, par Franco Onweb

Dans l’univers du « rock rennais », Filip Chrétien est un personnage à part : après un début de carrière au seins du groupe Marco Lipz , il a entamé une carrière solo passionnante depuis une bonne quinzaine d’années !

Attention, ici on parle d’un chanteur qui écrit et compose des chansons, un terme que j’emploie volontairement pour bien marquer les caractéristiques de cet artiste talentueux. 

Entouré, désormais, d’un incroyable groupe de scène (Pierre Corneau à la basse, Nico Boyer à la guitare et Gilles Morillon à la batterie), il fait parti de ceux qui continue à donner ses lettres de noblesses musicales à la ville et la région.

J’ai discuté un long moment avec Filip Chétien (Philippe de son vrai prénom) pour mieux vous faire connaitre un artiste des plus attachants et des plus talentueux.

Peux-tu te présenter ?

Je m’appelle Philipe Chrétien. J’ai presque 50 ans. J’habite à Rennes avec de fortes attaches dans le Morbihan. Je fais de la musique depuis mes 14 ans et j’ai fait partie de divers groupes Rennais. Je suis aussi graphiste.

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(Droits réservés) 

Tu as commencé comment la musique ?

J’ai commencé à 14 ans avec Tsagam, un groupe Rennais local. Ensuite j’ai rencontré des musiciens avec qui on a monté Marco Lipz . Un groupe qui a eu sa petite notoriété à Rennes. C’était entre le début des années 90, jusqu’au début 2000. Nous avons fait les « Transmusicales » de Rennes, pleins de beaux festivals, quelques dates avec Dominic Sonic, et des premières parties comme Big Soul ou Axel Bauer. On était signé sur la label de Jean Louis Brossard et Hervé Bordier des Transmusicales : « Transrecords ».

Vous étiez la deuxième vague de groupes Rennais ?

Oui, à l’époque il y avait entre autre les Skippes , Lighthouse , les Gunners et pleins d’autres groupes cool.

. Tes parents écoutaient quoi ?

De la chanson française : Brel, Ferrat, Ferré, Yves Simon avec qui j’ai eu un déclic, notamment avec la chanson « Diabolo menthe ». J’ai totalement craqué sur cette chanson (j’avais 8 ans). Cela m’a donné envie de faire des choses. Quand j’avais 12 ou 13 ans j’ai commencé à écrire des trucs sur des bouts de papiers. Je n’avais pas du tout une culture Anglo-Saxonne et celle-ci est venue assez tard. J’étais très influencé par des groupes Rennais qui chantaient en Français comme Marc Seberg et puis la scène alternative Française de la fin des années 80.

Tu n’as pas du tout influencé par la musique Celtique ?

Non pas du tout. Je me sens très ancré au niveau du territoire mais pas du tout au niveau musical.

Quand le groupe s’arrête à la fin des années 90, tu arrêtes la musique ?

Oui, j’ai fait une pose d’à peu près une dizaine d’année. 

Ce n’était pas compliqué à gérer avec les membres du groupe ?

Ça l’a été quand je suis parti je crois. Vers la fin, Je faisais des trucs à côté en solo et ça a rendu le truc compliqué parfois, il y a même eu quelques petites frictions.

Tu revois encore les anciens de Marco Lipz  ?

Bien sûr : on est toujours pote !

Tu reprends la musique en 2006 sous le nom de Filip ?

Je me suis acheté un nouvel ordinateur et j’ai vu qu’il y avait des outils assez cools pour bricoler des trucs sympa. Je me suis acheté une carte son. J’ai commencé à entasser des morceaux et un jour j’ai recroisé Bruno Green (guitariste et producteur Rennais Ndlr). Je lui ai fait écouter et il m’a proposé de produire un album. Ça a été une chance énorme : on s’est retrouvé deux mois au studio Cocoon à côté de Rennes. A cette époque sous le nom de Filip. C’était totalement autoproduit.

