Pouvez-vous vous présenter ?
Bonjour ! Je suis Clémence Landeau, la directrice opérationnelle du SMMMILE Festival, un festival hybride et engagé en faveur de la transition écologique, qui se tient au Parc de La Villette.
Mon rôle est de tout mettre en oeuvre pour que nous puissions offrir à nos publics une expérience puissante, intense et toujours colorée - notre mantra étant de créer un événement pop, bienveillant, enthousiasmant, où musique et engagement s’entremêlent avec harmonie. J’ai de fait pris la suite de Nicolas Dhers, l’un des co-fondateurs du festival qui occupait ce poste avant moi (et que j’épaulais jusqu’alors sur les pôles levée de fonds, programmation de notre cycle de tables-rondes & communication).
(Clémence Landeau - Droits réservés)
Depuis quand existez-vous ?
Le SMMMILE Festival commence à grandir, puisqu’il fêtera ses cinq ans en septembre 2020. La première édition du SMMMILE s’est tenue en 2016, et même si, depuis, la promesse du festival n’a pas changé, il s’est métamorphosé. Nous avons chaque année composé avec différents espaces du Parc de la Villette (Petite Halle, Trabendo, Halle Charlie Parker, …), et surtout, nous avons peu à peu étoffé notre “offre” pour créer une expérience immersive totale.
Quand doit avoir lieu votre événement le Smmmile Festival ?
La 5e édition du SMMMILE Festival se tiendra les 19 et 20 septembre, au Parc de la Villette. Nous animerons le péristyle de la Grande Halle de la Villette au travers d’un foodcourt 100% green (végétal et durable), d’ateliers de danse ouverts à tou.te.s, d’un espace lounge constitué de mobilier de seconde main, de plantes vertes et d’éléments créés de toute pièce à partir de palettes en bois, de DJ sets en continu et bien d’autre chose encore ! Nous serons également présent.e.s à Little Villette, avec qui nous travaillons étroitement pour mettre sur pieds un festival spécialement dédié aux plus jeunes et à leurs parents ; ainsi qu’à Boris Vian où nous vous donnerons RDV pour des conférences, des démonstrations culinaires de chef.fe.s sublimant la gastronomie végétale (Bérénice Leconte, Violaine Bergoin, Sébastien Kardinal), et bien sûr, des concerts solaires en soirée, comme SMMMILE aime les faire.
Quelles évènements que vous deviez organiser devaient avoir lieu et ont dû être reportés ?
Nous avions planifié un festival de trois jours et envisagé monter une partie de notre programmation musicale à l’Espace Périphérique, cette “bulle” mythique qui a par exemple accueilli (une partie de) Villette Sonique en 2019.
Nous avons dû revoir cet idéal, du fait du contexte actuel. Nous avons donc décidé de concentrer notre programmation sur deux jours et d’imaginer nos concerts dans des lieux que nos habitué.e.s connaissent déjà et qui sont plus proches des transports en commun, plutôt que de s’implanter sur l’Espace Périphérique, qui est magnifique mais plus difficile à travailler et plus lourd en termes de production.
Ce n’est pas un problème en soi, dans la mesure où nous n’avions pas encore énormément avancé sur la première configuration que nous souhaitions, et que nos publics ne seront pas impactés.
En revanche, la crise sanitaire actuelle impacte un travail invisible aux yeux des publics, et pourtant essentiel : celui de la levée de fonds. Il est effectivement aujourd’hui plus difficile qu’il y a quelques semaines, étant donné que les potentiels partenaires et sponsors sont désormais plus frileux à l’idée d’investir dans un événement qui, par définition, sera toujours soumis à des aléas que nous ne pouvons maîtriser. Nous nous estimons cependant chanceux.ses puisque notre festival se tient en septembre : nous avons le temps de sortir de cette crise sanitaire, ce qui n’est pas le cas de nombre de formats musicaux similaires qui ont lieu sur la saison printemps-été. J’en profite d’ailleurs pour exprimer tout mon soutien, au nom de SMMMILE et en mon nom propre, aux artistes, intermittent.e.s du spectacle, programmateur.rice.s, organisateur.rice.s de concerts et de festival - et toute l’économie qui travaille, d’une manière ou d’une autre, en collaboration avec le secteur du spectacle vivant. Ce-dernier est gravement impacté par le coronavirus et risque d’en laisser sur le côté, alors que c’est un milieu de passion, de conviction. Qui nous fait rêver, qui nous transporte. J’espère que les publics seront compréhensifs et que des dispositions seront prises par nos décisionnaires pour faire en sorte que le moins de personnes pâtissent de cette situation, sur laquelle elles n’ont aucune prise.
