Arsène Obscène : rencontre avec un artiste pas du tout obscène !

vendredi 30 novembre 2018, par Franco Onweb

Guitariste des Motarlozer, Arsène Obscène est très occupé dans la vie ! En plus de sa carrière avec son groupe, il enregistre des morceaux en solos et publie des livres. Un personnage aussi atypique que attachant qui est un vrai artiste, un vrai acteur de ce que l’on pourrait définir comme l’underground.

Suite à l’interview des Motarloser il m’a contacté. Je lui ai envoyé quelques questions auxquelles il m’a gentiment répondu depuis Nice, la ville depuis laquelle il produit ses différentes créations. 

Pourrais-tu te présenter ?

Je suis Arsène Obscène, qui est évidemment un pseudo. Ça date du tout début des années 2000 où j’affichais clairement que je jouais dans des groupes au boulot et ça ne m’a apporté que des emmerdes. Des réflexions, passer pour un con, te caser immédiatement dans la case « marginal », « hardos », « rigolo » ou drogué et puis utiliser tous ces prétextes pour t’étiqueter et te filer moins de flouze que les autres. Ça m’a saoulé. Donc à partir de ce moment-là, j’ai pris ce pseudo qui sonne bien et j’ai toujours porté des lunettes noires. A l’ère des photos et des films partout, il s’avère que c’est pas plus mal. A part ça j’habite vers Nice, mais jamais habité dans Nice, je déteste cette ville. Je m’y ferai jamais d’ailleurs.

Comment as-tu commencé ?

J’ai commencé direct après l’achat de ma première gratte quand j’avais 15 ans au milieu des années 80. Une Cort imitation Melody Maker bien pourrie. J’ai mis un mois à connaître à peu près les premiers accords, et dès le mois suivant je commençais déjà à écrire des morceaux (minables, par ailleurs). J’ai toujours eu besoin de ça. Sans doute pour me libérer de la pression que j’avais à la maison. J’ai commencé à jouer en groupe au milieu des années 90 vers 20 ans dans différents projets punk ou pop, quelques cassettes existent. Puis vers 98, formation des B-MONSTERS avec un côté très 60’s et garage. Ensuite tout s’est enchaîné car ce groupe plaisait bien. J’ai toujours privilégié les compos, les reprises ne m’intéressent pas trop.

Comment définirais-tu ta musique ?

En solo, c’est clairement très punk. J’avais envie d’une musique qui fasse ce son avec ce genre de morceaux. Tout est parti d’un son obtenu sur un ampli de poche en plastique et de là j’ai eu l’idée de cette musique. Parfois, il en faut peu pour démarrer. Un son, un concept, des personnalités et ça vient tout seul. Quinze jours après avoir posté 4 morceaux sur myspace avec ce son (deux guitares ultra saturées à mort, boite à rythmes ultra primaire, voix à l’arrache et tout en une seule prise sans retouche pour garder la fraicheur), je me suis fait remarquer par le batteur des SPITS qui trouvait le son suffisamment barge pour lui. Il en a parlé à Slovenly Recordings qui a sorti mon premier EP avec « Partir à la guerre » un mois plus tard. C’était les débuts en 2009. Ensuite, d’autres sorties ont suivi sur d’autres labels.

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(Droit réservé) 

Quelles sont tes influences ?

En composant cette musique, je partais simplement d’un son pour faire du rock avec. Je n’avais pas d’influences précises, ou alors inconsciemment. Mais à l’écoute par la suite, on dirait un mix de METAL URBAIN et de ELECTRIC EELS. Après, j’ai un peu dévié de cette idée. En tout cas, je n’ai jamais eu peur de la violence sonore ou du crado. Je pense qu’être parti de Nice pour Paris au milieu des 90’s pendant 3 ans et de découvrir les groupes garage punk de l’époque m’a apporté une ouverture d’esprit. Il n’y avait pas ça à Nice. J’ai intégré cet aspect DIY, authentique et « démo ». C’est très favorable au rock et au punk.

Tu as participé et tu participes encore à beaucoup de projets à Nice : lesquels ?

Y en a eu beaucoup ! LES CHAUSSETTES ELECTRIQUES, RNF puis les B-MONSTERS dans les années 90 et début 2000. Après y a eu les ELECTRIC MORMONS, NUMERO ZERO, les ELECTRODES, FLASCHEN, LES VALPONI, VEINES, KAISER BITNIK et maintenant MOTARLOZER. Peut-être j’en oublie ?

