L’Homme Bleu, « le Bal des Crocodiles » ou le disque d’un artiste en toute liberté

lundi 29 janvier 2024, par Franco Onweb

L’Homme Bleu, « le Bal des Crocodiles » ou le disque d’un artiste en toute liberté

Le bleu est souvent signe de sérénité ou de bien-être. Voilà des caractéristiques qui collent bien à Nazim Mokhnachi, le merveilleux artiste qui se cache derrière le pseudonyme d’Homme Bleu, tant son album « le Bal des Crocodiles » est un album lumineux et épatant !

Pour les plus âgés d’entre nous, on se rappelle que Nazim a commencé sa carrière avec les lumineux Blue Valentines de Laval qui ont laissé bien des souvenirs derrière eux. Depuis le monsieur s’était fait discret et c’est avec talent et élégance qu’il revient avec cet album « le Bal des Crocodiles ». Un disque lumineux, plein de mélodies et de chansons (en français), où la guitare se promène en toute liberté en allant sur la pop, le rock, le blues et même la chanson. Nazim est un artiste libre, qui refuse de s’enfermer dans un style et c’est tant mieux ! Pour vous convaincre que ce type peut rapidement devenir indispensable dans vos vies, je vous dirais que c’est avec lui que Tom Verlaine a joué pour la dernière fois sur un disque.

Espérons juste que cette fois il mettra beaucoup mais alors beaucoup moins de temps pour nous donner de ses nouvelles

Peux-tu te présenter ?

Nazim Mokhnachi, auteur, compositeur, chanteur en français et en anglais… C’est assez simple en fait !

Nazim Mokhnachi
Crédit : Franck Loriou

Tu as commencé très jeune avec les Blue Valentines ?

Oui, j’ai commencé au début du lycée, j’étais effectivement assez jeune.

Comment as-tu découvert la musique ?

Pour moi c’était la musique de la rébellion adolescente, un exutoire par rapport à la frustration un peu banale à cet âge. J’habitais Laval, une ville un peu…morne et un peu désolée. Le rock était un échappatoire magnifique, presque un rêve !

Tu as fondé Blue Valentinesavec tes frères ?

Non, un de mes frères a joué de la guitare dans le groupe a un moment mais il nous a surtout managé, il s’occupait de tout…

Blue Valentinesa plutôt bien marché pour un groupe qui jouait ce type de musique ?

Oui, c’était un peu fulgurant, pour un groupe local. Ça a commencé à bien fonctionner dans la région, et même un peu au niveau national.On a fait la première partie d’artistes comme Noir Désir, The Fall ou Mink de Ville…A la fin du groupe, j’ai commencé une carrière solo avec un quatre titres et puis plusieurs EP où je cherchais de nouvelles voies, de nouveaux styles où je commençais à écrire en Français.

Pourquoi tu te mets à écrire en Français ?

C’est compliqué, à la base mon éducation était surtout en anglais mais j’aimais aussi des chanteurs français comme Higelin, Lavilliers… les chanteurs de l’époque. Je me suis laissé happer par la langue anglaise qui me permettait de sortir de ma frustration, de mon marasme. En grandissant, je me suis posé la question parce que la langue française est très belle. J’ai essayé et puis j’y ai pris goût avec le temps. Comme un artisan j’ai beaucoup travaillé parce que je n’avais pas de facilité à écrire en français et finalement j’ai aimé ça.

Ça devait être compliqué pour toi qui venait d’une scène rock ?

Oui, c’est compliqué : c’est une langue qui n’a pas la même sonorité, comme les accents toniques, et donc au début c’était vraiment dur mais depuis j’y ai pris goût.

Tu vas arrêter la musique en 1996 et 2012 selon ta biographie.

En fait, j’ai toujours fait de la musique mais c’était plutôt comme un artisan dans son grenier. Je n’ai juste rien sorti commercialement. J’ai toujours écrit, composé, enregistré… J’ai aussi suivi les évolutions technologiques et comme tous les musiciens, j’ai développé un Homme Studio. J’ai aussi essayé de jouer avec d’autres gens. En 1996, c’est le moment où je suis devenu père donc j’ai pris un peu de recul mais j’ai toujours continué la musique. J’ai aussi déménagé à Montpellier.

