L’Ambulancier : Rencontre pour un premier EP

vendredi 26 mars 2021, par Franco Onweb

Après plus de 10 ans à la tête du groupe So Was The Sun, Palem Candiller a décidé de revenir avec un nouveau projet et un nouveau concept : L’Ambulancier ! Fini le « stoner », le « Grunge » ou le « Folk », désormais Palem évolue dans un univers post- Punk avec une guitare, une basse, quelques effets, une boîte à rythmes et un en chant en français. Un changement assez radical mais qui ne perd rien en qualité artistique. On navigue ici dans un monde qui a, malheureusement, trop besoin d’ambulance. Un monde pleins de deuxième degré et d’humour que Palem qualifie lui-même comme « John Carpenter en vacances à Bagnolet »

Il faut noter aussi que ce premier opus est la première sortie du label Tadam Records dont on va beaucoup entendre parler les prochains mois. Un chouette label, un artiste attachant et surtout un remarquable premier EP, autant de raisons de discuter avec l’Ambulancier pour en savoir plus sur ce projet épatant 

Je m’appelle Palem Candiller et je suis aussi l’Ambulancie r. C’est un projet « électro rock » en Français qui est né en 2019 et qui a grandi doucement pendant la pandémie et le confinement. Grâce au label associatif Tadam Records, je sors mon premier EP cinq titres ce 26 mars.

Palem Candiller
Crédit : Lady Cylew

Tu as eu un parcours particulier : tu as participé à des groupes et tu as écrit un livre ?

Pendant 10 ans, j’ai mené le groupe So Was the Sun, qui était dans une veine « stoner » avec des mélodies. Ça a été une longue et grande histoire qui m’a emmené dans plein d’endroits et fait rencontrer plein de gens. Mais il y a eu un moment où j’ai eu envie de changer, d’évoluer musicalement, de chanter en Français, en fait d’avoir une autre identité. En ce qui concerne l’écriture de livre, c’est parti du fait que j’ai toujours adoré écrire sur la musique. Grâce aux éditions Densité, j’ai pu écrire un premier livre sur « In Utero » de Nirvana dans la collection Discogonie, qui propose des livres sur des albums « marquants ». J’ai adoré faire ça et le livre en est à sa deuxième édition, puisque la première sortie en 2019 est épuisée.

So Was the Sun n’existe plus ?

Oui, même si il ne faut jamais dire jamais ! J’avais envie de quitter cette ancienne identité. Pour l’instant je me consacre totalement à l’Ambulancier.

Pourquoi ce nom et cette pochette avec le visage tuméfié ?

Il y a pleins de raisons. C’est en partie du à la chemise d’ambulancier Américain que je porte sur la pochette et que j’ai trouvé dans une friperie vintage. Cela m’a fait développer un imaginaire autour des petites mains, ces gens de l’ombre que l’on ne voit pas et ça me rappelait aussi des films américains des années 70, 80 comme ceux de John Carpenter ou Michael Mann… Des thrillers qui se passent de nuit, dans une ambiance inquiétante, paranoïaque. J’avais envie développer ce visuel et cette ambiance. Comme ma musique est un peu américaine et que je chante en Français cela me semblait être un bon moyen de résumer tout ça. 

Tu sors un EP cinq titres ?

A la base j’avais commencé à travailler sur quatre titres avec Hugo Cechosz, qui a notamment travaillé avec Eiffel. Je le connais depuis 10 ans. On a commencé à produire ces titres fin 2019. Il y a eu ensuite le confinement, qui a tout repoussé, et j’ai travaillé sur un cinquième titre, qui est devenu le premier single « Anti Système Solaire », avec Arnaud Bascunana qui avait produit les derniers disques de So Was The Sun. Mis à part ce titre, qui a été produit en partie chez moi, tout a été fait au « Studios de la Seine » parce que j’ai quand même besoin de cette vibe et de la concentration qu’il y a dans un studio.

Ta musique est très loin de ce que tu as fait avant : une basse, une guitare, une boîte à rythmes et des samples. On attend presque les remix ?

(Rires) C’est complètement assumé ! J’avais envie de faire des choses plus électroniques et plus pop. Je voulais cette évolution musicale mais avec un côté rock parce que j’utilise un accordage hérité de mes années « noise » et « stoner ». J’essaye de marier les choses que j’aime. J’ai aussi beaucoup écouté de « Krautrock » ces dernières années avec des groupes comme Can ou Neu. J’ai eu enfin un énorme coup de cœur pour Carpenter Brut et toute cette vague un peu revival eighties. C’est en écoutant tout ça que j’ai eu la volonté de faire intervenir des sonorités plus synthétiques, plus droites. Essayer de faire ce mélange électrorock.

