Panique à la banque : rencontre avec Olivier Marbot Interview

lundi 13 février 2017, par Franco Onweb

Et si désormais les aventures modernes se déroulaient dans les banques ? Et si les enquêtes policières ne se faisaient plus avec des détectives qui se promèneraient entre jeunes femmes affriolantes, bagarre aux poings et autres poursuites en voiture mais au contraire dans des bureaux fermés et des conseils d’administration ? C’est le pari que Olivier Marbot et le mystérieux L. Gordon ont fait !

Depuis quatre romans passionnants les deux complices ont réussi à nous faire oublier les vieux clichés du polar pour l’emmener vers de nouveaux horizons : la banque ! Une telle optique méritait quelques explications. J’ai donc pris rendez-vous avec Olivier Marbot pour éclaircir ce mystére banquier 

Olivier Marbot, journaliste, écrivain j’ai travaillé notamment à « Siné Hebdo » et à « la Mèche » que j’avais fondé… Je suis journaliste à « la Revue » un bimestriel qui dépend du groupe « Jeune Afrique » et j’écris des polars financiers.

Ça commence comment cette histoire ?

J’ai toujours voulu écrire des livres, si je suis journaliste c’est parce que je suis un fan de littérature.

Tu co-écris tes livres avec L. Gordon c’est qui ?

Ah, L. Gordon ! On donnera pas son vrai nom parce que il ne veut pas le donner : c’est un banquier à la retraite qui continue à faire un peu de conseil. Il a fait une longue carrière dans la banque. Il a 70 ans, il a beaucoup voyagé dans le monde entier pour les banques. Il a fini avec un très gros poste dans une très grande banque Française. .

Tu l’as rencontré comment ?

Il faisait des chroniques dans le journal où je travaille. C’est quelqu’un qui a toujours voulu écrire mais qui n’a pas eu le temps, l’opportunité… Il a écrit quand même durant sa carrière des livres d’économie, de finance, toujours avec des co-auteurs… Mais pas de romans et maintenant qu’il est à la retraite, il se déchaine : c’est un grand amateur de polars. Donc Je corrigeais ses papiers, on a commencé comme ça à travailler ensemble et selon lui, j’amenais des choses à ses écrits.

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(à gauche L. Gordon, à droite Olivier Marbot - Droit réservé) 

Les romans, ça a commencé comment ?

D’abord il a quitté mon journal en claquant la porte et comme on s’entendait bien il me dit qu’il aimerait bien continuer à travailler avec moi ! Il voulait faire des bouquins d’économie, de finance, ce genre de trucs… Bon, moi je n’y connais pas grand-chose là-dedans et voilà qu’il me dit « il y a un truc qui m’intéresserait plus ce serait de faire des polars », j’étais aux anges : c’était précisément ce que je voulais faire ! Il a ajouté : « j’ai déjà un truc, sur la chute de Lehman Brothers. En fait ce qui est sorti sur le sujet est pas terrible, j’étais dedans à l’époque et j’ai écrit dessus ». Il me passe son texte, je le trouve super intéressant mais pas top au niveau de la forme, donc je le réécris.

Tu veux dire que tout le scénario et l’intrigue étaient là ?

Oui tout, je n’ai pas changé grand-chose sur le fond, juste sur la forme !

Et ça continue toujours comme ça : il écrit et tu corriges en réécrivant ?

On a mis au point une méthode : il écrit un truc complet et je corrige derrière ! Sauf qu’avec le temps je prends de plus en plus d’espace : j’introduis des personnages à moi, on discute en amont … Dans le dernier par exemple j’ai écrit totalement un chapitre qui n’était pas prévu.

Et ça colle entre vous, parce que un banquier avec l’ancien rédacteur en chef adjoint de Siné Hebdo ?

Au début notre éditeur a joué dessus et ça a fait tilter des journalistes ….

Vous avez eu un éditeur tout de suite ?

Non, ça a été compliqué en fait. Durant l’été 2013 j’ai bossé sur le premier tome et puis à l’automne on l’a envoyé à tous les éditeurs de polars que nous connaissions ou du moins que nous avions identifiés ! D’abord aucun retour, on l’a fait lire à des gens de l’édition, à des gens autour de nous... Pour tout le monde un polar il fallait des cadavres épouvantables, des détectives, ce genre de trucs… Et nous on en était loin !

C’est vrai qu’il n’y a pas les codes du polar habituel ?

