François Olivier Nolorgues, le dandy ultime de la pop

jeudi 26 octobre 2023, par Franco Onweb

Journaliste, producteur, compositeur, peintre et chanteur avec son groupe Frantic, François-Olivier Nolorgues est un personnage à part dans l’univers musical et culturel d’ici. Ça fait plus de 20 ans qu’il est omniprésent, traversant les époques avec une élégance naturelle. Une carrière commencée avec le duo C2La, puis poursuivie avec une carrière solo sous son nom avant de réapparaître avec son groupe Frantic avec lequel il connaîtra un succès en Allemagne et une reconnaissance en France. En parallèle François a mené une passionnante carrière de journaliste, notamment à MCM, où il permit à un grand nombre de groupes d’avoir leur première apparitions publiques.

Aujourd’hui, ce merveilleux agitateur mène une double carrière de peintre et de musicien, toujours sous le nom de Frantic et sort régulièrement des titres chez l’incroyable label Hot Puma. Alors qu’un nouveau disque s’apprête à sortir au printemps, François a bien voulu ouvrir sa boîte à souvenirs.

Tu es chanteur, musicien, peintre, producteur, journaliste et réalisateur : tu mets quoi comme profession sur ton passeport ?

Je mets « cherchant » (rires).

Crédit : Karine Dalmasse

Tu as fait beaucoup de choses !

J’ai toujours été là où le futur me portait, c’est une histoire de rencontres.

Comment la musique est rentrée dans ta vie ?

J’ai grandi à Compiègne. Quand j’étais adolescent j’ai rencontré Thomas Deligny de Concorde Music Club. Ensemble on a fondé le groupe C2la qui a été produit par Mirwais pour un album qui n’est jamais sorti. On a juste placé un titre sur une compilation Rosebud en 1993, un titre produit par Albert Franck et Mirwais.

C’étaient quoi tes influences musicales ?

La pop ! En gros des Beach Boys aux Pet Shop Boys en passant par David Bowie, Robert Palmer ou Bryan Ferry. J’écoutais aussi du pop glam avec des groupes comme Soft Cell, le groupe de Marc Almond, Depeche Mode, Erasure… Je suis passé complètement à côté du rock sixties garage et autres…

Ce qui est intéressant c’est que ces artistes et groupes étaient comme toi : ils n’aimaient pas que la musique. Ils aimaient la mode et la culture en général.

C’était mon cas, exactement comme Neil Tennant des Pet Shop Boys : j’adorais les magazines de pop, de mode, tout ce qui a attrait à la pop culture. J’aimais tout ce qui était chic !

Pourquoi C2la s’arrête ?

Parce que je signe chez Atmosphériques en solo. Marc Thonon (le directeur d’Atmosphériques, NDLR) ne voulait pas d’un duo. Ça a été compliqué avec Thomas qui n’a pas trop apprécié la séparation du duo. Le single a été produit par Jérôme Soligny et le second par Julien Baer.

Tu vas commencer en parallèle une carrière de journaliste à MCM ?

Je suis arrivé en 1995 et ça a été un tunnel jusqu’en 2003. J’ai interviewé pleins de groupes de rock et de pop. On a filmé beaucoup de groupes en live parce qu’il y avait le MCM Café.

Tu as beaucoup changé l’antenne de MCM ?

Oui, c’était une volonté de la direction de la chaîne d’ouvrir un café-concert à Pigalle et donc j’ai pu proposer autre chose. Il y avait des news, des groupes émergents, des groupes connus… C’était une vie de dingue, on n’arrêtait pas : on était vraiment immergé dedans ! On a permis à des gens comme Louise Attaque ou les Vegomatic de jouer. On a réussi à faire jouer une centaine de groupes.

Tu continuais la musique en parallèle ?

Oui, j’ai fait deux disques chez Atmosphériques. J’ai aussi participé à des compilations. J’ai collaboré, grâce à mon éditeur 13 Bis, à des chansons pour les autres. Comme j’étais aussi copain avec Nicolas d’Indochine, j’ai pu faire le Zénith pour sa première partie, en 1999. J’ai refait le Zénith avec Duran Duran !

Tu étais aussi producteur ?

Oui, j’ai fait re-signer en France Lloyd Cole, Marc Almond ou les Christians.

Tu as été un des grands artisans de la pop en France ?

Absolument !

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Ce n’était pas compliqué d’être journaliste le jour et chanteur le soir ?

