Jérôme Castel l’interview d’un enfant Indie Pop

mardi 19 janvier 2016, par Franco Onweb

Un dimanche soir de décembre dans Paris, un concert dans un appartement, c’est ma première rencontre avec Jérôme Castel. Il y a des situations plus compliqués ou plus complexe mais dans cette configuration intimiste, il offrit une prestation magnifique. J’ai voulu en savoir plus sur un artiste au talent assez exceptionnel et au moment où il s’apprête à sortir son premier EP et (probablement) à exploser, il nous a raconté quelques jours avant Noel son parcours. L’histoire retiendra que nous aurons été parmi les premiers, voici Jerôme Castel ! Retenez bien ce nom 

Ce que je sais de toi, tu viens de Bourg en Bresse.

J’y ai grandi avec un grand frère qui a 8 ans de plus que moi et qui écoute beaucoup de musique de hippies (Genesis, Yes, Pink Floyd...), du rock progressif mais aussi les Beatles et Joe Jackson. J’arrive à Paris à 15 ans, et je m’offre ma première guitare, une classique, et je commence à jouer tout seul dans mon coin.

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(credit photo Alain Astruc)

Et là tu découvres quoi ?

C’est la pleine vague du Punk français alternatif, je suis au lycée Lavoisier dans le 5e où cette mode fait un tabac, mais pourtant je me ne sens pas concerné : je commence juste à écouter du rock sixties. Les Who, les Kinks, Love, David Bowie, les Stones et toujours les Beatles.

C’est un quartier important à l’époque : c’est à côté des boutiques New Rose et Dancéteria qui vont jouer un grand rôle sur la scène Parisienne ?

C’est vrai, j’habite juste à côte mais je découvre ces boutiques assez tard ! Je suis vraiment le petit mec de province terrorisé par la capitale. Je n’écoute que de la pop sixties. Le seul groupe un peu contemporain que j’écoute en boucle c’est XTC, toujours la pop ! Comme mes goûts ne sont pas complètements affirmés j’écoute aussi ce qui passe à portée de mes oreilles : ça va de New Order à Paul Simon en passant par les Clash, Led zep et Hipsway.

Le premier concert important, enfin le premier pour lequel j’achète un billet, c’est Noir Désir à l’Olympia avec Dominic Sonic en première partie. Dans le même temps, je découvre le Velvet, Lou Reed...

Tu lis la presse à l’époque, pour t’aider dans ce cheminement ?

Adolescent, je lisais « Best » et « Rock’n Folk » à Bourg-en-Bresse, puis je découvre « Les Inrocks » qui vont me marquer, comme beaucoup ! J’achète enfin une guitare électrique et un petit ampli. Je joue beaucoup. Mal, mais beaucoup. Mes goûts commencent à s’affiner… La scène de Manchester éclate avec les Stones Roses, des groupes qui se revendiquent totalement de la filiation sixties, je me sens à l’aise avec tout ce mouvement. Alors que plus tard la vague Britpop me laissera indifférent.

Donc tu fais partie de la « génération Inrocks » ?

Je me suis construit avec eux. Entre 1988 et 1995, j’y ai puisé beaucoup de choses.

Et puis tu pars aux USA.

Oui, j’y découvre REM, les Pixies et Sonic Youth. Il y a là une énergie, une liberté, une écriture qui me parle intimement. De retour à Paris, je cherche frénétiquement tous leurs disques.

Sonic Youth est un groupe important qui a vraiment marqué des gens ?

C’était un groupe d’une grande liberté musicale. J’aime la manière dont ils font sonner leurs instruments, l’usage qu’ils font des open-tuning et des effets. Un groupe fin et intelligent, aux climats changeants. ça a été une vraie révolution dans ma vie de musicien.

D’autres bouleversements musicaux ?

La nouvelle scène française ! Dominique A, Miossec ou Katherine apparaissent, des types qui me ressemblent, qui ont ma gueule et qui chantent avec des mots que je comprends… Je découvre ensuite Bertrand Bestch et le label Lithium avec Diabologum, françoise Breut ou Mendelson. Les premiers albums de Miossec, Dominique A et Sylvain Vannot sont très influents pour moi car ils ont montré à toute une génération que les postures rock n’étaient pas obligatoires. Avant, le rock en français c’était pour moi Noir Désir, les Rita Mitsouko et Bashung, mais j’avais beaucoup de mal à m’identifier à eux. Et là tout d’un coup c’était possible : c’est cette scène qui va me forger.

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(credit photo KF studio157)

A l’époque tu écris en français ou en anglais ?

J’ai un gros problème : j’ai un accent anglais épouvantable, et mes premiers textes sont tout simplement des modes d’emplois d’appareils ménagers. J‘habite en banlieue sud près de la coulée verte et j’écris une chanson qui s’appelle Green track, pour dire… je suis vite passé au français.

C’est l’époque où j’habite en colocation dans un pavillon en banlieue, je m’aménage un petit studio dans la cave où je compose beaucoup. J’y fais un premier album autoproduit en 2000, je l’envoie à quelques personnes et Yvan Roy - le programmateur de la scène Bastille - me propose un concert dans sa salle. Là je commence à tourner, à faire quelques premières parties, notamment d’une fille qui s’appelle Ethyl ! Et je rencontre de Nicolas Puaux (Narrow Terrence) et Christelle Lassort qui vont m’aider à concrétiser mes chansons et à prendre confiance dans mon travail.

