Casser Rembourser : du Punk de qualité !

mardi 23 janvier 2018, par Franco Onweb

Quand j’avais rencontré David Votre Chazam au printemps dernier, il m’avait expliqué qu’il se lançait dans un nouveau projet : un groupe "Punk de qualité" (sic). Un groupe qui avait été crée par son vieux complice de Tschack, Monsieur Gadou. Le projet m’avait fait rire tant il était à l’opposé des ambitions musicales et culturelles de Votre Chazam.

Quelques semaines plus tard je trouvais dans ma boite aux lettres le résultat de leurs travaux en commun : un disque ! La première écoute de celui-ci me rassura : si la musique était effectivement bien « rock », l’humour dans le deuxième, voir troisième degré, voire plus, des deux compères était au rendez -vous. Sous une allure bien « destroy » on découvrait un groupe de musiciens aguerris qui avaient su placer une technique sans faille au service d’une musique beaucoup plus recherchée qu’annoncée. Ajoutez à cela des textes remarquables et des reprises éclectiques et vous obtenez un des disques les plus étonnants sorti ces derniers mois.

Je voulais savoir ce qu’était du « Punk de qualité » et comment des musiciens avec des CV pareils avaient pu produire ce disque tellement hybride. J’ai profité d’un passage éclair de David Votre Chazam à Paris pour prendre rendez-vous avec lui dans un café un samedi après midi de ce début d’année.

Le magnéto est branché et naturellement vient la première question : ça vient d’où ce nom 

Le nom « Casser Rembourser » vient de Monsieur Gadou, le guitariste. C’était « dans le texte » celui d’une petite pancarte dans un magasin chinois qui vend de la nourriture, et aussi des bibelots, fragiles....

Quand ce projet a-t-il débuté ?

Il y a un an et demi, deux ans… Je jouais dans un bar à Bordeaux, un concert en solo dans le bar « Il Teatro », vrai « quartier général » de monsieur Gadou. A la fin du concert il vient me voir et me dit « tu chantes bien, je t’engage dans un duo où je jouerai de la guitare et toi tu chanteras ». Bon, ça fait juste 25 ans qu’on fait ça (rires) ! On jouait ensemble dans Tschack ! (son premier groupe Ndlr ) et depuis on a toujours travaillé ensemble : pour la composition, les univers musicaux… On est comme les deux doigts de la main ! On a juste continué ensemble notre collaboration en commençant par composer et enregistrer un nouvel album : « Survivants »

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(Casser Rembourser - David Votre Chazam, chanteur - Droit Réservé) 

Vous aviez donc commencé ensemble avec Tschack ?

Oui, mais après que le groupe ait splitté on a continué à travailler ensemble régulièrement ! Il a participé à mon premier album avec Jean Jacques Perrey. On avait un groupe ensemble : « Thee Electricks ». La géographie et les projets nous ont parfois un peu séparés : je suis à Bruxelles, lui à Bordeaux, il est très jazz, moi plus électro … Mais on a toujours continué : on reste des vrais potes et dès qu’on peut, on travaille ensemble !

Il y a eu une première version du disque en duo que tu m’as présenté comme ressemblant à Métal Urbain : c’est logique parce que tu es un grand fan des Lucrate Milk qui ont été très influencés par ce groupe !

C’est un groupe qui me fait rire, je suis toujours fan ! Métal Urbain, je connais mal mais ce que j’ai entendu c’est vraiment ce que nous voulions faire : guitare, boite à rythmes … En fait on voulait faire du… Bérurier Noir ! Et quand on a fait le premier album, j’ai vite senti que je n’avais pas cette culture, ni ce goût-là et que je n’y arriverais pas ! Donc on a engagé la « meilleure rythmique du Sud-Ouest », Christophe Jodet à la basse et Vincent Mérienne à la batterie, des anciens du groupe RWA , que nous apprécions et connaissions depuis longtemps. On a pu, comme ça, finir l’album avec de très bons musiciens, un super son ! On s’est retrouvé cinq jours dans une maison où on a mis des micros partout et on a enregistré.

C’est un double album avec une face rapide et une face lente. On va commencer par la rapide, ça m’a fait penser au rock Français des années 80 !

C’est sûr que c’est une musique régressive : un vrai groupe de rock avec guitare, basse, batterie et chant en français (rires). Donc c’est logique que cela sonne français (rires) … Moi ça me fait rire, parce que d’une façon globale je déteste la chanson française. Pour quelqu’un comme moi chanter en Français c’est…assez nouveau !

