Hervé Carresse : Le rockeur qui gère les crises

lundi 30 mars 2020, par Franco Onweb

Si vous allez dans les concerts parisiens, vous avez probablement croisé Hervé Carresse, souvent dans les premiers rangs et toujours élégant. Cet amoureux du rock, a un parcours très original : fondateur d’un groupe de rock à Bordeaux, il le quittera pour s’engager dans l’armée où il mènera une carrière brillante, notamment chez les Pompiers de Paris, avant de devenir consultant en gestion de crise.

Régulièrement invité dans les médias, son analyse des situations de crise est souvent réaliste. J’ai rencontré Hervé avant le confinement, une après-midi dans mon salon, on a évoqué la notion de crise et comment gérer celles-ci. Dans le contexte actuel sa parole et son analyse sont extrêmement intéressantes pour mieux comprendre la situation et appréhender l’avenir. Une interview fleuve mais passionnante qui ne peut que nous aider dans la situation actuelle !

Qui es-tu ?

Je viens d’un milieu populaire : mon père était cheminot et ma mère couturière à Bordeaux. Je suis l’ainé. J’ai deux frères cadets. J’ai été le premier à avoir le bac. A la fin des années 70, grâce à l’émission « Chorus » qui proposait des « lives » tournés au théâtre de l’Empire et rediffusés sur Antenne 2 les dimanches avant midi j’ai découvert le rock et notamment Doctor Feelgood . Groupe qui m’a vraiment marqué. J’ai ensuite remonté la pelote, grâce notamment au magazine « Best » et les écrits de Patrick Eudeline et Francis Dordor. Je suis devenu un inconditionnel des Ramones et puis j’ai découvert aussi la scène Française avec Bijou , les Dogs et Little Bob . J’adorais surtout Bijou, ils avaient un son très typique….

Mais à l’époque à Bordeaux, il y avait une grosse scène musicale ?

Oui, je suis beaucoup sorti et j’ai vu beaucoup de groupes de cette époque : Stilettos , Gamine, les Standards qui étaient excellents, Camera Silens qui était un groupe super puissant et bien sûr Strychnine que je n’ai vu malheureusement que sur la fin du groupe…J’ai commencé à jouer sur une guitare classique puis folk lorsque j’avais 16 ans. A 17 ans, je me suis acheté une guitare électrique Guild S60 D que j’ai toujours d’ailleurs. Une excellente guitare. Après mon bac, j’ai monté un groupe de « rockabilly » les « Boppin Kids » avec lequel j’ai fait cinq concerts sur Bordeaux. Rapidement j’ai rencontré avec les autres membres les mêmes problèmes que Robin en ce moment (son fils, guitariste de la scène parisienne Ndlr) : les gens ne sont pas fiables ! J’ai quand même conservé quelques morceaux que j’ai mis sur « youtube » que nous avions enregistré dans la cave de répétition. C’est un super souvenir pour moi (rires) ! Beaucoup de ces groupes se prenaient un peu pour des stars (rires) ! J’étais inscrit en fac de science Eco mais je n’étais pas très motivé même si l’économie m’a toujours intéressé. Mais bon, je n’y allais pas souvent… Je voulais vivre autre chose et comme je suis capable de passer d’un extrême à l’autre, je me suis engagé dans l’armée de Terre en 1983.

Boppin Kids à Bordeaux en 1980, Hervé Carresse à l’extrême gauche
Droits réservés

C’est passer d’un extrême à l’autre effectivement ?

