Alors que l’automne s’installe et que l’hiver va apparaitre, il me fallait vraiment un remède pour supporter le froid et la pluie. Celui-ci est arrivé par la poste : le nouvel album de Tio Manuel . Pour ceux qui suivent ce site depuis le début, ils savent à quel point j’apprécie la musique de Manu, ce blues qu’il maitrise à la perfection. Attention, ici il ne s’agit pas de « blues-rock » mais du blues sale, celui du Delta, du Bayou, celui qu’affectionne Nick Cave et autres Kat Onoma …
Manu sortait donc un nouvel album,, « The Seventh Road ». Il fallait que j’en sache plus. Une après-midi j’ai donc attendu l’heure convenue et j’ai composé un numéro. A l’autre bout de la ligne il y avait Manu. Tout de suite la première question s’est imposée : qu’est-ce que tu as fait Manu depuis notre dernière conversation ?
Depuis la sortie de « Dos Tios » il y a deux ans, j’ai pas mal joué avec Gilles (Fegéant Ndlr) le guitariste qui m’accompagnait sur ce projet acoustique. En parallèle j’étais sur la composition de ce nouvel album. J’ai mis presque trois ans à le boucler. L’année dernière j’ai commencé à répéter les titres du disque avec Léon, le batteur, et un bassiste très sympa mais avec qui cela ne l’a pas fait musicalement. J’ai eu la chance d’avoir chez moi, pendant quelque temps, James Leg un bluesman américain qui est devenu un ami. Il tourne dans le monde entier et dès qu’il vient à Paris il passe une semaine chez moi. Tout cela a enrichi le projet ! Je voulais finir la composition pour fin 2018 et enregistrer début 2019 et c’est ce qui s’est passé !
C’était une volonté de revenir à l’électricité après ton disque acoustique ?
Oui, la parenthèse acoustique a été importante parce que j’adore jouer dans cette formule. Je suis revenu à l’électrique parce que j’aime ça aussi tout simplement. Mais il y a quand même des morceaux acoustiques sur l’album. Je voulais également revenir à la formule du combo parce que c’est l’essence du rock et j’en avais besoin.
(Manu Castillo - Droit réservé)
Tu adores jouer de la guitare : est-ce que la formule acoustique ne te permettait pas de mettre en avant cet instrument que tu aimes tant ?
Je ne dirais pas ça comme ça. J’aime la guitare sous toutes ces formes : électrique ou acoustique. J’aime vraiment les deux. Quand je joue acoustique c’est assez relaxant, ce n’est pas la même démarche que l’électrique. Mais j’apprécie de jouer dans les deux formules, parce que je suis un « guitar freak » ou « guitar addict » tout simplement !
Il a été fait où le nouvel album et avec qui ?
Au « Studio Garage » avec Bernard Natier aux manettes, Léon à la batterie et Gilles qui a fait du « Dobro », de l’électrique et des « Slides ». On ne change pas une équipe qui gagne (rires) ! Mais tu sais c’est avant tout une histoire de potes ! A la basse j’ai un nouveau venu : Silvio (Marie Ndlr) que j’ai connu grâce à Gilles. Il m’a emmené un soir dans une « jam » de blues. Il m’avait juste dit d’emmener une guitare pour faire deux ou trois morceaux. Il y avait Silvio qui jouait juste avant et ça « groovait » tellement que je lui ai proposé de faire des morceaux avec nous. Quand il a fallu trouver un bassiste, j’ai repensé à Silvio. Je l’ai appelé. Il était libre et voilà !
(Bernard Natier, Manu et Silvio Marie au studio Garage - Droit réservé)
Ton disque ne sort pas chez « Closer » ton précédent label ?
Non, on est resté en très bons termes ! Simplement c’est un label indé qui souffre et ils auraient pu sortir le disque mais je ne sais dans quel délai. C’est pour cette raison que ça ne sort pas chez eux mais chez « la Fugitive », un label qui dépend en partie du « Studio Garage ».
On parle de cet album : « the Seventh Road » ! Il y a cette superbe pochette avec cette vieille voiture américaine sur ce wagon de marchandises ?
Oui, il s’appelle comme ça parce que c’est mon septième album, et puis il y a pas mal de chanson de blues qui parlent du chiffre 7 et en parlant avec Bernard (Natier Ndlr ), il m’a dit qu’il trouvait le nom intéressant. On avait le titre. Ensuite je me baladais en quad sur des terres un peu désertiques avec ma chérie et là, au détour d’un virage on a vu cette vieille mustang sur un container. On a trouvé ça cool et on a bombardé de photos. Un des titres de l’album c’est « la ruta escondida » qui veut dire « la route cachée » et comme c’était la septième route, on a joué avec ça : la route cachée. On a juste reporté ce nom sur le container.
(Pochette de l’album "The Seventh road" - Droit réservé)
Ton disque c’est du blues mais c’est le blues du bayou, le blues sale celui de Nick Cave, Kat Onoma … Ce blues bien loin du « bon élève » mais il est très beau.
