Ojard : Rencontre avec Maxime Daoud

vendredi 13 octobre 2017, par Franco Onweb

Maxime Daoud est Ojard ou plutôt il est l’âme de ce projet. Un projet aussi passionnant qu’attachant. Un projet qui mêle talent et simplicité avec une assurance …. tranquille ! Musicien, bassiste, pour des projets aussi différents que Forever Pavot ou Adrien Soleiman il a su trouver sa propre musique. Un premier album, « Euphonie », qui sort sur le label Contours en amène la preuve !

Un disque splendide et un parcours atypique, il n’en fallait pas plus pour que je branche mon magnéto devant un Maxime avec pleins de questions à l’appuis 

Je suis Maxime Daoud, j’ai trente ans et je fais de la musique sous le nom d’Ojard.

Comment as-tu commencé la musique ?

Mes parents étaient médecins et comme beaucoup d’enfants j’ai commencé la musique au conservatoire. Ma mère était mélomane, une grande amatrice de jazz, mon père était pianiste et mon grand frère est aussi devenu musicien notamment sous le nom d’Adrien Soleiman.

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(Maxime Daoud - Droit réservé) 

C’est lui qui t’a donné envie d’être musicien ?

Oui, je pense mais pour être honnête, j’ai commencé la musique comme on fait du sport : une activité du mercredi. J’ai commencé par la clarinette et à l’adolescence j’ai attaqué la basse électrique. C’était probablement dû à l’expérience de mon frère que je voyais évoluer dans le milieu du jazz et grâce à qui je fréquentais beaucoup de musiciens.

Tu écoutais quoi à l’époque ?

La musique des adolescents de mon âge : du hip hop et du R’n’B, mais la musique plus personnelle que j’écoutais était du jazz. C’était vraiment la musique que je partageais avec mon frère et deux, trois copains. Quand je me suis mis à la basse c’était pour jouer du jazz. Je dois avouer c’était moins la musique que l’instrument qui me passionnait. Au départ j’avais un rapport à la musique centré sur l’instrument et la pratique.

Tu jouais dans des groupes à l’époque ?

Oui, dans un groupe « Grindcore, » qui s’appelait Good Morning Bleeding city, une musique ultra rapide avec des voix criées. C’était avec des potes de lycée un peu plus âgés. On s’est fait un petit nom dans ce milieu. J’ai aussi commencé à jouer avec mon frère au cours de répétitions qu’il organisait à la maison. Y’avait pas toujours de bassiste pour les sessions et il m’arrivait de jouer ce rôle, pour dépanner…

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Revenons à ton parcours…

J’ai passé mon bac et j’ai fait des études de médecine mais sans jamais arrêter de jouer de la musique. Pour mon internat je suis parti en Suisse, au bout de un an je suis revenu et là j’ai eu des opportunités dans la musique. J’ai alors décidé de mettre la médecine de côté pour me consacrer à ça. Je joue avec mon frère mais aussi dans « Forever Pavot » avec Emile Sornin. J’accompagne Ricky Hollywood depuis peu et j’ai un duo d’ambient qui s’appelle Rodolph avec mon ami Romain Arnette. Je fais aussi régulièrement du studio pour différents projets.

Tu l’as connu comment, Emile ?

Emile écoutait du ‘’Grindcore’’ et il a tourné un clip pour mon groupe Good Morning Bleeding City parce que il nous aimait bien. Quand il a dû monter un groupe, il a cherché un bassiste. Il m’a appelé. Les dates ont commencé à se multiplier et c’est à ce moment là que j’ai mis de côté la médecine et que j’ai commencé à vivre de la musique.

Tu joues aussi dans le groupe de ton frère, Adrien Soleiman ?

Au début je ne devais pas faire partie de l’histoire, il avait une bassiste pour la tournée mais pour le premier concert au Point FMR, elle n’a pas pu venir. Il m’a appelé en urgence. Comme c’était un premier concert je suis devenu remplaçant à pleins temps (rires) !

Tu as joué sur leurs disques ?