Si bien sûr, ce n’était pas toléré. Je voulais faire les deux mais les gens n’étaient pas fans.

Tu as une vision culturelle anglaise et New Yorkaise ?

Je suis pop anglaise et française, c’est vrai… C’est mon truc !

Il y a un groupe qui a été important pour toi, c’est Taxi Girl !

Oui, je dois ma carrière de journaliste à Daniel Darc qui m’a emmené voir Jean Marc Virmontois, qui était le rédacteur en chef de BMag, l’après Best. A l’époque Mirwais, produisait "Nijinski" pour Daniel et comme je voyais souvent Mirwais, j’ai pu rencontrer comme ça Daniel.

Ils représentaient quoi pour toi ?

Tout ! Daniel, pour moi, était le poète absolu ! Il était beau, il faisait les disques que je voulais écouter. Il venait d’enregistrer « la Ville » produit par Etienne Daho. Mirwais, c’était le côté producteur et j’ai adoré son album solo en français !

Tu vas mener une carrière solo qui va bien se passer !

Oui, mon deuxième single, produit par Julien Baer, va beaucoup passer sur France Inter et cela va me permettre de rencontrer les gens avec qui je vais monter Frantic !

Ta vraie passion et ta vraie motivation c’était la musique, pas le journalisme ?

En fait, je ne me suis jamais considéré comme un journaliste de rock. J’aimais rencontrer les artistes mais je n’étais pas doué pour les interviews et pour écrire. C’était vraiment un boulot pour moi qui me permettait de rencontrer mes idoles.

Et puis il va y avoir Frantic !

Oui, le groupe commence en 2003 et s’arrête à l’Olympia en 2008 avec Orchestral Manœuvres in The Dark !

Il y a qui dans le groupe ?

Eric Jeanne, un ancien des Phobimaniacs et Alexandre Navarro qui avait été dans Luke. On va faire « Dress Code », un disque qui va bien marcher avec 60 000 ventes en Allemagne et 12 000 en France. On va tout faire avec ce disque.

Il y a dessus une très belle reprise en duo de Robert Palmer « Johnny and Mary » !

J’avais rencontré, grâce à MCM, Robert Palmer qui faisait un come-back avec un nouvel album. On a sympathisé et on a enregistré en 2000 une version acoustique de ce morceau avec Benoît Carré de Lilicub à la guitare ! La version sera sur quelques versions limitées de « Dress Code » et ensuite cela sortira chez Hot Puma en 2017.

Il y a eu une rumeur autour de ce morceau, comme quoi tu serais arrivé avec la bande à son hôtel à Paris et que là tu aurais appris qu’il était décédé dans la nuit ?

En fait, je l’avais vu la veille ! C’était un gros fumeur et un gros buveur. Il avait aimé ma version quand je lui avais fait écouter en 2003 mais bon quand je suis revenu le lendemain, il nous avait quitté.

C’est cet album qui va assurer le succès et la carrière de Frantic ?

Oui, le groupe a été assez connu : une tournée en Allemagne, un Zénith avec Duran Duran en 2005, des ventes et ce concert à l’Olympia en 2008.

Aujourd’hui tu es toujours sous le nom de Frantic ?

Il y a toujours eu des disques : deux albums mais qui sont restés confidentiels. En fait , depuis 2008 je suis seul dans le groupe (rires).

Tu continuais tes activités de producteur ?

Oui, je reprends 13 Bis le label en 2012 et on a signé des gens comme Dominique Comont, le chanteur des City Kids. J’ai aussi aidé à la sortie de la fameuse compilation de reprises de Michel Polnareff produite et réalisée par Bertrand Burgalat.

Periode Frantic
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Tu étais fan aussi de Ian Brown des Stones Roses ?

J’adore ce mec, c’est une icône en Angleterre. Je restais sur cette pop anglaise brillante et très bien orchestrée !

Tu es un peu dans la lignée d’un Burgalat ?

On se connait, on s’est déjà rencontré. J’aime ce qu’il fait !

Et maintenant tu es peintre ?

Je peignais un peu avant, mais en 2019 je me suis installé comme peintre. J’ai vendu pas mal de tableaux tout de suite et plutôt bien… mieux que la musique (rires). C’est mon activité principale : j’ai des galeristes, j’expose… même si je continue toujours la musique grâce au label Hot Puma !

Et le journalisme ?

Plus vraiment, j’interviens de temps en temps au journal de M6 pour parler de la mort des vieux chanteurs (rires).