(Rires) Pas tant que ça : il y a beaucoup de désaxés et d’originaux dans l’armée mais ça tu ne peux pas le savoir avant d’y aller. Je suis parti dans ce qu’il y avait de plus dur : l’école des sous-officiers de l’infanterie de Montpellier. J’en suis sorti sergent en 1984 et j’ai choisi le 5e régiment d’infanterie stationné au camp de Frileuse à Beynes dans les Yvelines. Une fois par mois environ, je rentrai le weekend sur Bordeaux. Je suis resté quatre ans dans cette affectation. Après être devenu officier, je suis retourné à l’école d’application de l’infanterie de Montpellier au stage des lieutenant. J’ai toujours eu un côté décalé et je voulais un peu faire autre chose. A l’issue du cours des lieutenants d’infanterie, j’ai choisi de servir au 24e régiment d’infanterie à Vincennes où j’’ai commandé une section d’appelés. Au bout de deux ans, j’ai pris contact avec les sapeurs-pompiers de Paris pour savoir comment faire pour venir chez eux. En 1993 j’ai rejoint la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) comme lieutenant. En 2002 après avoir réussi le concours, j’ai rejoint l’école de guerre. Ensuite entre 2003 et 2008, j’ai fait des allers-retours entre l’état-major de la BSPP et états-majors centraux des armées. De 2009 à 2011 j’ai dirigé la formation des sapeurs-pompiers de Paris. En 2011, j’ai rejoint l’état-major de l’armée de Terre pour être directeur hygiène/sécurité/environnement de l’armée de terre. En 2014 j’ai été affecté à l’état-major de la BSPP pour diriger l’ensemble des services de soutiens de la Brigade, services informatiques, habillement, infrastructures et des moyens opérationnels. J’étais colonel, j’avais commencé sergent j’attendais de voir ce que l’on me proposerait comme futur poste. Et quand j’ai pris connaissance des propositions, j’ai décidé de partir. Depuis juin 2018, je suis directeur adjoint et consultant en gestion de crise dans le cabinet « Nitidis » dirigé par Laurent Vuibert qui est un ancien officier des sapeurs-pompiers. Le cœur de métier du cabinet est la gestion et la communication de crise.

Droits réservés

Ce n’était pas compliqué d’allier ton amour du rock et l’armée ? Tes copains à Bordeaux ils ont dû halluciner ?

C’était assez marrant en fait : je me coupais de mon ancien milieu ! Quand tu es militaire tu as un rythme de vie qui est à part et décalé. Par exemple tu n’es pas souvent libre le weekend, un peu comme un marin en fait. Quand je rentrais à Bordeaux et que j’allais aux concerts ils étaient étonnés mais je suis un adepte des choix radicaux. Pour moi une vie bien remplie est une vie où tu vis plusieurs vies, si possible en même temps. C’est ce que je fais en ce moment d’ailleurs.

Mais tu n’es pas l’archétype du militaire de base ?

Bien sûr et j’ai été perçu comme cela durant toute ma carrière ! Quand j’étais sous-officier, j’étais un peu l’intello sans être péjoratif pour les autres. En fait je suis un libertaire : je joue avec les règles et dans la plupart des situations, même les plus contraintes en apparence, j’arrive à dégager des espaces de liberté. A l’armée quand tu as compris comment ça marche tu peux être extrêmement libre. Tu peux rebattre les cartes quand tu veux. Le militaire type n’existe pas. On est dans un système social où les gens se créent parfois des personnages : le légionnaire va se créer le personnage du légionnaire, le parachutiste pareil. Dans une entreprise le commercial se complet dans le rôle du commercial … Les gens fonctionnent avec des personnages qu’ils formatent eux-mêmes pour coller à un modèle rassurant qui les protège car ils deviennent ainsi lisibles et identifiables pour leur entourage.

Tu ne veux pas être formaté ?

Non, c’est comme mes vêtements : j’ai été habillé sixties, fifties et puis seventies. Là je tombe dans un simili dandysme, grâce à mon fils d’ailleurs (rires).

Mais le symbole même de la révolte c’est l’élégance aujourd’hui ?

Je vais aller plus loin, je disais l’autre jour à la Baronne de Paname (Melina Sadi) que l’ultime provocation aujourd’hui c’est le style et l’élégance. Quand tu te balades « sapé », tu surprends, étonnes et d’une certaine manière tu provoques des réactions des interrogations ! Le mouvement des sapeurs en Afrique est passionnant à ce niveau-là : ils vivent dans des taudis mais ils s’habillent comme des princes !

Droits réservés

Mais toi, contrairement à eux tu es quand même dans la sobriété ?