Et tu apparais sous le nom de « L’Homme Bleu », pourquoi ce nom ?

C’était le titre de l’album au départ ! J’aimais bien ce nom, la sonorité des mots et comme j’avais envie de changer de pseudonyme je l’ai adopté ! J’aime le côté poétique et nostalgique, ça rappelle les Blue Valentines aussi… C’était peut-être l’époque où j’ai commencé à regarder en arrière (rires) !

Le bleu est aussi présent dans tes textes de manière directe ou indirecte !

J’aime beaucoup la couleur bleue. Je vis à Montpellier et donc la mer est bleue, le ciel est bleu…

En 2022, tu as enregistré avec Tom Verlaine(ex Télévision){{}}

Oui, c’était extraordinaire. C’est un hasard, mon frère qui est passionné de musique et qui a monté son label, a contacté Tom Verlaine directement en lui envoyant les bandes démos et il lui a répondu ok, que ça lui plaisait. Il a posé ses guitares sur les morceaux et ensuite ça a été mixé dans le studio où il a enregistré. J’aurais voulu y aller, pour mixer avec lui mais ça n’a pas été possible. On s’est organisés avec les nouveaux moyens de communication.

Ce sont ses deux derniers morceaux ?

Les deux derniers sur lesquels il a joué !

Et ensuite tu as fait « le Bal des crocodiles » ?

Avant on a sorti un EP de covers avec Teenage Kicks Production, le label de mon frère, et moi j’ai repris un morceau de Chris Bailey, le chanteur des Saints. C’est une grande fierté pour moi. Il avait beaucoup aimé ma version qui était un peu électro alors qu’à la base c’était un morceau acoustique.

Pourquoi tu as appelé cet album « le Bal des crocodiles » qui est le dernier morceau de l’album ?

Je voulais terminer cet album par un morceau un peu… décadent ! Le dernier bal avant la fin. Un peu comme on vivait, à l’époque avec le covid. C’est le plus long de l’album et qui est fait pour danser. J’assume complètement ça ! Je voulais un truc un peu urgent, avec pas trop de guitares. Mais je tiens à préciser que sur le disque les morceaux sont assez dansants.

Tu l’as fait où et avec qui ?

J’ai enregistré dans le studio « Le Garage », qui est mon home-studio. Il a été mixé par Pierre au studio Lakanal, le plus ancien studio de Montpellier qui est superbe ! Il y a plusieurs intervenants sur le disque : cordes, chœurs.. mais j’ai fait beaucoup d’instruments dessus : guitare, basse, claviers et les batteries. Pour celles-ci, elles sont soit programmées, soit j’en ai fait où il y a eu des batteurs.

On parle de Teenage Kicks, ton label ? ,

C’est le label qui a été monté par mon frère aîné. C’est un hommage au morceau des Undertones, parce qu’il est fan du rock de cette période. C’est un label indépendant qui est en train de se professionnaliser en travaillant sur plusieurs projets. C’est avant tout un truc de passionné. Il y a une américaine Bailey Grey, Slim Jim, mon petit frère, un duo de rappeurs parisiens Baz & Bazet il y a aussi des inédits des Blue Valentines sur le site. Il cherche de nouveaux projets.

Crédit : Franck Loriou

Sur ton album, la guitare est présente du début à la fin avec une ligne mélodique. Tu es parti de la guitare pour composer ?

A la base je suis guitariste, c’est mon instrument de prédilection. J’ai dû mal à faire une chanson sans guitare. Je suis tombé amoureux de la guitare quand j’avais 10 ans et j’en mets souvent partout (rires) !

La guitare est partout mais elle est rock, pop, blues… C’est un peu la guitare en liberté chez toi ?

J’aime bien cette idée.

Par exemple « Perdu dans la ville » c’est de la pop !

Oui, c’est de la pop avec une couleur un peu eighties

Sur « Pericoloso » c’est du blues à la Nick Cave ?

Ça me va, j’aime bien ces références !

On a l’impression que tu as besoin de ne pas enfermer ta guitare.

