Gamine : Paul Félix raconte l’histoire du groupe le plus pop de son époque !

vendredi 9 avril 2021, par Franco Onweb

C’était 1988, à la radio il y avait un titre qui passait régulièrement : « Voilà les anges » ! Le groupe s’appelait Gamine. Pour ceux qui s’intéressaient à la musique, ils n’étaient pas des inconnus : depuis le début des années 80 le groupe venu de Bordeaux faisait partie de la scène rock hexagonale avec une série de 45t et maxi absolument épatants ! Formé autour du chanteur Paul Felix et du guitariste Paco Rodriguez, le groupe avait tout pour lui ! L’album « Voilà les anges » fut salué par la critique et le public. Gamine était en haut de l’affiche. La suite fut un deuxième album, « Dream Boy » qui ne rencontra pas son public avant que le groupe, fatigué de 10 ans de tournées, décide de jeter l’éponge !

En 2018, Gaminese reforma pour quelques concerts avant d’arrêter à nouveau ! Aujourd’hui « Voilà les anges » est considéré comme un « classique » du rock d’ici. J’ai pris contact avec Paul Félix pour qu’il me raconte l’histoire incroyable de ces bordelais, c’est avec une grande gentillesse qu’il a accepté d’ouvrir sa boîte à souvenir ! Voici les anges, c’est juste après 

Comment la musique est rentrée dans ta vie ?

Il y avait tout le temps de la musique à la maison. Mon père était chanteur de cabaret. Il chantait du Brel, du Brassens, du Ferrat… Il nous faisait un concert au moins une fois par semaine. On écoutait beaucoup de chansons françaises et des groupes comme les Beatles. Je me rappelle avoir vu des musiciens à la maison quand j’étais petit. Mon père a dû arrêter la musique pour travailler : c’était un peu le drame de sa vie. Ma mère voulait être danseuse professionnelle et sa famille l’a empêchée.

 

Paul Felix en 2021
Crédit : Kat Schieberle

Tu étais déjà à Bordeaux ?

Je suis né à Bordeaux ! Mon père ne m’a pas appris la guitare parce qu’ il prétendait ne pas savoir jouer. Il ne m’a pas mis au conservatoire non plus (rire). Depuis tout petit je voulais jouer. A 13 ans je suis allé au foyer des jeunes avec sa guitare et j’ai appris « Jolie bouteille, sacrée bouteille » de Graeme Allwright et voilà c’était parti ! Après j’ai appris à jouer du Neil Young et ensuite du David Bowie. Au lycée il y avait Paco (Rodriguez Ndlr) qui avait déjà le groupe Gamine. Il l’avait formé avec un autre gars que je connaissais de vue. Il voulait relancer le groupe et comme on trainait ensemble je lui ai proposé de jouer avec eux. Il était ok mais il fallait juste que je me fasse couper les cheveux. Je suis allé chez le coiffeur. Je suis revenu les cheveux courts et avec une petite cravate (rires). Il m’a dit « génial on y va ! ». On a fait notre premier concert en 1980 au bar qui était en face du lycée à la Bastide.

A l’époque tous les groupes de Bordeaux commençaient par St (Stilettos, Strychnine, Standards…) et pas vous. C’était voulu ?

On était pas les seuls ! Je pense que pour la plupart de ces groupes c’était un hasard. Je ne sais pas d’où vient ce nom en tout cas !

Vous avez beaucoup joué à Bordeaux au début ?

On a fait tout ce qu’on a pu ! Il n’y avait pas beaucoup de lieux non plus. On a fait le « Jimmy », « le Chat Bleu », « le Babylone » … On a fait des premières parties au Grand Parc. On a joué un peu partout dans le grand sud ouest, sur le littoral …. Partout où on pouvait, on jouait ! Je me rappelle d’un concert à l’église de Lacanau avec tous les potes de Bordeaux Rock qui étaient venus nous voir, notamment les Stalags  ! Mais on est allé aussi en Bretagne, à Nantes, dans le nord… un peu partout !

A l’époque tu joues de la basse ?

Ouais, je me suis mis à la basse parce qu’on ne trouvait pas de bassiste. J’ai commencé à en jouer avec une basse qu’on m’avait prêté avant d’en acheter une !

Gamine au début des années 80, deuxième à gauche, Paco Rodriguez, à côté de lui Paul Felix
Droits réservés

Vous écoutiez quoi à l’époque ?