Oui, mais je ne suis pas africain : je n’ai pas leur psychologie ni le même environnement socio-culturel.

Mais le type qui jouait du rockabilly à 20 ans à Bordeaux est le même qu’aujourd’hui ?

Il a muri le type (rires) ! Mais au fond de moi je n’ai pas changé !

Tu t’occupes de gestion de crise : c’est quoi une crise et comment tu la gères ?

C’est très intéressant ! La crise est un concept médical à la base. Il faut avoir une vision physiologique des organisations. Une organisation peut être agressée de plusieurs manières et suivant le niveau de l’agression c’est juste un incident ou une crise lorsqu’elle se trouve déstabilisée voire en danger vital par l’agression considérée.

Quelle est la différence ?

Un problème c’est quelque chose qui t’embête mais que tu vas pouvoir solutionner sans être déstabilisé. La crise une déstabilisation cruciale qui peut être vitale. Par exemple quelqu’un qui perd son travail est en crise, quelqu’un qui ne touche pas sa prime ou qui estime qu’il est mal payé il a un problème. La situation de crise est une situation qui déstabilise parce qu’elle va toucher la personne ou l’organisation considérée, entreprise ou autre, sur des choses cruciales, en lien avec son activité clé, ou vitale. Les activités cruciales sont les activités cœur de métier qui font vivre une personne ou une organisation. Les activités cœur de métier sont au centre du modèle économique et/ou de l’utilité sociale de l’organisation considérée.

Explique ?

A titre d’illustration pour une entreprise de transport, un manque de carburants dans les stations-services à la suite d’une grève dans les raffineries, c’est catastrophique : c’est une crise ! Ses moyens d’existence sont mis en péril. Si une entreprise de transport subit une attaque réputationnelle sur les réseaux sociaux, à cause du comportement de certains de ses chauffeurs, elle est en crise. Car c’est à nouveau une situation qui touche son cœur de métier sur lequel repose son modèle économique. Cela va la déstabiliser. Cependant tous ces cas de figures de crise potentiellement dangereuses pour la pérennité d’une organisation peuvent être étudiés en amont afin de préparer les réponses et l’organisation de crise destinées à y faire face. C’est l’objet de l’accompagnement proposé par le cabinet dans lequel je travaille.

Tu peux parler de l’accompagnement ?

Généralement, l’accompagnement se fait en trois phases : analyse, planification, formation. Durant la phase d’analyse, nous étudions l’organisation et le fonctionnement de l’entreprise grâce à des entretiens avec les dirigeants et les managers afin de déceler, évaluer et classifier les crises potentielles pouvant l’impacter. Lors de la phase de planification nous élaborons et proposons un plan et un manuel de gestion de crise. En phase de formation, nous formons et entrainons les membres de la cellule de crise aux fondamentaux de la gestion de crise par des mises en situation sous forme d’exercice. Parfois certains clients ne souhaitent qu’être formés et entrainés.

Mais les crises sont différentes suivant les types de structures ?

Bien sûr, on travaille pour des communes, des entreprises, des associations. Parfois des entreprises en situation de crise réputationnelle nous appelle pour bénéficier d’appui opérationnel pour lutter contre les éventuels « trolls » et malveillants qui les ont agressés sur les réseaux sociaux.

Qu’est ce qui se passe quand on te contacte ?

Cela dépend du besoin : appui opérationnel ? Mise en place de l’organisation de crise ? Formation ou entrainement ? Media training ? Tout ou partie de ces possibilités peuvent être exprimées. Ensuite nous faisons une proposition technique et commerciale. Après acceptation de l’offre, nous planifions notre action avec le client.

Donc vous avez une structure de communication et de gestion de crise ?

Oui, ce sont deux aspects qui sont intimement liés. En gestion de crise l’excellence opérationnelle doit être accompagnée d’une communication du même niveau sinon ton action n’est pas visible ou compréhensible. C’est un peu comme la vie de tous les jours : la communication c’est capital. Dans le milieu du rock c’est pareil ! Les meilleurs groupes sont souvent ceux qui savent communiquer. L’image c’est primordial !

