Edith Nylon : Rencontre avec Mylène Khaski

mercredi 14 mars 2018, par Franco Onweb

« Edith Nylon c’est moi ! », c’est par ce slogan / refrain, qui passait beaucoup en radio, qu’une bande de lycéens parisiens apparut sur la scène française. C’était en 1979, un autre siècle, une autre époque … Après le déluge du punk la musique se re inventait : il fallait jouer vite, des morceaux courts, avoir l’air moderne et les Nylons (comme on les appelait) remplissaient tous les critères. Mais trois albums plus tard et un maxi le groupe jeta l’éponge : il fallait grandir. En fait Edith Nylon n’exista que le temps de la jeunesse de ses membres. Une jeunesse dont ils profitèrent à fond !

35 ans après sa séparation le groupe continue toujours à faire parler de lui. Alors que viennent de sortir en numérique les albums d’Edith Nylon, j’ai pu envoyer, grâce à Aram Kevorkian le clavier de la troisième et dernière formation du groupe quelques questions à Mylène Khaski, la chanteuse qui vit désormais à New York. Aram est aussi un des instigateurs, avec Laurent Perez l’un des guitaristes, de la ressortie du groupe en numérique. Qu’il en soit ici remercié pour avoir servi d’intermédiaire entre moi et Mylène Khaski qui s’est que très rarement exprimée sur Edith Nylon malgré l’engouement que le combo provoque encore. Une interview qui s’est construite sur ses souvenirs, avec l’aide de Aram et de Laurent. Attention à l’autre bout du clavier « Mylène Khaski, c’est elle ».

 

 

Qui êtes-vous ? Présentez-vous  :

Je suis Mylène Khaski-Scholnick, ex-chanteuse du groupe « Edith Nylon », je vis à New-York.

Quand s’est formé le groupe et qui étaient les musiciens ?

Le groupe se forme en 1977 à Paris avec Laurent Perez (Karl Mormet)/Basse, Zaco Khaski/Guitare, Albert Tauby/Batterie, Christophe Boutin/Guitare et moi-même, au chant et synthés.

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(Pochette verso du premier album - De gauche à droite : Albert Tauby (batterie), Zaco Khaski (guitare), Mylène Khaski (voix/synthés), Christophe Boutin (guitare), Laurent Perez (Karl Mormet) (basse) – Photo Jean Baptiste Mondino)

Pourquoi former un groupe en 1977 ?  

La mouvance Punk/New Wave lançait le message que tout le monde pouvait devenir musicien, nous étions tous des fanas de musique, Zaco, Laurent et Christophe étaient passionnés de guitare. Christophe jouait déjà dans un groupe de Bluegrass !

 Quelles étaient les influences du groupe au début ?  

Groupes favoris : les Clash, Led Zeppelin, les Rolling Stones, et tous les nouveaux groupes de la New Wave.

Comment se passent les premières répétitions et les premiers concerts ?

Répétitions dans une cave à Paris pendant plusieurs mois, premiers concerts dans des lycées, en Province, concours Hollywood Chewing Gum en Bretagne, et CBS qui nous y découvre.

D’où vient le nom Edith Nylon ?

Notre manager de l’époque nous a aidé à nous orienter vers ce nom, car notre première chanson parlait de femmes refaites de la tête au pied.

Comment allez-vous signer un contrat pour votre premier disque ?

Ça va vite, une fois repéré à ce concert en Bretagne, CBS nous fait faire des essais en studio, et nous signe dans la foulée. 

Le groupe va connaitre un début de succès avec le titre « Edith Nylon » : comment le vivez-vous ?  

Nous en sommes plutôt surpris, car nous n’avions pas vraiment planifié ce succès, et c’était forcément très excitant ! Nous avions entre 17 et 19 ans, des gamins quoi !

Comment se déroule l’enregistrement du premier album ?

 Tous les morceaux du premier album avaient été composés avant même que l’on puisse imaginer qu’on allait un jour les mettre sur un vinyle ! Ils sont frais, joyeux, ironiques et légers à la fois, et cela s’entend encore aujourd’hui, je trouve. L’enregistrement de ce premier album fut donc, pour tous les membres du groupe, comme un énorme gâteau d’anniversaire : on l’a dévoré à pleines dents !

