Stéphane Zelten ou comment faire danser les mots

mercredi 7 décembre 2016, par Franco Onweb

Faire chanter les mots ! Voici comment on pourrait décrire le travail de Stéphane Zelten. Depuis plus de vingt ans ce chanteur nomade fait rimer les mots sur sa musique et celle-ci prend une ampleur jamais égalée. Alors que sort son quatrième album, et qu’il s’apprête à monter à monter sur scène pour deux soirées exceptionnelles à paris le 18 et 21 décembre, j’ai discuté avec ce troubadour moderne pour mieux comprendre sa démarche. 

Comment la musique est arrivée dans ta vie ?

Tout vient du théâtre : je faisais des études de restauration à la Rochelle et je bossais dans des restos. Je me suis inscrit dans un cour de théâtre : « la Compagnie Maritime de Théâtre », principalement parce que j’avais une petite amie qui y était. J’avais 19 – 20 ans. Ce n’était pas une compagnie classique : il y avait beaucoup de chansons avec un pianiste et la directrice était une femme incroyable : Marie Ecorce ! Une figure de la Rochelle, je lui dois beaucoup ! ! On a monté beaucoup de cabaret, comme le cabaret Boris Vian et des spectacles avec de vieux trucs comme Maurice Chevalier ou Charles Trenet. La chanson est arrivée à ce moment-là.!

<https://www.youtube.com/watch?v=0bE...>

Quand tu avais 15 ans, la musique n’était pas primordiale ?

Si bien sûr, j’écoutais les Clash ou Bashung mais je ne pensais vraiment pas à l’époque à écrire des chansons !

C’est par le théâtre que tu as commencé à jouer de la guitare ?

Je gratouillais deux, trois accords depuis mes 17 ans… J’étais un peu dilettante sur le sujet ! En même temps je bossais dans la restauration et ça me prenait beaucoup de temps !

C’était comment la Rochelle à l’époque ?

C’était une ville assez jazz, du moins dans les endroits où j’allais !

Bon on fait LA question sur la Rochelle : les Francofolies, ça t’a inspiré ?

Oui forcément, quand tu as 20 ans et que tu n’as pas beaucoup bougé et que tu vois un tel événement dans ta ville avec des concerts de gens comme Jacques Higelin, tu prends forcément une claque et tu te dis : « j’ai envie de faire ça ! » et ça te donne envie de bouger !

<https://www.youtube.com/watch?v=F95...>

Et un jour tu montes à Paris !

Oui, suite à une rupture sentimentale. En même temps toute ma famille paternelle est du 20 éme arrondissement et j’ai grandi en banlieue Parisienne jusqu’à mes 9 – 10 ans. Mais je suis monté surtout pour changer d’air et découvrir autre chose !

Quand tu arrives à Paris tu commences à faire des chansons mais qui sont basées surtout sur des mots

Oui, c’est ça je me suis essayé un peu dans les cabarets, bon je me suis fait jeter (rires) ! Il y avait des auditions (rires) ! Et puis j’ai rencontré, par l’intermédiaire d’une fille qui était dans le management, un contrebassiste avec qui je me suis tout de suite entendu : il faisait déjà pleins de trucs ! On a monté un groupe « Guignol’s Band ». Je faisais des textes façon « Slam » et on improvisait de la musique dessus …

A cette époque tu joues dans beaucoup de salles Parisiennes, notamment au théâtre du « Tourtour » qui était le QG de « Mano Solo », c’est quelqu’un dont tu peux te sentir proche ?

J’ai toujours adoré ce mec. Bon c’est vrai qu’il avait des côtés plus sombres que moi mais quand tu écoutes ses lives ça joue super bien. Je l’ai redécouvert il y a deux – trois avec « Les Hurlements de Léo » quand ils ont fait leur album où ils le reprenaient : ils ont enregistré dans le même studio que moi à Rochefort et c’est clair je l’adore !

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(Photo Andre Herbrard) 

Avec le « Slam » on peut vraiment dire que c’est le théâtre qui t’a amené à la maison ?

Oui, c’est sûr que si je n’écrivais pas de chansons je ne ferais pas de musique !

On parle de Philippe Léotard ?

Oui ça a été une grande rencontre pour moi. Je travaillais avec un accordéoniste et puis j’ai rencontré les musiciens de Philippe Léotard quand je trainais dans les clubs de jazz. Ils m’ont annoncé qu’ils jouaient avec lui, je l’ai rencontré et j’ai pris une grosse claque : c’était vraiment intéressant ce poète écorché ! C’était entre 1992 et 1994.