(Smmmile Festival - Photo Aurélie Gandoin)
Quelles sont les conséquences pour vous ?
A l’heure actuelle, la conséquence la plus notable de la crise sanitaire à l’échelle du SMMMILE Festival est la modification de notre organisation du travail, puisque le télétravail est appliqué et que le degré de réactivité de certain.e.s de nos interlocuteur.rice.s et prestataires nous amène à adapter nos ordres du jour, voire à nous pencher sur des sujets que nous ne prenons d’habitude pas le temps de considérer du fait d’un timing trop serré.
Comme dit, cela impacte légèrement notre travail de levée de fonds, mais nous avons le privilège de bénéficier de soutiens de taille - en premier lieu, La Villette, notre coproducteur, ainsi que nos partenaires historiques : Yogi Tea, KissKissBankBank, Enercoop - et de notre image différenciée, qui attire toujours de nouveaux acteurs en recherche de sens, aspirant à soutenir des projets tels que le nôtre. Je ne suis donc pas inquiète sur ce sujet.
Autre effet à double-tranchant : certains événements qui ont du être annulés puisqu’ils devaient se tenir pendant cette période de confinement, ou légèrement après, pourraient être reportés sur le mois de septembre, ce qui créera un “concurrence” à laquelle nous n’étions jusqu’à présent que modérément confrontée ; l’offre culturelle parisienne étant habituellement beaucoup moins riche en concerts à cette période de l’année. D’un point de vue artistique, les annulations et reports de date pourraient toutefois nous donner l’occasion de programmer sur le SMMMILE Festival des artistes que nous apprécions beaucoup, et qui, du fait de reports et / ou d’annulations de leurs dates sur la saison printemps-été, pourraient voir un intérêt encore plus important à venir sur notre scène ou à prendre le contrôle de nos platines.
Comment voyez-vous justement la suite ?
Nous allons poursuivre notre travail, encore et encore, animé.e.s par notre passion et notre volonté de contribuer, à notre échelle, à l’édification d’un monde plus beau - à la fois parce qu’il sera porté par la musique, mais aussi parce que nous en prendrons davantage soin, comme nous prendrons davantage soin les un.e.s des autres. Nous ne céderons pas (sauf si, bien sûr, cas de force majeure, nous étions obligé.e.s de reporter cette 5e édition sur ordre du gouvernement), même si c’est difficile - C’est notre manière, à nous, de résister. Pour nous mais aussi et surtout : pour nos publics.
(Ambiance au Smmmile festival en 2019 -Droits réservés)
Quelles sont les solutions que vous envisageriez pour relancer ton secteur ?
Au point où nous en sommes, je pense que seules des dispositions gouvernementales massives, à la fois conjoncturelles et structurelles (mesures ponctuelles de soutien financier, hausse des subventions publiques allouées au secteur, mise en place d’un fonds dédié aux cas de force majeure comme celui-ci, mesures de protection complémentaires à destination des acteur.rice.s qui font vivre le secteur du spectacle au quotidien…) seraient en mesure de limiter l’impact du coronavirus sur le secteur - même si, malheureusement, il est déjà “trop tard” pour que cet impact soit nul : des annulations de festivals ont déjà été annoncées. Connaissant l’équilibre fragile du secteur, j’ai peur que certains ne puissent pas se relever d’un tel choc.
Pensez vous que cela va permettre une nouvelle approche artistique et commerciale du monde du spectacle vivant ?
L’impact de cette crise sanitaire sur le milieu du spectacle doit nous amener à nous poser les bonnes questions : cela ne révèle-t’il pas, une fois de plus, à quel point ce secteur est fragile et manque, à ce jour, de soutien public suffisant pour vivre de manière sereine (et non pas survivre) ? Quelle offre culturelle souhaitons-nous pour demain, et comment lui permettre de se réaliser, quand nous connaissons la précarité qui lui est intrinsèquement attachée ? J’ose espérer que ce séisme permettra d’imaginer un nouveau modèle économique et (surtout) politique durable & équitable pour le spectacle vivant.
Le mot de la fin ?
Nous sommes convaincu.e.s qu’à la sortie de ce confinement, nous aurons tou.te.s envie d’oublier cette période, de célébrer nos retrouvailles. De vivre à nouveau. C’est pour cette raison que nous sommes encore plus motivé.e.s qu’auparavant pour que le SMMMILE Festival soit transcendant. Apte à dépasser et à atomiser la frustration que nous aurons pu ressentir pendant ces quelques semaines. En mesure de nous “libérer”, physiquement et moralement, de cette période plutôt surréaliste de nos vies.