Seyes : Rencontre avec un duo de musiciennes

lundi 3 février 2020, par Franco Onweb

Cela a commencé par un disque dans ma boite aux lettres. Il y a eu tout d’abord cette magnifique pochette bleue qui appelait à la douceur et au calme. J’ai ensuite, juste posé le disque sur ma platine et là j’ai découvert un album où la beauté se mêlait au talent. Attention, ici on parle de musique, juste de musique …

Derrière ce nom, Seyes, se cachait un duo féminin qui s’était rencontré sur le projet Wax Tailor et qui en avait profité pour construire cette musique aussi belle qu’inclassable. Ce disque « Beauty Dies » est leur premier album : un album qui risque fort de devenir indispensable par les temps qui courent tant il se dégage un calme et une luminosité de ce premier essai. J’ai voulu en savoir plus et après quelques mails de présentation, j’ai posé quelques questions à ce duo épatant.

Pouvez-vous vous présenter ?

Marine : Je suis compositrice, flûtiste, DJ, pianiste, multi-instrumentiste.

Charlotte : Je suis chanteuse, auteure et compositrice. 

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(Seyes - Photo Nakissa Ashtiani)  

Quels sont vos parcours musicaux respectifs ?

Marine : J’ai appris la musique façon « tradition orale » avec ma mère Jacqueline Thibault, musicienne. Elle m’a poussé à inventer mes morceaux, raconter des histoires, improviser, jouer avec les sons des synthés et des boîtes à rythmes de l’époque. A utiliser la musique comme un langage, comme un voyage sans frontière entre soi-même, les autres et le monde. J’y ai trouvé refuge. Puis, j’ai intégré le conservatoire, tard. En parallèle, je jouais de l’électro en DJ et composais des lives de musiques électroniques. En 2007, j’ai intégré Wax Tailor où j’ai rencontré Charlotte. Après plusieurs albums solo, j’ai eu la chance de faire de la musique avec Gasandji, Hilaire Penda, DJ CLick, Alpha Blondy, et plein d’autres artistes rencontrés par hasard… Chaque rencontre est une école et beaucoup d’amour. 

Charlotte : Je suis autodidacte. J’ai toujours chanté, écrit et créé des mélodies ; le reste est une histoire de rencontres successives.

Comment vous êtes-vous rencontrées ?

Marine : Au sein de Wax Tailor, en 2007. 

Charlotte : En résidence plus précisément, avant de se lancer dans une longue tournée de Wax Tailor.

Comment s’est formé votre duo ?

Marine : Un été en vacances, nous nous sommes amusées autour d’un piano et nous avons composé le morceau « Beauty Dies ». C’était bon, alors on a continué.

Charlotte : Beauty Dies et d’autres morceaux sont nés lors d’une improvisation d’une trentaine de minutes qui a donné naissance aux premières compositions.

Quelles étaient vos influences à la création de votre duo ?

Marine : Il n’y avait pas spécialement d’influence. Nous étions chargées l’une et l’autre d’expériences. L’idée était plutôt d’écouter notre cœur, de se laisser aller à l’écoute l’une de l’autre pour voir où cela allait nous mener ! Nous avions envie d’expérimenter de nouvelles sensations, de perdre le fil pour découvrir autre chose.

Charlotte : On ne décide pas de mettre telle ou telle influence dans une création, c’est notre imaginaire qui nous a guidé, il a suffi ensuite d’y mettre des mots, et de le traduire en images.

Pourquoi ce nom ?

Charlotte  : SEYES est un mot miroir, un palindrome. C’est aussi le nom de l’inventeur du format a carreaux français, celui grâce auquel nous avons appris l’écriture ; quoi de mieux que prendre le nom d’un format pour mieux s’en affranchir ?

Avez-vous déjà assuré des concerts avec ce duo et si oui, lesquels ?

Marine : Oui, nous avons fait une dizaine de concerts, dont le premier fut sur une scène suspendue au-dessus d’une piscine (Hôtel de la Ville d’Hiver d’Arcachon). Le public bougeait et fermait les yeux. Les retours étaient intenses. Nous avons eu la sensation de partager une expérience forte avec le public.