A l’époque tu avais toute cette scène avec la Tordue, les Têtes Raides qui étaient assez proche de cette démarche …

Oui c’est vrai mais lui c’était vraiment différent ! Quand il te balançait « le Bateau Ivre » de Rimbaud accompagné à l’accordéon, c’était autre chose : tu étais vraiment ailleurs, c’était assez … « Space » (rires). Il disait des mots, lui aussi il faisait du « Slam » !

Mais c’est une influence que tu revendiques ?

Ça m’a vraiment marqué : son premier album « à l’amour à la guerre » on avait jamais entendu ça !

Mais tous ces groupes étaient d’anciens punks qui avaient découvert Léo Ferre peu de temps avant, toi c’est différent tu as un côté poète ?

Poète ça veut plus dire grand-chose : c’est un grand mot ! Ce qui est sûr c’est que c’est la découverte des mots qui m’ont amené à écrire des chansons ! La plupart des artistes commencent par jouer de la guitare et comme ils jouent bien ils se disent : « allez je vais me mettre à écrire des chansons ! » Moi c’est exactement l’inverse : les mots ont déclenché ma musique !

Que se passe-t-il entre 1994 et 2006 ?

J’ai commencé à tourner un peu. Je me rappelle d’un café-chansons, à Bastille « Le Café ailleurs » tout le monde passait là-bas, il y avait deux ou trois endroits comme ça ! en même temps je ne suis jamais rentré dans les assos, les mouvements … (rires)

A l’époque tu es à fond dans la chanson Française ?

Oui, je connaissais ces chanteurs comme Brel ou Ferre depuis super longtemps. Ce qui est bizarre c’est que à cette époque j’ai commencé à aller vers les chanteurs plus modernes contrairement aux autres qui faisaient le chemin inverse !

Genre ?

Le folk, la musique Anglo Saxonne comme « Van Morrison », « Dylan », « Léonard Cohen » … J’ai eu la chance de côtoyer pas mal d’Américains qui m’ont emmené vers ça et cela m’a beaucoup aidé pour composer ! Ça m’a nourri !

Ça se ressent dans ta musique où contrairement à beaucoup tu n’as pas besoins de rajouter pleins d’arrangements : tes chansons elles tiennent seules à la guitare ?

Oui, c’est le but ! Je me revendique comme un troubadour, il n’y a pas besoin de machine. Là par exemple pour un concert à Paris le 18 Décembre à Bellevilloise pour « le gala des artistes de Menilmontant » je travaille sur une chanson de Ferrat, franchement il y a un aucun arrangement superflu : une guitare et un accordéon ! Et ça reste magique !

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Bon on avance dans le temps en 2004 tu rencontres les musiciens de Christophe ?

Le groupe se sépare, j’ai végété un peu et puis j’ai rencontré Boodjie, un algérien étonnant qui m’a présenté un guitariste avec qui il avait travaillé sur l’album de Christophe (Gérard Cousin Ndlr) ! J’avais des morceaux plus personnels et on a fait ensemble mon premier album solo dans son studio !

Sur ce premier album ce qui m’a a marqué ce sont les textes : tu ne parles que d’amour, tu as un problème sentimental ?

(Rires) Oui il faut croire … Je ne suis pas doué pour écrire sur le bonheur en couple (rires) !

Il y a eu une tournée ?

Quelques dates et puis grâce aux Francofolies et surtout Jean louis Foulquier qui m’a programmé pendant une semaine dans son émission sur France Inter on a eu un écho et une écoute importante ! D’ailleurs je tiens à protester officiellement contre l’époque actuelle : il n’y a plus de médias comme ça qui permettaient à des artistes comme moi d’être écouté en radio !

https://www.youtube.com/watch?v=0-J36D8IEu8

Tu as joué aux Francos ?

Jamais dans le festival officiel mais j’ai fait les off. J’ai faillis signer deux fois sur un gros label mais deux fois cela ne s’est pas fait, de part mes origines et mon côté brun typé on me demandait (je me rappelle notamment d’un rendez-vous chez BMG ) de réarranger mes chansons d’une manière plus arabisante . Les directeurs artistiques des Major de l’époque étaient vraiment des gens étranges… (rires) 

Tu vas ensuite faire un deuxième album en 2011

Après le premier album j’ai eu des galères : appart, sous … Je suis revenu à la Rochelle et j’ai pensé à tout arrêter : je travaillais dans le théâtre, la régie … Et puis bon, j’avais ces chansons, je me suis dit allez vas-y !

Tu sembles moyennement satisfait de ces deux disques ?