Sur l’album d’Adrien oui mais pas sur le premier album Forever Pavot : Emile s’est débrouillé tout seul. Mais par contre je joue sur le prochain qui sort bientôt d’ailleurs (le 10 novembre chez BornBad Records).

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(Maxime Daoud - Photo Adrien Soleiman) 

Ce n’est pas compliqué de jouer avec son frère ?

C’est complexe. Il a été structurant pour moi dans mon parcours musical mais on a des manières différentes d’appréhender la musique : il est ’’frontman’’ quand il chante, soliste quand il joue du sax, moi je joue un rôle plus discret, je me mets au service de, je suis dans une logique d’accompagnement…Par le passé on a eu des frictions mais uniquement sur notre manière d’envisager la musique. Il y a eu des répétions tendues ! Mais pas pour son album. C’est son projet. Je le soutiens le plus possible en m’adaptant à ses codes et ses envies !

Et le projet Ojard ?

Le projet Ojard est né d’une série de morceaux que j’ai composés spontanément à un moment donné. Dans un premier temps il a été difficile pour moi d’envisager de leader un projet. J’avais pas l’habitude. Et en même temps je m’étais toujours beaucoup impliqué dans les projets où j’étais sideman. J’ai toujours été un sideman +. J’avais des idées musicales et Ojard m’a permis de les développer de manière autonome.

Tu composes à partir de quels instruments ?

Avec la guitare et le piano, parfois la basse mais c’est rare ! J’ai commencé à composer un répertoire qui commençait à avoir une vraie cohérence, sans la chercher d’ailleurs. Il n’y avait aucun projet concret, juste le plaisir de composer. Je venais juste de me faire opérer, j’étais en convalescence chez moi et je m’ennuyais. Je me suis mis au piano et ça a émergé comme ça ! C’était en 2014 !

Tu as tout de suite sorti un premier EP ?

Oui sur une cassette (rires), c’était pour moi une sorte de laboratoire ! J’avais cinq, six titres et tout le monde me poussait à les sortir. C’est mon ami Richard Frances, guru du label Hylé Tapes qui m’a aidé à faire le mastering cassette. Ce format me convenait, à la fois pour des raisons financières mais aussi pour l’objet que j’ai toujours aimé.

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Ce qui est incroyable c’est que tu as tout de suite défini ta musique ?
Oui, Contours (son label Ndlr), appelle cela de la musique discrète et j’aime bien ce concept. D’autres y voient de la musique de films des années 60, 70. Moi j’ai découvert cette esthétique musicale dans l’enfance avec « Les demoiselles de Rochefort » et la musique de Michel Legrand. C’est ma mère qui nous a montré ce film et on le matait en boucle avec mes frères. C’est une vraie madeleine de Proust pour moi ! Lorsque j’ai commencé avec Forever Pavot, Emile et Antoine, gros fan de librairie sonore et de soundtrack m’ont fait découvrir plein de choses dans cette veine. Dans le lot, y’a un truc qui m’a particulièrement marqué, c’est Basil Kirchin.

Ta musique peut avoir un côté très enfantin 

T’es pas le premier à me dire ça. J’ai fait un internat de pédiatrie et peut être que j’ai été influencé par ma proximité avec les enfants ! Aussi je suis assez nostalgique, je n’aime pas vieillir ! Je ne sais pas. C’est pas tellement recherché. Mon côté enfantin vient peut être des mélodies. Mon principe de base est de mettre la mélodie au centre de mon travail.

C’est le contraire absolu de tes modèles comme Coltrane ?

Oui et non, les mélodies de Trane sont hyper fortes ! Mais c’est vrai que la dimension soliste et improvisation est absente de la musique d’Ojard.

On peut parler de ton rapport à la musique classique ?

Oui. Je suis pas un érudit de la musique classique et j’ai qu’assez peu de références. Mais si je dois en parler, il y’a Erik Satie et notamment son concept de musique d’ameublement. Il était assez rebelle et avant-gardiste. Il voulait s’opposer à la conception traditionnelle de la musique classique avec ces grands orchestres et les états d’âme du compositeur ! Il voulait juste s’effacer devant la musique. Quand on écoute du Satie on est devant un panel d’émotions… J’essaye de faire de la musique qui n’est pas prescriptive, ma musique n’est ni joyeuse, ni triste … Je veux laisser à l’auditeur la plus grande liberté d’interprétation, d’imagination.