Oui on est loin des polars nordiques ou sud-américain mais pour moi à partir du moment où il y a un cadavre et une enquête c’est un polar ! On n’a pas forcément besoins d’un imper mastic et de chapeau !

Et donc vous trouvez un éditeur !

D’abord, on nous a répondu que franchement ce n’est pas ce qui se vendait à l’époque. Un livre sur une crise par un banquier qui l’a vécue de l’intérieur, ça peut se vendre mais le problème c’est que L. Gordon ne voulait pas signer de son vrai nom pour ne pas se mettre mal avec les gens avec qui il bossait ! C’était son choix. On a fini par trouver un éditeur, par le réseau de la presse satirique, qui ne faisait pas de roman à l’époque. J’avais écrit un papier pour un journal satirique (« Zélium » ) où je devais raconter la chute de Lehman Brothers avec l’histoire des banquiers qui ont été réunis par la FED pour décider de l’avenir de la banque !

C’est vrai cette histoire ?

Oui, ils leur ont dit : « on peut trouver un acheteur, probablement la Barclay’s, mais vous devez tous remettre au pot » et forcément les grandes banques américaines ont refusé. Ils ont dû s’en vouloir après ! Donc je raconte tout ça dans un papier et là, le rédac chef du canard où je publie l’article me dit « je connais un éditeur, qui est un peu militant, ça pourrait lui plaire, je vais lui faire suivre ». Et dans l’heure qui a suivi Alain Guillo, l’éditeur, nous a proposé de le sortir ! On était aux anges ! En même temps, dans un premier temps il a cru que c’était un document sur la chute de Lehman. Ce n’est qu’après, en ayant le manuscrit complet, qu’il a compris que c’était un roman. Mais il s’est lancé quand même.

Il est sorti quand ?

En juin 2014, bon retour de la presse dans l’ensemble, mais on a peu vendu !

Pourquoi un banquier écrit ça : il voulait dénoncer de l’intérieur un système financier corrompu ?

Oui et non ! Moi je voulais écrire un roman et raconter cette histoire, c’est en adéquation avec mes aspirations et mon passé : comment les banquiers ont foutu la merde ! Et lui, l’idée c’était plutôt de raconter objectivement ce qui s’était passé. Après, chacun lit le texte et il tire les conclusions qu’il veut ! L. Gordon pensait que les gens qui parlaient de tout ça racontaient beaucoup de conneries !

Tu penses que sa version est proche de la réalité ?

Oui je pense même, si pour lui ce n’est pas choquant la manière dont le banquier se sont comportés : on est pas sur la même ligne lui et moi, c’est un libéral, il se fout de la politique ! Pour lui la bourse c’est normal, le marché financier c’est normal …

Mais il n’est pas choqué par les escroqueries des banquiers comme Madoff ?

Si ça le fait chier ! Mais globalement il trouve que les gens qui parlent de la banque et de la finance dans les médias racontent des conneries ! Lui il veut raconter la « vraie histoire », bon c’est subjectif bien sûr mais il sait très précisément de quoi il parle.

Donc le côté dénonciateur ça vient de toi ?

Je ne sais pas si nos livres dénoncent ! On raconte juste de l’intérieur un système bancaire ! On raconte une histoire et chacun en pense ce qu’il veut ! Pour moi la conclusion est évidente : ils ont fait n’importe quoi ! L. Gordon, lui, il dit que les banquiers c’est comme toutes les professions : il y a des gens honnêtes, des escrocs, des opportunistes … Il veut juste faire passer ce message.

Revenons à la littérature : quelles ta plus grosse influence d’auteurs de polars ?

Manchette j’adore !

Mais tes livres c’est du polar ou du roman policier ?

Je ne sais pas, encore une fois on a pas tous les codes du polar mais pour moi ça ne veut pas dire grand-chose.

Autre point : pourquoi L. Gordon ?

C’est le nom d’un de ses grands pères.

Tu as donc essayé de transposer un univers à la Manchette dans un récit de banquier ?

