The Ready Mades : « Tumbling Walls », un dernier disque pour renverser les murs.

mercredi 12 avril 2023, par Franco Onweb

The Ready Mades : « Tumbling Walls », un dernier disque pour renverser les murs.

Fondé à Paris en 2015, The Ready Mades font partie de la grande famille des groupes qui perpétuent l’esprit des années soixante. Le son, le look mais surtout la musique, tout y est dans ce quintet qui vient de sortir un nouvel album impeccable « Tumbling Walls ». Depuis sa formation, le groupe joue cette Soul et cette Pop qui est la marque des gens de goûts. Avec plus de 150 concerts dans toute la France et en Europe, The Ready Mades a rencontré son public.

Anatole Transe, guitariste et fondateur du groupe, m’a raconté l’histoire de ce quintet qui a su parfaitement rassembler musique et talent.

Peux-tu présenter The Ready-Mades ?

Nous sommes un quintet fondé en 2015 à Paris avec un son beat, soul et rythm’n blues. Il y a eu une première formation avec Lori/Ruth, et une seconde avec Sonia qui est notre chanteuse depuis fin 2019. Avec les différents confinements, cette « nouvelle » version du groupe existe sur scène depuis octobre 2020 avec un premier concert pour la JIMI au Théâtre Antoine Vitez à Ivry-sur-Seine. Entre le départ de Lori/Ruth, la recherche d’une nouvelle personne pour le chant, l’intégration de Sonia, le covid, le groupe a traversé par mal d’épreuves et maintenant la dernière évolution notable, et pas des moindres, c’est qu’on est étalé sur plusieurs villes. A part le baryton, tout le monde a des groupes en parallèle (THE SAMBAS, le projet fingerpicking solo de notre batteur Julien Ledru, FOOD FIGHT) J’organise également les soirées Jerkorama dans le Grand Ouest.

The Ready Mades
Crédit : Gérald Chabaud

Vous n’êtes donc plus un groupe parisien ?

Non plus vraiment, nous sommes un groupe nomade, les membres habitent à Bordeaux, Paris et Rennes… Ce qui n’est pas pratique pour répéter.

Quelles sont vos influences ?

Il y en a beaucoup : soul des années 60, anti-yéyé, R’n’B’, on a même un morceau ska. On aime des choses comme SHARON JONES & THE DAP-KINGS, ETTA JAMES, BIG MAYBELLE, NINO FERRER, les RONETTES ou encore AMY WINEHOUSE. Perso, j’adore le garage, le freakbeat, les groupes français des 60’s comme RONNIE BIRD,LES PROBLEMES, 5 GENTLEMEN ou la BO du film Les Idoles de Marc O.

Et surtout vous avez un sax qui amène ce côté Soul ?

Oui, un saxophone baryton qui est surtout utilisé dans le jazz et dans le rhythm & blues. Ce n’est pas très répandu et cela donne un son assez « charpenté ». On a aussi joué un temps avec un orgue (Pierre, passé aussi par PAN, LES SPADASSINS, INITIAL BOUVIER BERNOIS) mais pas de section cuivre, ce qui nous distingue des formations soul classiques.

Pourquoi ce nom ?

Ça vient des ready-mades de Marcel Duchamp. On aime beaucoup ce nom, ça donne un côté post-moderne et ça permet de dire que l’on joue une musique du passé que l’on essaye de mettre au goût du jour. On tente d’exposer quelque chose de relativement « classique » pour en détourner l’usage et les formes habituelles.

Vous avez l’image d’un garage band pourtant vous êtes plus rhythm’n blues ou même jazz, un peu comme les mods.

Je ne savais pas que nous avions cette image. En même temps, les gens appellent « garage » tout projet musical muni de guitares, de cheveux et d’énergie. Si vous y regardez de plus près, vous constaterez que notre cher bassiste n’est guère fourni sur le plan capillaire et que notre musique est beaucoup plus black, dansante et sophistiquée que du « garage ».

Pour moi, vous faites de la « soul garage » ou du freakbeat.

On s’en réclame effectivement, et par rapport aux autres groupes qui jouent de la soul, je crois que nous sommes plus rock’n roll et plus hargneux. En ce qui concerne le freakbeat, parlons-en au Collège de France...

Comment le groupe a-t-il commencé ?

En 2015 à Paris, je connaissais tous les membres du groupe qui ne se connaissaient pas. On a pris un peu de temps pour trouver notre chanteuse. On voulait juste jouer la musique que l’on aimait.

Etes-vous intégrés à une scène ?

C’est une question complexe. On se croise parfois mais c’est difficile de parler de scène. Je suis un peu actif dans la scène 60’s mais certains membres des READY-MADES ne la connaissent pas. Pour nous dire intégrés à cette scène, il faudrait je crois plus partager l’affiche, s’aider, mutualiser… On fait des choses ensemble mais pas assez pour parler d’une scène. Et surtout en réalité on fait partie de plusieurs scènes : on a beaucoup joué dans les lieux militants par exemple où on a croisé des groupes punks, post punks, rocksteady avec qui on s’entendait très bien, même si nous ne jouions pas le même genre de musique. Je crois que nous sommes un peu à part dans la « scène » 60’s mais il faudrait lui demander confirmation...