Ça ne risque pas d’être trop « rigide » sur scène et de te sentir un peu bloqué ?

Tu veux dire par rapport à la batterie ? Non, c’est revendiqué ! J’ai vu beaucoup de groupes comme I am un Chien qui fonctionnaient comme ça et il y avait une telle énergie que ça passait très bien. Maintenant cela va être différent d’un concert de rock « classique » mais c’est l’occasion de faire une autre proposition au public.

Sur scène, tu seras accompagné de deux musiciens ?

Oui, même si j’ai fait les guitares sur le disque. Comme je savais exactement ce que je voulais, et que je suis guitariste, j’ai joué moi-même ces parties. Je salue Charly et Henrique (parfois Marine aussi) qui ont accepté de me suivre dans ce projet un peu fou pour les guitares et la basse.

Et tu chantes en Français !

Ca faisait quelque temps que je me disais qu’il était dommage de chanter en anglais alors que le français est une belle langue avec laquelle on peut dire et faire plein de choses. L’essentiel était de parler aux gens près de moi. J’avais envie de dire des choses et je voulais transmettre mon regard sur des sujets. Cela s’est imposé à un point que je suis presque incapable d’écrire en anglais aujourd’hui.

Crédit : Canelle Gamard

Tu auras mis dix ans à chanter en Français ?

J’écrivais en Français depuis longtemps mais là j’ai accepté de que ça soit vraiment public ! Il fallait juste attendre le bon moment, et que ça me semble abouti pour être montré.

Tes textes ne sont pas très gais ?

(Rires) Peut-être ?

Par exemple « Évidemment » peut faire référence à la séparation avec ton ancien groupe ?

Il y a un peu de ça. C’est un texte sur la séparation avec un groupe social en général. Quand on te pousse hors d’une bande, tu te demandes toujours un peu si c’est de ta faute ou de celle des autres.

Quand on écoute « Monogame » ou « Alignement désastre » on se dit que ta vie n’est pas très… joyeuse ?

Ce n’est pas contradictoire : mes textes sont là pour donner un point de vue mais pas pour donner des leçons. Je donne mon regard sur des choses que je vois ou que j’ai vécues. Ce n’est pas joyeux parce que nous sommes dans un monde qui n’est pas très joyeux en ce moment. J’aime beaucoup l’idée de « surfer sur l’apocalypse » que chantait le groupe Beastmilk. Mais c’est vrai que c’est un peu contradictoire de montrer des choses un peu sombres et de les chanter comme je le fais.

Tu as un titre qui est « Qu’est-ce qu’on s’amuse » alors que c’est qu’est ce que on ne s’amuse pas !

(Rires) C’est une chanson qui parle du vide des programmes télé en général. C’est acerbe, je l’admets.

« Monogame aussi est un texte un peu … désabusé ?

En ce qui concerne « Monogame » ce n’est pas forcément moi qui parle, c’est plus une situation que j’ai observé sur les amours libres. Je fais pareil sur « Anti Système solaire », je prends la parole d’une personne qui bascule dans le complotisme, ce qu’on a plutôt tendance à mettre à distance ou à moquer. C’est un peu l’idée d’être un ambulancier. Je n’ai pas la prétention de parler pour tout le monde mais j’essaie de me mettre à la place de certaines personnes et de réagir comme eux. J’ai beaucoup d’empathie. Je suis vite mal à l’aise et affecté quand une situation est difficile pour quelqu’un dans la pièce. Et j’aime aussi entendre des points de vue qui ne vous pas forcément dans mon sens.

Mais tes textes sont organisés comme des scénettes de vie qu’on a tous connu : la séparation de couple, la séparation avec un groupe d’amis… Tu racontes la vie quotidienne des gens, un peu comme le font certains rappeurs. D’ailleurs sur « qu’est-ce qu’on s’amuse » tu fais presque du rap à la fin !

Maintenant que le rap et le hip hop sont les cultures dominantes dans les médias, notamment les radios, on ne peut se couper de ça. Cela nous influence forcément. Moi je n’ en écoute que très peu, juste un peu de rap américain ou Casey VS Zone Libre côté français, que j’aime vraiment beaucoup. Mais généralement, c’est une musique qu’on entend partout. On ne peut faire comme si cela n’existait pas, c’est rentré un peu naturellement dans ma musique. Le flow, c’est un truc passionnant à bosser aussi.

On pourrait presque penser que tu prépares un nouveau livre : des textes sont comme des chroniques de la vie quotidienne !

J’aimerais beaucoup écrire une fiction mais c’est un vrai processus qui nécessite beaucoup de travail, ce qui n’est pas un problème, seulement il faut se lancer à 100% dedans. J’aime le côté « scénettes » parce que dans l’Ambulancier je veux vraiment raconter des histoires, choses que je ne faisais pas dans So Was The Sun. Si là j’arrive à raconter des choses, à créer des des vignettes, tant mieux !