Quelles ont été les grandes étapes de votre duo ?

Charlotte : Cette première improvisation, notre premier vrai concert à l’Hôtel de la Ville D’hiver d’Arcachon pendant lequel nous avons vu comment était reçue notre musique, la création de notre identité visuelle à travers notre premier clip réalisé par Nakissa Ashtiani et enfin, la sortie de notre 1er album “Beauty Dies”

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(Photo Nakissa Ashtiani) 

Comment cela se passe-t-il sur scène ?

Marine : Charlotte chante et déforme sa voix avec des pédales d’effets.

Charlotte : Marine joue du piano, des synthés, de la flûte, les chœurs, des machines, du pad.

Marine : Le feeling nous conduit, bien que les programmations nécessitent beaucoup de concentration.

Vous sortez votre premier album « Beauty Dies » : pouvez-vous le présenter (il a été fait où, avec qui et quand ) ? Qui compose ?

Marine : Il nous arrive d’enregistrer des improvisations piano/voix où la musique se dérobe dans l’instant. Puis nous l’organisons ensuite.

Charlotte : Nous avons composé en présence l’une de l’autre sur base d’improvisations et puis en s’envoyant des choses à distance, ce qui nous a permis toutes deux de nous mettre dans une bulle à toutes les étapes de la création. L’album est né de 2015 à 2019. Marine a tout produit dans son studio, et moi aussi, dans le mien. Nous avons demandé quelques Cors à Baptiste Germser et quelques agréments de batterie à Franck Amand, puis mixé et masterisé le tout par Blanka de la Fine Equipe.

Le titre de votre album représente assez bien votre musique : la mélancolie et la beauté. Qu’en pensez-vous ?

Charlotte : Bien sûr, il représente totalement notre musique, notre vision du monde. Tout ce que nous avons fait autour de cet album a été à la fois improvisé et totalement réfléchi. Prendre conscience du monde dans lequel on vit, et de son impermanence, c’est redonner un sens a la beauté.

Il y a une couleur dans votre album qui ressort c’est le bleu comme le blues ou encore la mer, Qu’en pensez-vous ?

Marine : Le bleu est une couleur contemplative, abyssale, spirituelle qui nous donne de la force pour créer de belles choses.

Dans vos textes vous alternez un côté poésie avec des références à Rimbaud ou Edgar Poe avec des situations plus « dramatiques » comme le Bataclan ou les migrants : pourquoi ? Est-ce toujours cette envie d’avoir ce côté doux et dur à la fois ?

Marine : Nous aimons rêver, nous évader pour pouvoir parfois tout oublier. Mais nous ne pouvons pas rester insensibles et nous taire sur ce qu’il se passe dans le monde. L’histoire des migrants est intolérable. On ne peut pas laisser mourir des gens ainsi et prétendre être une société humaniste. On ne peut pas laisser l’homme ravager la nature et faire souffrir les êtres vivants.

Charlotte : On peut parler de choses difficiles avec douceur, poésie, élévation. J’ai toujours aimé le contraste doux-amer, et il est toujours ressorti dans mes textes. Le reste n’est qu’un constat de ce qui nous traverse et nous blesse dans la société.

Parlez nous de vos visuels qui sont très réussis 

Marine : Les visuels ont été réalisés par Nakissa Ashtiani, la troisième et invisible dame de SEYES. C’est elle qui a d’ailleurs enregistré notre première improvisation alors que nous étions toutes les trois en vacances. C’est elle qui depuis le début, n’a cessé de nous encourager à produire cet album.

Quels sont vos projets ?

Marine : Composer de nouveaux morceaux, préparer notre concert parisien du 23 Avril au Hasard Ludique et développer notre live !

Le mot de la fin !

Charlotte : La fin n’est pas un concept bien exaltant. Tout est fluide, tout se transforme ; la beauté se meurt et revit en permanence, nous sommes des passagers plus ou moins conscients de notre voyage et de notre existence.