Pourtant il y a une reprise de Joe Byrd, (auteur d’un album psychédélique électronique (« USA » ndlr ) dans les années 70 mythique et introuvable ).

C’est totalement logique parce que « Snakefinger » (musicien anglais des années 80 Ndlr ) a repris un autre morceau de ce disque et moi je suis un de ses grands fans ! J’ai un peu le même timbre de voix que la chanteuse en plus.

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(Casser Rembourser - Monsieur Gadou, guitariste - Droit Réservé) 

Vous avez aussi repris Tschack aussi sur cet album ?

Oui un morceau particulier du répertoire que j’aime beaucoup – on trouvait marrant de se reprendre soi-même ! En fait avec Monsieur Gadou nous partageons un goût très sérieux pour la fantaisie. Elle permet de dire beaucoup plus de choses que la complaisance...

C’est ce que tu veux exprimer dans tes textes ?

Oui, exactement ! Les textes, c’est ce que nous avons le plus travaillé, on les voulait accessibles au premier degré, mais on les a aussi creusés au troisième, quatrième ou même huitième degré ! Perso, c’est seulement à ces niveaux-là de l’expression que je me sens à l’aise !

Vous avez fait des concerts ?

On fait des concerts en duo mais pas encore à 4, mais on veut tourner ! En fait c’est un peu compliqué : je suis à Bruxelles, les autres à Bordeaux et tout le monde bosse beaucoup. Pour être honnête on arrive même pas à organiser une réunion Skype pour organiser nos agendas (rires) !

Ce qui est incroyable, c’est que c’est un projet rock alors que toi tu dis n’avoir jamais aimé le rock ?

Ce que je n’aime pas c’est quand le rock est fermé sur lui même. De plus, ce n’est pas mon projet stricto-sensu : c’est celui de Monsieur Gadou, un gars surtout obsédé par le jazz ! Il n’y a donc aucune logique ! On ne se refuse rien stylistiquement, car il n’y a aucune raison de restreindre son champs d’expression ; en plus on vient tous de Bordeaux qui est une ville tellement cloisonnée et fermée, musicalement et socialement. Un peu bloquée dans son « rock qui pue le le mérule et le moisi des caves de St Mich’ » il faut bien le dire... En réaction nous avons fait du « punk de qualité » pour oxygéner les esprits ! Je pense cependant qu’on n’y arrivera là-bas qu’auprès des esprits ouverts, car il y en heureusement aussi quelques-uns...

Le deuxième disque est le « disque lent » avec beaucoup de reprises, notamment de Patty Labelle qui est un standard de jazz  You too can be a dreamer » Ndlr)  ?

C’est moi qui ai amené ce titre. Je collectionne les vieux disques 78 tours et j’adore cette chanson des années 40 !

Et à côté il y a des reprises de Gérard Lenorman, Nicoletta et de Francis Cabrel ?

Ça vient de Monsieur Gadou ! En ce qui concerne Gérard Lenorman, je ne suis pas fan du titre (Michelle Ndlr ) : un truc écrit par Barbelivien, et interprété par Gérard Lenorman, deux mecs de droite, c’est VRAIMENT pas ma came... Mais il a voulu garder le titre et je l’assume ! Cependant si tu écoutes le titre tu entendras des plans de guitare incroyables… Vraiment, c’est super beau ce qu’il fait !

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(Casser Rembourser - Christophe Jodet, Bassiste - Droit Réservé) 

Et Nicoletta  Il est mort le soleil ? » Ndlr

Sur les trois titres de chansons Française c’est celle que j’accepte le plus !

Et le titre de Francis Cabrel (« Répondez moi ? ») 

Non, je ne suis vraiment pas fan de ses textes ! Monsieur Gadou, lui, est super fan de cette chanson ! Mais attention moi aussi je peux être fan de trucs horribles parce que parfois dans des groupes horribles tu peux découvrir une petite merveille ! L’amitié c’est aussi d’accepter et d’apprécier l’altérité ; de faire confiance.

Pourquoi deux disques : une lent et l’autre rapide ?

C’est l’idée de faire comme dans les années soixante : une face rapide avec du rock et une face plus lente avec des slows !

Pour les musiciens de la rythmique, ce n’était compliqué de ne participer qu’à un seul disque sur les deux ?