Pourquoi faire des projets solos ?

Le solo, c’est très bien. On fait ce qu’on veut et quand on veut. Et pas besoin de sortir de chez soi ou de répéter. Quand on tient bien son idée, ça va très vite de jouer et d’enregistrer. Je suis complétement nul en ingé son, mais malgré tout j’arrive à me démerder avec des vieux logiciels ou des sharewares. On peut dire que c’est une composante de mon projet solo : l’amateurisme. Au final, c’est forcément différent puisque je ne maîtrise pas les techniques normales. Ça permet d’avoir son propre son.

De quoi parlent tes textes ?  

J’ai presque envie de dire : aucune idée. Je jette mes textes à la poubelle une fois chanté et, généralement, je n’arrive même plus à comprendre moi-même ce que je raconte tellement y a du bordel ! Pour faire ce concert cette année, j’ai dû recréer du texte dans les zones où je ne comprenais plus rien. Mais ce n’est pas pour ça qu’ils sont forcément nuls, certaines fois, je me dis que c’était pas mal ou que telle idée se rapportait sûrement à tel évènement. Ça parle de tout à condition que les mots sonnent. Je suis un défenseur du français en tant que langue capable de très bien « sonner » rock. Il suffit de jouer sur l’ellipse et de choisir de bons mots.

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(En concert - Droit réservé) 

Ou as-tu joué ?

Je n’ai joué qu’une seule fois à la Zonmé cette année à Nice. A la base c’était un projet qui n’était pas destiné au live. Pour moi le son était impossible à reproduire et certains morceaux avec des riffs compliqués étaient difficiles à chanter en même temps. Quand Stéphanie Peel m’a demandé de faire la première partie de DULLBOY, j’ai finalement accepté et ça a surtout été possible grâce à l’aide de mon vieux pote Yannick en guest star, ancien bassiste de VEINES et guitariste de KAISER BITNIK. Il sait tout faire, tout jouer et reproduire tous les sons, mêmes les plus extrêmes.

Tu sors un ep de 8 titres, peux-tu le décrire ?

Ça vient d’une idée un peu dingue. Depuis que j’ai mon bandcamp, j’ai pu sortir des inédits sur « Guitar Trash », un vieil album de 2007, « Better Than The Gizmos », des démos de ma jeunesse très 60’s, bref je me lâche ! Pour « Bad pocket punkadog », je voulais partir de riffs D-Beat et Crust (genre GBH, DISCHARGE, DISPUTA, ATENTADO, WARVICTIMS, les extraordinaires japonais de DISCLOSE, etc), les déconstruire et les ralentir avec un son simple et incisif (avec une basse pour une fois, celle de Raoul de MOTARLOZER que j’ai pétée pour l’occasion), puis poser une voix bien en avant et assez zen à la SAINTS. C’est en anglais, enfin, je crois. A l’arrivée, on obtient bien du « mauvais punk à chien de poche ». Je sais que les rockers détestent ce style là, mais ils ont tort. Quand on y entre par la bonne porte, c’est de la super musique ! Ceci dit, quand on écoute mon disque, ça ressemble au final à du punk 77 mid-tempo mais avec une plus grande méchanceté et radicalité. A la base, je voulais partir dans un délire de 40 morceaux minuscules, mais je n’ai plus le temps d’autant enregistrer, donc il ne reste que ces 8 petits morceaux qui tiennent sur un EP à 45 tours. L’ensemble est homogène, ça fait concept. C’est le genre de truc qui m’amuse.

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(Pochette du nouvel EP, 8 titres - Droit réservé) 

Où et avec qui tu l’as enregistré 

Comme d’habitude, j’ai tout fait chez moi sur mon matériel et tout seul. Avant c’était dans ma chambre, là je suis passé au salon !

Comment cela se passe t’il sur scène ?

Pour l’unique concert, on a utilisé le son de boite à rythme que j’ai sur mes disques, moi j’avais un son très saturé sur un ampli et Yannick a réussi à reproduire le son ultra distordu et gras du disque pour la guitare rythmique. Avec les chœurs en harmonie, c’était vraiment bien. Mais il aurait fallu jouer deux ou trois fois plus fort pour un vrai impact. Sauf que… on est à Nice !