En 2018 tu as rencontré Sergio de Hot Puma et tu vas sortir « it » un nouvel album ?

Tout à fait, c’est un album qui est marqué par son époque un peu cold Wave, Talking Heads ou Sister of Mercy. Un album Post Punk qui est assez bizarre pour moi. C’était une époque de ma vie un peu… Dark ! Je venais de me séparer et j’avais quitté la télé et Europe 1. C’est un album qui sent un peu la mort !

C’est bizarre parce que tu as plutôt l’image d’un mec qui boit du champagne sur un yacht de la Riviera !

Complètement, d’ailleurs, je reviens à ça ! C’était comme un purgatoire pour moi. Je suis très sensible à tout ce qui se passe autour de moi.

Tu as aussi fait des documentaires ?

Oui, sur « la face cachée des années 80 », sur Robert Palmer ou Moby sur les Twins Towers !

Tu vas sortir un nouvel album chez Hot Puma !

Oui, je suis content d’être sur ce label. Sergio est un mec pur, un vrai mec !

Mais la musique ça reste un peu ta « béquille » ?

(Silence) Un grand amour c’est sûr ! Le nouvel album s’appelle « Grand amour », j’ai besoin de faire de la musique, il faut que ça sorte tous les deux ou trois ans.

Tu continues à faire de la musique avec un côté éternel adolescent mais toujours élégant !

C’est exactement ça : tu as tout compris Je fonctionne par cycles.

Ton nouvel album s’appelle « Grand amour » et va sortir au printemps prochain !

Oui, il y a un single qui est sorti !

A l’écoute du premier titre, il y a un côté « dark » !

Je dirais plutôt mélancolique, un peu comme Gamine !

Tu sors aussi un single avec Dominique Dalcan, une reprise de Polnareff !

Oui la reprise « dans la maison vide », ça va sortir assez vite ! c’est le titre qui était sur la compilation de reprises de Michel Polnareff.

Grâce à Hot Puma, tu te retrouves avec des gens comme Tahiti 80, Hugo ou Alexandr… des gens avec le même background culturel et la même éthique de vie ?

C’est vrai, c’est un peu l’image du label.

Mais tu ne veux pas faire des concerts ?

J’irais si le single tourne en radio et qu’il y a de la demande. C’est techniquement cher, c’est compliqué… Il faut du matos, des musiciens.. C’est trop cher, à tel point que des groupes ne finissent plus leur tournée.

C’est quoi Frantic pour toi à l’heure actuelle ?

Ce sont les années les plus dingues de ma vie. J’ai eu avec « Dress Code » une vraie connexion avec le public !

Tu l’as fait avec qui ce nouvel album ?

Avec plusieurs auteurs compositeurs, plusieurs studios dont un en Allemagne. C’est moi qui ai vraiment tout organisé, tout mis en place. Ce sont des gens qui ont plus collaboré sur mes instructions.

Tu continues ta carrière de peintre : tu définirais comment ta peinture ?

C’est une peinture figurative où je peins l’énergie des gens que je rencontre. C’est une peinture de la rencontre, j’essaye de peindre l’intérieur des gens. Ce n’est pas la peinture qui compte mais l’idée qu’ils vont se faire eux même du dessin, leur intériorité. Cela a tendance à devenir de plus en plus abstrait. Ce sont vraiment les gens que je rencontre qui m’inspirent. C’est une peinture instinctive, immédiate qui se fait très rapidement.

On pourrait penser à du Post-Duchamps ?

C’est exactement ça !

C’est bizarre venant de quelqu’un comme toi qui a toujours fait de la musique hyper travaillée, tu fais de la peinture avec la notion que l’idée prime sur tout !

Oui, sans fioriture, sans perfectionnisme !

C’est ton côté punk qui ressort à plus de cinquante ans ?

Exactement (rires), c’est punk !

Peinture
Crédit : François Olivier Nolorgues

Mais tu continues à faire une musique très produite ?

Bien sûr, la musique reste très sophistiquée, comme un bon élève (rires).

Quand tu vois ce parcours tu en penses quoi ?

C’est un parcours fidèle et logique à ce que je voulais être et ce que je suis : c’était écrit !

Le mot de la fin !

J’ai eu de la chance de rester libre mais c’était prévu.

Tu as été un ovni dans le monde musical français : tu n’as rien revendiqué en restant élégant. Tu ne serais pas le dandy ultime ?

Le dandysme résume ma vie, c’est ça, tu as tout compris !

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