Rencontre avec Mathieu Insa, chanteur de Po Boy

mardi 7 juin 2016, par Franco Onweb

Attention talent ! Voilà comment j’ai envie de présenter Matthieu Insa et son groupe Po Boy. Un groupe unique en France qui a su trouver ses racines dans le blues funky de la Nouvelle Orléans, une musique aussi excitante que dansante. Après un parcours classique Mathieu Insa a su trouver et développer sa formule. L’écoute de son premier cinq titres m’avait emballé, j’ai décidé d’en savoir plus.

J’ai donc rencontré Mathieu , un soir dans Paris juste avant son départ pour New York où il doit enregistrer ses nouveaux titres pour son premier album prévu à la rentré. Il m’a raconté son parcours, ses ambitions, ses influences et surtout ses projets. Ce type est grand, je vous le garantie ! La preuve ? Juste en dessous 

Je suis Mathieu Insa, chanteur de Po Boy. Je viens de Toulouse, une ville qui a une belle tradition musicale avec des groupes super comme les groupes Occitans (les Fabulous Troubadours et consort Ndlr). J’ai commencé par la guitare, et pourtant je ne viens pas d’un milieu musical

Tu ne viens pas d’une famille de musiciens ?

Mes parents n’étaient pas du tout mélomanes ! Mais quand j’ai eu 11 ou 12 ans, ils ont trouvé que ce serait bien que je fasse de la musique. Le piano c’était compliqué : trop gros, trop encombrant et donc j’ai choisi la guitare. C’est plus léger ! (Rires) Au bout de deux ou trois ans de guitare classique, j’en ai eu marre du côté classique et là j’ai commencé à découvrir des trucs de mon âge de mon époque comme Nirvana ou Noir Désir, Soundgarden, Tool …

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Whaou, de la musique assez … lourde !

Ouais j’aimais bien, et puis j’ai commencé à chercher les racines de ces groupes ! Grâce à ça je suis devenu super fan de Led Zepplin. C’était un super groupe avec des musiciens exceptionnels ! Quand tu commences la musique et que tu essayes de jouer ta musique, c’est un groupe fascinant ! J’avais un trip quand mes parents n’étaient pas là je mettais la chaine à fond et j’écoutais ça en tripant

Tu es toujours fan de Led Zep ?

Il y a des périodes de ta vie ou tu es fan et à mon âge je ne suis plus fan, et ça me fait chier ! J’adore découvrir des trucs sur scène mais je suis triste de ne plus avoir cet état d’esprit.

La techno cela t’a marqué, parce que c’est quand même la musique de ta génération ?

Je suis passé à côté total, j’aimais bien Daft Puk, un peu Saint Germain mais après j’ai eu une longue période Hard Rock. Je sais ça ne se voit pas trop dans ma musique mais j’aimais vraiment ça. Ce qui est super quand tu es fan c’est que quand tu découvres un groupe tu veux découvrir tout leur univers ! Mais tu peux aussi passer complétement à côté de trucs, par exemple dans mon cas je suis passé totalement à côté du hip hop…

https://www.youtube.com/watch?v=OBKo4X49uRE

D’autres groupes ou artistes dans ta jeunesse qui t’ont marqué ?

Deep Purple ! Mais l’époque avec Ritchie Blackmore, un grand technicien et des mecs qui savent faire du riff, trois notes ! Mais c’est parfait !

Tu ne cites rien des années 60

J’ai été fan des Stones, mais bon je suis un peu déçu parce que le groupe continue et souvent ce n’est pas terrible !

Comment deviens-tu musicien professionnel ?

Assez vite j’ai compris que j’adorais jouer de la guitare et que cela pouvait devenir un métier ! J’ai d’abord commencé par faire des groupes à Toulouse. On jouait des reprises, et puis à 20 ans je suis allé à Nancy faire le MAI à Nancy ou j’ai rencontré pleins de monde : des artistes, des musiciens ….

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(Po Boy en concert au Zèbre de Belleville, droit réservé) 

Ça a du beaucoup t’ouvrir sur d’autres musiques ?

