Nineteen Something : le label qui respecte la passé en restant dans son époque

lundi 6 février 2023, par Franco Onweb

Cela fait plusieurs fois que j’avais vu sur les dos de pochettes de disques que j’aime beaucoup, ce nom : Nineteen Something. Pour moi, cela évoquait un album des Thugs et je n’étais pas loin parce que ce label a été monté par Franck Frejnik et Eric Sourice ancien chanteur des … Thugs ! Les deux compères ont vu qu’un grand nombre de groupes à guitares des années 90 avaient disparu des bacs et étaient extrêmement difficiles à trouver. On parle ici de gens comme les Thugs (justement), les Dirty Hands, Sloy, Maniacs, Fixed Up et autres Rats. Des groupes qui avaient fait l’actualité musicale chez nous dans les années 90. Ils ont donc décidé de lancer un label pour les rééditer.

Mais comme l’envie était toujours là, Nineteen Something, s’est doté d’une division, Twenty Something, qui sort des groupes actuels. Bref des gens comme je les aime : ils tracent leur chemin sans se préoccuper des critiques parce qu’ils savent que ce qu’ils font est important. C’est pour ça que j’ai téléphoné à Eric Sourice pour avoir quelques explications sur ce précieux label !

Peux-tu présenter le label ?

Nineteen Something est un label qui a été monté par deux personnes, Franck Frejnik et moi-même. Il est né vers 2015. Je travaillais à Crash Disques avec Marsu. C’était l’époque où le numérique se développait beaucoup. La plupart des artistes avec lesquels je travaillais n’étaient pas sur ces plateformes de streaming et de téléchargements. On en parlait notamment pour les Thugs avec Franck. Cela ne s’est pas fait avec Crash Disques et on a décidé de monter notre propre label, Nineteen Something, qui comme son nom l’indique fait référence aux années 90. Notre but était de rééditer les groupes à guitares de ces années-là qui n’étaient absolument pas présents sur internet. On voulait remettre en écoute tous ces groupes que nous avions aimé… ou faits. C’était vraiment difficile de trouver les disques ou des informations sur des groupes comme les Maniacs ou les Fixed Up. C’était presque une façon de préserver notre patrimoine.

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A la base vous étiez un label de réédition numérique ?

C’était ça à la base mais on savait qu’avec notre culture, le numérique ne nous conviendrait pas totalement. Notre truc c’est le disque physique. On vient d’une époque où l’on allait chez le disquaire acheter du CD ou du vinyle. Le déclencheur a été le numérique mais on savait que nous allions sortir du physique… Comme on savait que nous aurions envie de sortir des groupes actuels. Nous avons donc créé un sous-label de Nineteen Something, Twenty Something, parce que nous sommes dans les années 2000. Nous voulions aussi fournir le plus d’informations possibles sur ces artistes. On peut donc trouver un maximum de choses sur les groupes sur notre site : bio, clips, photos… C’était très important pour nous.

Si le label s’appelle Nineteen Something, est-ce par rapport à l’album des Thugs qui s’appelait comme ça ?

Complètement, c’est l’avant-dernier album du groupe. On a pris ce nom parce qu’il correspondait totalement à notre idée. A la base, on voulait lancer le numérique des Thugs. Mais tout s’est fait naturellement : on voulait vraiment parler des années 90.

Mais votre public, à la base, n’est pas porté sur le numérique. Il préfère le physique.

Oui et tant mieux ! On voit ça sur les différentes plateformes : on est dans une niche et si certains de ces groupes ont eu une certaine renommée dans les années 90, notre public est plutôt âgé. Il faut se servir de tous les outils à notre disposition. Moi, par exemple, j’utilise beaucoup Spotify. Comme j’écoute beaucoup de musique, je m’en sers beaucoup et on voit avec les relevés que nos groupes sont écoutés un peu partout dans le monde. C’était inimaginable avant. La distribution était vraiment compliquée pour les groupes français et aujourd’hui on est visible partout. Il faut vraiment se servir de tout mais c’est vrai que pour nous le physique est vraiment important. On en ferait beaucoup plus si nous en avions les moyens.

Quelle a été la première sortie ?

En physique et en numérique, cela a été la réédition des Thugs. Aujourd’hui, on en est à 120 références avec des groupes comme les Rats, Sloy, Fixed Up, la scène angevine avec les Dirty Hands, le Casbah Club ou encore le groupe suisse les Maniacs…

Vous avez ce deuxième label qui fait de la nouveauté, Twenty Something ?

De la semi nouveauté parce que tous les groupes que nous avons sorti sont formés par des gens qui faisaient partie de cette scène dans ces années-là. Ce sont des artistes que nous connaissions et avec qui on avait des rapports. On vient de sortir un groupe de Lyon, Go Public, qui est formé de gens de cette scène. Nous n’avons pas vraiment de groupe de petits jeunes qui viennent de débuter.