Moi j’écoutais ce que mes parents écoutaient, ensuite beaucoup David Bowie et Neil Young. Ma sœur a ramené le punk et la new wave à la maison. Elle trainait pas mal avec les mecs de Camera Silens (Groupe punk de Bordeaux Ndlr) et donc elle avait ramené du punk avec notamment les Stranglers que j’aimais beaucoup. Au bar du lycée on écoutait beaucoup de New Wave, notamment française avec Starshooter, Edith Nylon, Marie et les Garçons … On a ensuite découvert Blondie, Télévision et Tom Petty toujours dans ce bar. En fait, là-bas il y avait un Juke Box qui était alimenté par José Ruiz (guitariste des Stilettos et futur Gamine, NdlR). Tout ce qui sortait était dedans.

Il y a eu un premier 45t avec « Fille du soir » et en face b « Simon Templar » qui est un reggae !!!!

Ah oui, à l’époque on écoutait des groupes comme UB40 et donc on a fait un morceau de reggae.

Il y avait qui dans le groupe à l’époque ?

Au début il y avait Didier Bessaguet à la batterie, Nito Suarez qui jouait aussi avec les Stilettos à la guitare, Paco et moi. Nito est parti au bout d’ un an, il était un peu plus âgé que nous.

Vous avez été incorporés assez vite à une scène rock garage, assez sixties ?

Cette scène rock garage sixties était super fan des compilations Peebles et rock psyché. Nous, on est parti là-dedans parce qu’ on faisait de la pop et qu’on a fait partie de la fameuse compilation Snapshots. C’est Chris Wilson (ex Flamin Groovies et Barracudas, ndlr) qui produisait. A notre surprise, nous avons été choisi pour faire un mini Lp (5 titres) produit par lui et qui sortait sur Snapshots. On avait un titre qui s’appelait « Gamine », comme le nom du groupe, un titre que je n’avais pas du tout composé. Il ressemblait un peu à du Flamin Groovies, ça a plu à Chris Wilson. Il a voulu nous produire, à la surprise générale parce que nous n’étions pas très connu par rapport à des groupes comme les Standards ou Kick, l’ancien chanteur des Strychnines. En plus c’étaient les managers des Standards et de Kick qui avaient organisé le projet Snapshots .Ils n’étaient pas trop chauds pour nous mettre en avant donc c’est devenu un peu bancal. On a quand même eu un peu de retours et on a continué à tourner, dans le Sud-Ouest principalement.

Mais ce mini Lp vous a amené de la presse ?

Oui, on est passé dans « Rock à Bordeaux » l’émission des Enfants du Rock, on a eu de la presse nationale musicale…

La grande particularité du groupe c’est que vous allez sortir beaucoup de 45t ensuite, presque un an par an.

On avait la hantise de ne rien faire. Le premier 45t c’est notre manageur de l’époque, Jacques, qui l’a produit : il a avancé les sous. Ça a pris du temps mais on a tout vendu. Après il y a eu le mini Lp, ensuite on a fait un disque souple avec un Fanzine. On a fait ensuite le 45t « Julie, Julie » et ensuite Surfin Bird nous a signé et on a fait « Harley Davidson », la reprise de Gainsbourg et Bardot.

Le groupe avait évolué ?

Oui, c’était le big bang à l’époque ! On était cinq ! José Ruiz à la guitare, Guillaume Bacou à la basse qui venait d’arriver, Thierry ancien des Stilettos à la batterie, Paco à la guitare et moi au chant et à la guitare acoustique.

A l’époque, vous commencez à beaucoup tourner ?

On ne tournait pas autant que ça, ensuite on ne faisait pas toujours de bons concerts … on était de ces branleurs (rires). On était pire que tout, assez ingérable (rires)… On arrivait à faire quelques dizaines de concerts par an.

C’est l’époque où vous commencez une carrière en Espagne ?

Un label Espagnol nous avait branché et comme ça on a pu jouer à Barcelone et à Madrid. Je me rappelle qu’à Madrid on a partagé l’affiche avec Paul Collin’s Beat. Ça a été une petite aventure.

Et puis c’est le grand changement !

Et oui en 1986 on signe chez Barclay (rires) ! En fait ils avaient entendu parler des groupes Bordelais et ils nous ont signé avec Noir Désir . Ils s’étaient aussi intéressés à Kid Pharaon mais il chantait en anglais et il était déjà signé par un label Indé.