Il y avait qui sur le disque ?

Thomas Chatel de Santa Cruz, Christian le Chevretel, Olivier Loas qui m’aide beaucoup pour les arrangements encore aujourd’hui ….

Le projet Filip n’est-il pas la transition entre Marco Lipz et ce que tu fais maintenant ?

J’ai arrêté Marco Lipz a 25 ans et j’ai fait mon premier disque a 35 ans, 10 ans sans musique … Il m’a fallu 10 ans pour arriver à faire cette musique et à l’assumer.

Tu marques que tu as fait la première partie de Daniel Darc en 2008 et ensuite ça reprend en 2016 : tu n’as pas fait de concerts en huit ans ?

Si j’en ai fait pas mal. On a beaucoup joué pendant deux ans sous le nom de Filip.

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(Photo B Sammut) 

Le projet Filip c’est un ou deux albums ?

C’est trois albums et demi : Trois albums et un quatre titres (mais je ne l’ai jamais sorti).

Pourquoi tu changes de nom ?

Je voulais retrouver mon nom de famille. Filip tout seul c’était réducteur et ça devenait chiant parce que quand on me demandait quel était le nom de mon projet, je répondais Filip et puis suivait : Filip comment ? …

Tu dirais quoi comme influences, j’ai pensé à Bashung, Miossec ou Yves Simon, mais surtout tous ces gens comme Manset, Murat ou Sylvain Vannot qui ont essayé de faire sonner la chanson Française avec la pop ?

Ca me convient très bien !

Tes premiers albums sont très minimalistes avec de l’ordinateur alors que maintenant tu n’as plus trop d’informatique avec de vrais instruments et un très beau son de guitare.

Les ordinateurs sont pratiques quand tu n’as pas de budget (rires), mais c’est vrai il m’a fallu du temps pour arriver à faire quelque chose d’à peu près correct. Il y a un album qui m’a beaucoup influencé, c’est « Crève cœurs » de Daniel Darc qui a été produit et arrangé par mon ami Frederic Lo. Quand j’ai fait « les Traces », j’avais vraiment ce disque en tête pour tenter de m’en inspirer un peu. Fred avait fait un super boulot et ses arrangements m’inspiraient beaucoup . « Crève cœurs » est mon album de chevet avec un autre disque de Pierre Bondu.

Mais ce ne sont pas des gens comme Daniel Darc ou Dominique A, qui ont décomplexé les gens comme toi par rapport à la chanson française ?

Sans doute, c’est possible. En même temps ça aurait été compliqué pour moi de chanter en anglais vu mon niveau de ouf. 

Mais en ce moment on redécouvre la variété Française des années 70 et on voit que c’était fort au niveau des arrangements et des compositions. N’y a-t-il pas eu un snobisme dans le rock à dénigrer ces gens ?

Moins la nouvelle génération je pense mais peut être que c’est toujours un peu comme ça oui.

Et arrive le projet Filip Chrétien avec deux album splendides.

Arrive « dia dia », mon disque favori. Il a été bricolé à la maison avec mon frère Nicolas. C’est un projet qui n’avait aucunes ambitions, aucunes perspective : c’était juste un truc comme ça pour se faire plaisir … Et quand il est sorti, les Inrocks m’ont contacté et il est devenu album de la semaine dans le magazine.

Quand on voit les photos de l’enregistrement, ça a l’air cool : tu as ta cabane au fond de ton jardin, ton frère et tout à l’air tranquille ?

J’ai besoins de mes repères sinon ce n’est plus pareil. J’ai besoins de ne pas me prendre la tête. J’avais ce côté où je faisais de la musique avec mes potes le dimanche, tranquillement …. Depuis deux ans ca a un peu changé mais cette période c’était ça. C’était une famille de pote avec Chafik de Lighthouse etmon ami Jean-Louis Bergère entre autres…

En 2016, tu sors les « Traces » qui est pour moi l’album où tu rends hommage à Rennes, avec des musiciens comme Nicolas Boyer et que tu prends de l’assurance en assumant la pop chanson Française.