Mais c’est ça le rôle de l’artiste ?

Ce qui est important c’est de raconter des choses, et ce n’est pas si courant. Par exemple, je trouve qu’un artiste comme Alain Souchon, qui est ma grosse influence française, y arrive très bien. Dans « La Ballade de Jim » tu as tout : un début, une fin, une tension dramatique… « Comme elle est partie, Jim a les nerfs / Jimmy boit du gin dans sa Chrysler » : tout est là, la situation est claire, c’est évident que la fille est partie et la marque de bagnole est le détail qui te plante le décor. C’est parfait.

Droits réservés

Ça va se passer comment sur scène ?

On en a déjà fait un peu avant la crise sanitaire ! On a aussi fait des résidences, notamment au « Plan » à Ris Orangis. Ça se monte : il y aura des costumes de scène, un répertoire plus complet… J’aime vraiment la scène, c’est ce qui me plait le plus !

Mais là tu ne feras que chanter ?

C’est marrant que tu en parles parce que ça s’est fait naturellement, alors qu’on me dit que ça fera un peu bizarre de l’habitude. C’est une des premières fois depuis longtemps que je serai en « frontman », sans pouvoir me cacher derrière une guitare. Je serai directement devant le public et franchement ça me manquait.

Tu auras ta chemise d’ambulancier ?

Bien sûr !

Tu es la première sortie d’un nouveau label ?

« Tadam Records » ! Je connais Yann (Landry Ndlr) depuis 10 ans et on est toujours resté en lien. Au moment où je commençais à réfléchir à sortir ce projet, il réfléchissait à ce nouveau projet et comme on partage pas mal de valeurs, une énergie et qu’on s’aime bien on a décidé de bosser ensemble. Il a amené d’autres groupes. On est plusieurs à collaborer dans cette entreprise égalitaire qu’est « Tadam Records ». On a envie de créer quelque chose pour le public, un truc sans algorithmes, de proposer un nouvel espace dans l’industrie du disque.

En dehors d’être la première sortie, tu es le seul à chanter en Français ?

Pour l’instant ! Sur « Tadam » on propose beaucoup de « franges » différentes du rock ! Il y a du Grunge, du Psyché, du Progressif, un peu de Hard Core … C’est super de penser que le label n’est pas figé dans une esthétique très précise. Il y a un côté varié et pluriel qui est important. On espère inspirer d’autres gens.

Mais toi on est incapable de te mettre dans une case : tu as ta propre identité ?

Est-ce bien ? En fait, je n’ai jamais réussi à rentrer dans une case. Pour certains je fais maintenant du post punk. Tant mieux, parce que j’adore des groupes comme Joy Division , que j’ai repris en français. Il y a un côté boucle et transe qui peut y faire penser. Après j’ai un côté électro rock avec des grosses guitares que je ne quitterai jamais. J’aime bien décrire ma musique en disant que cela a un côté John Carpenter en vacances à Bagnolet (rires). Je préfère décrire ma musique avec des images.

Que penses-tu de la situation actuelle pour les artistes ?

C’est compliqué ! C’est l’horreur pour tous ceux qui dépendent de l’industrie du spectacle, de la musique et de la culture en général. Il faudrait que les choses se débloquent très vite. Heureusement les artistes sont créatifs et beaucoup ont pu proposer des alternatives mais rien ne remplace un concert et le fait de se voir, de boire des coups, de partager surtout … Rendez-nous la vie ! J’espère que quand tout va revenir il y aura pleins de propositions nouvelles. Il y a des gens qui tiennent le coup et qui continuent à se battre, notamment chez « Tadam Records ».

Il y a un album de prévu ?

Je prévois de le faire l’année prochaine. J’ai des compositions de côté, elles doivent un peu murir, il faut que les textes se fassent. Ce sont eux qui déterminent souvent la vie d’une chanson. Mais oui, j’aimerais beaucoup passer à la vitesse supérieure. J’ai fait beaucoup d’EPs dans mes anciens projets. Un album complet, même si ça ne me fait pas trop peur, c’est un peu nouveau chez moi. Je suis pour des albums assez « expéditifs », assez courts. J’aime les albums « coup de poings » qui vont droit à l’essentiel.

Tu veux dire quoi pour la fin ?

Mangez des disques, mangez de la culture autours de vous. Soutenez les artistes : ce n’est pas Spotify qui nous fait vivre. Portez-vous bien, tenez-vous mal et tenez le coup !

Quel disque tu donnerais à un enfant pour l’emmener à la musique ?

Les Beatles avec « Revolver » !