Oui, là-bas j’ai d’abord beaucoup écouté de jazz, du be bop … J’aimais beaucoup Don Cherry, Miles Davies. Et puis j’ai commencé à plonger dans le blues. J’ai beaucoup travaillé les grands guitaristes de blues et de blues rock : Santana, Blackmore, Page …. A la suite de ça j’ai découvert les vieux bluesmen : Robert Gordon, BB King, Muddy Waters … Il y a un guitariste qui me fascinait c’est Stevie Ray Vaughan ! Je sais bien qu’aujourd’hui il est passé de mode mais à mon époque c’était monstrueux : il était fascinant ! J’ai vu sa statue à Austin !

Tu connais le blues moderne, celui de Nick cave, du Gun Club ou de Calexico ?

Je connais mal, à part Nick Cave ! Moi j’adore les vieux blacks genre Patty Labelle. J’aime le blues qui pue, celui de Robert Johnson celui du vaudou. J’aime ce qui vient du Missippi comme, Doctor Johns (la légende de la Nouvelle OrléansNdlr ) qui est une de mes principales influences !

Tant que l’on parle de tes influences, je pense que tu dois être un fan de Curtis Mayfield

Oh merci ! Effectivement j’adore mais je ne pensais pas que c’était aussi flagrant ! Effectivement si tu me demandes mes deux principales influences du moment et dans la musique de Po Boy, je te dirais Curtis Mayfield et Doctor Johns ! Ah et puis aussi et surtout les Doors !

C’est bizarre, tu ne parles de aucuns groupes Anglais de pop des années 90, tu es aussi passé à travers ?

Là par contre, ce ne sont pas vraiment mes influences ! J’ai écouté un peu les Smiths ou les Cure mais dans l’ensemble cela ne m’a pas vraiment emballé. J’aime bien Blur pourtant mais je trouve ça trop pop à mon goût. Le seul groupe anglais que j’ai vraiment écouté c’est les Clash !

A t’écouter on a l’impression que tu as rencontré vraiment ta musique aux USA ?

Ah oui vraiment, tu sais c’est un peu cliché mais c’est vrai : quand tu arrives à la Nouvelle Orléans, tu as de la musique partout. Tu vois des mecs partout avec des guitares. Je vais d’ailleurs aller travailler aux USA pour faire mon disque.

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(Pochette de l’EP de Po Boy, droit réservé) 

Tu penses qu’ici ce serait moins bien ?

Tu prends le cas de mon EP, je l’ai fait moi-même ici ! Il est bien, j’en suis content mais je l’ai fait en grande partie chez moi, tout seul ! là je pars bosser avec un réalisateur à New York : Fred Rubbens ! C’’est un type qui sait faire sonner et comme il est à New York et bien j’y vais ! En même temps là-bas je vais bosser avec des musiciens locaux, c’est un peu dur pour mes musiciens, mais bon…. Les mecs avec qui je vais enregistrer à New York, ils sont assez ouverts pour te faire des propositions. J’aime aussi le son de New York.

On revient à ton parcours ! A 20 ans tu as ton diplôme et après ?

Je monte à Paris et entre deux boulots alimentaires j’ai essayé de chercher mon son. En 2009 j’ai même refait une année complète de musique pour m’améliorer, pour essayer de trouver mon son. Quand tu sors de ces écoles c’est dur de trouver ta personnalité. Assez vite en plus j’ai commencé à faire des séances de studios, à être musiciens pour d’autre. J’ai aussi fait pas mal de musiques de films, des séries … … Cela devenait compliqué à trouver sa propre identité musicale. Et puis un jour j’ai rencontré un mec avec qui j’ai fait un groupe : Aribo !

C’est à cause de ça que tu as beaucoup voyagé ? Pour découvrir la musique ailleurs parce que tu as un peu l’image d’un musicien voyageur.