Ce sont de très bons amis qui savent que Monsieur Gadou et moi on peut s’enfermer dix jours ensemble et qu’on en ressort avec un album. Ils sont très contents de jouer avec nous pour cette liberté et cette créativité sans limite ! Peut-être qu’ils participeront aussi à l’écriture du prochain disque !

Vous avez commencé par la première ou la deuxième partie ?

Le duo est apparu avant le quatuor : Monsieur Gadou voulait faire d’abord un duo. On a même fait des concerts à deux. Maintenant si on doit jouer on le fera à quatre : c’est plus fun !

C’est donc vraiment le projet de Monsieur Gadou ?

C’est très fortement son projet dans lequel je m’implique à 200% : je produis, je réalise, je distribue, je m’occupe de la promotion … Du vrai DIY. Punk forever.

Vous avez fait ce disque sous quelles influences ?

Pour être honnête, on connaît tous tellement bien nos rôles que rapidement on a oublié sous quelles influences on pouvait ou on devait enregistrer. Tout ce que je sais c’est que les morceaux sont chouettes et que le deuxième jour de l’enregistrement ils sonnaient mieux que la veille ! A la fin de la session, on a ré-enregistré les premiers titres parce que cela sonnait mieux, parce qu’on avait trouvé notre son. Franchement c’est passionnant de le faire à nos âges, c’est-à-dire à cinquante ans plutôt qu’à vingt ans. Il faut quand même se rappeler que la plupart des albums qu’on kiffe ont été fait par des gamins pour la façade, mais produits par des mecs de quarante ou cinquante ans dans l’ombre.

Il sort quand et comment cet album ?

Pour l’instant il est sorti qu’en CD autoproduit. Un J’ai lancé un « crowfunding » pour sortir le disque en double vinyl mais ça n’a pas vraiment marché parce que je n’ai pas été assez insistant avec les gens. En fait je suis vraiment pas fan des souscriptions. J’ai renoncé au double vinyl… Probablement au profit d’un album simple avec la version rapide.

C’est ton combientième groupe ? Parce que à chaque fois je te voie dans pleins de projets différents…

Outre mes projets solo souvent inclassables entre eux-même, j’ai eu une dizaine de groupes à peu près… Notamment en ce moment « Monique Sonique » en Belgique, un projet électropunk qui cartonne. C’est un groupe qui a été monté comme une fiction, ce qui permet de le faire évoluer hyper librement et en se marrant, sans plus d’affect que ça, je le conseille aux collègues.

Tu te rends compte que des gens font la même chose que toi au premier degré alors que toi tu revendiques le deuxième ou troisième degré ?

En fait , je crois que les vrais créateurs sont toujours au deuxième degré ! Ce qui est au premier degré doit y rester mais franchement les artistes qui créent du souvenir vont plus loin. Ils t’emmènent au degrés suivants parce qu’ils te laissent la liberté de les suivre ou pas ; les y rejoindre ce n’est pas que faire preuve d’intelligence, c’est un vrai plaisir. Les gens qui réalisent de belles choses ont souvent beaucoup d’humour et de fantaisie. Monsieur Gadou est un excellent guitariste et il a de l’humour : rien d’incompatible, et cela rend son jeu extrêmement intéressant.

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(Casser Rembourser - Vincent Mérienne, batterie - Droit Réservé) 

Quand on vous regarde sur les photos : vous avez de la classe...

Merci ! On se maintient, et ça nous fait rire de dire qu’on est des « survivants ». Le titre est aussi une référence à un autre disque d’il y 20 ans qui s’appelait « Vivant » un album expérimental. On revient 20 ans après avec un disque « punk de qualité », moi je trouve ça assez … classe ! On est toujours vivants, même si on ne croit toujours pas au futur !

C’est quoi vos projets ensemble ?

On va d’abord essayer de jouer les tracks sur scène. Il nous faut trouver du temps parce que on travaille tous beaucoup. Mais on est des pros, ça ira vite. Bookez-nous, les clubs ! On est toujours prêts !

Le mot de la fin ?

Achetez le disque en ligne si vous voulez, mais envoyez moi plutôt un mail pour l’avoir en direct, comme ça pas un centime ne sera versé à ces bâtards de Itunes et autres.

www.chazam.org  

david@chazam point org

https://votrechazam.bandcamp.com/album/casser-rembourser-survivants