Un univers je ne sais pas, j’ai juste essayé de faire rentrer des éléments de polars là-dedans : des coups de poings dans la gueule, un peu de cul, des poursuites en voiture … C’était pour qu’il se passe quelque chose parce que là c’était une suite de réunions de conseils d’administration, de comex… L. Gordon me disait : « mais ça se passe comme ça ! ». Ok, mais ce n’est pas tous les jours que on découvre un banquier mort dans son bureau… Et puis surtout, l’idée c’était de transposer, peut-être pas le style de Manchette, ce serait prétentieux, mais les théories qu’il a émises sur l’écriture de polar : les personnages qui se définissent par leurs actes, pas trop de psychologie… Bref ce qu’on appelle le style « behavioriste », comportementaliste.

Revenons à l’intrigue. C’est vrai ça, le banquier mort ?

Non ce n’est pas vrai ! Par contre tous les personnages du premier tome sont inspirés de gens que L. Gordon a connu ! Tu comprends alors ses réticences ! Par exemple le personnage central de la saga est quelqu’un qui a bossé avec lui pendant longtemps et qu’il aime beaucoup ….

A vous lire, on se dit que les grands escrocs sont dans les banques ?

Ouais, parce que si tu veux blanchir de l’argent sale tu es obligé de passer par eux !

Tu ne crains pas la comparaison avec Denis Robert ?

Non, on ne prétend pas faire de l’investigation : il n’y a aucun scoop ! On n’a pas fait parler des gens, on a juste essayé de raconter ça pour que le grand public comprenne comment les choses se sont vraiment passées, en sachant que c’est vrai parce que c’est un banquier qui l’écrit.

Le premier c’est Lehman Brothers, le deuxième c’est à « l’ombre du Führer » : quel titre !

Au départ, je n’étais pas chaud pour le titre (rires) ! C’est autour de la crise de l’euro, les dettes souveraines pour l’Irlande, l’Espagne … Le titre est comme ça parce que il y a des Allemands !

 

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(Droit réservé) 

Parce que il y a des allemands, il y a ce titre ?

Il y a un peu de néo-nazis, beaucoup d’histoire autour de l’extrême droite. Ça se passe au moment du sommet du G 20, l’adoption de la règle d’or où les allemands étaient très impliqués, avec Merkel qui voulait imposer une politique d’austérité, en vain ! On a ajouté à ça des familles allemandes liées à l’extrême droite, un peu de fachos français aussi… On s’est un peu lâché sur le sujet !

Votre théorie c’est que l’extrême droite Française et Allemande se sont entendus pour faire chuter l’euro.

Comme tu dis c’est une théorie ! Attention on parle de mouvement très violent, dangereux, très loin du Front National ! On a inventé un groupuscule très violent, qui peut ressembler à certains mouvements existant, mais imaginaire ! On voulait aussi évoquer une certaine extrême droite allemande qui n’en pouvait plus de l’Europe et qui voulait un rapprochement avec Poutine. Bon pour être honnête, on a aussi mis Führer dans le titre parce que selon mon co-auteur, ce genre de mot fait vendre. Ce n’est pas une blague !

Il n’y a pas un côté grand complot mondial complotiste ?

Pfff, le côté « on ne sait pas tout » c’est pas mon truc : nous, on raconte des trucs qui existent de manière vivante avec une intrigue vivante !

Vous dénoncez où vous vulgarisez ?

C’est plutôt de la vulgarisation et encore une fois chacun se fait son opinion. Moi la mienne est faite… Dans nos histoires les méchants sont des banquiers ! Il ne faut pas jeter tous les banquiers, il y en a des biens aussi (rires).

Le troisième tome c’est quoi ?

La Grèce, la crise grecque entre l’élection de Tsipras et le référendum. Pour comprendre cette crise, mon co-auteur se réfère souvent à la crise en Argentine : il y vivait à l’époque et il fait souvent le parallèle entre les deux. Il dit que la dette, ils ne la rembourseront jamais, qu’il faut la restructurer à 90 %.

Tu sais que c’est la position de DSK quand il était à la tête du FMI ?

Oui je sais et L. Gordon dit que la position allemande est intenable mais que jamais on ne trouvera une position commune parce que les 27 pays européens ne s’entendront jamais !

La France a tenté une opération de renégociation, Merkel était contre et les Grecs l’ont joué matamores !

Oui, c’est vrai, mais les grecs en prennent aussi plein la gueule avec un gouvernement de gauche radicale qui va contre ses propres valeurs !

Et c’est quoi l’intrigue ?