C’est ce que je veux : ne pas me laisser enfermer dans un style. C’est compliqué aujourd’hui de faire quelque chose de personnel et original. J’avais envie que la guitare soit un peu partout. Pour le mixage, on a fait attention à garder cette originalité sur la guitare.

Par contre parfois la guitare est contrebalancée par de la technologie moderne qui est en opposition à ton passé.

Je me fous de mon image par rapport à mon passé. Quand j’ai enregistré l’album, j’écoutais des trucs un peu pop électro et j’avais envie de mélanger ça avec la guitare., même si c’est compliqué parfois de regrouper les deux mais le challenge me plaisait.

On va parler de tes textes. On a l’impression que tu joues avec des mots pour parler de tes sentiments sans rien dévoiler.

(Silence) Oui, c’est ça, un côté un peu énigmatique avec plusieurs niveaux de lecture pour comprendre plusieurs choses. J’aime jouer avec les mots, faire des jeux de mots, cacher un peu les choses, jouer avec l’auditeur… J’aime beaucoup ça avec la langue française. Ça marche bien avec le français : tu peux jouer avec ça. Quand j’écoute « Perdu dans la ville », j’entends des choses qui ne sont pas ce que je voulais dire à la base. C’est être perdu dans la ville avec tout ce que cela comporte. J’aime bien ne pas être explicite.

« L’Océan » est assez explicite, même si tu te caches derrière les mots.

Oui, c’est plus direct mais on ne sait pas trop à qui parle chanteur : à lui ou à une femme.

C’est un des morceaux les plus touchants de l’album mais tu l’as caché. Tu l’as mis en onzième sur le disque.

C’est un de mes morceaux préférés. C’est le seul avec guitare, voix très dépouillée et qui est super sur scène : ça dégage un vrai truc.

Tu viens de faire une petite tournée en trio avec un batteur.

Oui, à la base on était cinq mais j’ai préféré revenir en trio sans machine. Je pense que dans les prochains concerts on va partir sur trois ou quatre musiciens. C’est plus facile pour la gestion. On aura quelques samples sur scène.

Pour moi tu es un musicien très organique alors que tu suis la technologie.

J’essaye de m’en servir comme un outil, comme un instrument mais j’aime jouer les parties. C’est juste au niveau des percussions que je fais jouer la technologie. C’est plus facile. Sur scène, on met la guitare en avant et donc il a fallu réarranger des morceaux, puisqu’on a pas de synthé. Ils sortaient très rock !

Nazim Mokhnachi en concert
Droits réservés

C’est ce qui te plaît.

Oui, j’aime l’énergie de la scène.

Tu as rejoué à Laval. Tu n’avais pas joué là-bas depuis trente ans. C’était bizarre ?

Oh oui (rires), j’ai revu des vieux potes, mais aussi des nouvelles têtes. C’était à la Fabrique, une très belle salle près de Laval.

 Quels sont tes projets ?

Chercher des concerts près de chez nous sur la bassin méditerranéen, et sortir un album en anglais en 2024. Il est déjà bien avancé au niveau des compositions et des arrangements.

Et Paris ?

On va essayer d’y jouer. On est en recherche de concerts.

Tu as de bons retours sur l’album ?

Oui, les gens qui l’écoutent le trouvent riche.

C’est un peu un album fédérateur. On y trouve du rock, de la pop, de l’électro et même de la variété. 

Ça me plait bien. Je n’aime pas les chapelles. L’important c’est la spontanéité, sans calcul… J’ai essayé de varier les plaisirs.

As-tu été contacté pour écrire pour d’autres, vu la qualité de ton écriture ?

Non, j’ai juste eu une expérience à Paris avec le label Roy Musique mais cela ne s’est pas concrétisé. Si l’occasion se présente ce sera avec plaisir.

Le mot de la fin ?

Vive la musique que cela ne s’arrête jamais ! C’est un voyage très chouette !

Quel disque tu donnerais à un enfant entre 7 et 14 ans pour l’amener vers la musique ?

Le groupe dont je suis absolument fan c’est Radiohead ! C’est un groupe au summum de leur art et qui plaît à tout le monde. Donc, je te dirai un vieil album de ce groupe.

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