Tu n’es pas le premier à me le dire et c’est un compliment, merci. Le blues c’est quelque chose que tu as au fond de toi. C’est un peu « dark », un peu « noir ». Ce n’est pas une musique joyeuse. Moi j’essaye de jouer une musique un peu rock, un peu folk, proche des gens mais populaire. Il y a en plus mes racines hispaniques et j’aime vraiment la musique du sud des USA. Il fallait que j’assume tout ça ! D’autre part il y a toujours eu un côté un peu sombre en moi : un blues dans lequel j’essaie, à travers mon écriture et ma musique, d’exprimer les choses de façon poétique et cool, et surtout pas ennuyeuse . C’est ma vision du blues . Je n’ai jamais aimer répéter les trois accords en 12 bars dans des gammes hyper classiques, ça ne m’intéresse pas !
Tu la sens comment ton évolution par rapport au jeune punk qui jouait dans Wunberbach ?
C’est une évolution de la vie, de la maturité, il me semble. Un besoin d’avancer et d’explorer d’autres choses. Le punk a été très important pour moi et j’aime toujours ça mais au niveau de la création et de l’écriture je me sentirais frustré si je ne faisais que ça. J’ai besoin de m’exprimer autrement. C’est de la curiosité artistique et du feeling, indispensable, isn’t it ?
Dans ce disque les mélodies sont très présentes et les arrangements sont très riches avec ce mélange de guitares acoustiques et électriques.
J’ai souvent fait ça. Là en plus j’ai eu la chance d’avoir John qui a joué des claviers sur cinq titres mais aussi, toujours, la chance d’avoir Gilles à la deuxième guitare. C’est nouveau pour moi d’avoir un deuxième guitariste. Avant je ne voulais pas partager tellement je suis obsédé par la guitare. Je m’entends très bien avec lui et ce qu’il fait au niveau de l’harmonie avec des « slides » ou des accords ouverts par rapport à la tonalité de la chanson, c’est superbe. Au moment où il le fait tu penses que c’est rien et puis quand tu re écoutes le mix tu te rends compte que c’est énorme !
(James Leg - Droit réservé)
Il y a aussi beaucoup de références par rapport à tes origines hispaniques mais aussi à l’Amérique Latine ?
L’Amérique centrale en fait et deux titres, « Flamingo blues » et « Andaluz » font références à mes origines mais c’est voulu parce que j’ai l’impression que tout ça c’est une continuité, je le vois comme ça … Ce sont mes racines et quand je vais en Amérique Latine je les retrouve. Surtout la notion de désert parce que ma famille est originaire du désert Espagnol. Quand je me retrouve dans un désert et que cela parle toujours Espagnol j’ai l’impression d’être chez moi.
Tu as sur cet album quelques titres écrit par Ian Ottaway, un parolier américain, avec lequel tu avais déjà collaboré sur un précédent album électrique « Ian Ottaway Project » ?
Ouais, c’est un mec très fatigant mais très gentil : il a un cœur en or. Pour mon anniversaire il m’a envoyé une chanson. C’était « Skinny girl » qui est sur l’album. Je commençais à peine l’écriture des titres et j’ai trouvé la chanson superbe. J’ai cherché une mélodie avec une rythmique un peu rockabilly, je lui ai envoyé et il a adoré ! Grâce à ça on s’est reconnecté. Je lui envoyé mes textes pour qu’il me donne son avis et éventuellement les corriger. J’ai fouillé dans mes archives et j’ai retrouvé un vieux texte qu’il m’avait écrit pour notre ancienne collaboration : « Johnny boy ». Je lui proposé de la faire aussi et il accepté. On a bossé ensemble comme ça sur internet. Il enregistre en ce moment un album qui s’annonce splendide.
Dans ton disque il y a aussi du rockabilly ?
Ouais ! « Skinny girl » c’est très rockabilly.
Tu es maintenant totalement dans une ambiance américaine ?
En fait je l’ai toujours été ! J’ai appris la guitare en écoutant des groupes américains et ça m’a imprégné. Quand j’ai joué dans Wunderbach j’avais déjà une technique au niveau des riffs de guitare qui était proche du blues, même si ce n’est pas évident à entendre.
Tu es un des rares en France à proposer ce style de musique ?
Je ne sais pas et je n’ai pas fait exprès. Pour être honnête je suis très peu connu et je me dis que si j’avais fait d’autres choix artistiques j’aurais eu plus de succès mais ce n’est pas le souci. Je fais ce qui me plait et c’est tant mieux.
Justement j’avais lu que cela risquait d’être ton dernier album, tellement tu n’en pouvais plus ?