Hervé et Robin Carresse
Droits réservés

Donc il faut bien se préparer en amont ?

Quand on construit un plan de gestion de crise, on identifie les situations crise potentielles. Après avoir mis en place l’organisation et les processus, on entraine les membres de la cellule de crise grâce à des exercices de mise en situation. L’objectif est de les préparer intellectuellement, émotionnellement et collectivement à faire face à des situations délicates. En situation de crise, le pire c’est de voir les gens sortir leurs fiches réflexes et de les appliquer scrupuleusement sans aucune intelligence de situation. Nous apprenons au membre des cellules de crise à évaluer et comprendre une situation, prendre du recul et de la hauteur, afin d’agir de manière pertinente et efficace. De mes 20 ans d’expérience comme officier de sapeurs-pompiers, j’ai retenu qu’il fallait s’en tenir à des grands principes d’actions et surtout comprendre la spécificité et les enjeux de la situation de crise à laquelle nous étions confrontés.

C’est quoi les principes de ce type de situation ?

C’est comme lorsque tu fais une randonnée ou que tu voyages en voitures : tu sais que tu dois passer par tels ou tels points pour atteindre ton objectif mais si jamais tu dois faire un détour pour telle ou telle raison pour atteindre ton point d’arrivée tu le feras.

Cela passe par quoi un plan de communication de crise ?

Tu définis les objectifs, les éléments de langage, les cibles, les canaux, les outils, le tempo des actions. Si l’entreprise a beaucoup travaillé son image en amont c’est beaucoup plus facile. Il faut une cohérence entre les valeurs affichées et les actions réalisées. Il faut être transparent expliquer le problème, pourquoi il y a un problème, ce que l’on met en œuvre pour le résoudre. Il faut surtout faire preuve d’empathie vis-à-vis des gens qui ont malheureusement souffert du problème. Il faut rester dans le tempo de la crise pour communiquer en phase avec les développements de la situation en utilisant les bons canaux et en veillant sans cesse les réseaux sociaux.

Tu peux développer ?

Les réseaux sociaux sont devenus capitaux à notre époque. Ils sont très ambivalents. Ils permettent de communiquer mais sont aussi un terrain d’affrontement. Tous les médias à disposition : presse écrite, radiodiffusé, les réseaux sociaux, les chaines d’information 24/7 font que l’idée de toute communication maitrisée est illusoire. C’est le fil du rasoir en permanence ! C’est pour cela que l’on prône une communication basée sur la parution régulière de communiqués de presse. Le communiqué de presse est le pilier structurant de la communication de crise. Il s’agit d’un support écrit travaillé collectivement et validé par les dirigeants avant sa parution. Il est le fruit d’un travail intellectuel collectif.

Vous travaillez donc avec des attachés de presse ?

On travaille avec les directeurs de la communication, nous avons des relations avec les journalistes et un réseau d’experts que nous pouvons mandater sur certains sujets particuliers.

Vous n’êtes que deux ?

Oui, on est très bien organisé, on travaille vite parce que on se connait très bien. Sur cinq jours ouvrés par semaine on arrive à accompagner une dizaine d’entreprises en simultané sur différents sujets.

Vous avez donc un vrai travail de prévention ?

C’est un travail d’organisation et d’audits. Par exemple pour une entreprise que nous suivons en ce moment j’ai conduit une vingtaine d’entretiens avec des cadres autours de questions types me permettant de déceler les forces et faiblesses de l’entreprise ainsi que l’expérience de ses cadres en matière de gestion de crise. J’ai un fil conducteur pour ces entretiens mais je ne suis pas dogmatique, je m’adapte, j’écoute les gens. C’est fondamental pour la suite. A l’issue, tu as alors suffisamment d’éléments pour bâtir le système de gestion de crise de l’entreprise. Le système de gestion de crise doit être opérationnel, robuste, fiable et tenable sur le long terme.

Crédit : Didier Bonin

Tu arrives à faire ça parce que tu as été militaire et que tu as du souvent t’adapter ?