Sonia Nickel
Crédit : Gérald Chabaud

Mais pour beaucoup, tous vos groupes sont un peu les gardiens de la flamme : vous êtes les derniers défenseurs d’une élégance et d’une culture qui est en train de disparaître...

On aime la musique sixties, la soul, le beat et l’élégance qui va avec. On recherche un son organique, on aime enregistrer en analogique. Alors oui tu as raison. Mais on ne fait pas cette musique pour faire de l’archéologie ou de la conservation de musée, on n’est pas un groupe de revival vintage. On va plutôt puiser dans cette flamme pour y chercher ce qu’elle conserve d’actuel ou d’éternel : sa classe bien-sûr mais aussi ce qu’elle contient d’émancipation et d’émotion, de rythme et de danse.

Vous avez fait quoi depuis vos débuts ?

Un EP 4 titres au printemps 2016, un single en décembre 2016, un premier album en janvier 2019. Tous ces disques ont été enregistrés avec l’ancienne chanteuse. Et avec Sonia, ce nouvel album Tumbling Walls en 2023.

Et les concerts ?

On a fait par exemple deux fois la première partie de Nick Waterhouse au Café de la danse puis au Trabendo. On a joué un peu partout à Paris quand on y habitait : la Méca, la Féline, l’Espace B, le Point Ephémère, l’International et j’en passe., le Festival en hommage à Clément Méric, La Maroquinerie aussi en première partie des Sonics. On a beaucoup joué, y compris en « territoires » : Rennes, Bordeaux, Nantes, Lille, Lyon, Nancy… Nous sommes également les spécialistes des petits festivals associatifs à la campagne ou des trucs alternatifs dans les squats. On a aussi joué à l’étranger : Allemagne et Belgique. On a fait un peu plus de 150 dates il me semble...

C’est énorme !

Oui, on a vraiment pas mal joué, surtout entre 2016 et 2019 !

Et vous avez eu un arrêt en 2020 ?

Comme tout le monde, la Covid nous a stoppé mais surtout on a perdu notre première chanteuse. Ça nous a vraiment stoppé et on a bien cru que le groupe ne s’en remettrait pas mais on a rencontré Sonia et ça l’a fait. Après il y a eu les changements de vie personnelle dans le groupe : je suis retourné vivre à Rennes, deux autres ont déménagé à Bordeaux. Certains ont commis l’irréparable… les trucs de la vie, qui ont un peu compliqué les choses. Mais on a été assez motivé pour enregistrer l’album et à partir de ce moment-là on s’est relancé...

On parle de l’album ?

On l’a enregistré au studio Retromixeur de Châlons-en- Champagne, où on avait enregistré les deux précédents disques. C’est Tops, un pote qui continue de produire en analogique. Il y a douze titres.

Vous chantez à la fois en anglais et en français.

C’est un vaste débat en interne : moi je ne voudrais chanter qu’en français et d’autres membres ne voudraient chanter qu’en anglais. Donc on coupe la poire en deux.

Anatole Transe
Crédit : Gérald Chabaud

Votre chanteuse est aussi à l’aise dans les deux langues.

Je trouve également.

Pourquoi veux-tu chanter en français ?

Déjà je suis prof de français, ensuite je suis celui qui a la plus forte influence du 60’s français il me semble. Pour moi il faut chanter dans sa langue parce que c’est beau, difficile, émouvant et dangereux.

Justement tu ne penses pas qu’on a un problème avec notre langue ? On n’arrive pas à coller des textes simples sur de la pop. On est souvent trop marqué par le poids de la chanson française à textes.

C’est possible. Mais rien n’oblige à écrire des « textes simples » dans la pop. Il y a des gens qui écrivent très bien en français. Je pense à un groupe comme LA FEMME qui connaît un gros succès. Ça semble difficile avec le poids de cette chanson française »littéraire » et sérieuse mais aussi avec le poids de la pop anglo-saxonne qui sonne trop bien et trop facilement par habitude. J’aimerais écrire de chouettes textes en français, même si ce genre de choses est subjectif.

Tu te vois faire des textes plus « littéraires » sur ta musique ?

Oui, c’est ce qu’il faut faire je crois : jouer la musique que l’on veut mais en y joignant des textes bien faits, singuliers, uniques, originaux, je crois que c’est ce qui nous démarque justement d’autres groupes de la « scène » dont tu parlais tout à l’heure. Je ne pense pas que l’on puisse encore écrire des textes comme en 1964. Et tant mieux d’ailleurs ! J’adore Philippe Katerine qui y arrive. Il faut trouver sa forme et c’est du côté des textes que l’on va la trouver. Si j’ai des goûts un peu classiques et conservateurs en musique, en matière de textes je suis assez moderne je crois. Il y a pleins de trucs chantés en français que j’adore.