Aie, la question qui tue !!! Oui, c’était l’année dernière et j’ai même failli ne pas le sortir. Ca fait 35 ans que je fais ça sérieusement et je suis un peu déçu, pour moi et les gens qui travaillent autour du projet. Les organisateurs de concerts, les labels. En clair, ils s’en foutent des indépendants, des musiciens en général. Quand tu es tout seul sur la longueur c’est fatigant ! J’avais démarché des salles et des tourneurs, des gens qui connaissent mon projet, et bien personne ne se donne la peine de te répondre, ils en ont juste rien à foutre ! Heureusement je suis bien entouré : on faisait un festival en Bretagne avec Gilles et là il m’a carrément engueulé. Il m’a bien remis les idées en place ! Mais bon, parfois tu doutes !
(Gilles Fegéant et Manu Castillo en concert - Droit réservé)
Tu n’as toujours pas de tourneurs ?
Non, j’ai fait le tour et je n’ai rien eu, mais absolument rien … Je fais toujours le job, heureusement j’ai la foi et la pêche, à nouveau .
C’est quoi la suite ?
Eh bien, suite à ce coup de gueule sur internet j’ai eu des retours et là on devrait jouer ! et c’est ce qu’il faut. J’ai la « release party » à la péniche Antipode le dimanche 17 novembre en fin d’après-midi. Ça devrait être bien. Ensuite on va en Bretagne : Rennes, Dinan et Nantes. Pour la suite j’attends des confirmations pour le sud, à la fin de l’hiver, début du printemps … Les retours en radio et presse sont bons, cela devrait nous ouvrir des portes… en tout cas je l’espère.
Vous serez combien sur scène ?
Quatre et peut être cinq si James Leg est là. Mais si il n’est pas là il n’y aura pas de claviers. En fait je suis très exigeant sur le plan humain et musical : là j’ai une bonne équipe et je ne cherche pas à intégrer quelqu’un en plus. On répète ensemble et franchement ça se passe super bien. Dans tout les cas cela sera bien.
Il y aura aussi des dates acoustiques ?
Il y en a déjà une le 14 décembre
Il y a un clip ?
Oui sur Skinny Girl, une vidéo réalisée par un copain : Jym-Jym Factory C’est un mec de Nancy qui est très doué .
Tu sais vers où tu vas aller musicalement ?
Je vais continuer dans la veine actuelle. Mais ma musique et mon son peuvent évoluer en fonction des rencontres mais ça restera dans le blues et l’Americana. Même si j’ai écouté beaucoup de « punk », « rocksteady », « ska » ou « blues ». J’ai l’impression que quand je me suis remis sérieusement à la musique avec le projet Tio Manuel , j’ai continué dans cette veine là et puis à partir « 3 cosas » j’ai pris la direction que j’ai gardée sur « 4 Stones » et les suivants . C’est surement mon son, si on considère que j’en ai un !
J’ai l’impression que lorsque te laisse faire ta musique tu fais ce blues un peu mystérieux, le blues du bayou … le blues originel ?
Ca reste la première musique que j’ai écoutée et cela a dû me marquer ! c’est important tes premiers amours en musique ! Au début je ne comprenais pas le slide, les accords ouverts, ce genre de choses… Quand je l’ai compris, cela a enrichi mon son. Le punk m’a donné de l’énergie mais ce n’était pas assez riche au niveau guitare. Ce qui me passionne c’est de pouvoir m’exprimer comme ça : la mélodie et les mots dessus.
Tu écoutais quoi quand tu enregistrais ce disque ?
J’écoute beaucoup de choses …certains disque de Springsteen, des américains comme G Love et du vieux blues .. On peut rajouter Town Van Zandt, Neil Young, les Bellrays ou les Ramones. Ca peut sembler curieux mais ça se tient.
On peut le trouver où le disque ?
Ah très bonnes question : j’ai ouvert une page Bandcamp (https://tiomanuel.bandcamp.com/album/the-7th-road) , on le trouve sur Amazon et il est partout en digital. Je dois aussi m’occuper de trouver quelques disquaires. Lollipop à Marseille en a pris, il faut que je fasse le tour des autres.
Mais c’est maintenant qu’il faut te soutenir ?
Oui, mais ça va. Depuis « Dos Tios »j’ai de nouveau du monde au concert.
Enfin peut on espérer un live de toi ?
Oui, si on trouve un bon lieu pour le faire et si on peut l’enregistrer sur plusieurs jours parce que souvent on n’arrive à avoir les meilleurs morceaux que sur plusieurs gigs …
(Léon, batteur de Tio Manuel au travail au « Studio Garage » - Droit réservé)
Sur scène ce sera plus rock que sur le disque. Maintenant que tu as un deuxième guitariste cela doit t’alléger ?
En fait si vous venez nous voir scène vous verrez qu’au niveau des guitares c’est intéressant et bien construit ! Il y a des titres sur l’album où j’ai fait toutes les guitares et bien sur scène Gilles fera les rythmiques. Sur d’autres titres c’est Gilles qui a fait plus de guitares, sur scène il tiendra la lead. Ça sonne vraiment bien ! Chacun peut s’exprimer au service du morceau et c’est tant mieux : c’est ça la musique !
https://tiomanuel.bandcamp.com/album/the-7th-road