ALEXANDR , c’est d’abord une histoire d’amitié. Même si le groupe existe depuis 2016, on se connait depuis l’école. On a commencé ensemble la musique quand nous étions adolescents. On a d’abord fait des reprises d’Oasis dont nous étions archi-fans. Nous vivions tous dans un tout petit village d’Alsace, même si dans le groupe il y en a deux qui ont des origines anglaises. Moi mon père, vient de Liverpool, et ma mère d’Alsace. Stephen le chanteur est 100 % du nord de l’Angleterre puisque ses parents viennent de Leeds et de Manchester. On a donc toujours écouté de la musique qui venait de là-bas, sans pour autant renier ce qui a été fait ailleurs. On est monté à Paris avec l’idée de faire quelque chose dans la musique, tout en cherchant un job au passage pour payer le loyer.
(Alexandr de gauche à droite Nicolas Beyer, Stephen Fozard, Nick d’Arcy - Photo Astrid Karoual)
Donc vous existez sous ce nom depuis quand ?
Le groupe ALEXANDR existe depuis 2016. On est trois : moi, Nick D’Arcy à la guitare et aux synthés, Stephen Fozard au chant, et Nicolas Beyer à la basse. Mais en studio, on fait tous les trois un peu de tout.
C’est quoi vos influences ?
Ça brasse large ! Mais principalement des groupes du nord de l’Angleterre comme les Stones Roses , les Happy Mondays , Joy Division , New Order … On a aussi une grosse passion pour Depeche Mode . Sur la scène Française, on adore Etienne Daho ou les classiques de Mylène Farmer. On n’a vraiment aucun scrupule à aimer la pop mainstream y compris des trucs démodés comme Tears For Fears, qui est aussi une grande passion. Pour nous, l’important c’est surtout la mélodie.
Mais votre son c’est du « Baggy » comme on en faisait à la fin des années 80, surtout dans le nord de l’Angleterre.
Déjà, tu emploies un terme qui nous parle : le « Baggy ». Notre truc, c’est vraiment ça… On assume ce son qui est un croisement entre la pop et la dance. On adore les deux ! On l’a d’abord découverte avec Oasis et après on a écouté tous ces groupes qui les avaient inspirés.
Cette musique avait un côté social. C’était un peu « dansons avant la fin ». Il y avait un côté désespéré de la part de gens qui vivaient le chômage de masse, une forme de misère sociale avec des vies qui étaient souvent toutes tracées par avance notamment au niveau familial. Les gens du nord de l’Angleterre revendiquaient juste le fait de s’amuser avec cette musique. C’était une forme de révolte sociale. Vous assumez ça ?
(silence) Tout d’abord je suis entièrement d’accord avec l’analyse du côté social de cette musique. On l’assume mais on ne vient pas de là-bas et on n’a pas eu des enfances difficiles. Mais on m’a inculqué ces valeurs : mon père venait de la « working-class ». J’ai vu Liverpool dans les années 80 et cette détresse sociale mais aussi la chaleur des foyers qu’il y avait. C’est quelque chose qui est encré en moi. C’est pareil pour Stephen dont la mère est originaire de Manchester. C’est quand même incroyable de penser qu’on venait d’un tout petit bled à côté de la Suisse, avec des problèmes de frontaliers et nous, notre échappatoire c’était la musique. Non pas parce qu’on avait aussi peur du lendemain mais principalement parce qu’on se faisait chier ! C’est fou que nos deux mondes se soient croisés là-bas !
Tu viens d’employer le terme de « Working-Class ».Est-ce que tu penses que cette culture peut intéresser des français ? C’est quelque chose de très particulier la notion de « working-class », cette fierté !