Je suis d’accord, j’ai assumé ce disque !

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(Photo Polychroma) 

C’est qui tes modèles de textes ?

Bashung, Murat, Biolay, Dominique A et Daho entre autres.

Dans tes morceaux il y a aussi beaucoup de silence ?

Mon écriture est basée sur la consonance des mots (avant le sens), les silences ont donc aussi leur place et sont même nécessaires.

Tes textes sont assez aussi mélancoliques ?

Certains les trouvent lumineux pourtant (rires).

En 2016, il y a un nouvel album ?

Oui, « Les traces » avec mon frère Nico, Olivier Gastel, Olivier Loas …. Ce disque a eu de bons échos et m’a permis de faire quelques concerts sympa l’année de sa sortie.

Pourquoi tu as voulu reprendre « Diabolo Menthe » ?

C’est un hommage à mon enfance, je fredonne cette chanson dans ma tête depuis mes 8 ans. Je l’ai même envoyé à Yves Simon mais je n’ai pas eu de retours de sa part.

Je n’arrive pas à comprendre comment tu ne joues pas plus !

Moi non plus mais je n’ai pas de tourneur. Il faut comprendre que ça n’intéresse pas grand monde, pourtant j’ai un super groupe et j’ai eu beaucoup d’articles. Je n’ai par exemple jamais joué à Paris, c’est un peu la galère pour tout le monde… Ce qui est drôle c’est qu’il y a des gens qui croient que je gagne pleins d’argent, que j’ai pleins d’attachée de presse et ce genre de choses… Si ils savaient la vérité ! Mes disques me coutent de l’argent et je ne me paye pas quand je joue.

Et en 2019, il y a un nouvel album qui est vraiment splendide pleins de chansons pop / folk avec des musiciens incroyables comme Pierre Corneau (ex Marc Seberg Ndlr) et des textes intéressants 

On a tout fait chez moi, dans ma pièce pour la musique sauf basse batterie que on a fait au « studio Balloon ».

Cela se passe comment sur scène ?

Il y a Nicolas Boyer à la guitare, Gilles Morillon à la batterie et Pierre Corneau à la basse.

Vous avez beaucoup joué ?

Deux fois à l’Ubu dont une fois en première partie de Luke et quelques concerts dans de petites salles dans la région… J’aimerais jouer plus mais comme je fais tout seul : les contacts presse, la production, la fabrication, les concerts …. Franchement je n’ai pas le temps. Pour trouver de bonnes dates il faudrait que je sois porté par une structure, et encore….

Mais tu es perçu comment à Rennes ?

Je ne sais pas trop. Un vieux chanteur ? (Rire)

On parle de « Coop Breizh », ton distributeur ?

Ça fait deux ans qu’ils me suivent : ils travaillent super bien et ils sont supers sérieux.

C’est ton côté Breton « Coop Breizh » ?

Ils ne prennent que des artistes Bretons et franchement trouver une distribution aujourd’hui c’est compliqué alors quand « Coop Breizh » accepte de te distribuer c’est vraiment une chance.

A quand un morceau avec Fred Lo ?

Je ne sais pas, peut-être qu’on fera ça un jour.

Tu as travaillé avec Lou aussi ?

Oui, j’aime beaucoup l’univers de Lou, au passage son dernier album est vraiment très beau. Dès que je fais un disque j’essaye de lui demander une chanson.

Tu es aussi très présent sur les réseaux sociaux.

Ah bon ? J’essaye d’être mesuré, je ne parle que de trucs en rapport avec ma musique et seulement de ça.

Ton univers graphique est aussi très chouette

J’essaye aussi qu’il soit épuré, je ne mets rien d’inutile ou de superflu. Je fais très attention à ça.

Quels sont tes projets ?

Des concerts j’espère, et j’espère aussi un album pour 2021.

 

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