Les militaires sont très forts en planification. Ils ont ensuite la culture du poste de commandement. Une cellule de crise est un poste de commandement. Ils savent faire fonctionner un poste de commandement. Les militaires savent conduire des opérations. La conduite des opérations fait partie de la gestion de crise. La conduite de crise est un domaine plus large où par exemple les facteurs communicationnels, économiques, sociétaux, politiques ont une importance. Les méthodes de prise de décision des militaires sont cependant adaptées aux situations de crise à la condition de les simplifier et les transposer. En qualité d’ex officier de sapeur-pompier, cette transposition est pour moi plus aisée que pour un militaire car notre métier est proche du milieu civil. C’est aussi une culture qui te conduit à rechercher la simplicité dans l’action en toutes circonstances. La simplicité face à des situations complexes c’est ce qui marche. Cette simplicité n’est surtout pas un simplisme mais plutôt un effort de synthèse permettant d’aller à l’essentiel.

Mais on peut se servir aussi du cinéma ou de l’audiovisuel en général pour prévenir les crises, je pense notamment à tous ces sitcoms qui font de grosses audiences et qui génèrent beaucoup de trafic sur les réseaux sociaux ?

Les médias audiovisuels, notamment télévisuels, relèvent de la communication d’influence. Il faut lire Chomsky, qui a tout compris et beaucoup écrit, sur la propagande dans le système démocratique. Les médias sont ambigus. Ils peuvent participer autant à l’installation d’une psychose qu’aider à détecter des informations utiles à la gestion de crise. …. Par exemple on s’est beaucoup servi des médias télévisés pendant la guerre du Vietnam ou dans la guerre du Golfe pour influencer les peuples. La communication d’influence à ses théoriciens et praticiens. La communication d’influence se pratique très en amont d’une action pour préparer les gens à l’accepter.

Droits réservés

Mais on n’a jamais employé autant le mot crise ?

C’est un terme très galvaudé : on le met un peu partout, mais il y a de vraies crises dans le lot, comme la crise des gilets jaunes. C’est une crise avec différents terrains : politique, communicationnel, opérationnel avec les manifestations et les affrontements qui ont suivi. La crise née avec les vidéos mettant en scène Benjamin Griveaux s’est développée sur le terrain politique et communicationnel. La crise a été alimentée, en partie, par l’incohérence existante entre l’image de « bon père de famille » qu’il cherchait à promouvoir et bien sûr le contenu de ces vidéos. Personne, puissant, ou non, n’est à l’abri d’une attaque réputationnelle fondée sur ses pratiques privées ou intimes.

Mais est ce que la plupart des crises ne viennent pas des médias et des chaines d’infos qui cherchent l’information à tout prix ?

Je suis souvent invité pour participer au plateau d’experts des chaines d’information en continue. Globalement, je valide 2 sur 10 en moyenne de ces invitations. Ma décision est avant tout motivée par l’appréciation que je fais, a priori, de la plus-value que pourrait apporter par ma participation. De fait, il faut que j’aie identifié des choses à dire qui me semblent avoir du sens. Je veux absolument éviter les conversation type « café du commerce ». C’est pour cela que je me renseigne avant sur le pourquoi de ma venue, ce qu’ils attendent de moi, Quand j’y vais, j’ai travaillé le sujet et l’argumentaire. Il faut que toutes mes prises de paroles soient structurées et argumentées. Surtout que tu as peu de temps pour t’exprimer. Je vais te donner un exemple : le Coronavirus ! La communication sur ce sujet a perdu en cohérence au fur et à mesure de l’extension de l’épidémie. Il y a un proverbe qui dit : « quand le sage montre la lune, l’idiot regarde le doigt » ! Eh bien il ne faut pas s’arrêter sur le doigt, il faut regarder la lune. Dans la crise du coronavirus, l’objectif est de tout mettre en œuvre pour maintenir, a minima, les effets du virus sur la vie sociale et économique. Pour cela Il faut rassurer les gens et les conseiller pour leur protection. Il faut développer une société résiliente : qui arrive à vivre malgré l’adversité. Le vrai enjeu est de maintenir la vie sociale et économique. C’est un enjeu de continuité qui n’obère pas pour autant l’enjeu sanitaire. Cela dit le gouvernement a un côté immature…

Tu as des exemples ?