Tu as une vraie cohérence dans l’interprétation de tes mélodies. On retrouve souvent la flûte par exemple.

La flûte est arrivée dans le projet par amitié ! J’ai un vieux pote, Arnaud, qui joue avec moi dans Forever Pavot et qui jouait aussi dans mon premier groupe, celui de grindcore ! Quand j’ai commencé à composer, j’ai cherché un instrument mélodique. Il était là avec sa flûte et je lui ai proposé d’essayer. Arnaud est venu et a joué. Il y avait une vraie clarté qui allait bien avec le projet ! La flûte ne permet pas de jouer à des volumes sonores importants. Ca permet d’obtenir une forme de finesse qui fonctionne bien : on ne peut pas jouer trop fort !

Il y avait la volonté de créer un groupe ?

Oui, bien sûr, même si c’est moi qui ait écrit, arrangé et orchestré les titres, il y avait des gens autour de moi, je n’étais pas tout seul … J’ai eu besoin de cette dimension affective et rapidement des gens comme Arnaud à la flûte ou Pierre Antoine à la guitare ont joué un rôle important dans le groupe et sur le disque.

Parlons de ’’Euphonie, ton disque ?

J’avais lu ce terme quelque part, je ne me souviens plus où et j’ai tout de suite trouvé qu’il sonnait bien. Dans le Larousse, la définition c’est « la qualité des sons agréables à entendre ou aisés à prononcer », ça fait une belle mise en abîme ! Dans ma tête c’est un peu le contraire de la cacophonie. J’ai trouvé que ça collait bien à l’intention et au son du disque. A la volonté de faire une musique simple et bienveillante.

Tu l’as fait où le disque ?

Chez mon copain Pierre Antoine, qui est guitariste et ingénieur du son. On l’a enregistré dans son salon tranquillement, les gens passaient, on buvait des coups… Il y avait une vraie forme d’ouverture, pas le huit clos que peut parfois constituer un studio d’enregistrement, c’était cool !

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(Enregistrement de l’album de Rodolph, Maxime Daoud au fond - Droit réservé)

C’est pour ça qu’il n’y a pas de batterie, parce que c’est un disque d’appartement ?

Oui, mais c’est aussi un choix artistique : il n’y a pas de batterie mais du rythme, des percussions, une petite boite à rythmes, de la flûte … que des instruments assez doux !

Tu m’as fait penser à Durutti Column… 

Je connais un peu et effectivement on peut nous rapprocher pour la douceur dans les sons.

Peut-on définir ta musique comme étant de l’Easy listening ?

On peut mais je ne cours pas après le terme !

L’album sort fin Septembre ?

Oui le 29 septembre sur le label Contours ! J’espère qu’il sera bien reçu.

Tu le définirais comment ?

C’est une musique minimaliste avec deux, trois éléments qui amènent pleins de choses, qui ont de l’épaisseur. C’est un disque qui s’est construit avec l’expérience et le vécu, qui est sincère. Je peux l’assumer parce qu’il est intègre.

 

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(Pochette de « Euphonie », premier album de Ojard - Droit réservé) 

Quelles sont tes ambitions par rapport à ce disque ?

Essayer de le défendre au mieux.

Ta musique pourrait bien se marier avec de l’image, tu pourrais essayer de développer ça ?

On me le dit mais ce n’était pas le but à la base. Si cela arrive tant mieux, cela m’intéresse mais ce sera alors avec un autre projet. Ma musique existe seule, sans image, sans représentation et si je mets des images dessus, je crains de limiter l’imagination. Je veux vraiment laisser l’auditeur libre.

Quel disque tu mettrais à des enfants pour découvrir la musique ?

Je ne sais pas.

‘’Euphonie’’ ?

Ce serait prétentieux de ma part, mais pourquoi pas !

Ojard : Euphonie (Contours) 

https://ojard.bandcamp.com/