Cette fierté, on l’assume dans le simple fait que nous sommes des anglais expatriés. Bon, on est un peu moins fiers depuis le Brexit (rires). Mais la fierté de cette « working-class » qui s’éclate tous les week-ends à travers le foot, la musique et les potes, c’est quelque chose de pur que nous n’avons pas en France. Ici c’est ridiculisé : c’est les beaufs qui trainent au PMU… En même temps entre un PMU et un pub anglais il y a un monde ! Il y a là-bas quelque chose d’inédit qu’on revendique.
Pour en revenir à votre musique, tu as cité New Order tout à l’heure : c’est votre principale influence ?
S’il fallait trouver un dénominateur commun ce pourrait être ça : ça brasse vraiment tout ce qu’on aime. Bon, il y a aussi les Smashing Pumpkins (rires) mais cela n’a rien à voir musicalement, même si Billy Corgan est un grand fan de New Order et que les deux groupes ont fait une tournée ensemble.
Vous avez tout de suite eu ce son : cet équilibre entre les boites à rythmes et les guitares ?
Oui, à la base on avait un groupe de « Brit-Pop » mais rapidement cela nous a lassé et on est parti collaborer sur d’autres projets. Moi par exemple, j’ai tourné avec Adrien Viot qui avait un projet qui s’appelait AV en 2012. C’était la scène Cold Wave. On a fait des premières parties de Daho, on a aussi joué avec La Femme sur quelques dates… J’avais rejoint le groupe pour faire des synthés et des « loops »sur scène. J’ai pu ainsi découvrir un courant musical que je connaissais peu… Comme ça, on a pu commencer à écouter d’autres trucs et puis comme on habitait Paris, on était exposé à pleins d’autres choses comme la scène électro. On a donc eu une convergence de pleins trucs : on a gardé notre amour pour la scène pop et on y a injecté beaucoup plus de machines. On a fait un truc plus contemporain. Il y avait des groupes qui faisaient ça au même moment comme les australiens de Jagwar Ma … C’est à ce moment-là, en 2016, que nous avons assumé le fait que nous étions un groupe de « Lads » qui aimait danser.
(Photo Astrid Karoual)
Mais votre truc, à la base, c’est de faire danser les gens avec des instruments ?
Oui, c’est l’idée. On essaye de faire en sorte que les gens passent un bon moment ! Attention, on n’a pas la prétention d’être des DJs parce qu’on n’a pas le métier ni la technique mais quand on balance nos« loops » on essaye de faire ça bien.
En 2016, il se passe quoi ?
On a fait un premier single dans la cave du pavillon où nous vivions en colocation. On avait installé un studio et un local de répétition. Quand on est sorti de notre cave, personne ne se souvenait de nous. Nous voulions revenir avec un truc complétement nouveau et avec un nouveau nom. On a eu quelques bonnes critiques qui nous ont encouragés. On a tout de suite proposé à des salles en Angleterre de venir jouer. On a réussi à faire 4 dates là-bas avec une apothéose à Liverpool, au « Zanzibar » qui est un club situé en plein cœur de la ville. Il y avait toute ma famille... C’était un grand moment ! On adore jouer là-bas. On va y retourner avec ce nouveau disque ! Les gens nous trouvent un côté un peu French-Touch. C’est drôle parce qu’en France on nous trouve un côté très anglais.
Vous avez beaucoup joué à Paris ?
Au « Supersonic » souvent. Je profite d’ailleurs de cette interview pour les remercier pour la qualité de leur travail. Sinon « le Pop In », « l’International », « la Loge » à Bastille… Le circuit habituel des salles de Paris.
(Alexandr en concert au Supersonic - Photo Dominique Ott)
Vous n’avez pas fait de grandes salles avec une belle première partie ?
Non, c’est compliqué pour nous : on est totalement auto-produits ! On fait tout nous-mêmes : on travaille juste avec une attachée de presse. On a un bon réseau mais pas de tourneur, pas de manager. On a fait notre disque tout seul : il est disponible sur les plateformes de téléchargement et en physique à nos concerts. On aimerait franchir un palier et ce, même si notre situation actuelle nous va bien.