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Pourquoi ?

Bonne question, je pense que les jeunes ne nous connaissent pas vraiment : on n’est pas dans les mêmes réseaux, dans le même système… On n’est pas non plus un vrai label !

Pourquoi tu dis ça ?

Parce qu’avec Franck on fait ça à côté de pleins d’autres choses , moi je travaille par exemple. On n’a non plus la structure pour faire de la nouveauté. On a du mal. On en fait, un peu, avec les groupes de Twenty Something mais on les prévient avant : notre force de promotion et de persuasion est faible. On est pas dans « l’air du temps » avec les groupes à guitare. On fait ce qu’on peut et pour des groupes qui ont besoin de tourner et de tout faire, on n’est pas un vrai label. Mais on assure quand même, je ne veux surtout pas nous dénigrer.

On pourrait penser que vu votre passé, vous auriez pu intéresser les jeunes groupes ?

Encore une fois, on n’est pas contre mais je ne suis pas certain que la scène soit immense et ce type de groupe ne vient pas vers nous… Peut-être que cela arrivera…

Etes-vous distribués ?

Oui, en numérique et en physique par PIAS, grâce à Yves Le Carpentier que je connais depuis longtemps. Cela m’a semblé naturel d’aller le voir.

Il va y avoir des soirées du label ?

Oui, à Paris avec Go Public et Pete Sampras à l’International, le 7 Février. On a déjà eu une soirée là-bas en novembre avec les Soucoupes Violentes, les Foggy Bottom et Gil.

On peut penser que avec ces soirées vous avez une vraie politique de label, on peut avoir une ou des compilations bientôt ?

On savait que nous ferions des nouveautés. Franck a son label « Slow Death » et moi j’avais déjà fait ça avec « Black et Noir ». On aime bien tout faire et à part la distribution, je crois que j’ai tout fait en musique : magasin de disques, radios… Moi, ce que j’aime c’est de découvrir des groupes. Une scène se crée avec hdifférents groupes, il y a des soirées qui permettent de tout faire avancer, même si on est plus du tout dans les années 80 ou 90. Ce style a un peu disparu mais on continue à faire comme on sait faire : à l’ancienne. On continue, par exemple, à faire des flyers. Peu de gens en font encore à part des vieux comme nous (rires). Un label qui vit a de l’énergie et regroupe des groupes.

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C’est un peu inconscient de faire un label de rock en 2023 ?

Quand on voit certaines de nos ventes, on peut dire que oui mais on ne vit pas du label, c’est plus facile de ne pas perdre d’argent comme ça. On a des groupes comme les Thugs ou les Rats qui permettent au label de vivre. A partir du moment où n’est pas salarié du label, c’est facile sinon cela fait longtemps que nous aurions arrêté. Notre public est un peu âgé, ce sont des gens qui rachètent des disques qu’ils ont rayés depuis longtemps…

Mais il y a encore un public « rock » en France et beaucoup de gens vous apprécient. Vous vous rendez-compte de ce que vous pouvez représenter pour le public ?

Si on s’en rend compte (rires) : on a tous les outils qu’il faut ! Je vois bien que notre public n’est pas sur les réseaux et nos chiffres de vente pour les rééditions, beaucoup voudraient les avoir. Mais ce sont nos têtes d’affiches, comme les Thugs ou Sloy, qui font avancer les choses. Sur des choses plus obscures, c’est plus compliqué et pas facile. On est souterrain dans le business parce qu’on fait ce qu’on veut. On se cache même un peu. On a choisi d’être underground, c’est une démarche.

Quels sont vos projets ?

On en a plein, presque trop… On va sortir les Real Cool Killers, le groupe de Clermont-Ferrand, ça fait un moment qu’on est là à essayer de le faire. On voudrait faire un bel objet. Il y a aussi les Welcome To Julian, que j’adore. Ils ont un album inédit en stock qui est superbe. On est en discussion avec beaucoup de groupes. On essaye de contacter des groupes et franchement ça prend du temps : il faut souvent retrouver les bandes, les remasteriser et qu’ils se mettent d’accord entre eux, ce qui n’est pas le plus facile. Parfois, certains groupes nous laissent tout faire. Il y a aussi des groupes à Paris comme les Cherokees. Sur Twenty Something on va sortir le dernier album de LANE, avant le split… bref on a pleins de choses.

Est-ce que votre philosophie ne serait pas de prendre du plaisir et uniquement ça ?

Bien sûr, notre truc c’est vraiment faire un label et on le fait comme on veut. Il y a un côté mission aussi pour que tous ces groupes soient écoutables et que ces disques ne tombent pas l’oubli.

Le mot de la fin ?

Écouter les Foggy Bottom et Zero Gain !

Quel disque tu donnerais à un enfant pour l’amener vers la musique ?

Le premier truc que j’ai fait écouter à ma fille c’est les Ramones, un groupe assez juvénile et bien entraînant.

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