En ce moment, je ne recherche pas de concert. Je veux bien y aller si on me demande, c’est tout. Ce sera plus difficile de vendre le disque, mais c’est un choix. Je n’ai pas le temps de tout faire, les concerts sont plutôt avec MOTARLOZER. Ou alors, il faudrait que j’auto-fasse ma première partie avec MOTARLOZER ?

https://www.youtube.com/watch?v=jp6tKlJXMf4

Quelle influence a sur ta musique le fait d’habiter à Nice ?

Pour moi aucune. Je ne crois pas qu’il y ait un son niçois. Il y a eu de très bons groupes légendaires et parfois y a encore quelques soubresauts, mais la ville n’y est pour rien. Au contraire, je crois que cette ville, qui n’aime pas la bonne musique, et encore moins le rock, est plus un handicap qu’autre chose. Tout est fait pour aller vers le plus populaire, le moins bruyant, le moins original et le plus facile. Donc le plus mauvais.

L’importance d’internet et des réseaux sociaux pour la promotion ?

Je suis nul sur tout ça. J’ai quelques plans pour diffuser mais je n’arrive pas à faire mieux. Je me suis mis récemment à facebook, mais ça réduit les échanges à un espèce de tri qui priorise ce que facebook pense que c’est le mieux pour moi de voir. C’est stupide. Je suis conscient qu’il faudrait bosser sur cet aspect, surtout à une époque où il y a autant de musiques et de groupes et aussi peu de lieux pour jouer. Tout se joue en ligne.

Quelles sont tes ambitions pour le prochain ?

J’aimerais bien sortir un 25 cm de « Better than the Gizmos » à petit tirage. Ça va dépendre des ventes du 8 titres. Pour la suite, je n’ai pas encore de projet. En général, je n’aime pas trop faire végéter une musique trop longtemps. Il faut se renouveler pour pas s’ennuyer (et ennuyer les autres). Je n’ai pas assez de temps pour ça, mais j’aimerais vraiment réfléchir sur le son et sur la musique pour faire des trucs plus marginaux et m’écarter des « chansons ». Peut-être sous un autre nom ou sous mon vrai nom ?

https://www.youtube.com/watch?v=N1cZlErIQ-w

Quels sont tes projets ?

Poursuivre l’expérience MOTARLOZER en essayant de faire le meilleur rock’n’roll possible. On crée beaucoup et on enregistre beaucoup. En même temps, on essaye d’être très exigeant. Le groupe est très bon, ça permet d’aller vite et d’être à l’aise.

Aussi, je fais pas mal de poésie en marge de la musique. Depuis 2012, j’écris même plus de poésie que de musique. J’aime ce côté zéro matos de l’écriture. Une feuille, un stylo, un smartphone, un ordi, c’est très portatif et ça permet de faire sortir des choses, ce qui est ma nécessité. J’ai déjà deux recueils parus, un autre à venir qui s’appelle « Haïkus Electroniques Aléatoires » avec un gros concept derrière puis trois autres en cours d’écriture, dont des chroniques « poétiques » de disques. Ça part dans tous les sens musicalement ; impro, contemporain, black metal, ethno, classique, folk, free jazz, drone, rock, etc. Je suis un peu « coincé » dans le rock en tant que musicien, mais je suis un très grand amateur qui écoute plein de musiques différentes. Pour moi, ce n’est jamais fini, j’ai toujours envie de découvrir plein de nouveaux trucs. J’ai toujours été comme ça.

 

Le mot de la fin ?

 

FIN !

 

DISCOGRAPHIE :

  • Partir A La Guerre (EP) - Slovenly Recordings - 2009 
  • Zone Industrielle – (LP) - P. Trash Records -2010  
  • Rock Sauvage album ‎(EP) - 13 O’Clock Records - 2011 
  • RVB ‎(Cass) - Rainy Road Records - 2011  
  • Split album - The Speed Babes / Arsene Obscene ‎(Cass) - What’s For Breakfast ? - 2017 
  • TEENAGE SHITDOWN - TARGET : SHIT ! - Garage Lavabo 60’s Unknown Scorchers 1995​-​2000 ‎(Digital album) - Autoprod - 2017 
  • Guitar Trash ‎(Digital album) - Autoprod - 2017 
  • Better Than The Gizmos ‎(Digital album) - Autoprod – 2018
  • Bad Pocket Punkadog - (EP) - Autoprod – 2018