Vous allez beaucoup tourner suite à ce premier album ?  

Oui, une belle tournée partout en France portée par un premier album qui avait été très bien accueilli, tant par les media que le public.

En 1980 vous allez enregistrer un deuxième album « Johnny, Johnny  » : comment cela se passe-t-il et d’où vient le titre de l’album ?

Forcément dans des bonnes conditions puisque cela se passe à Londres au Wessex Studio. On a le temps de bien travailler les morceaux, les arrangements et les mixes. C’est aussi au cours de cet enregistrement que Laurent et Zaco échangent leurs instruments. Laurent prend la lead guitare, et Zaco, la basse. Ce titre « Johnny, Johnny » ? Sans doute pour rendre hommage à une personne partie récemment.

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(Pochette de l’album Johnny, Johnny - De gauche à droite : Frédéric Noyé (claviers), Zaco Khaski (basse), Albert Tauby (batterie), Christophe Boutin (guitare), Mylène Khaski (voix), Laurent Perez (Karl Mormet) (guitare) – Photo Jean Baptiste Mondino )

Il y a dans le même studio les Clash avec qui vous allez bien vous entendre : pouvez-vous raconter ?  

C’était formidable, on a failli s’évanouir la première fois qu’ils ont traversé le studio ! Puis nous nous sommes rapprochés, Mick Jones a chanté les chœurs sur le refrain de « Johnny, Johnny », et nous avons traduit des chansons pour eux. Topper Headon a fait également quelques percussions… On a passé un mois ensemble. Puis revus à Paris lorsqu’ils ont investi Mogador pendant une semaine en 1982, il me semble.

https://www.youtube.com/watch?v=nWxJMu952Gs

Vous avez aussi un nouveau membre aux claviers sur cet album : Frederic Noyé ?  

Frédéric était un ami du groupe qu’il a intégré pour faire les claviers sur l’album « Johnny Johnny ». Mais à sa sortie, il a décidé de ne pas poursuivre l’aventure.

Sous quelles influences l’album est-il conçu ?

Influence clashienne évidemment…

Il y aura-t-il une tournée pour soutenir l’album, comment se passe-t-elle ?  

Très bonne tournée avec beaucoup de dates à travers la France, et les pays frontaliers.

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(Edith Nylon en concert au Palace à Paris en 1980 – Droit réservé)

A la fin de la tournée il y aura du changement de personnel ? Qui part et qui arrive ?

Les relations avec CBS étaient devenues tendues, ce qui aboutira à la fin de notre collaboration avec eux. Cela a forcément créé un peu de tension au sein du groupe, Albert et Zaco ont préféré arrêter. Laurent, Christophe et moi-même voulions poursuivre, sur d’autres bases, d’autres couleurs musicales. Nous avons proposé à Aram Kevorkian, un ami du groupe, de nous rejoindre, il avait un orgue avec une cabine Leslie, et ce son nous intéressait. Philippe Topiol était un jeune batteur dont nous aimions le jeu. Il nous a rejoint avec son guitariste qui devait tenir la basse, mais n’étant pas bassiste, nous somme allés chercher Frédéric Lemarchand qui fera la moitié des basses sur « Echo Bravo », l’autre moitié se fera avec Yann Le Ker, ex-guitariste de Modern Guy et ami de Laurent.

C’est un nouveau groupe ou partiellement qui enregistre l’album suivant : « Echo Bravo », pourquoi ce titre ?

On enregistre donc « Echo Bravo » à Rennes au Studio DB avec la formation citée ci-dessus. On y croisera même par hasard « The Cure » dans un bar avec qui on passe la soirée. Ils jouaient le lendemain, et nous ont invité à leur concert ! Les mixes d’Echo Bravo se feront à Paris au Studio du Chien Jaune. Pourquoi ce titre ? C’est une bonne question ! Je ne suis pas sûre d’en avoir la réponse, si ce n’est que cela fait référence au Code Alpha International…

Comment et sous quelles influences se fait le disque ?