Vous n’avez pas eu peur de tomber dans une forme de revival avec ce son « Baggy » ?
Non parce que pour nous c’est assumé : on a décidé de faire cette musique. Elle s’est imposée à nous ! C’est ce qui nous a bercés, c’est notre musique. C’est ce qu’on aime, ce que nous savons faire et franchement, si on nous qualifie de « revival » pour nous, ce sera un compliment. Surtout que maintenant on a la maitrise de nos instruments et on sait programmer des machines, ce qui n’était pas le cas quand on avait notre premier groupe, Masternova.
C’est une musique qui nécessite de savoir produire la musique en plus de maitriser parfaitement les instruments ?
Oui, c’est pas facile. On a appris sur le tas en découvrant le merveilleux monde du « midi ». C‘est toujours drôle d’entendre les gens dire : « il suffit d’appuyer sur un bouton et c’est parti ». J’ai juste envie de leur répondre que ce serait beaucoup plus simple avec juste une guitare acoustique et un ampli ! Un ordinateur, une boite à rythmes, tu dois savoir les programmer sinon ça ne donnera rien.
Pourquoi vous vous appelez ALEXANDR ?
On voulait juste un nom qui claque sans aucune référence historique. Ça sonne bien dans pleins de langue et il y a aussi un côté esthétique que j’aime beaucoup.
On parle justement de votre esthétisme : c’est très anglais comme démarche et il suffit de regarder votre clip ou vos photos pour voir que pour vous cela a de l’importance pour vous ?
Oui, on fait attention et on aime notre « look ». A l’heure actuelle, on est dans une époque plutôt urbaine que l’on aime. Les groupes que l’on a aimés, et qu’on aime encore, ont toujours fait attention à ça : c’est respecter ton public !
C’est pour tout ça que je n’arrive pas à vous considérer comme un groupe français !
On doit peut-être assumer que nous ne le sommes pas ! Le fait de vivre en France ne nous a pas aidés à nous considérer comme un groupe anglais. Mais contrairement à beaucoup de groupes français, il n’y a rien de revendicatif dans notre musique et on n’est pas dans le côté troubadour non plus. On est juste dans un imaginaire, un idéal qui est centré autour de l’hédonisme pur…
Vous revendiquez juste le fait de faire la fête et de s’éclater ?
Oui, c’est ça : boire, danser et s’éclater ! Ça c’est un truc de « lads » mais on a rien inventé : on a été biberonné à ça !
Et là, il y a un deuxième EP : « Surrender », avec un son très « Madchester », encore « Baggy » ?
Oui, c’est totalement voulu et assumé. C’est le nom d’un des morceaux du maxi. On l’a enregistré nous même et on l’a fait écouter à un de nos potes, Antoine Poyeton, que l’on connaissait d’autres groupes. Il travaille au studio « Motorbass ». Il adorait nos titres et il a bien voulu bosser avec nous. Il nous a proposé de co-produire le disque dans son propre studio.
Avant ce son « baggy », la scène indie pop était assez sombre et brutalement avec cette musique on a eu le droit de s’éclater, de danser… Vous allez reprendre ce message ?
On va essayer ! Mais oui, on a le droit de s’éclater, on peut danser et faire la fête. C’est quelque chose que l’on ne met pas assez en avant. On essaye de revendiquer et de décomplexer la fête. La musique c’est quelque chose qui doit être sérieux pour le songwriting mais quand on arrive sur scène il faut faire rêver les gens. Nos vies sont souvent chiantes et si on peut avoir une bulle d’hédonisme c’est parfait !
Vous ne mettez pas beaucoup en avant ce côté fête qui est à l’origine de votre musique ?
C’est vrai que l’on ne met pas assez en avant le côté fête de notre musique, mais on habite en France et contrairement à l’autre côté de la Manche il y a toujours ici une sorte de « gêne » à danser ou juste à s’amuser…
(Photo Dominique Ott)
Qu’est-ce qui vous manque pour aller plus loin ?