Sur l’immaturité ? Eh bien il y a un an on est intervenu dans une « Start Up » pour présenter au directoire les fondamentaux de la gestion de crise. Ça s’est mal passé ! On a la cinquantaine, ils avaient tous la trentaine. Ils étaient persuadés d’en savoir autant voire plus que nous ! Pour eux nous étions « has been » ! Dernièrement, j’ai vu la prise de parole de leur directeur de la communication sur une grande chaine d’information : une catastrophe… Une organisation qui marche c’est un assemblage d’expériences et de compétences. Quand tu as des gens immatures tu dois mettre en place de la formation. J’aime beaucoup les gens qui ont une parole claire et structurée, c’est très rare ! C’est capital de structurer sa pensée !

Tu veux dire que tout est une affaire de structure de discours et d’image ?

Tu peux rajouter d’intelligence de situation et d’entrainement. Une bonne prise de parole ne conçoit pas sans un média training préalable. Il faut se prépare aux éventuelles questions embarrassantes. Quand je suis sur des plateaux, souvent je requalifie et reformule les questions qui me sont posées. Je repose ainsi le problème. Il faut toujours regarder la lune et pas le doigt encore une fois.… Il faut être modéré dans les propos et dans l’approche.

Mais aujourd’hui l’image est primordiale par rapport à l’écrit ?

Moi qui étais un grand lecteur de livres. Je lis moins de livres parce que je vais beaucoup sur internet et je lis beaucoup en numérique. Quand je m’intéresse à un problème je vais sur Google. Je fais des recherches et je me crée un fond documentaire. De même avec YouTube tu peux découvrir pleins de trucs.

Mais n’est-on pas trop radical dans la communication ?

La communication positive ou bienveillante est importante. Il faut s’en tenir aux faits et ne pas porter de jugement. C’est très difficile ! Avant de le faire pour les autres, il faut savoir le faire pour soi.

Développe !

On juge toujours par rapport à son propre système de valeurs et le jugement moral n’est jamais objectif parce que ces valeurs sont les nôtres. Je suis un peu Nietzschéen pour ça : il faut avoir un système de valeurs pour soi qui ne soit pas nuisible pour les autres. Les gens manquent de subtilité en gestion de crise : ils ont un côté binaire. Alors que les situations doivent être abordées, a minima, sous un angle tertiaire voire quaternaire. Il faut travailler sur son égo : les gens sont souvent agressifs de manière disproportionnée. Pourtant si tu arrives à faire abstraction de ton égo tout devient plus facile. Comme Nietzsche, qui me passionne, l’a développé dans ses œuvres, on doit se réconcilier avec notre animalité, nous débarrasser de toutes nos hypocrisie et subtilités sociales.

Tu as quand même un côté très militaire avec ce côté des soldats qui vont sauver des gens pour des crises sanitaires.

J’ai quitté l’armée précisément parce que je n’avais plus cet esprit de service ! J’avais besoins d’autre chose.

Tu es vraiment impliqué dans ce que tu fais ?

Oui je cherche à développer nos activités et aussi à travailler de plus en plus sur une offre numérique avec des solutions qui font appel à l’intelligence artificielle en rapport avec la gestion de crise. Voir comment on peut arriver à les mettre en place dans différents secteurs. Plus c’est varié et plus ça m’intéresse.

Tu veux dire quoi pour la fin ?

Il faut avoir un parcours émancipatoire dans la vie : il faut se libérer !

Quel disque tu donnerais à un enfant pour l’emmener vers la musique ?

Les Sex Pistols, « Never mind the bollocks “, un disque puissant et mélodique avec beaucoup de rythmes ! Les Sex Pistols ont d’ailleurs joué devant des gamins lors de leur tournée avortée : « l’anarchy tour »…

https://www.nitidis.com/