Walter Scotch
Crédit : Gérald Chabaud

Tu n’as pas peur, avec ton amour et ton intérêt de la langue française, de tomber dans la grandiloquence alors qu’on se moquait des textes dans les sixties ?

Je suis sûrement un peu grandiloquent, je n’ai donc pas peur de tomber en moi-même. Je voudrais des textes moins débiles et naïfs que dans les sixties mais moins adultes et sérieux que dans la chanson française « à textes ». Il faut tracer son sillon et que ce soit quelque chose qui nous ressemble. Je crois qu’on y arrive un peu.

Comment définirais-tu cet album ?

Je suis content de l’avoir fait. Ce n’était pas facile pour nous : changement de chanteuse, restructuration du groupe et Covid. Je suis fier et satisfait de l’avoir terminé. Je suis aussi très content des arrangements de piano. Il pourrait être meilleur bien sûr mais c’est un beau disque d’amateur, au sens étymologique du terme.

Qui compose et écrit ?

Je compose souvent et les autres écrivent les paroles. C’est un processus collectif : chacun amène ses idées sur mes morceaux. Sonia crée les lignes de voix, chacun cherche et trouve ce qu’il souhaite apporter au morceau.

Vous le sortez chez qui ?

Un label belge de Charleroi : BADASONIC RECORDS qui donne plutôt habituellement dans les musiques jamaïcaines.

Haine Kalem
Crédit : Gérald Chabaud

Pourquoi le disque s’appelle-t-il « Tumbling Walls » ?

C’est un nom qui collait bien et qui marchait avec notre musique. Nous avons la volonté de faire tomber quelques murs…

Vous savez vers où vous allez aller musicalement ?

Nietzsche disait : « Deviens ce que tu es... ». On ne se pose plus ce genre de questions. Et puis on sait qu’on ne va pas continuer éternellement, donc on joue chaque concert comme si c‘était le dernier.

Ah bon ?

Oui, on est trop loin les uns des autres géographiquement, c’est vraiment très compliqué ! C’est une belle aventure, on va jouer encore le plus possible, on va défendre le disque et on s’arrêtera au faîte de notre gloire...

Il y aura un dernier grand concert ?

Bien sûr, on imagine un spectacle pyrotechnique d’envergure qui se déroulera pendant le solstice d’été sur le parvis de la préfecture de la Nièvre et qui rassemblera tous les gens qui ont participé à l’aventure : une grande fête et une célébration du groupe. On a quand même fait deux nouveaux morceaux qui ne sont pas sur l’album mais il n’y aura vraisemblablement pas de troisième album.

Fabrice Del Bongo
Crédit : Gérald Chabaud

Vous avez un morceau qui s’appelle Ciao Pantin mais qui n’a rien à voir avec le film.

C’est un morceau que j’aime beaucoup, qui a été écrit par Kalem, notre bassiste, et qui raconte un fait divers sordide. Un prof de maths en burnout qui s’est mis à tirer sur des gens. Cela s’est passé à Pantin il y a bien longtemps et comme nous avons pas mal de liens avec cette commune de l’ancienne (?) Ceinture Rouge, nous avons décidé d’en parler dans un morceau.

Vous avez une progression sur l’album avec un morceau assez rock, ensuite des titres qui montent en puissance et puis à la fin ça se calme, un peu comme une journée : vous commencez un peu calmement, ça monte en puissance et puis ça se calme.

Je ne comprends pas. Chacun son rythme cela dit et fumez en paix.

Pourquoi il n’y a pas d’instrumental ?

Tout simplement parce que nous n’en avons pas composé cette fois-ci.

Vous faites des reprises sur scène ?

Parfois on reprend Love will tear us apart de JOY DIVISION mais avec nos condiments et assaisonnements, moins froids, synthétiques et plombés que l’original.

Quelle est l’importance de l’image ?

Je n’y accorde pas la moindre importance, je prends toujours le premier truc qui sort du placard. L’important, c’est ce qui se trouve à l’intérieur (du placard).

Vous avez des concerts bientôt ?

On va faire les zouaves à Nantes, Fougères, Vannes, en Vendée, à Paris, Reims, Pampelune, Bayonne et Pantin… On se débrouille tout seul pour trouver les concerts. On va essayer de tourner le plus possible, dans la mesure de nos possibilités, puisque nous ne sommes pas des professionnels. Nous avons des vies à côté et des emplois salariés.

Vous avez des festivals ?

Non, pas pour l’instant. Avis aux amateurs…

As-tu des regrets ?

Je regrette que nous n’ayons pas eu plus de temps à consacrer au groupe. A un moment, on aurait pu passer un cap, mais on ne l’a pas fait. Il fallait faire des choix sociaux et familiaux, ce n’est pas toujours évident...

Le mot de la fin ?

« Hasta la victoria siempre ! »

Quel disque donnerais-tu à des enfants pour les emmener vers la musique ?

L’Incendie de Brigitte Fontaine et Areski Belkacem.

https://www.facebook.com/readymadesband
https://readymadesband.bandcamp.com/album/tumbling-walls