Je dirais un label indé pour nous filer quelques coups de pouce et surtout un tourneurpour nous faire tourner dans le pays, parce que le booking prend du temps et c’est une affaire de professionnels.
Vous êtes très présent sur les réseaux sociaux ?
Pour un groupe indé comme nous, la question ne se pose même pas en fait ! On n’est plus à l’époque de MySpace où on opposait les artistes traditionnels et les artistes 2.0.Aujourd’hui, la page Facebook a complètement remplacé le site web pour un groupe, Instagram c’est le book photo, Soundcloud le player audio, etc. On utilise aussi beaucoup Bandcamp pour la vente digitale parce qu’ils rémunèrent mieux les artistes.
Justement avec les réseaux sociaux vous pourriez vous construire un réseau pour aller jouer dans le monde entier mais on a l’impression que vous voulez rester en France. C’est bizarre par rapport à la musique vous faites !
C’est le syndrome de Stockholm ! (rires) Mais oui il faudrait que l’on s’internationalise de plus en plus.
Quels sont vos projets ?
Promouvoir l’EP faire des concerts et puis surtout, on commence à réfléchir à la suite… On aimerait vraiment commencer à travailler sur notre premier album après deux EP. On est tous « songwriters » donc on a beaucoup de morceaux en stock. Ce qui nous manque, c’est juste le temps et l’argent (rires) ! En plus, aujourd’hui, on commence à bien connaitre le home studio avec toutes les expériences qu’on a vécues. Maintenant, quand tu bosses avec un mec comme notre pote Antoine, c’est vraiment pour aller plus loin : il a une technique incroyable. On est capable aussi de faire les arrangements.
(Photo Dominique Ott)
Cela se passe comment sur scène ?
On est trois. On se connait par cœur, donc ce ne serait pas évident d’intégrer quelqu’un de plus et on n’en a pas envie. Par contre, sur certaines dates et en fonction des salles, on peut prendre un batteur mais concrètement on est le plus souvent tous les trois. C’est plus pratique, notamment dans la voiture quand il faut aller prendre le Ferry pour aller à l’Angleterre (rires).
De quoi parlent vos textes ?
Ils sont assez personnels, ce sont nos expériences, nos rêves, des histoires d’amour foirées ! « Surrender », par exemple, c’est l’histoire de ce moment où tu croises un regard et tu sais que derrière il n’y aura pas de suite… C’est essentiellement ça, mais il y a aussi une grosse dose de nostalgie !
Est-ce que ce n’est pas étrange de voir que vous faites une musique « revival » alors que pour des gens qui ont entre quarante et cinquante ans, c’était une musique avant-gardiste ?
C’est vrai que ça peut paraître étrange mais on a trente-cinq ans quand même ; on n’est pas vraiment très jeunes non plus ! Mais c’est un truc assez revival c’est sûr ! Par contre, le son et l’esprit sont actuels. La musique, de toute manière, c’est comme la mode, les trucs anciens reviennent toujours mais sous une nouvelle forme.
Vous n’avez pas envie de faire des remixes de vos titres et de vous lancer sur les pistes de danse ?
C’est quelque chose auquel on réfléchit de plus en plus : on connait beaucoup de gens dans le monde de l’électro qui pourraient nous faire ça ! Si ça intéresse quelqu’un qu’il nous contacte !
Quel disque tu donnerais à un enfant pour l’amener vers la musique ?
C’est chaud ! Je prendrais un truc anglais, les Beatles avec « Revolver » ou « Sgt.Pepper’s » ! Mon père me les a fait écouter très jeune et il était vraiment mal quand je suis passé à Oasis. C’était ma crise d’adolescence ! (rires)
En concert le 16 novembre à Paris au Supersonic -
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