On parle de tes chansons ? Tes morceaux sont très mélangés et limite un peu autobiographique ?

J’utilise beaucoup le « je » dans mes chansons, ça donne une couleur intimiste et autobiographique que j’aime bien. Mais la part fictionnelle reste importante dans les histoires que je raconte, je suis assez loin de ce que peut faire Mark Kozelek !

Si on suit la chronologie on s’aperçoit que tu as posé tes valises, que tu es plus structuré et que tu expérimentes.

Je suis assez d’accord, disons que depuis que j’ai pris un peu de bouteille je pense que j’ai enfin réussi à être plus sûr de moi.

Textes ou musique en premier ?

Les deux ensembles : je trouve un rif ou un accord et là il faut que tout de suite il y ait quelques mots dessus. C’est très besogneux : cela commence par une phrase puis je tire le fil et je vois comment arranger le tout. Je jette beaucoup de choses.

Ton plus vieux morceau en circulation est « Je suis un cowboy », un morceau qui me fait beaucoup penser à du Vanot ou du Murat, la filiation avec certains groupes américains de country est assez évidente. Comment est né le morceau ?

J’ai écrit le morceau en 2004 et c’est vrai qu’à l’époque j’écoutais beaucoup Murat. J’ai longuement expérimenté cette chanson dans les bars. J’ai écumé tous les rades de Paris où on peut jouer contre un plat chaud et un chapeau, sans faire trop de bruit pour ne pas emmerder les voisins. Je suis seul sur scène, juste avec une pédale de sample. Arrive ensuite un bassiste puis un clavier et un batteur. Avec cette formation je fais un 4 titres en 2008 que j’envoie à plein de labels, sur les conseils de Denis Zorgniotti de « Benzine Magasine ». Le seul à m’avoir répondu c’est Ignatus, pour m’encourager ! C’est quelqu’un qui m’avait marqué avec « Les Objets ».

Tu le fais où, ce 4 titres ?

à mercredi 9, un studio dans le 20e que je partage avec des copains musiciens d’horizons différents. Je sors le disque sous le titre de « Premier Novembre ». Par l’intermédiaire de ma femme, je rencontre Christine Marrou, une réalisatrice et on part trois jours dans le Lot tourner le clip pour le Cowboy. Le tout pour moins de 500 €.

L’influence de Murat est très marquée sur ce clip.

Le côté rural, tu veux dire ? Oui peut être. Avec Christine, on s’était beaucoup parlé du film « Dead man » de Jim Jarmush et d’Alain Guiraudi aussi.

https://www.youtube.com/watch?v=CSbBjlsnpug

En même temps tes chansons sont très simples : on peut les jouer à la guitare. Ta musique est intimiste, elle peut être jouée partout mais avec un côté saison : été ou hiver !

L’été en solo guitare acoustique voix, et l’hiver en trio guitare électrique / basse / batterie !

Tu es donc bien entouré ?

(Rires) Pas vraiment ! J’écris et je compose seul, je n’ai pas de manager ou de tourneur… En revanche j’ai la chance d’être soutenu par Nicolas Puaux, Benoit Prisset, Cristian Sotomayor, Alain Astruc ou encore Christophe Lavergne. Ils sont musiciens, ingénieur du son, photographe, maquettiste et collaborent étroitement à mon projet.

A l’écoute de tes titres, on a l’impression que ton son se durcit...

J’aime bien les guitares mordantes.

Autre grosse influence pour toi, c’est Neil Young !

Ça s’entend ? Pour moi c’est un grand artiste immense, capital et brillant ! C’est quelqu’un qui m’a beaucoup marqué ! Et vers qui je me tourne encore souvent.

Tu as une culture personnelle importante ?

J’ai besoin de me nourrir pour pouvoir écrire des chansons donc je lis, je vais au cinéma, au théâtre, j’écoute la radio. Et j’écoute beaucoup de musique.

Tu as aussi une écriture cinématographique ?

Je suis un peu - beaucoup ciné phage alors par capillarité cela doit me contaminer.

Tu as combien de titres ?

Une vingtaine, dont quatre enregistrés et deux maquettés, je sors un clip mi-janvier : Valparaiso.

Un album pour bientôt ?

Non ! Je n’ai pas envie de passer un an et demi sur l’écriture et l’enregistrement d’un disque pour le voir disparaître et tomber dans l’oubli deux mois après sa sortie ! Pour l’instant je cherche plutôt à utiliser internet pour commencer à exister : je sors un clip maintenant, un autre en mars, puis un six titres avant l’été et après je recommence. J’envisage chaque chanson comme un single. Je sors des 45T numériques que je compile ensuite sur un support physique.

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(credit photo KF studio157)

Tes projets dans les mois qui viennent ?

Sortir mon Ep avec un crowfunding, et jouer : je fais ces temps-ci des concerts solo en appartement et cela va bien à ma musique. Je compose pour le théâtre et pars pour 2 mois de création et de tournée. Et je joue aussi avec Bertrand Louis en tant que guitariste. Cela me permet de vivre de la musique mais pas encore de mes chansons !

Ton ambition ?

Faire exister ma musique.

Interview Co réalisée avec Florence Soustre- Gasser

Merci à Jerome Castel pour sa disponibilité 

A Benoit et Marion pour la découverte