Et donc ?

On a enregistré aussitôt « le Voyage » et le 45t a été très bien reçu. On parlait de nous (rires) !

Mais votre son avait évolué : vous étiez passé du rock à la pop ?

Ça s’est fait progressivement. En fait ça a commencé dés notre rencontre avec Chris Wilson et Robin Wills pour la compilation Snapshot. José était très occupé par la radio et il a du quitter le groupe. On écoutait REM, les Smiths … Et puis on a enregistré « Voilà les Anges » qui est sorti en 1988 !

Quel album ! C’est un disque qui est considéré comme un des disques obligatoires à avoir en musique française !

J’ai vu ça ! On avait déménagé à Paris. Comme je zonais à Bordeaux et que je n’avais pas vraiment d’appartement, j’ai tenté le coup à Paris comme nous étions signés. On a rencontré notre manageuse à qui j’ai sous loué un appart. C’était Hélène Durand qui était proche de la troupe du Splendid. Elle nous a fait passer dans un festival à Paris où elle était attachée de presse et comme cela s’était bien passé on lui a proposé de nous manager. On s’est installé à Paris Guillaume, Paco et moi. Boubou, le batteur, est resté à Bordeaux. On a eu très vite un super article de Bayon dans Libération. Ça a été une belle surprise ! J’habitais encore à Bordeaux à l’époque et quand j’ai vu ça j’étais aux anges. On était en deuxième et troisième page, avec une accroche en première page, juste au dessous de Mitterrand (rires). 

Beaucoup de télé aussi !

On a fait toute la promo organisée par Barclay, beaucoup de télé dont une émission pour FR3 où c’était un concours à la con avec les Innocents, Carte de Séjours… On a fait des émissions avec Daho qui nous aimait beaucoup. On a même été « frissonnant » au Top 50. Bon, cela n’a duré que un temps…

Quand on lit vos chroniques de l’époque, on a l’impression que vos concerts étaient soit géniaux, soit … moins bien 

Tu es poli (rires) ! C’était selon … On était en pleine fleur de l’âge donc on parfois on faisait un peu la fête avant les concerts et forcément ça jouait sur le concert.

Il y a eu un changement dans le groupe entre les deux albums ?

Oui, on s’est séparé de Boubou et c’est Bruno Saunier qui jouait avec les Loups qui nous a rejoint. Je l’ai connu par ma copine de l’époque, je l’ai vu jouer et je lui ai proposé de nous rejoindre.

Mais vous avez beaucoup joué ?

On a fait quelques tournées grâce à notre tourneur ! On a surtout joué en France. On a quand même réussi à faire une mini tournée en Angleterre grâce à un étudiant qui nous avait vu. Ça lui avait plu et il a réussi à organiser une tournée dans les réseaux étudiants. A cette époque, Decca voulait nous signer pour l’Angleterre. Ils étaient venus nous voir et la direction artistique de Barclay a bloqué. Decca voulait sortir un 45t en avance du deuxième album et on n’a pas pu le faire Le deuxième album est sorti, avec ce titre, huit mois après. Ça a été la goutte d’eau ! j’en avais marre après. J’étais un peu dégouté et le groupe devenait lourd pour moi, notamment dans les rapports entre nous. C’était un peu comme un mariage, c’était un moment difficile. Barclay nous a proposé de signer un nouveau contrat et moi je voyais ça comme passer des années avec le même cadre artistique. J‘ai choisi de partir et d’arrêter le groupe !

Ce deuxième album de Gamine avait un son plus « rock » ?

On l’a fait avec Greg Leon qui avait notamment bossé avec Blondie notamment. Ça c’est fait comme ça. Sur le premier album j’étais l’auteur compositeur principal. Sur le deuxième j’ai eu le retour de Paco et Guillaume pour me dire non. Ils voulaient que tout soit signé à quatre. Chacun mettait sa « patte ». On avait aussi un nouveau batteur.

On a l’impression que sur « Dream Boy » ce deuxième album vous étiez presque à bout ?

On était totalement à bout ! On jouait ensemble depuis 10 ans, on ne s’entendait plus très bien. Aujourd’hui on est tous en très bons termes mais à l’époque c’était pas terrible. C’est aussi pour ça que je suis parti. Pourtant Polygram nous proposait un très gros contrat mais je ne voulais pas poursuivre comme ça.

Après Gamine tu vas faire quoi ?