Notre banque, le Crédit National de France, a une filiale en Grèce, comme toutes les banques qui se sont précipités il y a 20 ans parce qu’il y avait pleins d’argent à faire avec l’aide de l’Europe. Donc le patron de la filiale locale se fait tuer dans ce contexte où on parle beaucoup de l’Etat Islamique. Parce que quand on l’a écrit, il venait d’y avoir les attentats de Charlie…

Vous avez rajouté l’Etat Islamique ?!

Oui, c’était la même époque, entre janvier et juillet 2014, il y avait des mouvements Islamiques qui montaient ! Je tiens aussi à préciser que dans ce tome il y a des scènes de culs (rires), trois ou quatre (rires).

Tu crois que là encore c’est du vécu ?

Je ne sais pas : mon co-auteur m’a dit qu’il s’était documenté (rires)… En tous cas avant, moi, je rajoutais des bagarres, des courses-poursuites, et là quand j’ai reçu le texte je suis tombé des nues ! (Rires) J’ai même dû supprimer une ou deux scènes de cul, c’était trop ! (Rires)

Donc vous plaquez une intrigue sur une histoire réelle ?

Oui, c’est exactement ça ! Nos banquiers ne sont pas des criminels : ils font juste des grosses conneries qui sont vraies… acheter une filiale en Grèce par exemple ! (Rires)

Et maintenant le quatrième : le Brexit !

Ce qui est incroyable c’est que dès le jour des résultats, les Anglais ont eu l’impression d’avoir fait une connerie ! C’est un vote de colère !

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(Droit réservé) 

C’est quoi l’histoire ?

On venait, en juin dernier, de publier le dernier et on voulait un peu réfléchir à la suite, se poser : trois livres, une trilogie ça nous plaisait bien ! Seulement le 24 juin au matin L. Gordon m’appelle et me dit : « tu as vu, c’est énorme, j’ai appelé l’éditeur, on y va ! ». Dès qu’il y a une crise financière on doit faire un polar et là c’était assez énorme (rires) ! Il y avait les enjeux notamment autour de la City…

Et là !

Et là on a dû foncer, il fallait le sortir vite donc on a travaillé en parallèle sur deux mois !

Vous avez imaginé le scénario à deux : un banquier qui meurt ?

Tu as gagné : un trader ! Et là, on a écrit au jour le jour, avec les infos qui arrivaient quotidiennement. C’était chaud, on craignait un truc bancal !

C’est quoi votre théorie ?

L. Gordon pense que l’Ecosse va prendre son indépendance rapidement en emmenant les champs de pétrole du nord et que les Anglais vont faire une sorte de paradis fiscal sans avoir l’Europe sur le dos mais en perdant beaucoup d’avantages !

Il pense qu’il y aura une crise financière en Angleterre ?

On ne parle pas de ça dans le livre : tout se passe entre fin juin et fin août ! Et pour l’instant on ne sait pas s’ils vont mettre ça en place. C’est juste un beau bordel ! La grande différence avec les autres tomes, c’est qu’on a écrit sans aucun recul : l’histoire du Brexit elle s’écrit encore tous les jours ! Notre intrigue criminelle a un début et une fin sur une période précise et c’est tout ce que l’on peut dire !

Tu en es content ?

Oui, bon il manque peut-être un peu d’action. C’est toujours notre problème : ce sont des criminels en cols blancs !

Tu te rends compte que tu dénonces ces mêmes cols blancs ?

Non, on raconte juste ce qu’il se passe : on montre qu’il y a des mecs bien et d’autres non !

Ce n’est pas trop technique ?

Certains le disent ! Moi je ne le pense pas, quand on raconte les Conseils d’Administration, par exemple, on introduit un petit porteur qui se fait expliquer ce qui se passe.

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C’est quoi tes projets ?

Il y a plusieurs projets, certains avec L. Gordon toujours sur les banquiers. Bon maintenant on met beaucoup en avant l’intrigue policière et en plus on fait évoluer nos personnages et ça c’est cool, c’est super marrant ! J’ai un projet avec un autre co-auteur avec qui je bosse au journal mais on n’a pas d’éditeur ! Et moi j’ai des projets vraiment perso sur des histoires que j’ai vécu en fac, à l’armée…

Tu ne veux pas les adapter à l’écran ?

C’est le rêve de L. Gordon : une adaptation en feuilleton… Ce serait assez chouette mais ça coûterait cher en costume (rires) 

Panique à la banque Tome 4 : Some more Brexit 

L. Gordon et Olivier Marbot 

Ed : Les points sur les i

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