Influences élargies, Clash toujours, mais psyché également.

L’album va sortir sur un label anglais « Chiswick », comment cela se passe-t-il ?

 Un tour de passe-passe entre notre éditeur et notre distributeur…

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(Pochette de l’album Echo Bravo, de gauche à droite : Aram Kevorkian (claviers), Yann Le Ker (basse), Philippe Topiol (batterie), Mylène Khaski (voix), Christophe Boutin (guitare), Laurent Perez (Karl Mormet) (guitare) – Photo Jean Baptiste Mondino)

Comment l’album sera reçu ?

L’album a reçu un très bon accueil critique, notamment de la part de Rock’N’Folk et Patrick Eudeline. Mais la promotion aura été le maillon faible de sa sortie…

C’est encore un groupe différent qui part en tournée ?

Non, la base est celle de l’album, Laurent, Christophe, Aram et moi, mais Yann parti à L.A., Christophe prend alors la basse pour cette tournée. Philippe Topiol pour une raison que nous avons oubliée, renonce à la tournée, et c’est Michel Abihssira qui tournait alors avec « Touré Kunda » qui tiendra la batterie.

Comment se déroule la tournée ?

La tournée est assez fun et roots à la fois, avec des très bons moments, comme à Fumel, Guéret ou Lyon. On a filmé toute cette tournée, en VHS, l’époque n’était, malheureusement, pas encore au numérique. Mais c’est une trace amusante d’une période.

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(Edith Nylon en concert, tournée Echo Bravo – Droit réservé)

Le groupe se dissout fin 1983 pourquoi ?  

Ce n’était pas facile de prévoir une carrière dans le rock en France, contrairement aux Etats-Unis ou à l’Angleterre. Etre musicien de rock ne rentrait pas vraiment dans la réalité sociale et culturelle française de cette époque, et nous n’avions pas envie de vivre en marge de la société. Je voulais reprendre mes études et j’ai pu rentrer à Sciences-Po assez vite. Nous avions donc perdu notre contrat avec CBS, et étions un peu déçus de toute la machine du show business français qui ne faisait pas suffisamment attention au rock français, et donc à nous. Une certaine presse aussi au lieu de se concentrer sur la musique et les paroles nous a critiqué parce nous aurions été trop clean (pas de dope !), voire trop intelligents ! C’est vrai que l’on préférait investir dans du matériel parce qu’on estimait que c’était notre outil de travail. Rien de dingue, finalement !

Quel regard jetez-vous, avec du recul, sur cette époque ?

Franchement, c’est formidable d’avoir pu monter un groupe, sortir plusieurs albums (3 plus 1 maxi EP), de composer, tourner et faire tous ces concerts à un si jeune âge !

Vous êtes réédités en numérique : comment, pourquoi et qu’est-ce-que cela vous fait ? Nous en rêvions depuis longtemps, et voulions que notre travail et nos compositions puissent être redécouverts, et s’inscrire ainsi dans le temps ! On peut désormais nous écouter partout dans le monde, et nous faisons partie prenante d’une certaine histoire du rock finalement.

Peut-on espérer une reformation ?  

Je ne pense pas, enfin rien de prévu a priori !

Le mot de la fin ?  

J’ai pris beaucoup de plaisir à réécouter les albums, ce que je n’avais pas forcément fait depuis des années… C’est vrai que c’était émouvant pour moi de le faire. La musique et les textes ont une énergie et une signification qui restent ancrés dans notre temps avec un certain nombre de thèmes abordés toujours d’actualité : de la Chine, aux dictatures en passant par les guerres de religion, des problèmes de société (famille, euthanasie, conditions de la femme, sites de rencontres, chirurgie esthétique…) à la recherche du futur… C’est intéressant également de constater que certains groupes d’aujourd’hui se revendiquent de notre musique, comme de celles d’autres acteurs de cette époque.

Liens pour accéder au catalogue digital d’Edith Nylon : 

https://legacyfrance.lnk.to/u6DEE
https://legacyfrance.lnk.to/SxXbz
https://legacyfrance.lnk.to/oaagf
https://legacyfrance.lnk.to/IR_H_