J’ai fait un album sous le nom du Real Atletico. Je zonais un peu à Paris. Je dormais à l’Hôpital Ephémère où on répétait. J’ai croisé le batteur et le bassiste du Cri de la Mouche, qui venaient eux aussi de se séparer. On a pris un guitariste, Chris Sanchez, qui trainait aussi là et on a fait ce groupe et ce disque. On a répété un moment et puis on a maquetté au studio Mix It. On a sorti un album ensuite mais on s’est arrêté assez vite après.

Tu vas disparaître ensuite pendant un long moment et un puis en 2018, vous reformez Gamine pour quelques concerts. Pourquoi vous reformez le groupe ?

(Rires) Quelle question ! On avait vécu notre jeunesse ensemble, c’était normal de se retrouver ! On nous l’a proposé. Paco est venu vers moi pour me le proposer. J’étais ravi. Bon, rapidement on est retombé dans des complications diverses et variées. Le fait qu’on n’est pas joué ensemble depuis aussi longtemps a compliqué les choses. Il n’y avait personne pour nous encadrer et Barclay n’a pas suivi.

D’ailleurs les albums n’ont jamais été réédités.

Non, mais tu peux les trouver sur le Net. Bref on n’avait pas de Following et puis on a eu rapidement des prises de tête pas forcément intéressantes. On a fait cinq ou six concerts qui restent pour moi un très bon souvenir. On a fait notamment l’inauguration du Grand Parc avec les anciens groupes : les Standards, Stalags, Strychnine, Stilettos, Stagiaires … Tout le monde a rejoué ! J’ai revu pleins de monde, c’était un peu la grande réunion des anciens potes des années 80.

Qui était le batteur de la reformation ?

Boubou, le batteur de « Voilà les anges »

Pourquoi il n’y a pas eu de live de cette reformation ?

On n’a pas eu le temps d’enregistrer en multi-pistes. Il y a un concert à Port Barcarès qui a été enregistré en stéréo donc sans grande possibilité de mixer. On pourrait le sortir, on va voir …

Tu en ou au niveau de tes activités musicales ?

J’ai fait quelques démos. On a un projet de reprise de Leonard Cohen avec Paco. On s’est envoyé des démos par le web. C’est son clavier sur groupe, Sitarsonic qui produit. On a fait une reprise pour une compilation qui n’est pas sortie. Je fais des démos parce que je rejoue depuis quelques années. Ce sera peut-être un truc juste Bandcamp.

Mais tu as continué à t’intéresser à la musique ?

Pas vraiment, après le Real Atletico en 1996 je suis parti en Inde et quand je suis rentré j’étais dans un monastère Bouddhiste pendant plusieurs années. Forcément je n’ai pas écouté beaucoup de musique ces années-là.

Tu as conscience de l’importance du groupe encore aujourd’hui ?

Bien sûr, même si je ne me considère pas comme quelqu’un de spécial ! En fait si, je suis un peu mégalo, c’est un peu mon défaut de musicien (rires) mais pas vraiment, je travaille, je vis normalement, j’ai une vie normale quoi ! Je suis super content de ce que nous avons fait, mais si il fallait le refaire je ne le referais pas pareil. Je respecte totalement ce que nous avons fait, surtout notre amitié avec Paco et tous les potes qui ont fait partie du groupe. Le groupe nous a marqué, c’est une histoire de vie, de nos vies ….Je suis ravi quand on me contacte par rapport au groupe. Pour tout te dire il y a un même projet de reprise de Gamine avec d’autres groupes, on verra ….

Quel disque tu donnerais à un enfant pour l’emmener vers la musique ?

Je viens de lire livre sur Camera Silens et Gilles (Bertin Ndlr) dans le livre dit qu’il écoutait surtout Curtis Mayfield. C’est quelqu’un qui a reconnu ses erreurs, il a su aller plus loin que son personnage pour s’excuser et reconnaître ses erreurs. Il écoutait Curtis Maylfield et du jazz, moi aussi j‘en écoute beaucoup, donc je dirais du jazz et de la Soul

Tu n’écoutes pas la vieille garde Bordelaise ?

Non,j’aime bien mais je suis passé à autre chose… Parfois je délire sur « Charles Hubert garçon pervers des Stagiaires ou « les victimes du Lavomatics » des Standards mais c’est tout… Je connais par cœur ou en partie plein de chansons des groupes de cette époque Standards, Stilettos, Strychnine, Stalag s…