Les Nus ou le retour des héros Rennais !

mercredi 16 mars 2016, par Franco Onweb

C’était le début des années 80. Le rock Rennais était au sommet de sa gloire, autours de Marquis de Sade, des groupes plus passionnants les uns que les autres éclataient au grand jour : Frakture, Ubik, Sax Pustuls et autres … Parmi ces groupes, un se détachait par son talent et son originalité : Les Nus ! Trente-trois ans après la sortie de leur premier album et de leur séparation, les Nus font leur grand retour sur la scène hexagonale. Pourtant ils n’en sont jamais réellement partis. Décryptage d’un groupe au talent immense qui a marqué pendant trente ans le rock d’ici. 

Rennes, fin des années 70, Christian Dargelos rentre de Londres. Là-bas, il a découvert le punk. De retours dans la préfecture de l’Ile et Vilaine, il fonde marquis de Sade avec le guitariste Franck Darcel et le batteur Pierre Thomas. Après un 45 t et quelques concerts il quitte le groupe pour divergences musicales. Il retrouve alors le guitariste Frédéric Renaud (ex MDS lui aussi). Ensemble ils fondent les Nus en hommage aux « Nus et les morts » le livre de Norman Mailer. En plus du duo de base, le groupe se renforce de trois musiciens, le batteur Alain Richard, le clavier Rémy Hubert et le bassiste François Conan.

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(Les Nus première période de gauche à droite François Conan, Alain Richard, Rémy Hubert, Fréderic Renaud et Christian Dargelos - DR

Dès le début le ton est posé : un chanteur possédé, à la voix exceptionnelle et aux textes littéraires, une guitare puissante, une rythmique qui claque et des claviers présents sans être omniprésents. Les premières apparitions du groupe déclenchent aussitôt des réactions plus que positives. Le rock à Rennes a trouvé ses nouveaux héros ! En 1980 ils jouent aux Transmusicales de Rennes et laissent le public sous le choc. A cette époque ils sont même filmés par la télévision où sur scène le groupe joue un de ses titres « Johnny colère » qui aura un rôle capital pour la suite de l’histoire. C’est Alain Maneval et son émission du samedi après-midi « Mégahertz » qui se chargera de faire découvrir les Bretons au reste de l’hexagone. Un grand frémissement né autours des Nus et la presse musicale soutient à fond le groupe.

Mi 1982, les Nus signent un contrat avec la major RCA et rentrent au studio DB de Rennes pour enregistrer un premier album très, mais alors très attendus. L’objet est lâché à Pâques 1983 et là c’est …l’hécatombe ! Le disque se fait « massacrer » dans la presse. Dans un article resté célèbre, le chroniqueur de Rock’n Folk Christophe Nick les descend à grands coups de « Ils se sont plantés » ou « un disque sans queue ni tête ». L’album souffre d’une production trop cheap et un son trop impersonnel. Les anciens chouchous de la critique deviennent des moutons noirs et après une tournée dans une indifférence, presque, quasi générale (dont une date à Paris au Bataclan avec le Gun Club), les Nus jettent l’éponge fin 1983. Christian Dargelos s’engage dans une carrière solo sous le nom de Dargelos (un 45 t chez Polydor) et Frédèric Renaud devient guitariste pour Etienne Daho, Dominique Sonic, Philippe Pascale et Alain Bashung. Il jouera aussi sur les titres de son compère Dargelos.

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(Pochette du premier album des Nus en 1983) 

Début des années 90, les Nus ne sont plus qu’un vague souvenir pour beaucoup mais les titres de leur album ont marqué par la qualité des textes de Dargelos et des musiques de Frédéric Renaud. Notamment du côté de Bordeaux ou quatre jeunes musiciens ont été influencès par le disque : ils s’appellent Noir Désir et ils vont rendre un hommage à la formation Rennaise. Dans les interviews que donne Bertrand Cantat, il ne cache pas l’influence des Nus sur sa musique et en 1992, les Bordelais contactent Dargelos pour lui demander le texte et la partition de « Johnny colère ». Ils sont à Londres en studio pour enregistrer un album qui fera date : « Tostaky ». Le morceau se retrouve sur l’album dans une interprétation personnelle.