J’avais du temps entre deux séances de studios, comme je gagnais un peu d’argent j’arrivais à partir, à voir comment était la musique ailleurs : en Afrique, en Amérique Latine et puis aux USA : Austin, la Nouvelle-Orléans ….

https://www.youtube.com/watch?v=z1aWMMnnrpc

Ne nous dispersons pas ! Donc tu fais Aribo, qui est un groupe qui est musicalement super loin de ce que tu fais ?

Disons que je me mettais au service du chanteur ! J’étais plus un mélodiste avec tout ce que cela comporte ! C’était très chanson Française : on a même repris du Brassens mais je me sentais à l’aise avec ce groupe ! On était deux personnalités qui venaient de deux univers différents (rock, blues pour moi et lui du Hip-Hop) mais ça a bien fonctionné !

Ça s’arrête pourquoi ?

Il y a eu un moment de flottement, on ne faisait plus grand-chose. Je n’étais plus intermittent et donc il a fallu que j’aille bosser. Je suis rentré à la cité de la musique où je m’occupe toujours des ateliers. Je me suis cherché un peu, c’était une période de flottement … J’ai même fait une série de concerts en Bretagne tout seul sous le nom de Aribo. Et à la fin de cette tournée, j’ai compris qu’il y avait un truc qui collait plus, alors je me suis lancé dans le projet Po Boy ! J’avais déjà le nom !

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(Mathieu Insa en action avec ses guitares à la Philarmonie, droit réservé)

J’ai lu que c’était le nom d’un sandwich…

Oui, c’est le sandwich emblématique de la Nouvelle-Orléans ! C’est super bon et ça n’existe pas en France ! Il y a un vrai créneau à prendre. Si jamais ça ne marche pas dans la musique je me suis dit que j’allais l’importer ici. Je vais concurrencer les Kébabs, les burgers et les hot dogs (rires) J’étais super branché Nouvelle-Orléans : le nom était parfait !

Tu retournes souvent à la Nouvelle Orléans ?

J’y étais encore l’année dernière pendant trois semaines : j’ai des potes là-bas, mes endroits, mes bars ….

La culture Française est encore importante là-bas ?

Moins, beaucoup moins mais si tu sors de la ville et que tu vas vers Lafayette tu rencontres encore des Cajuns qui parlent Français, surtout les personnes âgées ! Il reste encore des « vestiges » de cette culture, par exemple tu as le « Zideco », un mélange d’Anglais et de Français, une musique avec du violon à fond : c’est épouvantable ! ‘(rires)

C’est quoi le son actuel de la Nouvelle Orléans ?

Beaucoup de Brass band, de blues, du jazz …

Il y a beaucoup de lieux pour jouer ?

Oui vraiment, moi par exemple j’ai des endroits emblématiques comme le « Spotcat » ou le « Oneyadjack » : un tout petit bar avec un piano. Un endroit tout petit mais avec une vraie ambiance, il y a un vieux piano, avec des vieux bluesmen qui jouent. Pour moi, la Nouvelle Orléans c’est cette ambiance !

https://www.youtube.com/watch?v=75r8LKmZPQA

Tu ne t’es pas senti décalé là-bas ?

Au début c’est clair : tu as l’impression d’arriver sur une autre planète mais moi je m’y sens bien !

Le blues, c’est la musique du Vaudou, surtout à la Nouvelle Orléans ?

On a une image ici assez stéréotypée du Vaudou : le diable, les sectes … Alors que pas du tout c’est juste quelque chose de spirituel. Mais dès que l’on parle spiritualité les gens fuient, alors que le blues c’est juste une musique spirituelle, limite une musique religieuse…

Pourquoi tu n’enregistre pas à là-bas ?

J’ai fait quelques trucs là-bas ! Un de mes rêve serait d’enregistrer un live dans un de ces clubs ! Ce serait énorme ! D’ailleurs la plupart de mes morceaux ont été composés sur place ! C’est quand je suis rentré, il y a deux ans, que j’ai décidé de monter une équipe : mon groupe !

Tu nous nous présentes les musiciens ?