J’’aime bien le premier mais le deuxième a été fait à l’arrache, sans budget …. Par contre on a fait des concerts sympas derrière ! C’est l’époque où je suis revenu à l’acoustique, j’ai exploré le côté folk avec le violon qui donne tout de suite une couleur originale

En 2013, un nouvel album arrive sur ton propre label

Oui j’ai voulu avoir ma propre structure ! Je me suis rapproché de « l’Autre Distribution » et vraiment ça l’a fait ! Avec cette structure qui depuis vingt ans distribue les artistes indépendants les plus créatifs de la chanson francophone ( de Agnes Bilh à Moriartry ) J’étais très fier de pouvoir travailler avec eux sur ce projet

https://www.youtube.com/watch?v=f7DXvZz8_LY

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C’est un album que je trouve très produit ?

Ah bon ! Peut-être ? Mais c’est un album qui a aussi une histoire : j’ai quitté la Rochelle pour Annecy. J’ai vécu cinq ans à la montagne. Tu sais je suis un vrai nomade, je voyage… Cet album a été fait là-bas avec des musiciens de Paris qui sont venus dans les montagnes ! C’était une autre ambiance !

Tu as beaucoup tourné après ?

Oui pas mal de premières parties, des festivals en France et en Suisse

On arrive à ce nouvel album de 2016 « A nos belles existences « que je trouve très beau, très dépouillé, pas d’ordinateurs …

C’est surement mon meilleur disque ! Il y a quelques séquences mais tout est joué , je voulais un album organique avec de l’âme et des instruments acoustiques.

https://www.youtube.com/watch?v=qxbX1cWwP5U

Il y a une énergie presque jazz, très élégante !

Merci, je suis d’accord (rires) ! C’est sûr que j’ai pensé à l’esprit de l’album culte ‘’ Astral Weeks de Van Morrison » sur ce projet et tout a été enregistré en live à Rochefort sur Mer dans un super studio idéal pour faire cela dans de très bonnes conditions .

Il y a « Matilda » le premier titre que je trouve super : une chanson assez belle et dépouillée

Pour ce disque j’ai eu des nouvelles influences, enfin des trucs qui sont ressortis maintenant : « Tom Waits » et le mélange de musique comme peut le faire un groupe comme « Lo’Jo » !

Tes origines Kabyles t’ont influencé ?

Non, pas vraiment : je n’ai pas baigné dans cette influence. j’ai été élevé à la campagne par mes grands-parents pur souche de vendéens et de charentais du terroir (rires )

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(Pochette de l’album "A nos belles existences" - Droit réservé) 

Tu as deux autres titres : « ma gueule »

C’est du swing manouche avec du dépouillement et de la sincérité ! Je dis, voilà c’est ma gueule et c’est comme ça !

Tu revendiques quelque chose avec cette chanson ?

Oui, ma gueule de métèque comme dans la chanson de Moustaki qui est la vraie influence de ce titre … Je revendique ma gueule de marin, de voyageur et de mec typé issu d’une mélange, c’est l’histoire de France tout ça … (éclat de rire )

L’autre titre dont tout le monde parle c’est « Maison de retraite »

Je suis peut être le premier à en parler et c’est épouvantable ces lieux ! C’est un problème que l’on connait tous à un moment nos vies. Suite à un événement familial J’ai écrit cette chanson en 20 minutes ! avec des frissons en pensant aux gens obligés de finir leur vies ainsi

Pour défendre cet album, tu dirais quoi ?

Sincère, honnête : j’ai vraiment essayé d’être moi-même ! Il n’y a pas d’artifice, je ne me cache pas derrière des tonnes de production. Les thèmes sont différents, j’ai beaucoup travaillé les textes … j’en suis très fier , je ne changerai pas un mot de cet album

Tu en attends quoi ?

Qu’il plaise au plus grand nombre évidemment ! Les retours pour l’instant sont plutôt très bons ! Je vais le défendre sur scène. J’ai un nouveau Tourneur pour cela, Blue Cave Music qui est chargé de monter la tournée sur 2017

Ça va se passer comment sur scène ?

On a commencé à cinq, puis à quatre, maintenant on est à trois. On a retravaillé le truc pour faire des arrangements à trois, j’adore la couleur du son entre la guitare et l’accordéon ! Il y a un super guitariste électrique et acoustique et un accordéon. On tourne en trio !

Tes projets ?

Tourner, le truc principal pour moi ce sont les lives le 18 décembre à Paris à la « Bellevilloise » pour « le gala des artistes de Menilmontant » avec comme parrain Christian Olivier des Têtes Raides et le 21 décembre toujours à la « Bellevilloise » pour le concert « Back in 1966 » avec comme parrain Pierre Barouh où je reprendrais du Brassens, un concert pour les artistes engagés. Après je veux que l’on bouffe de la scène !

 

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