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Un an plus tard, Dominique Sonic reprend à son tour un autre titre de l’album des Nus, « un signe des temps » et part en tournée avec Fred Renaud marquant ainsi son attachement au groupe. Ce sera ensuite Miossec dans des interviews qui rendra hommage aux Rennais, en précisant qu’entre lui et Bertrand Cantat le point commun était les Nus. A l’époque tout le monde s’attendait à la réédition de l’album mais celle-ci ne viendra jamais ! Les Nus étaient condamnés à être un groupe mythique, à la musique tranchante et aux textes exigeants, un groupe de référence pour des gens de goûts !

Début 2013, Jean-Louis Brossard, directeur et programmateur des Transmusicales a une idée : il propose aux Nus de se reformer pour un concert exceptionnel pour l’ouverture du festival Rennais en Décembre 2013. Quatre membres sur cinq, le chanteur Christian Dargelos, le guitariste Frédéric Renaud, le batteur Alain Richard et le clavier Remy Hubert acceptent la proposition. Le poste de bassiste est confié à Pierre Corneau, ancien bassiste des Marc Seberg (autre formation Rennaise de légende). Après quelques répétitions, les musiciens se prêtent au jeu et annoncent leur retour.

Mais le destin va encore frapper durement les Nus. Le 28 Juillet 2013, Frédéric Renaud est retrouvé décédé chez lui à Paris où il était devenu professeur de guitare. A l’époque, ce site était embryonnaire et le blog que nous animions rendra hommage à une figure légendaire de la scène Rennaise « http://buzzonwebb.blogspot.fr/2013/08/frederic-renaud-ou-le-deces-dune-legende.html ». En souvenir de leur guitariste, les Nus décideront de maintenir le concert. Ce sont deux guitaristes qui sont appelés à le remplacer : Dominique Sonic, l’ami, le fan éternel et Chris Gorgelin, autre proche du groupe.

Le destin des Nus va basculer le 4 décembre 2013 quand ils montent sur la scène de l’Ubu à Rennes. Le public est venu en masse pour réentendre ces morceaux que le temps n’a pas altérés. Dans la salle, on croise Denis Barthes (batteur de Noir Désir), Franck Darcel (fondateur de Marquis de Sade et à l’affiche le même jour avec son nouveau groupe Républik), le photographe Richard Dumas et surtout Etienne Daho. A la fin du concert, il se glisse dans les loges et propose son aide, à ses vieux copains des débuts, pour la production ou la réalisation d’un album. 

Au cours de l’année 2014, le guitariste Goulven Hamel (membre du groupe Rennais Santa Cruz, ancien guitariste de Miossec et auteur de plusieurs livres pour enfant sur la musique) prend le poste de guitariste et le groupe se met à répéter avec quelques concerts à la clé pour se roder.

 

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(les Nus en 2016 de gauche à droite Pierre Corneau, Rémy Hubert, Christian Dargelos, Alain Richard et Goulven Hamel – Crédit photo Xavier Dumas) 

Eté 2015, c’est au studio Cocoon que les Nus se retrouvent pour mettre en boite 11 titres qui deviendront leur nouvel album. A la fin du mois d’Août Etienne Daho déboule en studio pour produire le single de l’album « les années Reagan ». Interviewé à l’époque la star Rennaise insiste sur le fait que s’il travaille avec le groupe ce n’est pas par copinage mais uniquement parce que le groupe a des titres qui méritent de sortir. Il ira même jusqu’à conseiller Jean-Louis Pierrot, un de ses plus proches collaborateurs pour mixer l’album.

Voici enfin cet album, le groupe a décidé d’enregistrer des titres composés dans les années 80 et, qui pour huit d’entre eux, n’ont jamais été enregistrés. On retrouvera une nouvelle version de « Johnny colère » dont Dargelos dit lui-même que c’est LA version qu’ils auraient voulu produire sur le premier album. Le single, « les années Reagan » avec un Dargelos très en forme qui chante d’une manière souvent imitée, jamais égalée… « La danse des loups » et ses claviers façon Doors ou encore « les Marins » avec ses guitares puissantes. Un album où la musique évolue entre les Doors, les Rolling Stones ou autre Télévision. Un album où les références littéraires se bousculent : on passe de Genet à Becket en passant par Faulkner ou Burroughs. Un album splendide quoi !

L’album des Nus sort le 18 Mars, un jour à marquer d’une pierre blanche 

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