Il y a le dernier bassiste de Aribo, : Eric Mouchot, ! Un mec super qui est crédité sur mon cinq titres. Un mec avec des lignes de basse super funky : c’est un gros fan des Red Hot Chili Peppers ! Sandra Derlon à la guitare qui a joué avec beaucoup de gens côté genre Florent Pagny et puis il y a Kaloo un vieux pote à moi qui est un super batteur. J’ai eu un super feeling avec lui dès que je l’ai rencontré mais Il est super pris, il joue avec pleins de monde !

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(Po Boy en concert à Paris Avril 2016, droit réservé) 

Tu gères tout ?

Je suis producteur, éditeur, manager et tourneur de ce projet et tout ça me prend du temps. Maintenant Po Boy est un projet jeune et il faut se débrouiller tout seul. J’ai constitué une équipe qui m’aide mais ça reste artisanal. Maintenant on est à un stade où l’on a besoins d’un vrai label pour avoir une vraie force de frappe par rapport aux médias !

Tu vas tourner ?

J’espère mais c’est vraiment compliqué ! Il me faut un disque, un vrai album. Je vais commencer à enregistrer à New York avec Fred pour ça. J’ai enregistré guitare voix à Paris et je vais essayer de trouver le son de la grosse pomme. Je pars deux semaines aux USA, je rentre le 18 et aussitôt on attaque la fête de la musique au château de Chambort

Au château de Chambort ?

Pas mal hein ? Ce soir-là il y aura plusieurs scènes autours du château et nous on doit assurer sur une de ces scènes ! Ça claque sur les bios non ?

https://www.youtube.com/watch?v=ii-1qF2isn0

Tu aimes la scène ?

J’adore ça ! Pour moi jouer c’est une façon de voyager, par exemple j’ai déjà joué au Chili et bientôt au Nigeria.

Au Chili ?

Oui j’avais convaincu un mec de l’alliance Française d’aller jouer là-bas, il y a cinq ans avec Aribo. J’ai envoyé les morceaux et ils ont adoré ! On est parti une fois et puis l’année dernière je les ai rappelés et zou il m’a dit de revenir. On est reparti pendant deux semaines.

Et alors tu as un public au Chili ?

On peut dire ça (rires) ! En fait on a joué dans des salles ou il y a un public d’habitué et moi j’adore ça. : Il faut convaincre ! Par exemple on est arrivé dans une ville qui s’appelle Conception, ils ont de ses noms ! On nous a mis dans un club avec trois ambiances différentes : on était dans la salle rock, la principale. A onze heures du soir il Il n’y avait personne et à minuit c’était bondé On a joué à minuit et quart et les gens se sont éclatés : c’était d’enfer !

Et après le Nigeria ?

Oui, grâce à Betty qui s’occupe du groupe avec moi, je dois dire que suis super excité d’aller là-bas !

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(Po Boy en concert, droit réservé) 

Tu vas où ?

On va jouer à Lagos, la capitale ! On joue au Shrine (la salle mythique de Fela Ndlr ) avec un groupe qui s’appelle Speed Caravan. La vieille on fera un concert dans un grand hôtel. Le problème est que on part à trois, il n’y a pas assez de budget pour que l’on parte tous ! Mais bon c’est génial ! On n’a pas beaucoup de temps pour répéter mais il va falloir que ça groove, parce que là-bas ils sont habitués à ça !

Avec tout ça Tu n’as eu pas envie de partir, de t’installer ailleurs ?

Parfois j’ai eu envie ! J’ai encore peur parfois de me retrouver coincé dans un système qui ne me convienne pas, que l’on ne comprenne pas trop ma démarche, que l’on me vende mal !

As-tu conscience qu’aujourd’hui il n’y a personne en France qui fait ta musique ? Personne ne qui joue ce blues funky comme toi en tout cas !

On me le dit ! Tant mieux mais bon ma musique n’a pas vraiment été préméditée …

Après tout ça c’est quoi tes projets ?

L’album est ma priorité ! Dans l’absolue je voudrai qu’il sorte à l’automne mais il y a encore beaucoup de choses à faire !

Un dernier mot ?

Heu, je ne sais pas, merci beaucoup et à bientôt ! Ça va comme ça ?